CA Bordeaux, 2e ch., 4 novembre 1993, n° 92004231
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Bedin (SA)
Défendeur :
Diaz, Agence Echo (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouscharain
Conseillers :
M. Martin, M. Ors
Avoués :
SCP Labory-Moussie-Andouard, Me Rivel
Avocats :
Mes Huet, Marguery, Eyquem-Barrière.
Par ordonnance rendue en référé le 26 mai 1992, le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action par laquelle la société Cabinet Bedin demandait qu'il soit ordonné à Madame Christine Diaz de cesser l'activité qu'elle poursuivait sur la commune de Saint Médard en Jalles en violation d'une clause de non concurrence contenue dans son contrat d'agent commercial, pour le motif essentiel que ce contrat est de nature civile. Le magistrat a par ailleurs débouté la société Cabinet Bedin de sa demande dirigée contre la société Agence Echo tendant à ordonner à celle-ci de cesser toute collaboration avec Madame Diaz sur le secteur de Saint Médard en Jalles, en l'absence de preuve suffisante que celle-ci exerce son activité professionnelle dans ce secteur.
Le 2 juillet 1992, la société Cabinet Bedin a relevé appel de cette décision.
Par conclusions des 29 octobre 1993, elle reprend ses demandes initiales.
Elle expose qu'elle a recruté le 1er août 1991 Madame Diaz en qualité d'agent commercial que celle-ci a démissionné par lettre du 24 septembre 1991 et qu'elle a été recrutée par une société concurrente ayant son siège à environ 300 mètres du sien, au mépris de la clause contractuelle de non concurrence interdisant pour 2 ans d'exercer dans un rayon de 10 kilomètres de son siège une activité liée à la négociation immobilière. Elle déclare justifier par constat que Madame Diaz faisait, le 27 novembre 1991, visiter des maisons se trouvant à Saint Médard en Jalles et relevant de son propre fichier.
Une ordonnance de référé du 2 Janvier 1992 a ordonné à Madame Diaz de cesser d'exercer son activité à Saint Médard en Jalles et constaté qu'à compter de sa date, la société Agence Echo ne pouvait ignorer l'existence de la clause de non concurrence.
Or, deux constats postérieurs montrent que Madame Diaz continue de travailler à Saint Médard pour le compte de la société Echo et qu'une visite de maison a été réalisée par son propre fils.
Elle fait grief au premier juge de s'être estimé incompétent, contrairement à ce qu'il avait précédemment décidé en retenant l'apparence crée par une clause contractuelle.
Elle affirme que l'ordonnance du 2 janvier 1992 n'est pas respectée, Madame Diaz étant employée à recevoir de la clientèle de la société Echo et les réponses qu'elle a fournies à l'huissier étant mensongères.
La société Echo a conclu le 5 mars 1993 à la confirmation de l'ordonnance et à l'allocation d'une indemnité de 10 000 F et de 5 000, F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait état de l'existence d'une action en annulation de contrat d'agent commercial ayant lié Mme Diaz à la société Cabinet Bedin et d'une action de cette dernière société en indemnisation de son préjudice commercial.
Elle fait observer que les documents produits par le Cabinet Bedin ne prouvent pas de violation à l'ordonnance du 2 janvier 1992.
Elle indique qu'elle a exclu des attributions de Madame Diaz, le secteur de Saint Médard en Jalles.
Elle s'estime victime de la vindicte de la société Cabinet Bedin. Madame Diaz, assignée à personne, n'est pas représentée devant la Cour. L'instruction a été close le 30 septembre 1993.
