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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 30 mai 2001, n° 1999-01045

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Quan (époux)

Défendeur :

Exoplats (SARL), Elysées Investissements (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Rapporteur :

Mme Content

Conseillers :

Mmes Cobert, Imbaud-Content

Avoués :

Mes Melun, Huyghe, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Du Verdier De Genouillac, Hoffler, Sevellec.

T. com. Paris, du 19 mai 2000

19 mai 2000

LA COUR statue d'une part, sur l'appel interjeté par les époux Quan à l'encontre du jugement rendu le 19 mars 1998 par le Tribunal de Grande Instance de Paris et, d'autre part, sur l'appel interjeté par la SARL Exoplats à l'encontre du jugement rendu le 19 mai 2000 par le Tribunal de Commerce de Paris, les deux appels ayant été joints par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat du 10 janvier 2001 ;

Le jugement ci-dessus du 19 mars 1998 du Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté les époux Quan de leur demande d'annulation du commandement à eux délivré par la SARL Exoplats le 10 septembre 1996 ainsi que leurs demandes accessoires et les a condamné aux dépens ;

Le jugement du 19 mai 2000 du Tribunal de Commerce a pour sa part :

- joint la procédure diligentée par la société Elysées Investissements à l'encontre de la SARL Exoplats et la procédure en intervention forcée introduite par Exoplats à l'encontre des époux Quan,

- prononcé la nullité du contrat de location-gérance consenti par la SARL Exoplats aux époux Quan,

- constaté la déchéance de la SARL Exoplats, locataire principale des locaux où le fonds en location-gérance est exploité, de son droit à renouvellement du bail commercial consenti à son profit et venu à expiration le 26 juin 1994,

- constaté que la SARL Exoplats n'avait reçu de son bailleur aucun congé et dit n'y avoir donc lieu à expulsion des lieux de celle-ci, non plus qu'à exercice d'un droit à indemnité d'éviction par la SARL Exoplats,

- débouté la SCI Elysées Investissements de sa demande de dommages-intérêts contre Exoplats pour une utilisation abusive des lieux,

- condamné la SARL Exoplats à rembourser aux époux Quan la somme de 80.000 F par eux versés à titre de dépôt de garantie lors de la conclusion de la location-gérance, et ce dès que les époux Quan lui auraient signifié leur volonté de quitter les lieux,

- donné acte à la SARL Exoplats de sa déclaration d'intention de mise en conformité avec les dispositions de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966 et fixé au 31 décembre 2000, la date limite pour procéder à cette régularisation de sa situation financière,

- rejeté la demande en dommages-intérêts de la SARL Exoplats,

- rejeté l'application de l'article 700 du NCPC,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SARL Exoplats aux dépens,

- débouté les époux Quan de leur demande.

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit :

La SCI St Pierre, comptant parmi ses associés Mme Bui Doan, a acquis dans le cadre de son objet social un local commercial situé 66 avenue des Champs Elysées à PARIS VIII ème, l'acquisition en ayant été faite au moyen d'un prêt bancaire ;

Ce local commercial a été donné à bail à la SARL Exoplats ayant pour gérante Madame Bui Doan selon acte du 26 juin 1985 à effet du 27 juin 1985, pour une durée de neuf ans pour l'exercice de l'activité de "restauration rapide, vente sur place et à emporter", cette activité étendue par avenant de juin 1987 à la vente de tous produits d'épicerie ainsi que de cadeaux ;

Selon acte du 13 juillet 1987, la SARL Exoplats a consenti aux époux Quan la location-gérance du fonds exploité dans les lieux pour une durée de deux ans à compter du 1er juillet 1987 à charge pour les locataires gérants de payer directement le montant du loyer dû par la SARL Exoplats à la propriétaire des murs, y compris les charges locatives et le droit au bail, ce loyer de 320 000 F par an hors taxes, et réduit pour 1987 à 23 000 F par mois, et à charge encore pour ceux-ci de payer une redevance de 500 F par mois hors taxes à la SARL Exoplats ;

Le contrat de location-gérance a été renouvelé pour trois ans par acte du 7 juillet 1989, puis pour cinq ans selon acte du 1er juillet 1992, et enfin pour six ans à compter du 1er janvier 1995 selon acte du 11 février 1995 ;

