CA Paris, 5e ch. B, 30 septembre 1999, n° 1997-02779
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Girard (ès qual.), Compagnie générale des croisières (Sté)
Défendeur :
Cunard Line Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
SCP Varin-Petit, SCP Duboscq-Pellerin
Avocats :
Mes Geffrier, Vitale Mardyks, Rieuneau.
Maître Jean-Claude Girard ès qualité de mandataire liquidateur de la société Compagnie Générale de Croisière, CGC, a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 17 décembre 1996 par le Tribunal de Commerce de Paris qui a constaté l'accord intervenu entre les parties sur la créance due par la société CGC à la société Cunard Line Limited (Cunard), a fixé à 6.729.211,96 F la créance de la société Cunard dans la liquidation judiciaire de la société Compagnie Générale de Croisière augmentés des frais encourus par la société Cunard au titre de la saisie conservatoire à laquelle elle a procédé le 15 juin 1995, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et a ordonné l'exécution provisoire.
Par conclusions du 9 avril 1999 Maître Jean-Claude Girard, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Compagnie Générale de Croisière (CGC) appelant, expose :
- que par lettre du 24 juin 1987, puis par contrat du 1er mars 1993 conclu pour un an et reconduit tacitement à compter du mois de juin 1994, la société britannique Cunard a désigné la société CGC comme son agent général exclusif pour la France,
- que selon l'article 6 du contrat, la société CGC devait soumettre à la société Cunard dans les 15 jours de chaque mois un compte des réservations effectuées pendant le mois précédent, et transmettre toutes les sommes perçues pour le mois précédent,
- que si des retards de paiement sont apparus dans les faits, ces retards n'étaient nullement imputables à l'appelante qui se voyait imposer les conditions d'importants groupes de réservation et n'ont jamais fait l'objet de critiques de la part de la société Cunard,
- que ce contrat a été résilié par la société Cunard le 3 octobre 1994 avec un préavis de trois mois, sans que la société Cunard cherche à se prévaloir d'une faute quelconque de l'appelante,
- que la société CGC est fondée à demander l'indemnisation de ses préjudices subis du fait de cette résiliation, soit une somme globale de 8.626.197,77 F ainsi que sa compensation avec les sommes dues par elle à la société Cunard que l'appelant ne conteste pas,
- que toutefois il demande que les sommes réclamées ne portent pas intérêt à compter de la liquidation judiciaire de la société CGC conformément à l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985.
Il fait valoir :
- que le choix des parties de soumettre le contrat au droit anglais ne leur permet pas de déroger aux dispositions d'ordre public du for, ainsi que le prévoient les articles 9, 12 et 16 de la convention de la Haye du 14 mars 1978 relative à la loi applicable au contrat d'intermédiaire et à la représentation,
- que le droit de la société CGC de recevoir cette indemnisation est fondé, à titre principal, sur les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 qui s'applique aux agences de voyages et donc à la société CGC, contrairement à l'appréciation des Premiers Juges, cette interprétation résultant des termes de la directive 86-653 CEE relative aux agents commerciaux et visant la protection de l'agent commercial, dont la loi précitée a assuré la transposition, comme de la directive 90-31124 CEE relative aux agences de voyages visant la protection du consommateur,
- que le montant de cette indemnisation doit être fixé à la moyenne des deux dernières années de commissions générées par les prestations effectuées pour la société Cunard en application des dispositions d'ordre public de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, soit à 6.289.744 F,
- que le droit à indemnisation de la société CGC résulte, subsidiairement, des dispositions d'ordre public de l'article 2007 du Code civil posant un principe général de droit à indemnisation en cas de rupture des relations entre le mandataire et son mandant, le caractère brutal de la rupture étant clairement établi,
- qu'il est fondé, encore plus subsidiairement, sur les dispositions de l'article 1383 du Code civil, la société Cunard ayant abusé de son droit de résilier le contrat alors que la société CGC se trouvait dans un lien de dépendance économique et que la durée du préavis était insuffisante compte tenu de l'ancienneté des relations ayant existé entre les parties.
