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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 18 novembre 1993, n° 91-21536

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Redoute Catalogue (SA)

Défendeur :

Parfums Christian Dior (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

MM. Ancel, Brunet

Avocats :

SCP Fisselier, Chiloux, Boulay, SCP Valdelievre, Garnier.

TGI Paris, du 10 sept. 1991

10 septembre 1991

Dans des circonstances relatées par les premiers juges, la société Christian Dior, titulaire de la marque Christian Dior déposée le 1er août 1985 et enregistrée sous le n°13 19043 pour protéger notamment les produits de la classe 3, a assigné la société Redoute Catalogue pour usage illicite de sa marque ainsi qu'en responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

Il n'est pas discuté que la société La Redoute Catalogue a proposé sur un prospectus diffusé en avril 1990 une ligne de produits Christian Dior comme lot d'une loterie. Ces produits sont authentiques et ont été acquis régulièrement ; ils ne sont pas commercialisés par la société La Redoute mais par des distributeurs choisis sélectivement.

Par jugement du 10 septembre 1991, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la SA La Redoute Catalogue à 100 000 F de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte occasionnée par l'usage illicite de la marque. Faute par la société Christian Dior de prouver l'existence de la faute alléguée, il l'a déboutée de sa demande de ce chef. La somme de 5000 F a été allouée à la société Christian Dior sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La publication de la décision a été autorisée.

La société Redoute Catalogue a relevé appel.

Elle conclut à l'infirmation de la décision en ce qu'elle l'a condamnée pour usage illicite de marque et au rejet des demandes de l'intimée.

La société Christian Dior, appelante incidemment, sollicite la condamnation de la SA Redoute Catalogue à lui payer les sommes de 500 000 F de dommages-intérêts du chef d'usage illicite de la marque d'autrui et de 500 000 F sur le fondement de l'article 1382 du code civil, outre celle de 10 000 F au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Sur ce, LA COUR, qui pour plus ample exposé, se réfère au jugement et aux écritures d'appel,

Considérant que la SA Redoute Catalogue soutient, contrairement à l'opinion des premiers juges, que l'organisateur d'une loterie ne commet pas un usage illicite de marque en désignant sous leur marque les lots proposés ; que rien ne s'opposerait à ce que des produits qui se trouvaient librement dans le commerce soient choisis pour être les lots d'une loterie organisée par un commerçant qui les a effectivement commandés, l'identification de ces lots ne pouvant alors être effectuée qu'en utilisant la dénomination sous laquelle ces produits sont dans le commerce ;

Considérant que la société Christian Dior oppose que l'utilisation de sa marque a eu lieu au mépris de la demande de retrait des produits Christian Dior du concours, adressée par lettre recommandée en date du 13 avril 1990 ; qu'elle pratique un mode de distribution sélective par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés, alors que la SA Redoute Catalogue est une société de vente par correspondance de divers produits, à l'exclusion des produits de luxe ; qu'elle reproche à l'appelante d'avoir utilisé indûment sa marque sans son autorisation, à des fins publicitaires en vue de promouvoir la vente de produits autres que ceux revêtus de la marque ; que par ailleurs, la lecture du catalogue La Redoute pourrait donner à penser que les produits Christian Dior sont vendus par correspondance, circonstance dévalorisante pour les produits considérés ;

Considérant, cela exposé, que par des motifs que la Cour adopte, le tribunal a exactement retenu que le propriétaire d'une marque déposée peut s'opposer à l'emploi commercial de sa marque utilisée à des fins autres que celles servant à la commercialisation de ses produits; qu'il convient d'ajouter que la mise dans le commerce des produits Christian Dior couverts par la marque, même dans le cadre de l'organisation d'une loterie, effectuée par la SA Redoute Catalogue qui n'avait pas la qualité de revendeur agréé du réseau de distribution sélective mis en place par la société Christian Dior, constitue un usage illicite de la marque;

Considérant, ensuite, que les premiers juges ont à juste titre estimé que la présentation des produits Christian Dior, telle qu'opérée par la société Redoute Catalogue, ne portait pas atteinte au prestige de la marque; qu'aucune faute ne peut être retenue de ce chef à l'encontre de l'appelante ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement, la preuve n'étant par ailleurs pas rapportée de l'insuffisance prétendue de la réparation accordée au titre du préjudice occasionné par l'usage illicite de la marque ; que la société Christian Dior sera déboutée de son appel incident,

Considérant qu'il y a lieu, en équité, d'allouer à l'intimée au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en appel la somme indiquée au dispositif ci-après ;

Par ces motifs et ceux des premiers juges: Confirme le jugement entrepris, Déboute la société Christian Dior de son appel incident, Condamne la société Redoute Catalogue à payer à la société Christian Dior la somme de 7000 F au titre de l'article 700 du NCPC. La condamne aux dépens, qui seront recouvrés par la SCP d'avoués Valdelievre Garnier, dans les conditions de l'article 699 du NCPC, Rejette toute autre demande.