Durant le cours du contrat de location-gérance de 1995, suite à une procédure de saisie immobilière introduite à l'encontre de la SCI St Pierre par l'organisme bénéficiaire du prêt afférent au local commercial litigieux, le bien a été acquis par adjudication en date du 6 février 1997 par la SCI Elysées Investissements constituée entre les époux Quan et deux de leurs enfants ;

Les époux Quan avaient projeté dès le début de la location-gérance d'acquérir les murs des locaux ainsi que le fonds de commerce, des projets d'accord auxquels il n'avait pas été donné suite ayant été établis entre ceux-ci et la SCI St Pierre et la SARL Exoplats ;

Antérieurement à l'acquisition des murs par adjudication par la SCI Elysées Investissements, les époux Quan avaient reçu de la part de la SARL Exoplats, commandement de payer une somme de 511 608, 25 F au titre des loyers, redevances, TVA et charges impayées relatives à la taxe foncière 1994, 1995, 1996, ce commandement visant la clause résolutoire ;

Les époux Quan ont fait opposition à ce commandement en assignant la SARL Exoplats devant le Tribunal de Grande Instance de Paris le 9 octobre 1996 en faisant état d'une compensation à opérer avec une créance à leur profit de 188.391 F et de 700.000 F à l'encontre de Exoplats et en faisant état de versements opérés à valoir sur celle-ci ;

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement du 19 mars 1998 déféré à la Cour.

Postérieurement à ce jugement et le 29 janvier 1999, la SCI Champs Elysées Investissements, nouvelle propriétaire du local commercial en cause, a fait assigner la SARL Exoplats aux fins de voir déclarer nul les contrats de location-gérance comme contrevenant aux dispositions des articles 4 et 11 de la loi du 20 mars 1956, voir en conséquence la SARL Exoplats déclarée déchue de son éventuel droit à renouvellement de son bail venu à expiration le 26 juin 1994, la dire sans droit ni titre à l'occupation des lieux et la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation, voir prononcer la dissolution de la SARL Exoplats sauf à elle à reconstituer sa situation nette dans un délai maximal de six mois, voir Exoplats condamner au remboursement de la somme de 80.000 F et de l'intégralité des redevances de location-gérance encaissées à compter du 6 février 1997, la SARL Exoplats s'opposant aux demandes et sollicitant reconventionnellement [une] indemnité d'éviction et la désignation d'un expert pour l'évaluer et attrayant en la cause les époux Quan pour leur rendre opposable la décision à intervenir, ceux-ci intervenant à l'instance et réclamant condamnation de Exoplats à leur rembourser la somme de 80.000 F versée à titre de dépôt de garantie lors de la conclusion du contrat de location-gérance du 13 juillet 1987 ;

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement du 19 mai 2000 déféré à la Cour.

Les parties ont conclu par un jeu d'écritures uniques pour les deux procédures jointes.

Les époux Quan, appelants dans l'une des procédures et intimés dans l'autre, demandent à la Cour de :

- débouter la SARL Exoplats de toutes ses demandes contre eux à l'exception de celle portant acceptation de la désignation d'un expert pour établir les comptes sur le fondement de la décision que la Cour prendra,

- constater la nullité des contrats de location-gérance pour non respect des conditions de délais imposées par les articles 4 et 11 de la loi du 20 mars 1956,

- dire ces contrats nuls pour dol et vice du consentement en application des articles 1108, 1116 et 1109 du Code civil,

- condamner la SARL Exoplats à payer aux époux Quan une somme de 100.000 F pour préjudice subi par suite du dol et ce sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- dire que les époux Quan par suite de la nullité des contrats de location-gérance seront réputés avoir été en situation de sous locataires depuis le 1er juillet 1987,

- condamner la SARL Exoplats à leur rembourser la somme de 80.000 F correspondant au dépôt de garantie,

- constater qu'à compter du 25 juin 1994, date d'expiration de son bail, la SARL Exoplats ne pouvait plus justifier d'un titre locatif et la condamner au remboursement aux époux Quan des redevances versées après cette date,

- donner acte aux époux Quan de leur accord pour payer à la SCI Elysées Investissements à compter du 6 février 1997, date de l'adjudication, une indemnité mensuelle de 20.000 F hors taxes pour occupation abusive des lieux, cette indemnité comprenant le loyer en cours outre une somme de 2.500 F hors taxes, et dire que Exoplats sera quittancée à l'égard de la SCI propriétaire,