Il ajoute que la société CGC a subi d'autres préjudices dont elle est fondée à demander réparation, et fait valoir :
- que la société Cunard n'a pas respecté le délai de préavis, en lui faisant croire en septembre 1994 que le contrat serait reconduit pour l'année 1995, en donnant son accord à la société CGC pour l'impression des brochures commerciales 1995 qu'elle a remboursées par la suite, et en présentant prématurément son nouvel agent Wingate qui a aussitôt enregistré des réservations pour l'année 1995, violant le droit d'exclusivité de l'appelante,
- que la résiliation du contrat s'est traduite par le licenciement économique du personnel de la société CGC,
- qu'elle a également entraîné la perte des commissions perçues par l'appelante sur les billets d'avion Air France acquis par les clients de la société Cunard.
Il demande à la Cour :
- de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a admis que l'appelante était l'agent exclusif de la société Cunard pour la France sur la base du contrat conclu le 1er mars 1993, et que les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 étaient d'ordre public international,
- de l'infirmer en ce qu'il a considéré à tort que les agences de voyages seraient exclues du champ d'application de la loi du 25 juin 1991,
- de lui donner acte ès qualité de ce qu'il admet la créance de la société Cunard au passif de la liquidation judiciaire de la société CGC à hauteur de 6.729.211,96 F,
- de lui donner acte ès qualité de ce qu'il propose à la Cour de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle par application de l'article 177 du Traité CE afin que soit connu le champ d'application de la directive 90/3124 CEE du 23 juin 1990 et qu'il soit répondu à la question de savoir si cette directive qui a pour objet de rapprocher les législations des Etats membres en matière de voyages, vacances et circuits à forfait, constitue ou non la réglementation de l'activité des agences de voyages alors qu'elle ne couvre pas la totalité de leurs activités,
- de condamner la société Cunard à lui payer ès qualité, à titre principal sur le fondement de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 :
* 6.289.744 F de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1995,
* 750.000 F au titre de non-respect du préavis du contrat avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1995,
* 435.054 F en remboursement du coût des licenciements économiques provoqués par la résiliation du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1995,
* 1.151.781 F en réparation de la perte des commissions sur l'achat de billets auprès de la Compagnie Air France subie par l'appelante du fait de la résiliation du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 1995,
- subsidiairement de calculer l'indemnisation due à la société CGC sur le fondement de l'article 2007 du Code civil, d'ordre public,
- encore plus subsidiairement, de calculer cette indemnisation sur le fondement de l'article 1383 du Code civil,
- d'ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties,
- de condamner la société Cunard à lui payer ès qualité 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions du 19 mai 1999, la société Cunard Line Limited, intimée, réplique
- qu'elle a signé le 1er mars 1993 avec la société CGC un contrat dit " general sales agency agreement " par lequel elle lui confiait la charge de diverses prestations d'agent de voyage concernant les produits Cunard à l'égard de la clientèle se trouvant sur le territoire français,
- que ce contrat qui faisait suite à un contrat dit " general passenger sales agreement " conclu entre les parties le 1er octobre 1987 auquel il se substituait, était expressément soumis comme ce dernier au droit anglais par les parties,
- que dès 1993, la société CGC a accusé un retard important dans l'exécution de ses obligations financières au titre des articles 5 et 6 du contrat lui imposant de reverser chaque mois à l'intimée l'intégralité du prix des passages encaissés au cours du mois précédent, et a cessé tout règlement à partir du 1er août 1994,
- que par lettre du 3 octobre 1994, l'intimée a notifié à la société CGC sa décision de résilier le contrat avec un préavis de trois mois expirant le 2 janvier 1995, conformément aux dispositions de l'article 10 du contrat, sans chercher à se prévaloir de l'inexécution par la société CGC de ses obligations contractuelles,
- que pendant ce préavis, elle a adressé vainement 9 mises en demeure à l'appelante de régler les arriérés, un échéancier convenu entre les parties le 19 janvier 1995 n'ayant eu aucune suite et une tentative de saisie conservatoire effectuée le 15 juin 1995 entre les mains de la banque OBC ayant révélé que les comptes de la société CGC accusaient un solde débiteur de 622.875,37 F.
