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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 27 mai 1999, n° 9603248

ROUEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Piednoël (Époux), Bourgouin (ès qual.), Thirion (ès qual.)

Défendeur :

Alizay Boissons (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Credeville

Conseillers :

MM. Dragne, Perignon

Avoués :

Me Couppey, SCP Reybel-Theubet

Avocats :

Mes Legigan, Casoni

T. com. Neufchatel-en-Bray, du 21 janv. …

21 janvier 1994

Faits et procédure

M. Piednoël, exploitant un débit de boissons à l'enseigne " Aux Amis de la Route " sis à Neufchâtel en Bray, et son épouse Mme Fabulet, ont successivement conclu en juin 1990 :

1° - Le 6 du mois " une convention de fournitures " avec la société Alizay Boissons, désignée comme étant " le distributeur " :

Après l'indication du nom des parties, cette convention porte, en tête, la mention " objet : prêt avec promesse de subvention de 60 000 F ". Il y est précisé que " dans le cadre de sa politique commerciale, le Distributeur ...accorde ou fait consentir des crédits ou des prestations à sa clientèle " et qu'en " contrepartie des avantages financiers consentis " les époux Piednoël prennent " à son égard ", pour une durée de cinq années, les " engagements d'achat exclusif suivants " :

- pour les bières, engagement de se fournir exclusivement en produits des marques désignées en annexe (avec un minimum de 120 hectolitres par an), sous réserve de bières de type différent, lorsque certaines conditions sont remplies, et

- pour les autres boissons, engagement de " se fournir uniquement en produits des types ci-après désignés, annexe page cinq ".

Outre ces annexes, le contrat en comporte une supplémentaire signée des époux Piednoël, pour prévoir le versement à leur profit, pendant la durée de la convention, d'une subvention par hectolitre des bières Stella Artois, Club, Leffe et Lobourg débitées, dans la limite d'un plafond. Toutefois, les rubriques relatives au montant de la subvention et de son plafond, sont laissées en blanc.

2° - Le 25 du même mois, un " acte de prêt " avec la Banque Populaire de Paris, portant sur l'octroi d'un crédit de 60 000 F + 2 000 F de frais au taux de 13,05 % l'an, remboursable en 84 mensualités de 1 147,87 F :

Mention est successivement faite, dans le corps de l'acte, de l'intervention de la société Interbrew France, désignée comme étant " la brasserie ", ainsi que de celle de la société Alizay Boissons, désignée comme étant " l'entrepositaire ".

La société Interbrew France déclare se porter caution du prêt à hauteur de 50 % (article 5). Il y est par ailleurs précisé que " saisie des préoccupations financières de son client et garantie par les engagements pris par l'entrepositaire indépendant dans le présent écrit, la Brasserie a obtenu le concours de la Banque qui en échange de l'engagement de caution donné par la Brasserie, a accepté de réaliser ce prêt ".

Suit l'engagement pris pour sept années :

- par les époux Piednoël, de se fournir uniquement en bières de la brasserie désignées sous leur marque (avec un minimum de 100 hectolitres par an), sous réserve de bières d'un type différent, lorsque certaines conditions sont remplies ;

- par la Brasserie, de verser aux époux Piednoël une subvention de 62,14 F par hectolitre de certaines de ces bières (Stella Artois, Club de Stella et de Leffe), sans que la subvention puisse excéder 6.214 F par an.

De son côté, la société Alizay Boissons s'engage, sous le titre " caution et promesse de subvention de l'entrepositaire ", à verser annuellement pendant sept années une subvention égale de 71 F par hectolitre des mêmes bières, sans que la subvention puisse excéder un maximum de 7 100 F.

Arguant du non-respect des quantités auxquelles ils s'étaient engagés (baisse de 50 %, dès l'année 1991, sur les boissons autres que bières, portée à 90 % pour les mois de mai à décembre 1992), la société Alizay Boissons a fait assigner les époux Piednoël en résiliation de la convention du 6 juin 1990 et paiement de l'indemnité contractuelle, soit la somme de 66 847 F.

