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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 18 novembre 1993, n° 92-3676

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Euro Fluide (SARL)

Défendeur :

Pitorre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salzmann

Conseillers :

Mme Jaubert, M. Betch

Avoués :

SCP Menard-Scelle-Millet, SCP D'Auriac Guizard

Avocats :

Mes Bouaziz, Besson.

TGI Fontainebleau, du 24 déc. 1991

24 décembre 1991

Par acte du 14 mars 1989 M. Hubert Pitorre agent commercial assignait la SARL Euro Fluide en paiement à titre d'indemnité pour rupture brutale sans faute de contrat d'agent commercial et pour rupture brutale et sans motif légitime de mandat de représentation d'intérêt commun, de la somme de 766 000 F et de celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Par jugement du 24 décembre 1991 auquel il convient de se rapporter pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le Tribunal de grande instance de Fontainebleau condamnait la société Euro Fluide à payer à M. Pitorre 383 000 F avec " intérêts de droit à compter du jugement " et 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le 30 janvier 1992, la société Euro Fluide interjetait appel.

Elle exposait que M. Pitorre se fondait sur une lettre du 12 mai 1982 émanant de la concluante pour revendiquer sa qualité d'agent commercial alors que selon elle, cette lettre qui énonçait les conditions de collaboration proposées à l'intimé en tant qu'agent commercial se terminait sur la phrase " nous restons dans l'attente de vos commentaires éventuels " et n'avait reçu aucune réponse de M. Pitorre notifiant une confirmation écrite de ces conditions même si l'application de cette correspondance fut assurée ultérieurement. Elle en déduisait que M. Pitorre n'était pas recevable à se prévaloir du statut d'agent commercial.

Subsidiairement elle soutenait que même si la qualité d'agent commercial de M. Pitorre était retenue, sa demande de dommages-intérêts serait mal fondée à raison tant des carences du susnommé que de la nécessaire réorganisation de la société Euro Fluide au regard des conditions dans lesquelles était exercée l'activité de l'intimé.

Elle exposait que M. Pitorre ne contestait pas être devenu depuis 1982, agent commercial d'une société Christ filiale française de la société Allemande Auto Christ qui fabrique des portiques automatiques multi-programmes de lavage et entretien de voitures. Elle ajoutait que M. Pitorre avait commencé à ce titre ses prospections et qu'il avait pris accord avec la concluante pour devenir également son agent commercial, accord d'où naissait la lettre du 12 mai 1982.

Euro Fluide faisait observer que cette lettre ne mentionnait pas la société Christ alors que M. Pitorre avait considéré que cette activité était accessoire et dans un état de dépendance nécessaire de la commercialisation par ses soins des portiques Christ.

Elle reprochait à M. Pitorre de n'avoir développé aucun effort personnel pour promouvoir de manière autonome et hors la carte Christ le développement des produits Euro Fluide qui lui étaient confiés, produits de lavage utilisés dans les portiques, étant précisé qu'avant toute relation avec M. Pitorre, Euro Fluide avait mis en place une collaboration active avec Christ de telle sorte que les produits étaient les seuls préconisés par Christ. La conséquence selon la concluante résidait dans le fait que M. Pitorre n'avait qu'une clientèle celle de Christ de telle sorte qu'il ne peut objectivement prétendre avoir développé une clientèle " Euro Fluide " dont la privation aurait généré le principe et a fortiori le montant d'un préjudice.

Elle estimait que M. Pitorre installé dans une rente de situation s'était accommodé du développement d'un chiffre d'affaires non lié à son activité propre mais à un comportement général du marché pour s'exonérer de toutes diligences qu'un mandant pouvait attendre d'un éventuel agent commercial.

Elle reprochait à M. Pitorre le fait que les nouveaux clients étaient abandonnés à leur sort par M. Pitorre lesquels s'étaient plaints à Euro Fluide, que malgré des relances il faisait preuve d'absentéisme de telle sorte que face aux récriminations des clients, Euro Fluide était amenée assurer l'embauche d'un technico-commercial le 5 avril 1988 et que 57 gérants de stations-service acceptaient sur demande de la concluante de confirmer les griefs formulés.

Elle précisait que M. Pitorre se présentait comme agent commercial de Christ sans mentionner sa qualité d'agent commercial Euro Fluide ; qu'il se contentait de référencer le produit Euro Fluide parce que seul homologué par Christ ; que M. Pitorre ne contactait plus les gérants de stations après que la première commande eut été livrée avec la machine et ne présentait jamais les nouveaux produits d'Euro Fluide excluant tout rapport personnel avec les clients dont la fidélité aux produits Euro Fluide résultait exclusivement de l'homologation de ses produits par le pétrolier.