Sur quoi :
Attendu qu'il résulte des articles 872 et 873 du Nouveau Code de Procédure Civile que le Président du tribunal de commerce peut, en référé, dans tous les cas d'urgence et dans les limites de la compétence du Tribunal soit ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, soit prescrire, même en présence d'une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu que, par contrat prenant effet le 1er Août 1991, la société Cabinet Bedin a recruté Madame Diaz en qualité d'agent commercial ; que Madame Diaz a démissionné de ses fonctions par lettre du 24 septembre 1991 ; qu'elle restait alors soumise, pour une durée de deux ans et dans un rayon de dix kilomètres autour du siège ou de l'un des établissements de son employeur, à une obligation de non concurrence ; qu'il est justifié que, avant l'expiration du délai de 2 ans, elle a été engagée, pour exercer les mêmes fonctions, par la société Agence Echo ayant son siège à Blanquefort, société ayant la même activité que la société Cabinet Bedin et ayant, comme celle-ci, un établissement à Saint Médard en Jalles ;
Attendu qu'il est constant que le contrat souscrit entre la société Bedin et Madame Diaz comporte une clause attribuant compétence au tribunal de commerce pour connaître des contestations relatives à son exécution ;
Que toutefois dès lors qu'il n'est pas prétendu que Madame Diaz aurait alors eu la qualité de commerçante, cette clause doit, au regard des dispositions de l'article 48 du Nouveau Code de Procédure Civile, être réputée non écrite, en sorte que c'est à bon droit que le premier juge a accueilli l'exception d'incompétence dont l'avait saisi Madame Diaz; que, sur ce point, l'ordonnance attaquée ne peut qu'être confirmée, peu important que, par une précédente décision, le magistrat des référés se soit estimé compétent, en se fondant sur l'apparence créée par ladite clause et qu'il n'ait pas été formé de recours contre cette décision qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal;
Attendu qu'il est constant que la société Agence Echo n'ignorait par l'obligation de non concurrence incombant à Madame Diaz, puisque le contrat d'agent commercial les ayant liées, à effet du 1er décembre 1991, exclut du secteur d'activité de Madame Diaz pour une durée de 2 ans, le territoire de la commune de Saint Médard en Jalles, seul secteur d'exclusion invoqué par la société Cabinet Bedin ; que toutefois dans la mesure d'une part où la Cour ne peut assortir d'une astreinte, avec un effet rétroactif, une interdiction dont il est prétendu qu'elle n'a pas été respectée d'autre part où il apparaît tout à la fois que l'obligation de non concurrence a pris fin le 25 septembre 1993 et que Madame Diaz a cessé ses fonctions auprès de la société Agence Echo depuis le 9 Juillet 1993, la Cour cherche vainement l'utilité de la mesure que la société Cabinet Bedin sollicite contre la société Agence Echo ;
Qu'au surplus, en état de référé, il n'apparaît pas que les éléments de preuve produits relatifs à la seule présence de Madame Diaz dans les locaux de la société Agence Echo, sans qu'un élément positif permette de penser qu'elle s'y livre à des actes de concurrence interdits, soient suffisants pour caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite que subirait la société Cabinet Bedin ou faire présumer l'existence d'un dommage imminent que la mesure sollicitée tendrait à prévenir ; qu'en ce qui concerne M. Richard Diaz, force est de constater qu'il n'est ni prétendu ni justifié qu'il serait tenu d'une quelconque obligation de non concurrence envers la société Cabinet Bedin pas plus qu'il n'est justifié d'une collusion avec Madame Diaz que l'existence d'une homonymie voire d'un lien de parenté ne peut suffire à caractériser ;
Que, dans ces conditions, les dispositions de l'ordonnance attaquée concernant la société Agence Echo doivent être confirmées ;
Attendu que la société Agence Echo ne prouve pas ses allégations relatives à la gêne que les constats d'huissier ont pu apporter à son activité commerciale pas plus qu'elle ne prouve le préjudice dont elle demande réparation ;
Attendu que, perdant sur l'appel, la société Cabinet Bedin supportera les dépens et participera en équité à hauteur de 300 000 F, aux frais exposés en défense par la société Agence Echo ;
Par ces motifs : LA COUR, Déclare mal fondé l'appel de la société Cabinet Bedin contre l'ordonnance rendue en référé le 26 mai 1992 par le Président du Tribunal de commerce de Bordeaux, Confirme cette ordonnance en toutes ses dispositions, Déboute la société Agence Echo de sa demande d'indemnité, Condamne la société Cabinet Bedin à payer à la société Agence Echo la somme de 3 000 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société Cabinet Bedin aux dépens, Autorise la SCP Labory-Moussie-Andouard, avoués associés, à recouvrer directement auprès de la société Cabinet Bedin ceux des dépens qu'elle a pu avancer.