Les époux Piednoël se sont opposés à ses prétentions en invoquant notamment la nullité de cette convention sur le fondement des articles 1102 et 1131 du Code civil et, subsidiairement, la nullité de celle du 25 juin 1990 sur le fondement de l'article 85-1 du Traité de Rome et de l'article 6 du règlement CEE n° 1984/83.

Par jugement du 21 janvier 1994, le tribunal de commerce de Neufchâtel en Bray a :

- notamment retenu :

Sur la validité de la convention du 6 juin 1990 : ..... il appert que la cause de la susdite convention du 6 juin 1990 pour la SA Alizay Boissons est celle d'accorder ou de faire consentir des crédits ou des prestations à un client, en l'occurrence ici les époux Piednoël...

Il appert que la cause existe bien et qu'au surplus, elle a été réalisée contrairement à ce qu'indiquent les débitants...

En l'espèce la SA Alizay Boissons a bien fait accorder aux époux Piednoël un prêt par la BNP en date du 25 juin 1990... le brasseur a bien accordé une subvention.

Sur la validité de la convention du 25 juin 1990 : ... il appert... que si les époux Piednoël ont bénéficié d'un prêt de 60 000 F preuve est bien rapportée que c'est bien grâce au contrat qu'ils ont conclu avec la SA Alizay Boissons en échange de leur engagement d'approvisionnement exclusif auprès de celle-ci...

Au surplus, un accord fut-il seulement conclu avec la société Interbrew France, ne leur aurait pas permis de bénéficier du prêt de 60 000 F par la BNP... par conséquent, c'est bien l'engagement d'approvisionnement auprès de la SA Alizay Boissons qui a permis aux époux Piednoël de bénéficier du prêt de 60 000 F...

La SA Alizay Boissons est bien en mesure de revendiquer une indemnité pour rupture des relations contractuelles...

Sur la nullité de la convention du 25 juin 1990 au regard du droit communautaire : ... il échet de constater que ladite convention passée en date du 25 juin 1990, s'analyse bien en une convention bilatérale, dans laquelle le distributeur la SA Alizay Boissons intervient cette fois-ci en qualité de fournisseur...

Il appert que la convention distingue bien les différents accords entre le brasseur et le revendeur...

Il a été jugé (CA de Rouen 2e chambre civile arrêt du 16 février 1992), que le fait que soit rappelé dans le préambule de la convention commerciale, le contrat de prêt obtenu par les débitants avec le concours du brasseur et du distributeur, n'implique aucune confusion ni unité entre les deux conventions mais explique seulement les mobiles et les motifs déterminants qui ont amené les parties à contracter...

Par conséquent, la convention du 25 juin 1990, sera déclarée valable, puisque passée seulement entre deux parties.

Les époux Piednoël prétendent également que la convention est nulle au motif qu'elle ne comporte pas les avantages financiers ou économiques que sont en droit d'attendre les parties à une convention d'achat exclusif...

Au demeurant, il a bien été indiqué dans la convention SA Alizay Boissons accordait un prêt de 60 000 F en contrepartie de leur engagement d'achat exclusif...

Il échet de constater contrairement à ce qu'ils soutiennent que les avantages accordés par la SA Alizay Boissons étaient corrects puisqu'elle leur a fait consentir un prêt de 60 000 F par la BNP et qu'elle s'est engagée à verser une subvention, tout comme la société Interbrew France s'est elle-même engagée à verser une subvention...

Par conséquent, il est bien établi que la convention n'est pas déséquilibrée et qu'elle sera déclarée valable...

Sur les indemnités de rupture... : aux termes de la convention du 6 juin 1990 il a été prévu que si le non-respect des obligations de M. et Mme Piednoël était constaté, ceux-ci seraient redevables à l'égard de la SA Alizay Boissons d'une indemnité de rupture calculée en fonction du nombre de litres de bières restant à acheter x 20 % du prix moyen de l'hectolitre de bières au jour de la rupture constatée par lettre recommandée avec accusé de réception...

Les époux Piednoël en cessant de s'approvisionner auprès de la SA Alizay Boissons ont rompu leurs engagements envers celle-ci... par conséquent la SA Alizay Boissons sera déclarée recevable en sa demande d'indemnité de rupture due au titre de la clause pénale...