Selon l'appelante la preuve non équivoque de l'absence de corrélation entre chiffre d'affaires réalisé et l'activité réelle de M. Pitorre était rapportée par sa propre affirmation selon laquelle le niveau de ses commissions n'avait pas en 1988 été affecté par un arrêt complet de son activité pour raison de santé.

Elle soutenait donc que la rupture du contrat avec M. Pitorre était justifiée étant précisé qu'elle y avait sursis en attendant le rétablissement de l'intimé.

Par ailleurs elle justifiait de la réorganisation nécessaire de son réseau commercial consécutive à la rupture des rapports commerciaux entre elle et Christ.

Elle faisait observer que la démobilisation de M. Pitorre dans le suivi de la clientèle était concomitante avec un processus de rupture connu de l'intimé et mis en place par Christ dès le début de 1987 étant précisé que dès le troisième trimestre de 1988 M. Pitorre avait repris son activité d'agent commercial de Christ.

Elle alléguait que Christ avait essayé de faire payer au cours le plus haut l'unicité du réseau de distribution et que n'étant pas parvenu à ses fins elle avait crée une filiale " Auto Jet Chimicales " proposant des produits concurrents de ceux d'Euro Fluide et suggérait à sa clientèle que la chaîne de fabrication ne pouvait recevoir que ces produits représentant la meilleure garantie, étant précisé que Christ interdisait à Euro Fluide d'utiliser le slogan " produit recommandé par Christ ".

L'appelante faisait observer que M. Pitorre ne pouvait donc plus se prévaloir de l'accord entre Christ et Euro Fluide et qu'il devenait inconcevable qu'il puisse diffuser dès le 1er octobre 1988 des produits Euro Fluide concurrents des produits " Auto Jet " car le contrat d'agent commercial le liant à Euro Fluide ne pouvait avoir d'existence autonome hors de l'homologation exclusive de toute autre de la société Christ et sa diffusion dans le réseau Christ.

Elle estimait n'avoir pu maintenir un contrat d'agent commercial au bénéfice d'un agent, à titre principal agent commercial d'une entreprise concurrente et recherchant l'éviction d'Euro Fluide à l'endroit des fournitures nécessaires aux portiques commercialisés par Christ, étant précisé que la clientèle Euro Fluide n'était qu'un aspect de la clientèle Christ pour M. Pitorre et que le maintien de sa qualité d'agent commercial Christ avait pour effet nécessaire d'assurer le transfert de cette clientèle au profit d'Auto Jet société apparentée à Christ.

Il y avait donc selon l'appelante, nécessité urgente de rompre le contrat de M. Pitorre, imposée par la situation du marché étant précisé que les conditions de la rupture excluaient tout droit au principe même d'une indemnité compensatrice.

Elle estimait enfin que M. Pitorre ne pouvait apporter la preuve de son préjudice compte tenu du choix de Christ de commercialiser par une société concurrente des produits concurrents de ceux de la concluante et qu'il ne peut sérieusement prétendre qu'il aurait pu postérieurement au 1er octobre 1988 concurrencer son principal mandant.

Elle demandait la réformation du jugement et 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

M. Pitorre répliquait qu'agent commercial de la société Christ en 1982, il avait créé et développé une clientèle pour Christ. Il ajoutait qu'en mai 1982 il devenait agent commercial d'une société Euro Fluide pratiquement sans clients pour la création d'une clientèle " Christ ". Il précisait avoir créé et développé une clientèle importante au profit d'Euro Fluide qui voyait son chiffre d'affaires et son personnel augmenter sensiblement. Il ajoutait que le 25 juillet 1988 il était hospitalisé et précisait que le 27 septembre 1988 son contrat était brutalement rompu durant son hospitalisation et sans indemnisation.

Sur sa carence alléguée par Euro Fluide il répliquait qu'il avait entièrement créé la clientèle sur laquelle il avait été commissionné et avait constamment développé le chiffre d'affaires d'Euro Fluide.

Il faisait en effet observer que le chiffre d'affaires néant en 1982 et de 40 862 F en 1983 était passé à 1 237 612,50 F en 1987, toujours depuis le début en constante augmentation étant précisé qu'il était de 860 000 F pour le premier semestre de 1988.

M. Pitorre précisait que la société Euro Fluide n'avait jamais fourni le tableau annuel des chiffres d'affaires de ses collègues et ajoutait qu'en charge de la région Ile-de-France, il n'avait jamais été chargé par Euro Fluide de vendre ses produits à des stations-service n'utilisant pas les portiques Christ étant précisé que selon lui Euro Fluide n'utilisait pas de représentants pour la vente aux stations-service utilisant des portiques d'autres marques.

