Cass. com., 26 mai 1999, n° 96-22.446
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hopi (SA), Piguet (SARL)
Défendeur :
Roger
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Tric
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Peignot, Garreau, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 1996), que la société Piguet, dont M. Thomas et M. Caujat étaient agents commerciaux, a modifié son outil informatique pour le rendre plus performant et a demandé à ses agents une redevance que tous ont acceptée sauf M. Caujat ; que M. Thomas a fourni à ce dernier les renseignements qu'il ne pouvait plus obtenir de la base informatique centrale ; que la société Piguet a rompu le contrat de M. Thomas ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches : - Attendu que la société Hopi et la société Piguet font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à M. Thomas les sommes de 900 000 francs à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial et 150 000 francs à titre d'indemnité de préavis, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la directive interne du 12 juillet 1991 qui interdisait à tout agent lié à la société Piguet, sauf transfert de dossier effectué volontairement, de renseigner qui que ce soit sur une entreprise dont le siège n'était pas situé dans le secteur de l'agent intéressé ; que ce faisant, elle a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'aux termes de son contrat, M. Thomas s'était engagé dans les limites du département de la Seine-Saint-Denis à rechercher, rédiger et expédier les renseignements commerciaux demandés par les clients de la société suivant les méthodes et dispositions de la société ; que la société Piguet avait fait valoir qu'en fournissant des renseignements de nature commerciale dans des conditions irrégulières, au mépris de ses directives, à un agent d'un autre secteur, qui avait lui-même refusé d'accepter le système informatique mis en place par la société, M. Thomas avait délibérément enfreint les stipulations de son contrat ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, pour les seules raisons que la société Piguet n'aurait pas subi de préjudice, et que M. Thomas n'aurait pas enfreint des instructions expresses de cette société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors enfin, que la société Piguet avait fait valoir dans ses écritures que le comportement de M. Thomas avait eu pour conséquence de perturber gravement le fonctionnement du réseau informatique et notamment de faire disparaître certains renseignements, ce qui était de nature à lui occasionner un préjudice certain ; que de ce chef également, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que s'étant trouvée dans la nécessité d'interpréter la directive dont les termes n'étaient ni clairs, ni précis,la cour d'appel a souverainement retenu, sans en méconnaître le sens et la portée, que ce document tendait à empêcher les agents, non pas d'échanger entre eux des renseignements, mais de renseigner les clients du réseau sur des entreprises ne se trouvant pas dans leur secteur ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient que la société Piguet ne rapporte pas la preuve que M. Thomas avait méconnu les méthodes et dispositions de la société et fourni des renseignements commerciaux dans des conditions irrégulières, ce dont il résulte que la preuve de la violation des obligations contractuelles n'est pas rapportée;
Attendu, enfin, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel a retenu que ni la preuve d'un préjudice financier, ni la preuve d'un dommage technique causé à la base de données n'était rapportée ; d'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen pris en ses deux branches : - Attendu que la société Hopi et la société Piguet font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à M. Thomas les sommes de 900 000 francs à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial et 150 000 francs à titre d'indemnité de préavis, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en statuant de la sorte tout en constatant que M. Thomas n'avait pas créé de clientèle et sans s'expliquer davantage sur la nature et l'étendue du préjudice allégué, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 3, alinéa 2 du décret du 23 décembre 1958 alors applicable et de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'indemnité prévue par le texte susvisé exclut toute autre indemnité en l'absence de dispositions contraires ; qu'en accordant une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a violé l'article 3, alinéa 2 du décret du 23 décembre 1958 et l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé qu'il y avait lieu de compenser le préjudice subi du fait de la rupture, l'arrêt fixe souverainement le montant de l'indemnité due en vertu de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;
Attendu, d'autre part, que ce dernier texte n'exclut pas l'attribution de l'indemnité de préavis lorsqu'elle a été contractuellement prévue ; que l'arrêt relève que la convention des parties avait stipulé une indemnité de préavis de trois mois, sauf faute de l'agent non établie en l'espèce ; d'où il suit que la cour d'appel a justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.