Le tribunal entrera en voie de condamnation à hauteur de la somme de 59 288,12 F calculée sur 42 470 litres x 1 396 F avec intérêt au taux légal à compter du 20 janvier 1992.

Il appert que cette indemnité a été calculée d'accord entre les parties et qu'elle tend à rétablir l'équilibre du contrat...

- statué en conséquence comme suit :

Dit la demande régulière, recevable et bien fondée.

En conséquence, condamne M. et Mme Piednoël à payer solidairement à la SA Alizay Boissons, la somme de 59 288,12 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 1992.

Condamne les époux Piednoël à payer à la SA Alizay Boissons la somme de 2 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelants de cette décision, les époux Piednoël reprennent leurs moyens tirés :

- du défaut de droit à agir de la société Alizay Boissons, en l'état de ce qui serait la nullité de la convention du 6 juin 1990 dépourvue de toute contrepartie à la charge de celle-ci, et de l'absence de tout engagement pris par elle dans la convention du 25 (sans rapport avec la précédente), aucune preuve n'étant surabondamment rapportée de l'interruption de leur approvisionnement ;

- de la nullité de la convention du 25 juin 1990 au regard du droit communautaire (art. 85-1 du Traité de Rome ; règlement CEE n° 1984/83 du 22 juin 1983) qui emporterait prohibition des conventions suscrites par plus de deux entreprises, voire dans lesquelles les avantages financiers ou économiques consentis au revendeur n'existent pas ou sont octroyés à des conditions inégales voire désavantageuses.

Au demeurant, l'indemnité réclamée s'analyserait en une clause pénale dont le montant est manifestement excessif au regard des avantages consentis et des quantités irréalisables qui auraient été imposées aux époux Piednoël.

La Cour devrait donc réformer la décision entreprise et :

Déclarer nulle et de nul effet la convention du 6 juin 1990 sur le fondement des articles 1102 et 1131 du Code civil,

Déclarer la société Alizay Boissons irrecevable à agir,

Subsidiairement, déclarer nulle et de nul effet la convention du 25 juillet 1990 sur le fondement de l'article 85-1 du Traité de Rome et de l'article 6 du règlement CEE n° 1984/53,

Plus subsidiairement encore, réduire sensiblement le montant des sommes qui pourraient être mises à la charge des époux Piednoël,

En tout cas, condamner la société Alizay Boissons à payer aux époux Piednoël la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

M. Piednoël ayant été placé en redressement judiciaire le 3 février 1995, Mes Bourgouin et Thirion, agissant respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers, sont intervenus à la procédure pour demander à la Cour de leur donner acte de ce qu'ils... donnent adjonction aux conclusions déposées à la requête des époux Piednoël.

La société Alizay Boissons s'est attachée à réfuter point par point cette argumentation en insistant notamment sur le fait que :

- la convention du 6 juin 1990, servant de base à ses prétentions, se suffirait à elle-même et comporterait bien, à sa charge, une contrepartie à l'exclusivité d'approvisionnement stipulée à son profit ;

- la convention du 25 juin 1990, ne s'analysant nullement en une convention tripartite, serait comme la précédente parfaitement régulière au regard du droit communautaire.

Aucun des moyens invoqués ne pourrait remettre en cause la décision des premiers juges. Tout au plus y aurait-il lieu de tenir compte de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de M. Piednoël, au passif duquel la société Alizay Boissons aurait régulièrement déclaré sa créance.

Il appartiendrait en conséquence à la Cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme Piednoël à payer à la société Alizay Boissons la somme de 59 288,12 F avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 1992, jusqu'au paiement effectif, et 2 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Fixer au passif de M. Piednoël la créance de la société Alizay Boissons comme suit :

- principal : 59 288,12 F,

- intérêts au taux légal du 28 janvier 1992 au 3 février 1995, date du jugement d'ouverture :16 904,10 F,

- article 700 (première instance) : 2 500 F,

Recevant la concluante additionnellement demanderesse :

Condamner supplémentairement les époux Piednoël, ainsi que Me Bourgouin et Me Thirion es qualités, à payer à la société Alizay Boissons une somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour frais irrépétibles en appel.

