Cass. com., 8 juin 1999, n° 96-19.145
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Scanazur (SARL)
Défendeur :
MCI Europe BV (Sté), Prochar (SA), Tessendorlo Chemie (SA), PB Gelatins (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Vigneron
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
Me Garaud, SCP Monod, Colin.
LA COUR : - Donne acte à la société Scanazur de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre la société MCI Europe BV ; - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 6 juin 1996), que, par contrat du 23 juillet 1987, la société Prochar a concédé à la société Scanazur la distribution exclusive de ses produits de marque "Delectarome" sur un territoire déterminé pendant une durée de 10 ans à compter du 1er juillet 1987 ; que, par lettre du 1er juin 1989, le concédant a résilié ce contrat ; que la société Scanazur a assigné les sociétés Prochar, Tessenderlo Chemie et PB Gelatins en paiement de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat ;
Attendu que la société Scanazur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que si, selon l'article 19 du contrat de concession exclusive daté du 25 juillet 1987, tout manquement de l'une des parties à ses obligations pouvait entraîner la résiliation du contrat, l'article 16 de ce contrat précisait que le concessionnaire, la société Scanazur, disposait de 3 ans, à compter du 1er janvier 1988, pour mettre en place les réseaux de vente, période pendant laquelle les quotas de vente n'avaient qu'une valeur indicative ; que pour déclarer justifiée la résiliation immédiate du contrat par le concédant intervenue le 1er juin 1989, soit 17 mois seulement après le début de la période de 3 ans susvisée, la cour d'appel s'est bornée à relever que la société Scanazur n'avait réalisé aucun chiffre d'affaires, ce qui aurait été en contradiction avec les quotas de vente fixés par l'article 19 ; qu'en rendant ainsi obligatoire les quotas de vente donnés à titre indicatif, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de concession et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que dans ses écritures d'appel, la société Scanazur faisait valoir que ses efforts de prospection avaient déjà abouti à quelques ventes, notamment chez William Saurin, et que c'était également à ce titre qu'elle réclamait le paiement d'une facture de commissions en date du 19 juin 1989 d'un montant de 807 francs correspondant à des livraisons de Delectarome 1000/30 pour les Pays-Bas ; qu'en affirmant cependant que "Scanazur reconnaît n'avoir produit aucune vente", la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la société Scanazur et violé par là-même, les articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que les clauses résolutoires doivent exprimer de manière non équivoque la commune intention des parties de mettre fin de plein droit à leur convention ; que dans ses écritures d'appel signifiées les 3 août 1994 et 30 janvier 1996, la société Scanazur faisait valoir que l'article 19 du contrat de concession exclusive date du 25 juillet 1987, selon lequel "tout manquement de l'une ou l'autre des parties à ces clauses entraînera la résiliation du contrat sans indemnité par lettre recommandée avec accusé de réception", ne constituait pas une clause résolutoire de plein droit et impliquait que la résolution soit demandée en justice conformément à l'article 1184 du Code civil ; qu'en affirmant par une pétition de principe que "l'inexécution de ses obligations par une partie au contrat entraîne la résiliation de celui-ci, sauf à ce que la juridiction compétente vérifie les circonstances de la résiliation et se prononce sur le caractère brusque ou non, abusif ou non de la rupture et sur le droit ou non à indemnités", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que le concédant engage sa responsabilité en rompant brutalement, sans mise en demeure préalable et sans délai de préavis, un contrat de concession exclusive ; que dans ses conclusions d'appel, la société Scanazur faisait valoir que le concédant avait résilié le contrat de concession exclusivement et unilatéralement, sans mise en demeure ni préavis ; que la cour d'appel a déclaré justifiée la résiliation du contrat de concession sans constater que le concédant avait adressé à la société Scanazur une quelconque mise en demeure préalable d'avoir à respecter les quotas de vente fixés par le contrat et sans rechercher si le concédant lui avait accordé un délai de préavis avant de rompre unilatéralement le contrat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1184 du Code civil et 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés et hors toute dénaturation, l'arrêt après avoir constaté que le contrat de concession contient une clause résolutoire en cas de manquement par une partie à ses obligations, relève qu'en dépit de plusieurs avertissements, la société Scanazur n'a réalisé aucune vente pendant la durée des relations contractuelles, alors qu'au cours de la même période, les ventes des produits "Delectarome" avaient progressé en dehors du territoire concédé et retient qu'en raison de cette grave faute, le concédant était en droit de résilier immédiatement le contrat sans indemnité; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a estimé que la décision de rupture n'avait pas été brutale, a légalement justifié sa décision; que le moyen est sans fondement ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.