Il soutenait que les attestations visant sa carence avaient été établies par Euro Fluide qui acceptait de faire des cadeaux aux clients qui acceptaient de les signer, allant jusqu'à offrir ses produits pour près de 3 000 F, étant précisé que le concluant n'était pas chargé de régler et doser le matériel, son contrat lui assurant une assistance technique d'où l'embauche le 5 avril 1988 seulement, d'un délégué technico-commercial par Euro Fluide. Il en déduisait que ce délégué n'avait donc pu intervenir dans la création et le développement de la clientèle de M. Pitorre.

Il prétendait avoir toujours suivi régulièrement sa clientèle tant pour Christ fournisseur des matériels que pour Euro Fluide fournisseur des produits utilisés sur ces matériels. Il reprochait en outre à Euro Fluide d'avoir soutenu que son état de santé pouvait conduire à la cessation de son activité et faisait observer que la jurisprudence condamnait de façon sévère le licenciement d'un collaborateur pour raison de santé étant précisé qu'il avait repris ses fonctions auprès de Christ depuis décembre 1988.

Il notait également qu'après son éviction le chiffre d'affaires d'octobre 1988 à septembre 1989 ne s'était élevé qu'à 1 129 197 F.

Il estimait que son activité avait entraîné en même temps que l'augmentation du chiffre d'affaires, celui de ses commissions et estimait que si Euro Fluide s'était séparée de lui c'était non pour le remplacer par un collaborateur plus performant mais pour s'approprier sa clientèle sans avoir à continuer à lui verser ses commissions.

Sur sa qualité d'agent commercial, M. Pitorre faisait observer dans ses conclusions de première instance qu'Euro Fluide lui avait reconnu cette qualité et qu'en tout état de cause au terme du Décret du 23 décembre 1958 les deux seules conditions d'application du statut d'agent commercial étaient l'établissement d'un écrit engageant l'intéressé en cette qualité et l'inscription de l'agent au registre spécial des agents commerciaux. Or il soutenait avoir été engagé par écrit en cette qualité en s'était inscrit qu'après avoir obtenu les écrits de ses mandants étant précisé que selon lui la lettre du 12 mai 1982 visait " les conditions de la collaboration " de M. Pitorre " en tant qu'agent commercial " et que cet accord des parties sur les conditions de leur collaboration visées dans la lettre avait été confirmé par toutes les correspondances ultérieures. Il estimait qu'il n'était nul besoin de viser le Décret de décembre 1958 et ajoutait que depuis la loi du 25 juin 1989, un écrit n'était même plus nécessaire.

Sur la rupture sans motif légitime du mandat d'intérêt commun de représentation, il soutenait que le mandat qui était donné aux représentants mandataires " libres " (non salariés) étant établi dans l'intérêt commun des deux parties, sa rupture par le mandat emportait pour celui-ci l'obligation d'indemniser le préjudice qu'il avait fait subir à son représentant mandataire sauf si le mandant justifiait d'un motif légitime de rupture.

Il estimait que selon la jurisprudence, Euro Fluide lui devait deux ans de commissions soit 766 900 F arrondis à 800 000 F montant de sa demande.

Il demandait donc la confirmation en son principe du jugement déféré mais sa réformation du quantum de la condamnation. Il réclamait enfin 20 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Cela exposé :

Considérant qu'en cause d'appel, la société Euro Fluide dénie à M. Pitorre la qualité d'agent commercial à son service en contestant la valeur contractuelle de la lettre d'engagement du 12 mai 1982 ;

Considérant que le Décret du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux requérait des intéressés pour condition d'application de leur statut l'établissement d'un écrit engageant les intéressés en cette qualité et leur inscription au registre spécial des agents commerciaux ;

Or considérant qu'il résulte de l'examen de la lettre du 12 mai 1982 adressée par Euro Fluide à M. Pitorre qu'il y était inscrit " comme convenu nous vous confirmons ci-après les conditions de collaboration que nous vous proposons en tant qu'agent commercial libre " ; qu'y étaient énumérés précisément non seulement les missions incombant à l'intimé mais encore son système de rémunération par commissions, qu'enfin il y était noté à la fin " nous restons dans l'attente de vos commentaires éventuels "

Considérant que ces écritures n'ont aucun caractère aléatoire mais fixent au contraire les conditions de travail et de rémunération de l'intimé étant précisé que la possibilité pour M. Pitorre de faire des commentaires ne saurait remettre en cause la valeur contractuelle du document, et qu'en tout état de cause M. Pitorre ne remettait pas en cause lesdites conditions ;

