CA Paris, 5e ch. A, 1 décembre 1999, n° 1997-19333
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCP Mizon-Thoux (ès qual.), Rubel France (Sté)
Défendeur :
JCM Firme (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
SCP Varin Petit, Me Pamart
Avocats :
Mes Lyonnet, Valluet.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la SCP Mizon Thoux agissant en qualité de représentant des créanciers et de mandataire liquidateur à la liquidation de la société Rubel France anciennement dénommée United Factories Corporation à l'encontre du jugement rendu le 18 juin 1997 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :
- prononcé l'annulation de la convention de franchise et de distribution du 22 octobre 1993 aux torts exclusifs de la société United Factories Corporation France (UFC France),
- fixé la créance de la société JCM Firme à la liquidation judiciaire Rubel France anciennement dénommé UFC France à la somme de 900 471 F,
- condamné M. Mizon, ès qualités, à payer à la société JCM Firme la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions et mis les dépens à la charge de M. Mizon, ès qualités.
Sur ce,
Vu les écritures signifiées le 1er septembre 1999 par la SCP Mizon Thoux, ès qualités, par lesquelles elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- déclarer mal fondée la société JCM Firme en sa demande de fixation de passif de la liquidation judiciaire,
En conséquence,
- déclarer la SCP Mizon Thoux, ès qualités bien fondée en son assignation en intervention forcée dirigée contre M. Delattre, ès qualités de représentant des créanciers de la société JCM Firme et en sa demande reconventionnelle,
- fixer en conséquence la créance de la SCP Mizon Thoux, ès qualités, au passif de la société JCM Firme à la somme déclarée de 147 317,40 F ;
Vu les conclusions signifiées le 21 juillet 1999 par la société JCM Firme et M. Delattre, ès qualités de représentants des créanciers de cette société, par lesquelles ils prient la Cour de :
- confirmer le jugement dont appel,
- prononcer l'annulation de la convention de franchise du 22 octobre 1993 aux torts de UFC,
- subsidiairement, prononcer la résiliation du contrat aux torts de UFC,
- fixer la créance de la société JCM Firme à la liquidation de Rubel France et de Rubel Concept à la somme de 900 471 F,
- ordonner si besoin était la compensation de cette somme avec toute condamnation qui serait mise à la charge de JCM Firme,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit cette dernière mal fondée à l'encontre de la société Rubel Concept et fixer sa créance à la liquidation de Rubel Concept à la somme de 900 471 F ;
LA COUR,
Considérant que M. Derick pris en sa qualité de curateur de la société Rubel Concept, anciennement dénommée International Concept and Developpement, régulièrement assigné devant la Cour n'a pas constitué avoué, qu'il sera en conséquence statué par arrêt réputé contradictoire ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que le 22 octobre 1993, la société JCM Firme a signé avec la société UFC France SA dont le siège social est 35 rue de Turbigo à Paris 3e arrondissement, mandataire de la société de droit de l'État du Connecticut Fashion Promotion Ltd, propriétaire des marques " Kid Cool " et " Baby Cool ", un contrat de franchise et de distribution portant sur le droit d'utiliser les marques susmentionnées et d'exploiter à titre exclusif le système de commercialisation d'articles pour enfants de 0 à 12 ans sur le territoire du centre commercial Cora et de la ville de Saint Dié ;
Que ce contrat était conclu pour une durée de cinq ans moyennant paiement de la somme de 70 000 F au titre des frais initiaux de franchise et d'une redevance de 7,5 % du prix de vente en gros incluses dans les factures des marchandises livrées ;
Considérant que les 23 novembre 1995 et 4 mars 1996 la société JCM Firme a fait assigner les sociétés UFC France devenue Rubel France et International Concept and Developpement IDC devenue Rubel Concept pour voir prononcer l'annulation du contrat pour inobservations des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 et du décret d'application du 4 avril 1991, pour dol, défaut de cause et d'objet et indétermination du prix ou à défaut sa résolution et les voir condamner solidairement au paiement de dommages et intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris, qui a rendu le jugement aujourd'hui déféré à la Cour après régularisation de la procédure envers le mandataire judiciaire par jugement du 25 mars 1996 et envers le curateur de la société de droit belge mise en faillite ;
Considérant que la SCP Mizon et Thoux, ès qualités, soutient, en substance, que, contrairement à ce que le tribunal a retenu, la société UFC France a bien fourni à son cocontractant l'information pré-contractuelle prévue à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 et au décret du 4 avril 1991, que par ailleurs, la société UFC n'étant pas tenue à une obligation de résultat quant au chiffre d'affaires prévisionnel communiqué, il ne peut lui être fait grief que ce chiffre n'ait pas été atteint par la suite, qu'aucun vice du consentement n'est démontré par l'intimée ;