Par arrêt du 20 mai 1998, la Cour d'Appel de Rouen a sursis à statuer et invité les parties qui semblent s'accorder pour admettre que l'opération dont elles sont convenues tombe sous le coup de la prohibition prévue à l'article 85-1 du Traité de Rome des accords et pratiques concentrés restrictifs de concurrence à l'intérieur du marché commun, à s'expliquer sur le point de savoir si la société Alizay Boissons peut se prévaloir du bénéficie de l'exemption prévue au règlement CEE du 22 juin 1983 dès lors que le règlement :

- limite l'exemption " aux accords auxquels ne participent que deux entreprises " le nombre de ces dernières étant alors porté à au moins trois ;

- en excluant les accords conclus pour une durée excédant cinq ans dans la mesure où l'obligation d'achat exclusif concerne certaines bières et certaines catégories de boissons (article 81 C), la durée en l'espèce prévue pour les bières étant, par l'effet du second acte, portée à sept ans.

Les époux Piednoël, Me Bourgouin agissant en qualité d'administrateur judiciaire, Me Thirion agissant es qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de M. Piednoël font valoir que :

- ou bien les contrats du 6 juin 1990 et du 25 juin 1990 sont dissociables et le prêt de 60 000 F est la contrepartie de l'engagement pris par les époux Piednoël à l'égard de la brasserie Interbrew France de sorte qu'il ne peut être la contrepartie de celui du 6 juin 1990 qui est dès lors dépourvu de cause.

- ou bien les actes sont indissociables et il s'agit alors d'accords auxquels participent, plus de deux entreprises et conclus pour une durée supérieure à cinq ans et l'acte du 6 juin 1990 est causé mais tombe sous le coup de la prohibition de la règle communautaire.

Qu'il s'ensuit que dans l'un et l'autre cas l'acte du 6 juin 1990 est nul soit pour n'être pas causé, soit parce qu'il constitue un accord tripartite.

La société Alizay Boissons qui fonde son action sur le seul contrat du 6 juin précise que l'engagement des époux Piednoël de se fournir auprès de la société Alizay Boissons avait pour contrepartie :

- d'une part la subvention accordée directement par la société Alizay Boissons de 71 F par hectolitre de certaines bières, pendant sept ans.

- d'autre part le prêt que la société Alizay Boissons a fait consentir par la banque, cautionné à hauteur de 50 % par le brasseur la société Interbrew France.

Sur ce

Attendu que les parties au premier contrat sont les sociétés Alizay Boissons et les époux Piednoël,

Attendu que les engagements sont les suivants :

- la société Alizay Boissons accorde ou fait consentir des crédits ou des prestations aux époux Piednoël, qu'il reste remarquable de constater que cette disposition sera réalisée par le contrat du 25 juin 1990 en vertu duquel seront consentis, d'une part un prêt de 60 000 F, d'autre part des subventions.

- Les époux Piednoël s'engagent en contrepartie à se fournir pendant cinq ans auprès de la société Alizay Boissons (distributeur) en bières expressément désignées dans l'année du contrat avec un minimum de 120 hectolitres par an, pour les autres produits selon une liste annexée au contrat,

Que la sanction du non-respect des engagements est la faculté d'exiger le remboursement immédiat du prêt augmentée d'une indemnité de rupture de 20 % du prix moyen de l'hectolitre de bière au jour de la rupture constatée, appliqué au nombre de litres de bière restant à acheter si le contrat s'était poursuivi ; que force est de constater l'absence de contrepartie aux obligations imposées aux époux Piednoël, la remise des fonds n'ayant eu lieu que dans le cadre du contrat du 25 juin 1990.

Attendu que les parties au second contrat du 25 juin 1990 sont :

- la BNP qui intervient en qualité de prêteur,

- Interbrew France qui intervient en qualité de brasseur,

- Alizay Boissons qui intervient en qualité d'entrepositaire,

- les époux Piednoël qui interviennent en qualité de débitants de boisson.