Considérant qu'en effet c'est la société Euro Fluide qui dans plusieurs courriers ultérieurs confortait le caractère contractuel du document en proposant à M. Pitorre des modifications sur le pourcentage de ses commissions en visant toujours la lettre du 12 mai 1982 comme référence ;

Considérant enfin et surtout qu'Euro Fluide a elle-même clairement et précisément reconnu la qualité d'agent commercial à son service de M. Pitorre dans diverses écritures ; qu'en effet dans des conclusions du 20 février 1990 déposées en première instance elle reconnaît tant la valeur de contrat à la lettre du 12 mai 1982 que sa qualité d'agent commercial d'Euro Fluide ; que dans la lettre du 27 septembre 1988 émanant d'Euro Fluide et mettant fin aux fonctions de l'intimé il est écrit " ces motifs constituent à nos yeux un manquement caractérisé à vos obligations professionnelles et nous sommes amenés à rompre le contrat établi le 12 mai 1982 " et encore plus loin " nous vous avons informé de différentes anomalies constatées dans l'exécution de votre mandat d'agent commercial " ;

Considérant par ailleurs qu'ont été versées aux débats les preuves de l'inscription le premier décembre 1983 de M. Pitorre au registre spécial des agents commerciaux soit postérieurement aux écrits l'ayant engagé ;

Considérant qu'il résulte des éléments sus-développés que la qualité d'agent commercial au service d'Euro Fluide ne saurait être contestée puisque reconnue par Euro Fluide en contradiction avec ses propres écritures ;

Considérant que la société Euro Fluide a engagé M. Pitorre alors et parce qu'elle connaissait sa qualité d'agent commercial de la société Christ France filiale de la société Christ fabricant et distributeur de portiques automatiques de lavage de véhicules alors qu'Euro Fluide était fabricant et distributeur de produits de lavage destinés aux portiques ;

Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats qu'Euro Fluide n'avait en 1982 aucune clientèle pour ses produits destinés sur le secteur Ile-de-France aux portiques de lavage Christ ; qu'elle a engagé pour ce secteur M. Pitorre agent commercial de Christ et disposant comme tel de l'opportunité de choisir les produits de lavage destinés au matériel Christ ; qu'ainsi l'intimé agent commercial exclusif de la société Christ a développé une clientèle à la fois utilisatrice de portiques Christ et de produits Euro Fluide dans les stations-service de l'Ile-de-France ; qu'ainsi entre 1982 et 1988 le chiffre d'affaires de M. Pitorre s'est considérablement développé puisque de 40 862 F en 1983 il est passé à 1 237 612,50 F en 1987 et à 860 000 F en 1988 pour la période antérieure à l'hospitalisation de M. Pitorre en juillet 1988 étant précisé que parallèlement Euro Fluide se développait en même temps que son chiffre d'affaires grâce notamment à la diligence de M. Pitorre qui avait entièrement créé la clientèle sur laquelle il fut commissionné jusqu'à 35 % pour les tranches élevées ; qu'en effet M. Pitorre a fourni de nombreuses pièces comptables qui démontrent la véracité de ses assertions à cet égard ;

Considérant qu'Euro Fluide ne peut donc à bon droit reprocher un chiffre d'affaires et un développement insuffisant de clientèle à M. Pitorre qui grâce à sa double casquette d'agent commercial de Christ société très bien implantée dans les stations de lavage et d'agent Euro Fluide avait fait prospérer de façon non négligeable cette dernière société;

Considérant qu'à cet égard Euro Fluide ne saurait non plus reprocher de ne pas avoir développé une clientèle n'utilisant pas les portiques Christ puisqu'elle savait qu'agent exclusif de Christ en matière de portiques il ne pouvait travailler pour la concurrence alors même que les produits Euro Fluide bénéficiaient tant grâce à M. Pitorre qu'aux relations bonnes jusqu'en 1988 entre Christ et Euro Fluide de l'homologation Christ, mention inscrite sur les produits ; qu'ainsi il était exclu que M. Pitorre puisse placer auprès de clients exploitant de matériels non distribués par Christ, des produits seuls homologués par cette société ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats ; qu'en tout état de cause Euro Fluide n'a jamais fourni aux débats les tableaux annuels des chiffres d'affaires des collègues de M. Pitorre qui auraient pu démontrer si d'autres agents étaient employés pour des stations-service utilisant des portiques d'autres marques que Christ étant précisé que dans ses écritures Euro Fluide ne donnait sur ce point aucun éclaircissement ;