- dire que les époux Quan pour la période antérieure, du 1er juillet 1987 jusqu'au 25 juin 1994, seront redevables d'une indemnité d'occupation égale au montant des redevances de location-gérance et des charges locatives de copropriété uniquement ainsi que la partie locative des taxes foncières,

- ordonner la compensation des créances des époux Quan correspondant à des versements respectivement de 30 000 F, 50 000 F, 21 000 F et 5 495 F, avec l'éventuelle créance de la SARL Exoplats à leur encontre,

- infirmer le jugement entrepris du 19 mars 1998 et dire nul le commandement de payer du 10 septembre 1996,

- dire que les parties devront établir sur le fondement de l'arrêt à intervenir comptes entre elles et solder ceux-ci dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt et dire qu'en l'absence d'accord sur ces comptes dans ledit délai, la partie la plus diligente devra saisir le Jex aux fins de désigner toute personne chargée de les établir,

- subsidiairement, désigner expert à cette fin aux frais avancés des époux Quan,

- condamner la SARL Exoplats au paiement d'une somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et aux dépens de première instance et d'appel.

La SARL Exoplats, intimée dans une des procédures jointes et appelante dans l'autre, demande à la Cour de :

- constater que le Tribunal dans la procédure ayant abouti au jugement déféré du 19 mars 1998 n'était pas saisi de la demande en paiement excédant les causes du commandement, objet de cette procédure, ses conclusions de demande en paiement excédant ces causes ayant été rejetées par le Tribunal,

- donner acte à la SARL Exoplats de ce qu'elle poursuit dans l'instance d'appel uniquement sur les causes du commandement, se réservant de saisir à nouveau le juge du fond pour le surplus de la créance,

- dire que l'opposabilité aux époux Quan des rapports contractuels existant entre Exoplats et la SCI Elysées Investissements ne dispensent pas ceux-ci de leurs propres obligations envers Exoplats,

- statuant en conséquence sur les rapports contractuels entre eux et Exoplats, dire que les époux Quan sont redevables de l'intégralité des charges de copropriété et des taxes foncières, ces charges étant mentionnées au bail comme "charges locatives",

- dire que les rapports contractuels entre les époux Quan et Exoplats n'ont pas été modifiés par le fait que le bail principal de Exoplats soit devenu à durée indéterminée depuis le 25 juin 1994, date de son terme, et qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de distinguer deux périodes dans ces rapports,

- confirmer en conséquence le jugement du 19 mars 1998 en ce qu'il a déclaré valable le commandement de payer du 10 septembre 1996 délivré aux époux Quan,

- dire mal fondés les époux Quan en leur demande de compensation et les condamner au paiement des causes du commandement litigieux sous réserve des dûs postérieurs,

- confirmer le jugement du 19 mai 2000 en ce qu'il a débouté la SCI Elysées Investissements de sa demande de dommages-intérêts et l'infirmer pour le surplus,

- statuant à nouveau, dire que la SCI Elysées Investissements doit exécuter le bail conclu entre la SCI st pierre et la SARL Exoplats,

- dire que la SCI St Pierre a consenti le droit à renouvellement ou à indemnité d'éviction au profit de la SARL Exoplats et que la SCI Elysées Investissements a confirmé ce bénéfice,

- débouter en conséquence la SCI Elysées Investissements de sa demande en nullité des contrats de location-gérance fondée sur la loi du 20 mars 1956,

- dire la décision à intervenir opposable de ce chef aux époux Quan,

- dire que la SARL Exoplats pourra reconstituer son capital social dans un délai de six mois à compter de l'arrêt,

- débouter, sur les deux appels, les époux Quan et la SCI Elysées Investissements de leurs demandes,

- condamner la SCI Elysées Investissements et les époux Quan solidairement à payer à la SARL Exoplats la somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts et celle de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamner les mêmes solidairement en tous les dépens,

- subsidiairement, donner acte à la SARL Exoplats de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la mesure d'expertise sollicitée.

