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Décisions

Cass. crim., 20 octobre 1993, n° 92-84.085

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Richard Nissan (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Carlioz

Avocat général :

M. Amiel

Avocat :

Me Capron.

TGI Avignon, ch. corr., du 17 oct. 1991

17 octobre 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la SA Richard-Nissan, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, Chambre correctionnelle, du 26 juin 1992 qui, dans les poursuites engagées contre Philippe X pour publicité de nature à induire en erreur, après relaxe du prévenu, l'a déboutée de ses demandes ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1382 du Code civil, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté la société Richard-Nissan de la constitution de partie civile qu'elle formait contre Philippe X pour publicité de nature à induire en erreur ;

" aux motifs que " la publicité litigieuse est parue dans le n° 181 de Plus Hebdo du 18 septembre 1989, et est rédigée comme suit pour ledit véhicule : Nissan 4 x 4 TD GR 5 places, prix catalogue 184 900 francs, prix Y TTC importé 164 500 francs, économie client 20 400 francs (cf. jugement entrepris, p. 4, 1er attendu) ;

" que, " quant à la publicité mensongère, () celle-ci nécessiterait comme premier élément constitutif que le prix retenu et publié auprès de la clientèle pour un véhicule absolument déterminé, par la société Nissan, soit un prix de référence obligé par-delà toutes les variations tenant à l'équipement réel de l'un ou l'autre des véhicules proposés à la vente " (cf. arrêt attaqué, p. 2, attendu unique) ;

" qu'au cas de l'espèce, est posé le problème de l'identification des véhicules proposés à la vente par Y et de ceux mis sur le marché par Nissan à la même époque ; qu'en conséquence, toute comparaison relative à la marchandise s'en trouve nécessairement faussée " (cf. arrêt attaqué, p. 3, 1er attendu) ;

" qu'en la matière, aucune référence ne peut être faite à une notion de prix fixe, de la part du concessionnaire, point de repère obligé et premier terme du raisonnement dans la mesure où le marché obéit à la liberté des prix et où le concessionnaire publie son catalogue au prix conseillé, donc susceptible de discussion " (cf. arrêt attaqué, p. 3, 2e attendu) ;

" qu'il ne peut être démontré que X ait, ès qualités de gérant de la SARL Y, fait paraître une publicité mensongère quant au prix de vente et, par voie de conséquence, quant à l'économie réalisée par l'acheteur par rapport à un véhicule déterminé, options d'équipement comprises " (cf. arrêt attaqué, p. 3, 3 attendu) ;

" alors que, pour n'être pas illicite, une publicité qui procède par comparaison des prix doit avoir trait à des produits identiques, vendus dans les mêmes conditions ; que la cour d'appel constate qu'il n'est pas certain que les voitures visées dans la publicité comparative de la société Y soient les mêmes, de sorte que " toute comparaison relative à la marchandise s'en trouve nécessairement faussée " ;

" qu'elle relève, en outre, qu'aucune référence utile ne pouvait être faite au prix du catalogue, puisque, les prix étant libres, ceux pratiqués par le concessionnaire peuvent être discutés ; qu'en énonçant, dans de telles conditions, que la publicité comparative de la société Y n'est pas une publicité de nature à induire en erreur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors que la cour d'appel, qui énonce qu'il n'est pas certain que les voitures visées dans la publicité comparative de la société Y soient les mêmes, de sorte que " toute comparaison relative à la marchandise s'en trouve nécessairement faussée ", qui indique qu'aucune référence utile ne pouvait être faite au prix du catalogue puisque, les prix étant libres, ceux pratiqués par le concessionnaire peuvent être discutés et qui considère qu'il n'y a pas eu publicité de nature à induire en erreur, s'est contredite dans ses motifs ; qu'elle a privé sa décision de base légale " ;

Vu lesdits articles ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Philippe X, gérant de société, mandataire chargé de l'acquisition de véhicules automobiles dans les pays de la CEE, a fait paraître dans un journal une publicité concernant une voiture automobile, ainsi libellée : " Nissan 4x4 TD GR 5 places, prix catalogue à 184 400 francs, prix Y TTC importé : 164 500 francs ; économie client : 20 400 francs " ; qu'il est poursuivi, sur plainte de la société Richard-Nissan, importateur exclusif en France des véhicules de la marque Nissan, pour publicité comportant des indications fausses ou de nature à induire en erreur portant notamment sur le prix, infraction prévue par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, applicable à la date des faits ;

Attendu que, pour relaxer le prévenu et débouter la partie civile de ses demandes, la juridiction du second degré énonce que " la publicité mensongère nécessiterait comme premier élément constitutif que le prix retenu et publié auprès de la clientèle pour un véhicule absolument déterminé, par la société Nissan, soit un prix de référence obligé par-delà toutes les variations tenant à l'équipement réel de l'un ou l'autre des véhicules proposés à la vente " ; que les juges ajoutent " qu'au cas de l'espèce est posé le problème de l'identification des véhicules proposés à la vente par Y et de ceux mis sur le marché par Nissan à la même époque ; qu'en conséquence toute comparaison relative à la marchandise s'en trouve nécessairement faussée ; qu'en la matière, aucune référence ne peut être faite à une notion de prix fixe, de la part du concessionnaire, point de repère obligé et premier terme du raisonnement dans la mesure où le marché obéit à la liberté des prix et où le concessionnaire publie son catalogue au prix conseillé, donc susceptible de discussion " ;

Mais attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, les juges, qui ne pouvaient, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, après avoir relevé que la publicité incriminée comportait des informations incomplètes et ambiguës - notamment sur l'identité exacte des véhicules proposés à la vente et sur leur équipement - énoncer qu'elle n'était pas susceptible d'induire en erreur la clientèle à laquelle elle était destinée, ont méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Nîmes, en date du 26 juin 1992, mais en ses seules dispositions civiles, les autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.