Elle ajoute :
- que le montant en principal de la créance qu'elle détient, ne fait plus l'objet d'aucune contestation, qu'il convient cependant d'en déduire le montant d'une commission de 15.379,20 F concernant la réservation des époux Pappert, soit un montant total dû en principal de 6.716.717,06 F, et de constater que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de son exigibilité et ce jusqu'au 31 octobre 1995, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société CGC,
- que la société CGC ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 puisqu'elle exerce une activité d'agent de voyage expressément exclue de son champ d'application, les dispositions d'ordre public interne incluses dans cet article qui concernent les conséquences de la résiliation du contrat ne pouvant au surplus être assimilées à des dispositions d'ordre public international contrairement à la décision des premiers juges,
- que les dispositions des articles 2007 du Code civil français invoquées par l'appelant posent le principe inverse de l'indemnisation du mandant par le mandataire, celles de l'article 1383 du même code étant tout aussi inapplicables à une relation contractuelle gouvernée par le seul droit anglais,
- que la réclamation de l'appelant ne peut être examinée qu'au regard du droit anglais contractuellement choisi par les parties, qui n'accorde à un agent de voyage aucune indemnisation au titre de la résiliation du contrat, ainsi qu'il résulte du certificat de coutume versé aux débats par l'intimée,
- que les réclamations complémentaires formulées par Maître Jean-Claude Girard ès qualité sont sans fondement,
- que l'attitude malicieuse et la résistance abusive dont la société CGC puis Maître Jean-Claude Girard ont fait preuve alors que la créance de l'intimée était incontestable, justifient leur condamnation à lui payer 250.000 F de dommages et intérêts ;
Elle demande à la Cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'intimée créancière de la société CGC à hauteur de 6.729.211,96 F augmentés des frais de la saisie conservatoire pratiquée le 15 juin 1995,
- de le réformer partiellement en ce qu'il n'a ni pris en compte les intérêts de retard courus sur cette créance à compter du 19 janvier 1995, ni imputé sur ce montant la valeur de la commission correspondant à la réservation Pappert, soit 1.537.920 F, et de fixer en conséquence le montant de sa créance à 7.021.950,44 F en principal, intérêts et frais,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'appelant de toutes ses demandes,
- de dire que la société CGC n'est pas un agent commercial au sens de la loi du 25 juin 1991 et ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 12 de cette loi,
- subsidiairement, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les dispositions de l'article 12 de la loi du 24 juin 1991 sont susceptibles de faire obstacle à l'application de la loi anglaise du simple fait qu'elles constituent des dispositions d'ordre public interne, de constater que la loi anglaise n'accorde à la société CGC aucune indemnisation et de débouter Maître Jean-Claude Girard ès qualité de toutes ses demandes,
- de débouter Maître Jean-Claude Girard ès qualité de toutes ses demandes fondées sur les articles 2007 et 1383 du Code Civil, ainsi que de sa demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice des Communautés Européennes,
- de le condamner ès qualité à lui payer 250.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 150.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que par acte sous seing privé du 1er mars 1993, la société Cunard Line Limited (Cunard) a conclu le 1er mars 1993 avec la société CGC un contrat dit "general sales agency agreement" par lequel elle lui confiait en tant qu'agent général de vente des produits Cunard, la charge de prestations d'agent de voyages à l'égard de la clientèle se trouvant sur le territoire français ; que selon son article 10, ce contrat entré en vigueur le 1er mars 1993 et conclu pour une durée d'une année pouvait être reconduit tacitement pour une période indéterminée, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, la résiliation du contrat étant en ce cas assortie d'un préavis d'au moins trois mois ; que l'article 11 du contrat donnait à chacune des parties la faculté de résilier le contrat sans préavis dans le cas d'une inexécution des obligations contractuelles stipulées dans la convention ; que ce contrat qui faisait partie suite à une convention conclue entre les parties le 24 juin 1987, était expressément soumis au droit anglais selon son article 12 ;
Considérant que par lettre du 3 octobre 1994, la société Cunard a notifié à la société CGC sa décision de résilier le contrat sous réserve d'un préavis de trois mois expirant le 2 janvier 1995, conformément aux dispositions de l'article 10 du contrat ;