La SCI Elysées Investissements, intimée sur les deux procédures d'appel, demande à la Cour de :

- débouter la SARL Exoplats de ses demandes visant à lui contester le droit de dénoncer la nullité des contrats de location-gérance consentis aux époux Quan,

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 19 mai 2000 en ce qu'il a dit nuls les contrats de location-gérance litigieux et a, en conséquence de cette nullité, constaté la déchéance de la SARL Exoplats de la propriété commerciale,

- infirmer ce jugement en ses dispositions relatives à la dissolution de la SARL Exoplats et dire celle-ci dissoute dans tel délai qu'il plaira à la Cour de fixer, ce en application de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966,

- constater l'accord des parties quant au paiement par les époux Quan à compter du 6 février 1987 à la SCI Elysées Investissements d'une indemnité d'occupation de 20 000 F hors taxes par mois et de la décharge de ceux-ci quant au paiement des loyers et redevances à Exoplats avec quittancement de la partie de la somme représentant les loyers au profit de Exoplats et charge pour celle-ci de remettre une facture acquittée de 17 500 F hors taxes aux époux Quan,

- statuer sur les charges dues par les époux Quan depuis le 6 février 1997,

- désigner expert pour établir les comptes entre les parties,

- condamner la SARL Exoplats au paiement de la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens de première instance et d'appel.

Sur ce,

I) Sur la nullité des contrats de location-gérance entre les époux Quan et Exoplats

Considérant que la SARL Exoplats à l'appui de sa critique du jugement du 19 mai 2000 ayant admis la nullité des contrats de location-gérance fait essentiellement valoir qu'il y a eu renonciation de la SCI Pierre, bailleresse initiale à se prévaloir des dispositions d'ordre public de la loi du 20 mars 1956 que cette renonciation s'impose à la SCI Elysées Investissements, ayant droit de la SCI Pierre, et que la SCI Elysées Investissements a reconnu l'existence de la location-gérance en dénonçant le commandement de payer du 10 septembre 1996 aux époux Quan en leur qualité de locataires-gérants ;

Considérant, sur ces points, qu'il n'est ni formellement contesté ni contestable que la SARL Exoplats immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 novembre1981 et n'ayant exploité le fonds mis en gérance que le 26 juin 1985, ne remplissait pas, à la date de la conclusion du contrat de location-gérance initial au profit des époux Quan, soit au 1er juillet 1987, date d'effet du contrat, les deux conditions exigées, à peine de nullité, par l'article 4 de la loi du 20 mars 1956 aux termes duquel la personne qui concède une location-gérance doit avoir été commerçante depuis sept année et avoir exploité depuis deux années au moins le fonds mis en gérance, le terme du délai de deux ans n'étant pas alors encore échu ;

Considérant que la nullité édictée comme sanction des dispositions d'ordre public de la loi du 20 mars 1956 visant tout autant, voire davantage à la protection d'intérêts particuliers qu'à la protection générale d'intérêts communs d'ordre économique, toute personne pouvant s'en prévaloir peut renoncer à ce droit ;

Considérant qu'une telle renonciation suppose la volonté manifeste de la part du concerné de confirmer le contrat frappé de nullité en toute connaissance de la situation à l'origine de la nullité encourue ;

Considérant qu'en l'espèce, la nullité du contrat est invoquée par les époux Quan, locataires-gérants et par la SCI Elysées Investissements propriétaire des murs et bailleresse de la SARL Exoplats ;

Considérant, concernant la nullité du contrat en cause opposée par les époux Quan, que ceux-ci qui ont, dès l'origine de leur relations contractuelles avec la SARL Exoplats, projeté l'achat tant des murs des locaux où le fonds est exploité, propriété de la SCI Pierre dans laquelle Mme Bui Doan, gérante de Exoplats était associée, que du fonds de commerce de la SARL Exoplats, des pourparlers entre les parties étant à cet effet intervenus avec détermination du prix, ne sauraient sérieusement prétendre qu'ils n'ont pas pris tous renseignements utiles sur les conditions dans lesquelles le fonds de commerce avait été jusque là exploité et sur la date d'immatriculation de la SARL Exoplats au registre du commerce et des sociétés ;

Que, par ailleurs, il est indiqué aux divers contrats de location-gérance à eux consentis aux époux Quan que la SARL Exoplats avait crée le fonds dans les lieux le 26 juin 1985 suite à la prise du bail datée du même jour ;

Qu'alors que la date d'immatriculation était expressément indiquée dans une promesse de vente du fonds en cause du 3 juin 1996 par eux signée, ils ne se sont pas prévalu de la nullité entendant exécuter le contrat de location-gérance puisqu'ayant fait opposition au commandement de payer les redevances, loyers et charges y stipulés, ils n'ont invoqué la nullité que trois ans plus tard au cours de l'instance initiée par la SCI Elysées Investissements dans laquelle ils ont la qualité d'associés ;

