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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 6 septembre 2001, n° 1999-16435

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Samarco

Défendeur :

Seigma (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

M. Faucher, Mme Briottet

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarene, SCP d'Auriac-Guizard

Avocats :

Mes Christiaen, Bennahim.

T. com. Paris, du 24 juin 1999

24 juin 1999

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Monsieur Emmanuel Samarco contre le jugement rendu le 24 juin 1999 par le Tribunal de commerce de Paris, qui l'a condamné à payer à la société Seigma 49 462,30 francs, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, l'exécution provisoire étant ordonnée à concurrence du principal, ainsi que 8.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société Seigma a, le 2 mars 1998, fait assigner Monsieur Samarco en paiement du prix de fournitures livrées à la société Estrella, locataire-gérante d'un fonds de commerce de librairie donné en location par Monsieur Samarco, estimant celui-ci solidaire de la dette pour n'avoir pas régulièrement publié le contrat de location-gérance.

Appelant du jugement qui a fait droit à la demande, Monsieur Samarco, par ses dernières écritures signifiées le 22 février 2001, soutient qu'il a satisfait aux formalités de publication prescrites par le décret du 14 mars 1986, les seules dont le non-respect soit sanctionné par la responsabilité solidaire du loueur pour les dettes contractées par le locataire-gérant à l'occasion de l'exploitation du fonds, en application de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ; que la publication à laquelle il a procédé le 14 décembre 1987 a donc fait courir le délai de 6 mois au delà duquel cesse la responsabilité solidaire du loueur, selon l'article 8 précité, de sorte que les dettes dont le paiement lui est réclamé, nées postérieurement au 14 juin 1988, ne peuvent être mises à sa charge, alors que le renouvellement de la location-gérance par tacite reconduction n'exigeait pas une nouvelle publication, cependant que l'insuffisance des mentions figurant au registre du commerce et des sociétés concernant le locataire-gérant ne peut entraîner la responsabilité solidaire du loueur du fonds qui, non tenu lui-même à immatriculation, doit seulement, s'il est immatriculé, faire mentionner la mise en location-gérance, sans autre précision.

L'appelant demande en conséquence à la Cour de débouter la société Seigma de toutes ses prétentions et de la condamner à lui restituer la somme de 49.462,30 francs, versée en vertu de l'exécution provisoire ainsi qu'à lui payer 13.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, signifiées le 1er mars 2001 et à nouveau le 27 avril 2001, la société Seigma, intimée, demande la confirmation du jugement critiqué, sollicitant en outre la capitalisation des intérêts ainsi que la condamnation de l'appelant à lui payer 15 000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Déclarant fonder son action sur l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, elle soutient que la publication visée par ce texte est incomplète, irrégulière et par suite inopposable aux tiers si ne sont pas mentionnées au registre du commerce et des sociétés, tant pour le loueur du fonds que pour le locataire-gérant, conformément à l'article 8b du décret du 30 mai 1984, l'identité et le domicile du loueur du fonds et la date du début et du terme de la location-gérance avec, le cas échéant, l'indication que le contrat est renouvelable par tacite reconduction ; qu'en vertu de l'article 65 du décret du 30 mai 1984, le loueur du fonds ne peut opposer la cessation de son activité commerciale qu'autant qu'ont été portées au registre du commerce et des sociétés les mentions susvisées ; qu'en l'espèce les mentions portées au registre du commerce pour chacune des deux parties au contrat de location-gérance sont incomplètes et de surcroît contradictoires entre elles, l'extrait K bis concernant le locataire-gérant laissant croire de manière erronée qu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée sans faculté de renouvellement.

