CA Paris, 5e ch. C, 25 juin 1999, n° 1997-17389
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aprilia France (SA)
Défendeur :
Scooter Bike (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
MM. Bouche, Savatier
Avoués :
SCP Varin-Petit, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Penot, Bourgeon.
Par acte du 10 mai 1994, la société Aprilia a concédé à la société Scooter Bike, exploitant sous la dénomination Racing Motorbike, la distribution de ses produits, des motocycles, pour la période du 27 avril 1994 au 31 décembre 1996.
Par lettre recommandée du 12 septembre 1995, elle a écrit à la société Scooter Bike qu'elle se trouvait contrainte de rompre ce contrat à compter de ce jour, et que " le délai de préavis légal étant de six mois, vous conserverez tous vos droits jusqu'au 12 mars 1996 ".
Sur assignation de la société Scooter Bike, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 17 juin 1997, dit que la société Aprilia a commis une faute en rompant de façon abusive le contrat et a condamné celle-ci à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages intérêts, outre celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société Aprilia fait valoir :
- qu'elle était fondée à reprocher à son concessionnaire le non-respect des objectifs déterminés pour 1995, puisqu'il n'a vendu que 46 engins pour un objectif de 80 et qu'au moment de la rupture il en avait vendu seulement 31,
- qu'elle a proposé à la société Scooter Bike de prolonger le préavis jusqu'au terme du contrat, ce qui ne saurait constituer une grossière manœuvre comme l'a retenu le tribunal,
- que celle-ci a refusé cette poursuite des relations,
- que le préjudice doit être calculé sur la seule période du 13 mars 1996 au 31 décembre 1996, date à laquelle devait prendre fin le contrat,
- qu'il doit être calculé en retenant un taux de 18 % et non de 24 % et ne saurait être supérieur à 100 000 F.
Elle demande l'infirmation du jugement et que la société Scooter Bike soit déboutée de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Scooter Bike demande la confirmation du jugement et que son préjudice soit fixé à la somme de 385 000 F. Elle demande en outre 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle prétend n'avoir commis aucun manquement à ses obligations et que les ventes réalisées en quatre mois et demi (31 engins) étaient conformes à l'objectif assigné pour la période du 1er mai 1995 au 1er mai 1996. Elle soutient que la société Aprilia n'a pas été loyale en offrant de prolonger les relations auxquelles elle avait mis fin. Elle fait valoir que son préjudice doit s'apprécier sur une durée de onze mois puisque la société Aprilia avait cessé dès janvier 1996 d'exécuter loyalement le contrat et qu'il doit être calculé sur la marge brute qu'elle retirait de son activité avec ce distributeur selon le taux de marge moyen.
Sur ce, LA COUR :
Considérant que le contrat de distribution liant les parties était à durée déterminée et que son terme avait été fixé au 31 décembre 1996 ; que dès lors la résiliation intervenue à l'initiative de la société Aprilia le 12 septembre 1995, pour le 12 mars 1996, est anticipée ;
Considérant que pour justifier cette résiliation, elle se borne devant la cour à invoquer le non-respect par la société Scooter Bike des objectifs de vente fixés pour l'année 1995 ; que toutefois elle ne justifie pas avoir mis son distributeur en demeure de remplir ses obligations, comme elle y était pourtant tenue par l'article 17 du contrat;
Qu'elle ne rapporte pas plus la preuve de la réalité de ce manquement; qu'il suffit d'ajouter aux motifs des premiers juges, que la cour adopte, qu'il ressort des éléments du dossier, et notamment de l'annexe du contrat, que la période à laquelle s'appliquait cet objectif n'était pas l'année civile mais la période allant du 27 avril 1995 au 26 avril 1996, seconde année d'exécution du contrat ; qu'ainsi, à la date d'envoi de la lettre de résiliation, le premier semestre de celle-ci n'était pas encore expiré, et sur les quatre premiers mois de la période, la société Scooter Bike avait déjà vendu 25 engins, comme l'indique le tableau produit par la société Aprilia, ce qui ne permettait pas de retenir qu'elle ne pourrait atteindre l'objectif ;
Considérant que la rupture est donc imputable à la société Aprilia qui, ayant commis une faute, doit en réparer les conséquences sans pouvoir se prévaloir de ce qu'elle aurait, le 29 janvier 1996, proposé la poursuite des relations jusqu'au terme du contrat, puisqu'elle avait déjà rompu celui-ci, de sorte que la société Scooter Bike n'était pas tenue d'accepter la prolongation des effets de ce contrat au delà de la date fixée dans la lettre de résiliation ;
Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation du montant du préjudice subi ; que, contrairement à ce que soutient la société Aprilia, il ne s'est pas fondé sur la perte de la marge brute pour une durée d'un an, mais seulement pour la période séparant la date de résiliation du terme normal du contrat pendant laquelle celui-ci aurait dû produire ses effets, soit un peu plus de 9 mois ; qu'au regard des pièces produites et des explications des parties, le taux de marge de 24 % n'apparaît pas exagéré, compte tenu de ce qu'il y a lieu de retenir un taux moyen comprenant, notamment, l'activité après-vente induite par la vente des véhicules neufs ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Aprilia à payer à la société Scooter Bike la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, Condamne la société Aprilia à payer à la société Scooter Bike la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Roblin, Chaix, De Lavarene, avoué, comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.