Qu'ils avaient auparavant, en toute connaissance de cause, renouvelé à plusieurs reprises le contrat de location-gérance ;

Que par ces actes positifs, ils ont suffisamment manifesté leur volonté de renoncer à se prévaloir de la nullité des contrats de location-gérance, de sorte que leur action en nullité sera rejetée ;

Considérant, en ce qui concerne la SCI Elysées Investissements, que celle-ci, venant aux droits de la SCI Pierre, ne peut avoir plus de droits que n'en aurait eu son prédécesseur et que, partant, l'éventuelle renonciation de la SCI Pierre à se prévaloir de la nullité du contrat de location-gérance lui est opposable ;

Or considérant, à cet égard, que la SCI Pierre, créée entre Madame Bui Doan, et son frère était au fait de la situation exacte de la SARL Exoplats depuis l'origine puisque la location des murs en vue d'un bail commercial entrait dans l'objet social de cette SCI et que Mme Bui Doan a été nommée gérante de la société locataire ;

Qu'en acceptant de recevoir directement le versement des loyers de la part des locataires gérants, qui y étaient tenus en vertu du contrat de location-gérance les liant à la SARL Exoplats, la SCI Pierre, qui ne pouvait, au vu de ce qui précède, ignorer les irrégularités du contrat de location-gérance par rapport aux dispositions de la loi du 20 mars 1956, apparaît suffisamment avoir manifesté sa volonté de reconnaître l'existence et la validité de ce contrat ;

Que la SCI Elysées Investissements ayant acquis les murs des locaux dont s'agit alors que le contrat de location-gérance de 1995 était en cours était, dès lors, tenue de prendre en compte l'existence du contrat de location-gérance dont son prédécesseur avait clairement admis la validité, renonçant ainsi à se prévaloir de la nullité ;

II) Sur la demande en résolution du contrat de location-gérance fondée sur le dol et en dommages-intérêts pour dol

Considérant que les époux Quan estiment à l'appui de ce moyen que les manœuvres dolosives de la SARL Exoplats sont établies par l'inexistence du fonds lors de la conclusion du contrat de location-gérance initial, les tentatives de Exoplats de dissimuler les motifs de nullité du contrat, son absence de diligence quant au renouvellement de son bail, la SARL Exoplats leur opposant la prescription de l'action fondée sur le dol ;

Considérant, à cet égard, que l'action fondée sur le dol dure cinq ans selon les dispositions de l'article 1304 du code civil, le point de départ de cette action se situant au jour où le dol a été découvert ;

Considérant qu'il a été indiqué ci-dessus que les époux Quan ont, dès l'origine, envisagé d'acquérir le fonds, des pourparlers à cet effet s'étant engagés dès le début des relations contractuelles entre les parties et qu'ils ne pouvaient de ce fait ignorer l'exacte situation de la SARL Exoplats ;

Qu'étant exploitants du fonds donné en location-gérance, ils ont été, par ailleurs, à même de vérifier rapidement l'exacte situation du fonds de commerce et qu'ils n'ont formulé cependant aucune réclamation avant l'instance diligentée par la SCI Elysées Investissements à l'encontre de Exoplats et à laquelle ils ont été attraits ;

Qu'ils étaient par ailleurs au courant dès l'origine de la situation financière difficile de la SARL Exoplats puisque le contrat de location-gérance initiale mentionnait expressément le "caractère peu satisfaisant des derniers bilans et les lourdes charges découlant du contrat de location-gérance" et ont été durant tout le temps des divers contrats de location-gérance, au courant de la position du propriétaire des murs sur le renouvellement des baux puisqu'étant en pourparlers de vente des murs avec celui-ci dans le même temps où ils étaient en pourparlers de vente avec la SARL Exoplats pour la vente du fonds de commerce ;

Considérant en définitive que les époux Quan connaissaient bien avant les cinq années précédant leur action fondée sur le dol, les faits qu'ils invoquent pour caractériser les prétendues manœuvres dolosives de la SARL Exoplats à leur encontre ;

Qu'il s'ensuit que cette action apparaît prescrite ;