Considérant que la société Cunard réclame à Maître Jean-Claude Girard ès qualité le montant des paiements des passagers non reversés par la société CGC depuis le 1er août 1994 ; que sans contester la créance détenue par l'intimée, l'appelant lui oppose les dispositions de la loi française applicable aux agents commerciaux qui prévoient une indemnisation de l'agent en cas de résiliation du contrat, forme plusieurs demandes complémentaires de dommages et intérêts au titre des préjudices que la société CGC aurait subis du fait de cette résiliation et demande à la Cour d'ordonner la compensation de ces sommes avec celles qui lui sont réclamées ;
Sur la détermination du droit applicable à la résiliation du contrat
Considérant que Maître Jean-Claude Girard ès qualité soutient que les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 applicable aux agents commerciaux qui sont d'ordre public et prévoient une indemnisation de l'agent en cas de résiliation du contrat sans qu'une faute lui soit imputable, sont applicables à l'activité d'agent de voyage exercée par la société CGC ; qu'il affirme que ces dispositions doivent dès lors prévaloir sur celles du droit anglais contractuellement choisies par les parties ;
Qu'il invoque les dispositions de la convention de la Haye du 14 mars 1978 et de la convention de Rome du 19 juin 1980 pour soutenir que les dispositions d'ordre public du droit interne français doivent s'appliquer ; qu'il ajoute que les dispositions de la directive 90-314 CEE du 13 juin 1990 relative aux agents de voyages comme celles de la loi du 13 juillet 1992 qui l'a transposée en droit interne, qui ne prévoient pas une telle indemnisation, ne concernent que la protection du consommateur, alors que la directive 86-653 CEE du 31 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, transposée en droit interne par la loi du 25 juin 1991, s'applique également aux agents de voyages ; qu'il demande à la Cour de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle portant sur l'application de la directive 86-653 CEE aux agents de voyages ;
Que la société Cunard rétorque que l'appelant assimile abusivement les notions d'ordre public interne et d'ordre public international, expose que l'activité d'agent de voyages n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 25 juin 1991 et soutient que seul le droit anglais, contractuellement choisi par les parties, est applicable en l'espèce ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le contrat signé entre les parties concernait une activité d'agent de voyages exercée par la société CGC ; que les dispositions des articles 9, 12 et 16 de la convention de la Haye visant l'application des lois de police et des dispositions de l'ordre public international qui s'imposent aux parties quelle que soit la loi désignée par les parties, pas plus que celles de la convention de Rome applicable aux obligations contractuelles ne concernent les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 relatives aux conséquences attachées au statut d'agent commercial indépendant ; que cette loi qui dispose dans son article 1er qu'elle ne concerne pas les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques faisant l'objet de dispositions législatives particulières, n'est pas davantage applicable en l'espèce, comme le précisent sans ambiguïté ses travaux préparatoires ;
Considérant que le champ d'application de la directive 90-314 CEE relative aux agences de voyages dont la loi du 13 juillet 1992 a assuré la transposition en droit interne français, comme celui de la directive 86-653 concernant les agents commerciaux indépendants transposée par la loi du 25 juin 1991, ne posent pas de problème d'interprétation ; qu'il n'y a pas lieu de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle sur ce point ;
Considérant que les articles 2007 et 1383 du Code civil français sur lesquels se fondent les demandes nouvelles formulées par Maître Jean-Claude Girard ès qualité sont également inapplicables en l'espèce, l'article 2007 du Code civil concernant l'indemnisation due par le mandataire à son mandat et non pas l'inverse, et la responsabilité prévue par l'article 1383 du Code civil supposant une faute quasi-délictuelle imputable à la société Cunard dont l'appelant n'apporte pas la moindre preuve ; qu'enfin ces dispositions du Code civil français ne sauraient s'appliquer à un litige placé par les parties sous l'empire du seul droit anglais ;
Qu'il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la loi du 25 juin 1991 inapplicable en l'espèce, seul le droit anglais contractuellement choisi par les parties pouvant gouverner le litige ;
Sur le droit à indemnisation de Maître Jean-Claude Girard ès qualité du fait de la résiliation du contrat
Considérant qu'il résulte de l'attestation de coutume versée aux débats par la société Cunard et non contestée par l'appelant, que, sauf dispositions contractuelles particulières inexistantes en l'espèce, la résiliation du contrat par la société Cunard n'ouvrait en tant que telle aucun droit à indemnisation au profit de la société CGC ; qu'en effet la société CGC ne peut réclamer une telle indemnisation qui ne bénéficie qu'aux intermédiaires investis du pouvoir de négocier des produits et non des services, en application du règlement britannique de 1993 concernant les agents commerciaux qui a transposé la directive communautaire, la société CGC n'ayant pas la qualité d'agent commercial au sens de la législation anglaise ;