Qu'elle fait observer qu'en tout état de cause, le préjudice subi par la société JCM n'est pas établi et qu'elle est fondée à obtenir le paiement des deux chèques des 30 juillet et 30 août 1995 qui n'ont pas été réglés à la société UFC France ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble des documents versés aux débats que la conclusion du contrat de franchise le 22 octobre 1993 entre les sociétés UFC France et JCM Firme n'est pas intervenue dans les conditions prévues par les textes susvisés ;
Considérant qu'il apparaît que l'agencement du magasin a été effectué en septembre 1993 par l'architecte de la société ICD et l'ouverture a eu lieu, selon l'appelant, le 7 octobre 1993 dès avant la signature du contrat ;
Qu'en outre, la société UFC France ne peut justifier avoir remis à un moment quelconque à son franchisé le document pré-contractuel qu'elle a produit en appel, que l'attestation du 1er août 1997 sur ce point de son ancien directeur général Daniel Bitton n'est pas suffisant à rapporter une telle preuve devant les dénégations de la société JCM Firme ;
Qu'en revanche, il apparaît qu'un compte prévisionnel, non versé aux débats, a été remis à l'intimée par Daniel Bitton prévoyant un chiffre d'affaires prévisionnel de 1 200 000 F par an ;
Qu'enfin, il est constant que le contrat de franchise s'est exécuté entre la société JCM Firme et la société de droit belge UFC SA, qui, dès le 20 décembre 1993 a transféré certain service de sa filiale de Paris UFC France vers son siège principal de Brucelles et qui a été la seule interlocutrice du franchisé ; que toutefois, la société ICD dénommée aujourd'hui Rubel Concept, domiciliée à la même adresse à Bruxelles Square de l'Aviation 25.27 que UFC SA, est une société différente de celle-ci, vraisemblablement une société soeur dont le rôle semble, en l'absence de toutes indications données par les parties, la société qui s'occupait de la conception et de la réalisation des magasins Kid Cool Baby Cool puisqu'elle est intervenue dans l'agencement du magasin de Saint Dié ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de la correspondance échangée entre les parties que le chiffre d'affaires annoncé lors de la conclusion du contrat n'a jamais été atteint par la société JCM qui n'a réalisé sur les 21 mois qu'a duré l'exploitation de la franchise d'octobre à décembre 1993, l'année 1994 et janvier/février 1995, un chiffre d'affaires de 1 132 242 F TTC soit 954 671 F HT alors qu'il aurait dû être eu égard au chiffre d'affaires annoncé de 1 800 000 F HT, soit une différence de près de 50 % ;
Considérant que si le franchiseur n'est pas tenu à une obligation de résultat sur les chiffres prévisionnels indiqués au franchisé avant la conclusion du contrat, il n'en demeure pas moins qu'une telle différence entre les prévisions et la réalité, démontre que le compte communiqué à l'origine à la société JCM Firme ne résultait d'aucune étude sérieuse de nature à permettre au futur franchisé de prendre sa décision de contracter en connaissance de cause;
Que par suite, le consentement de l'intimée a été surpris faute d'avoir pu bénéficier, avant de s'engager, des renseignements sur l'état de la franchise Kid Cool dont il s'est avéré très rapidement, compte tenu des difficultés d'approvisionnement rencontrées tout au long de l'exécution du contrat et de la défaillance, dès l'origine, du cocontractant UFC France qui a été écarté dès décembre 1993 au profit de la société UFC SA, qu'il n'était plus en mesure d'assurer les obligations mises à sa charge par le contrat de franchise signé dans les conditions ci-dessus rappelées, le 22 octobre 1993;
Que c'est donc à bon droit que la juridiction consulaire a prononcé l'annulation du contrat aux torts de UFC France;
Considérant sur le préjudice de la société JCM Firme, que le tribunal a justement évalué le préjudice subi à la somme de 900 471 F ; que la SCP Mizon Thoux ne peut valablement contester que les agencements du magasin qui se sont élevés en raison d'une erreur de l'architecte ou du manque de certains matériaux au double de ce qui avait été initialement prévu ; qu'en outre ces agencements destinés au concept Kid Cool doivent être abandonnés pour l'exploitation d'une autre marque ;
Considérant, sur la demande reconventionnelle de la SCP Mizon Thoux, qu'il est constant que la société JCM Firme a émis au profit de la société UFC 7 chèques de 50 000 F pour régler la collection d'été 1995, qu'il est constant que les chèques des 30 juillet et 30 août 1995 sont revenus impayés ; que si les originaux des chèques ne sont pas plus en appel qu'en première instance versés aux débats, seules les photocopies desdits chèques étant produites, il n'en demeure pas moins que leur non-paiement est attesté et il sera fait droit à cette demande à hauteur de 147 317,40 F incluant les intérêts, montant de la déclaration entre les mains du représentant des créanciers de l'intimée ;
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre les dettes des parties ;
Considérant, sur la demande formée à l'encontre du curateur de Rubel Concept, que faute pour la société JCM Firme de motiver cette demande, elle ne peut être que rejetée ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Rubel France anciennement dénommée UFC France au passif de la société JCM Firme à la somme de 147 317,40 F ; Ordonne la compensation entre les dettes réciproques des sociétés Rubel France et JCM Firme ; Condamne la SCP Mizon Thoux, ès qualités, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par l'avoué concerné.