Que les demandes fondées sur le dol seront donc rejetées ;

Considérant en définitive que les contrats de location-gérance successifs doivent être déclarés valables et que le jugement déféré du 19 mai 2000 doit être infirmé en ses dispositions relatives à la nullité retenue desdits contrats et aux conséquences de cette nullité, à savoir déchéance du droit au renouvellement de Exoplats et remboursement du dépôt de garantie de 80.000 F aux époux Quan, le jugement ne pouvant être confirmé en ses dispositions relatives aux rapports contractuels, qu'en ce qu'il y a été admis qu'il n'y avait, quant à présent, motif à expulsion et à indemnité d'éviction, aucun congé n'ayant été délivré à la SARL Exoplats titulaire, à ce jour, pour avoir été maintenue en place au terme du bail de 1985, d'un bail commercial à durée indéterminé ;

Considérant, eu égard à la persistance du titre locatif de la SARL Exoplats, que les époux Quan n'apparaissent pas fondés en leurs demandes dirigées contre Exoplats et motivées par l'absence d'un tel titre, demandes dont ils seront donc déboutés ;

Qu'il sera constaté que ceux-ci demeurent tenus à l'exécution du contrat de location-gérance de 1995 toujours en cours.

III) sur la dissolution anticipée de la SARL Exoplats et la demande de délais à cet égard formulée par la SARL Exoplats

Considérant que la demande de dissolution anticipée est formulée en application de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966 par la SCI Elysées Investissements ;

Que compte tenu des dispositions d'ores et déjà prises pour reconstituer son capital social et dont la SARL Exoplats justifie, il ne sera pas fait droit à cette demande, un nouveau délai de six mois à compter de la date du présent arrêt étant accordé à celle-ci pour régulariser sa situation financière au regard des exigences de l'article 68 de la loi susvisée ;

IV) sur les comptes entre les époux Quan et Exoplats et les demandes s'y rattachant

Considérant que les époux QUAN critiquent le jugement déféré du 19 mars 1998 en ce qu'il a rejeté leur demande de compensation, n'invoquant plus toutefois à l'appui de leur appel que les créances suivantes : 30.000 F et 50.000 F correspondant à des sommes remises à Madame Bui Doan, 21.000 F correspondant à un solde sur protocole d'accord du 27 juin 1995 et 5.495 F correspondant à une somme payée au Trésor pour le compte d'Exoplats en juillet 1995 ;

Qu'ils critiquent également ce jugement en ce qu'il n'a pas admis le bien fondé de leur contestation sur les charges ;

Que ces deux points seront successivement examinés :

- Sur la compensation :

Considérant que la SARL Exoplats dans ses écritures d'appel reconnaît le bien fondé de la contestation des époux Quan en ce qui concerne les sommes de 21.000 F et de 5.495 F mais conteste en revanche la demande d'imputation pour les sommes de 30.000 F et 50.000 F versées à Madame Bui Doan ;

Considérant qu'il est établi par deux écrits de Madame Bui Doan que celle-ci a emprunté aux époux Quan une somme de 50.000 F le 22 juin 1992 qu'elle devait rembourser lors du déblocage d'un prêt et qu'elle a, par ailleurs auparavant reçu en octobre 1991, un acompte de 30.000 F à valoir sur le fonds de commerce ;

Considérant que la SARL Exoplats qui ne conteste pas que la somme de 50.000 F ait été versée à Madame Bui Doan en qualité de gérante de Exoplats non plus que le reçu par cette dernière en qualité d'une somme de 30.000 F ne justifie pas avoir remboursé ces sommes par compensation en 1995 aux époux Doan ;

Que dès lors, ces sommes devront être compensées avec la dette des époux Quan à l'égard de Exoplats, le jugement du 19 mars 1998 qui a rejeté toute compensation devant être partiellement infirmé ;

- Sur les charges :

Considérant que les époux Quan estiment n'être redevables en vertu du contrat de location-gérance que des charges usuellement dues par les locataires et non de l'intégralité des charges réclamées par Exoplats, celle-ci estimant que les "charges locatives" selon les stipulations contractuelles doivent s'entendre des charges lui incombant en vertu de son bail de 1985 ;

Considérant à cet égard que la lecture des différents contrats de location-gérance permettent de dire que les charges "locatives" visées aux dits contrats comme étant à charge des locataires gérants en sus du paiement des loyers afférents aux murs sont celles effectivement mises à charge de la SARL Exoplats aux termes du bail à elle consenti pour la location des locaux ;