Sur les demandes reconventionnelles formées par Maître Jean-Claude Girard ès qualité
Considérant que Maître Jean-Claude Girard ès qualité expose que la société CGC a subi divers préjudices directement causés par la résiliation du contrat, du fait du non-respect du délai de préavis, de la violation de l'exclusivité donnée à la société CGC, du licenciement économique de son personnel et de la perte des commissions qu'elle percevait sur la vente de billets Air France acquis par les clients de la société Cunard, et en demande réparation ;
Considérant que le certificat de coutume versé aux débats prévoit certes que la société CGC pourrait prétendre à des dommages et intérêts si la société Cunard, en tant que mandant, avait manqué à ses obligations contractuelles ; que l'appelant n'apporte cependant la preuve d'aucune faute imputable à la société Cunard, ainsi que l'ont justement observé les premiers juges ;
Qu'elle pouvait enfin prétendre à une indemnisation de tous les coûts, dettes et autres dépenses qu'elle a pu raisonnablement supporter dans l'exercice de sa mission avant la résiliation du contrat ; que toutefois les préjudices invoqués par l'appelant n'entrent pas dans cette définition et ne pourraient même être considérés comme la conséquence directe de la résiliation ; que c'est par de justes motifs que la Cour adopte, que les premiers Juges ont écarté ces prétentions ;
Sur les demandes de la société Cunard
Considérant que Maître Jean-Claude Girard ès qualité demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'il reconnaît devoir à la société Cunard 6.729.211,96 F en principal ; que la société Cunard a déclaré renoncer au surplus de ses prétentions devant les premiers Juges ; qu'elle demande toutefois à la Cour d'imputer sur cette somme une commission de 15.379,20 F due à l'appelante sur une réservation des époux Pappert, et de l'augmenter d'intérêts moratoires jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire de la société CGC ; qu'il sera fait droit à sa demande ;
Considérant que la société Cunard réclame en outre 250.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu'elle ne démontre pas cependant avoir subi un préjudice distinct de celui que l'allocation d'intérêts moratoires a vocation à réparer, la procédure engagée par Maître Jean-Claude Girard ès qualité n'ayant pas un caractère abusif ;
Considérant qu'il convient en définitive de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles concernant le montant final de la créance et les intérêts dus, d'imputer sur la somme due la valeur de la commission correspondant à la réservation des époux Pappert, soit 15.379,20 F, et de fixer en conséquence le montant de la créance détenue par la société Cunard à 7.021.950,44 F en principal, intérêts et frais ;
Considérant que l'équité commande d'allouer 25.000 F à la société Cunard pour l'indemniser de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs : Confirme partiellement la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré l'intimée créancière de la société CGC à hauteur de 6.729.211,96 F augmentés des frais de la saisie conservatoire pratiquée le 15 juin 1995, a dit que la société CGC n'est pas un agent commercial au sens de la loi du 25 juin 1991 et ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 12 de cette loi, a constaté que la loi anglaise seule applicable en l'espèce ne permet d'accorder à la société CGC aucune indemnité de résiliation et a débouté Maître Jean-Claude Girard ès qualité de toutes ses demandes, L'infirme partiellement en ce qu'elle n'a ni pris en compte les intérêts de retard courus sur cette créance à compter du 19 janvier 1995 jusqu'au 31 octobre 1995 date de la mise en liquidation judiciaire de la société CGC, ni imputé sur ce montant la valeur de la Commission correspondant à la réservation Pappert, soit 15.379,20 F, Fixe en conséquence le montant de la créance inscrite au passif de la liquidation de la société CGC à 7.021.950,44 F en principal, intérêts et frais, Donne acte à Maître Jean-Claude Girard ès qualité de ce qu'il admet la créance de la société Cunard au passif de la liquidation judiciaire de la société CGC à hauteur de 6.729.211,96 F mais déclare cette offre insuffisante, Rejette la demande de Maître Jean-Claude Girard de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle par application de l'article 177 du Traité CE afin que soit connu le champ d'application de la directive 90/3124 CEE du 23 juin 1990 et qu'il soit répondu à la question de savoir si cette directive qui a pour objet de rapprocher les législations des Etats membres en matière de voyages, vacances et circuits à forfait, constitue ou non la réglementation de l'activité des agences de voyages alors qu'elle ne couvre pas la totalité de leurs activités, Déboute la société Cunard Line Limited de sa demande de dommages et intérêts, Condamne Maître Jean-Claude Girard ès qualité à lui verser 25.000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Maître Jean-Claude Girard ès qualité aux dépens d'appel, Admet la SCP Duboscq & Pellerin, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.