Cela étant exposé,

Considérant que la publication du contrat de location-gérance constituant le point de départ du délai de 6 mois après lequel cesse, selon l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, l'obligation solidaire du loueur du fonds pour les dettes du locataire-gérant contractées à l'occasion de l'exploitation du fonds est celle prescrite par l'article 2 du décret du 14 mars 1986, pris pour l'application de la loi précitée, selon lequel les contrats de gérance définis à l'article 1er de cette loi sont publiés dans la quinzaine de leur date sous forme d'extraits ou d'avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, et non l'inscription au registre du commerce et des sociétés de la mention du contrat de location-gérance, dans les conditions prévues par les articles 8b et 65 du décret du 30 mai 1984 ;

Que le contrat de location-gérance conclu entre Monsieur Samarco et la société Estrella a été signé le 8 décembre 1987 ; que Monsieur Samarco justifie que la publication requise par l'article 2 précité du décret du 14 mars 1986 a été faite le 14 décembre 1987 dans le journal "Les Petites Affiches-La loi", journal d'annonces légales, avec indication de la date du contrat, du nom et du siège social de la personne morale locataire-gérante, de la date d'effet et du terme du contrat ainsi que de son caractère renouvelable ; que le délai de 6 mois de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 a donc expiré le 14 juin 1988 ;

Qu'il est vrai, par ailleurs, que le loueur du fonds qui est immatriculé au registre du commerce et des sociétés ne peut opposer la cessation de son activité commerciale pour se soustraire aux actions en responsabilité exercées contre lui du fait des obligations contractées par son successeur dans l'exploitation du fonds qu'autant qu'a été opérée la mention correspondante au registre du commerce et des sociétés et à partir de cette mention, ainsi qu'il est dit à l'article 65 du décret du 30 mai 1984 ; que la mention dont s'agit n'est cependant pas régie par les dispositions de l'article 8 b 7° du même décret, applicables à l'immatriculation du locataire-gérant, l'obligation d'indiquer l'identité et le domicile ou siège social du loueur du fonds n'ayant de sens que si celui qui requiert l'immatriculation avec la mention de la location-gérance n'est pas lui même le loueur du fonds ; que Monsieur Samarco justifie qu'a été opérée de son chef, sur la demande d'inscription modificative dont il lui a été accusé réception le 6 janvier 1988, la mention suivante au registre du commerce et des sociétés : "fonds donné en location gérance à : société Estrella 1300-76 rue Saint Denis 75001 Paris-à compter du : 01 décembre 1987" ; que cette mention, figurant sur l'extrait L du registre du commerce et des sociétés, délivré le 20 janvier 1998, que produit Monsieur Samarco, satisfait aux exigences de l'article 65 du décret du 30 mai 1984, l'indication de la durée du contrat et de son caractère renouvelable n'étant pas obligatoire, alors que les mentions portées suffisent à la protection des tiers, ne pouvant laisser croire que le contrat aurait un terme irrévocable ;

Considérant qu'il n'importe que, pour le locataire-gérant, le registre du commerce et des sociétés comporte, relativement au contrat de location-gérance, des mentions incomplètes en ce que n'est pas indiquée la faculté de renouvellement, cette irrégularité étant sans influence sur la responsabilité du loueur du fonds à l'égard des dettes du locataire-gérant, ni l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ni l'article 65 du décret du 30 mai 1984 ne sanctionnant par la responsabilité solidaire du loueur du fonds le non-respect par le locataire-gérant de ses propres obligations déclaratives ;

Considérant qu'il suit de là que, la société Seigma poursuivant le paiement de factures de marchandises s'échelonnant entre le 31 mai 1996 et le 30 novembre 1996, laissées pour partie impayées par la société Estrella, mise en liquidation judiciaire le 5 janvier 1998, Monsieur Samarco n'est pas tenu solidairement à ces dettes, nées postérieurement au délai de 6 mois prévu par l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 et à l'inscription de la mention visée à l'article 65 du décret du 30 mai 1984 ; que le jugement déféré doit être infirmé et la société Seigma déboutée de ses demandes, condamnée aux dépens et tenue de restituer ce qu'elle a reçu en vertu de l'exécution provisoire ; qu'il est équitable de la condamner en outre, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer 13.000 francs à Monsieur Samarco ;

Par ces motifs : - Infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau, - Déboute la société Seigma de toutes ses demandes, - La condamne en tant que de besoin à restituer la somme reçue de Monsieur Samarco en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré, - Condamne la société Seigma à payer à Monsieur Samarco 13.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - La condamne aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Roblin Chaix De Lavarene, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.