Qu'aux termes de ce bail, le preneur "doit supporter la quote part des charges proportionnellement au nombre de tantièmes affectés au local loué dans le tableau de répartition de ces tantièmes par rapport au total de ceux-ci, étant indiqué que pour cette répartition, il sera affecté 75 m2 à ce local" ;

Considérant que les époux Quan sont donc redevables, sur justificatifs, des charges effectivement dues par Exoplats au propriétaire des murs ;

Que leur contestation sur ce point n'est donc pas fondée.

V) Sur la base des comptes et les demandes s'y rattachant

Considérant que s'il y a lieu de renvoyer les parties à faire leurs comptes en tenant compte des dispositions du présent arrêt sur la validité des contrats de location-gérance et la compensation ci-dessus, il n'y a pas lieu, en revanche, quant à présent, de régler les éventuelles difficultés pouvant survenir sur les comptes, les demandes formulées en ce sens quant au renvoi à la saisine du Jex ou à l'expertise, étant donc rejetées.

VI) Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du NCPC

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais par elles exposés, chacune étant donc déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC.

VII) Sur les dépens

Considérant qu'ils seront supportés en leur entier par la SCI Elysées Investissements concernant ceux afférents à l'instance entre elle et la SARL Exoplats, y compris ceux relatifs à l'intervention forcée des époux Quan ;

Que, concernant les dépens afférents à l'instance entre les époux Quan et la SARL Exoplats, les circonstances de l'espèce justifient qu'ils soient partagés par moitié entre les parties ;

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement, Infirme Partiellement les jugements déférés, Au fond sur les deux appels joints, Rejette les demandes en nullité des contrats de location-gérance litigieux formulées par la SCI Elysées Investissements et les époux Quan sur le fondement de l'article 4 et de l'article 11 de la loi du 20 mars 1956, Déclare prescrite l'action en résolution de ces contrats diligentée par les époux Quan et fondée sur le dol et rejette en conséquence cette demande, Déboute en conséquence la SCI Elysées Investissements et Les époux Quan de leurs demandes formulées en considération de la nullité des contrats de location, gérance et notamment de celles formulées par les époux Quan et tendant au remboursement du dépôt de garantie de 80.000 F versé lors de la conclusion du contrat de location-gérance initial, Dit que Exoplats est toujours, à ce jour, titulaire d'un titre locatif sur les locaux litigieux et que les époux Quan sont toujours actuellement tenus à l'exécution du contrat de location-gérance de 1995 en cours, Dit que les charges dues par les époux Quan aux termes des contrats de location-gérance litiugieux correspondent à celles effectivement dues par la SARL Exoplats au terme de son bail de juin 1985 dont la teneur sur ce point a été ci dessus rappelé et dit non fondée, en conséquence, la contestation des époux Quan quant aux charges "locatives", Donne acte aux parties de leur accord pour déduire, par compensation, des sommes dues par les époux Quan au titre des contrats de location-gérance une somme de 21.000 F et une somme de 5.945 F, Dit en outre que compensation devra être opérée entre les dettes des époux Quan à l'égard de Exoplats et les sommes de 30.000 F et 50.000 F versées à Madame Bui Doan es qualité de gérante de la SARL Exoplats, Renvoie les parties à faire leurs comptes sur des bases conformes aux dispositions du présent arrêt, Déboute la SCI Elysées Investissements de sa demande de dissolution anticipée de la SARL Exoplats et accorde à celle-ci un nouveau délai de six mois à compter du présent arrêt pour régulariser sa situation financière, au regard des exigences de l'article 68 de la loi du 24 juillet 1966, Déboute les parties de l'ensemble de leurs autres demandes, Rejette l'application de l'article 700 du NCPC, Condamne la SCI Elysées Investissements aux dépens de première instance et d'appel afférents à l'instance entre elle et la SARL Exoplats, y compris pour ceux relatifs à l'intervention forcée des époux Quan, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Maître Huyghe, Avoué, Dit que les dépens de première instance et d'appel afférents à l'instance entre les époux Quan et la SARL Exoplats seront partagés par moitié entre les parties et en ordonne la distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Melun et de Maître Huyghe, chacun en ce qui le concerne.