Cass. com., 19 octobre 1999, n° 97-19.272
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Voyages Le Kerdreuz (SARL)
Défendeur :
Sélectour voyages (SA), Michel (ès qual.), Massart (ès qual.), CVP tourisme (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Boré, Xavier, Mes Capron, Choucroy.
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juillet 1997) que la société Sélectour voyages est une société coopérative regroupant un réseau d'agences de voyages à qui elle apporte une garantie financière en payant directement leurs fournisseurs tours-operators, par le biais d'un système de centralisation des règlements ; que la SARL Voyages Le Kerdreuz, qui était l'un de ses adhérents, a, suivant contrat du 19 avril 1991, publié le 27 avril suivant, donné son fonds de commerce de Saint-Brieuc en location-gérance à la société CVP tourisme, laquelle n'a pas souhaité adhérer à la société Sélectour, en conséquence de quoi la société Voyages Le Kerdreuz a été radiée le 17 mars 1992 ; que, faisant valoir que les comptes n'avaient pas été apurés avec son ancienne adhérente, la société Sélectour a assigné la société Voyages Le Kerdreuz en paiement de diverses prestations ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Voyages Le Kerdreuz reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Sélectour voyages une certaine somme au titre des prestations réglées aux fournisseurs, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'à compter de la publication du contrat de location-gérance, le loueur n'est tenu à l'égard des fournisseurs du fonds exploité qu'en qualité de garant du locataire-gérant pour une durée de six mois et non pas à titre personnel ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le contrat par lequel la société Voyages Le Kerdreuz a donné son fonds en location-gérance à la société CVP tourisme a été publié le 27 avril 1991 et que les factures litigieuses correspondaient à des prestations effectuées aux mois d'avril, mai et juin 1991 ; que, dès lors, en la condamnant à rembourser à la société Sélectour, subrogée dans les droits des fournisseurs, la totalité des factures litigieuses à titre personnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 et l'article 2 du décret du 14 mars 1986 ; et alors, d'autre part, que le loueur peut opposer au créancier du locataire-gérant l'exception inhérente à la dette tirée de son extinction pour défaut de production dans le délai légal ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Sélectour a produit, dans un premier temps, à la liquidation de la société CVP tourisme à hauteur de la seule somme de 18 491,50 francs puis a purement retiré sa production, ce qui prive le loueur de tout recours contre le locataire-gérant, plus d'un an s'étant écoulé depuis le jugement ouvrant la procédure collective de ce dernier, prononcée le 9 janvier 1995, ainsi que le rappelait M. Massart, intervenant volontaire en qualité de liquidateur judiciaire, dans ses conclusions signifiées le 10 octobre 1996 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a, par ailleurs, violé les dispositions d'ordre public de l' article 53, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir écarté l'intervention de la société CVP tourisme dans la création des factures litigieuses, la cour d'appel a expressément exclu l'application de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 et décidé, par des motifs non critiqués, que la société Voyages Le Kerdreuz était personnellement engagée envers la coopérative au titre de leurs relations contractuelles; d'oùil suit qu'inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé en sa première ;
Et sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Voyages Le Kerdreuz reproche aussi à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Sélectour voyages une autre somme au titre des frais généraux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel, elle invoquait une absence de convocation régulière et non pas un retard de convocation et ne produisait d'ailleurs aucune pièce établissant un prétendu retard de convocation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Voyages Le Kerdreuz et, partant, a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, si l'action est temporaire, l'exception est perpétuelle ; qu'en énonçant que la société Voyages Le Kerdreuz ne pouvait pas invoquer par voie d'exception la nullité des délibérations d'assemblées générales litigieuses, dès lors qu'elle n'avait pas agi en nullité par voie d'action principale, la cour d'appel a violé la règle susvisée par refus d'application ; et alors, enfin, que celui qui a été empêché d'agir en nullité avant l'expiration d'un délai de prescription préfix peut encore invoquer la nullité par voie d'exception ; qu'à supposer le caractère préfix du délai de prescription de l'action en nullité d'une délibération d'assemblée irrégulièrement convoquée, la cour d'appel, qui a écarté la nullité des délibérations d'assemblées litigieuses sans rechercher si la société Voyages Le Kerdreuz avait été empêchée d'agir en temps utile, et si, ayant eu connaissance de ces délibérations par l'action en paiement, elle avait pu dès lors soulever leur nullité, par voie d'exception, a violé la règle Contra non valentem agere non currit prescriptio ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Voyages Le Kerdreuz, qui n'a pas précisé pour quelle raison elle estimait ne pas avoir été "régulièrement convoquée aux assemblées générales" au cours desquelles avaient été prises les délibérations relatives à la participation des adhérents au coût de fonctionnement du réseau, ne peut utilement reprocher à la cour d'appel d'avoir méconnu ses conclusions pour avoir retenu que seul était établi un retard de convocation intervenu en 1989, et non en 1990 et 1991 ;
Attendu, en second lieu, que les deux dernières branches, qui critiquent un motif surabondant de l'arrêt, sont inopérantes ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.