Que l'économie du contrat est :

- le prêt de 60 000 F consenti par la BNP aux époux Piednoël avec caution de la société Interbrew France à hauteur de 30 000 F et la contrepartie acceptée par les époux Piednoël qui s'engagent pendant sept ans à se fournir de certaines bières auprès de la société Interbrew France ou de son entrepositaire par lui désigné, la société Alizay Boissons avec un minimum de 100 hectolitres par an,

- les subventions de la part - de la société Interbrew France pendant sept ans de 62,14 F par hectolitre de bière vendu dans la limite de 6 214 F par an, - de la société Alizay Boissons pendant sept ans de 71 F par hectolitre de bière avec un maximum de 7 000 F par an.

Attendu qu'il se déduit de ces éléments que la remise de fonds qui dans le contrat du 6 juin 1990 constitue l'obligation principale de la société Alizay Boissons en fonction de laquelle les époux Piednoël se sont engagés n'a pas eu lieu ; que bien plus, le prêt ou promesse de subvention de 60 000 F prévu dans cette convention a eu lieu à l'occasion de la deuxième convention ; qu'ainsi les époux Piednoël n'ont pas bénéficié dans le cadre du premier contrat de contrepartie à leur engagement puisque celui de leur cocontractant ne s'est réalisé que dans le second contrat.

Que ces éléments n'ont été déterminés que dans le second contrat où ils sont précisés.

Que d'ailleurs dans le premier contrat la mention " objet : prêt avec promesse de subvention de 60 000 F " pouvait s'entendre du montant du prêt comme de celui de la subvention dont le mode de calcul n'est pas défini ;

Qu'enfin l'annexe prévoyait le versement au profit des époux Piednoël d'une " subvention " par hectolitre de certaines bières sans précision de chiffre.

Qu'en réalité le prêt de 60 000 F promis dans l'article du 6 juin 1990 par la société Alizay Boissons est la contrepartie de l'engagement pris par les époux Piednoël à l'égard de la brasserie Interbrew France.

Qu'il s'ensuit qu'il n'est pas la contrepartie de l'acte du 6 juin 1990 qui est dès lors dépourvu de cause et en tant que tel, nul en application des articles 1102 et 1131 du Code civil ;

Attendu en outre que selon l'article 6 du règlement CEE n° 1984/83 ne sont autorisés que " les accords auxquels ne participent que deux entreprises et dans lesquels l'une, le revendeur, s'engage vis à vis de l'autre, le fournisseur en contrepartie de l'octroi d'avantages économiques ou financiers, à n'acheter qu'à celui-ci, à une entreprise liée à lui ou à une entreprise tierce qu'il a chargée de la distribution de ses produits dans le but de la revente dans un débit de boissons désigné dans l'accord, certaines bières ou certaines bières et boissons spécifiées à l'accord ",

Attendu qu'en l'espèce où il est établi que l'acte du 25 juin 1990 est la contrepartie des engagements du 6 juin 1990 et que ces deux contrats sont indissociables, le deuxième étant la cause du premier, les actes sont nuls puisqu'il s'agit d'accords auxquels participent plus de deux entreprises et conclus pour une durée supérieure à cinq ans;

Qu'en effet il ne peut être sérieusement soutenu par la société Alizay Boissons qu'il s'agit d'une convention bipartite visée par le règlement CEE de la commission du 22 juin 1983 et autorisée par lui alors qu'elle reconnaît dans ses écritures que le crédit promis par la société Alizay Boissons est le prêt qu'elle a fait accorder par la BNP aux époux Piednoël, prêt qui n'a pu être octroyé que grâce à la caution donnée par la société Interbrew France à hauteur de 50 % ;

Attendu ainsi que l'exemption dont se prévaut la société Alizay Boissons qui se limite aux accords bipartites et exclut ceux conclus pour une durée dépassant cinq années ne peut lui bénéficier ;

Attendu dans ces conditions qu'il est inéquitable de laisser à la charge des époux Piednoël les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion du présent litige ;

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement, Déclare nulle la convention du 6 juin 1990 ainsi que celle du 25 juin 1990. Dit que la société Alizay Boissons doit verser la somme de cinq mille Francs (5 000 F) aux époux Piednoël sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Lui laisse la charge des dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.