Considérant en outre qu'il ne saurait être reproché à l'intimé agent de Christ de n'avoir pas suffisamment fait état de sa qualité d'agent d'Euro Fluide auprès des clients dès lors que l'appelante ne peut sérieusement discuter le développement de sa clientèle grâce à M. Pitorre ;

Considérant en revanche qu'elle reproche à M. Pitorre le fait qu'elle ait elle-même réceptionné des commandes qui auraient du être traitées par l'intimé qu'elle commissionnait tout de même ;

Or considérant que ces prises directes de commandes n'ont causé aucun préjudice à Euro Fluide auquel il appartenait d'en faire subir les conséquences à M. Pitorre en diminuant ses commissions si ces allégations étaient démontrées ;

Considérant par ailleurs qu'Euro Fluide reproche une carence voire une grave négligence à M. Pitorre dans le suivi de la clientèle et notamment pour les problèmes posés par l'usage et le dosage de ses produits ; qu'elle produit à l'appui de ces accusations de nombreuses attestations dactylographiées et prérédigées par elle-même ; attestations complétées si nécessaire et signées par les gérants de stations-service employant tous des portiques Christ étant précisé qu'elles visaient notamment tant la fréquence des visites de M. Pitorre que les interventions techniques dont le réglage des produis Euro Fluide ;

Or considérant qu'il résulte de l'examen du contrat du 12 mai 1982 qu'une assistance technique pouvait être fournie à M. Pitorre par Euro Fluide ce qui supposait qu'il ne lui appartenait exclusivement pas d'assurer la partie technique des interventions ; qu'en outre il résulte de courriers de Christ que cette société avait chargé son service après-vente d'assurer les interventions techniques sur les portiques tant pour les portiques que pour les produits de lavage Euro Fluide étant précisé qu'elle se plaignait du coût excessif de ces interventions par rapport au prix de la marchandise, qu'elle souhaitait qu'Euro Fluide participe à ces frais dont le montant n'était pas contesté par l'appelante, qu'enfin elle interdisait à Euro Fluide qui avait enfin engagé en avril 1988 un technicien de le faire travailler sur ses portiques ;

Considérant que la compétence de Christ pour les interventions techniques est confirmée par les propres attestations des gérants de stations versées aux débats puisque tous ou presque ont confirmé par leur signature que c'était les services de Christ qui se chargeaient des interventions techniques notamment relatives au réglage des produits de lavage Euro Fluide ;

Considérant qu'il en résulte que d'une part cet état de fait ne causait pas de préjudice à Euro Fluide puisqu'il lui évitait d'engager des techniciens et que d'autre part il ne peut être alors reproché à M. Pitorre d'avoir négligé sa clientèle dans ce domaine étant précisé qu'agent commercial il avait la faculté d'organiser son travail comme il l'entendait pourvu qu'il obtienne des résultats positifs comme cela se passa en l'espèce ;

Considérant d'ailleurs qu'il résulte des documents versés aux débats que c'est le coût des interventions techniques dans les stations qui engendre un conflit entre Euro Fluide et Christ dans la mesure où Euro Fluide refusa de s'associer aux frais engendrés par ces interventions étant précisé que Christ refusait que le technicien engagé seulement le 5 avril 1988 par Euro Fluide intervienne sur les portiques Christ ;

Considérant qu'il résulte de ces courriers échangés entre les deux sociétés qu'Euro Fluide dépendait quelque peu commercialement et techniquement de Christ ; que le conflit se dénouait par une rupture entre les précités avec interdiction faite à Euro Fluide de présenter ses produits avec l'homologation Christ ;

Considérant que la rupture entre les deux sociétés a eu lieu après la lettre du 27 septembre 1988 mettant fin aux activités d'agent commercial Euro Fluide de M. Pitorre étant précisé que celui-ci fut souvent hospitalisé entre juillet et novembre 1988 ;

Considérant donc qu'Euro Fluide ne saurait rejeter sur M. Pitorre la responsabilité de cette rupture en ce qu'elle engendra du côté de Christ la naissance d'Auto Jet société concurrente d'Euro Fluide ; qu'en effet ni la cause ni le résultat du conflit ne saurait lui être opposable étant précisé qu'il n'était qu'agent commercial de Christ et non l'un de ses dirigeants ;

Considérant par ailleurs que l'état de santé de M. Pitorre ne saurait être pris en compte pour justifier le renvoi de celui-ci par Euro Fluide puisqu'en décembre 1988, il reprenait ses fonctions auprès de Christ qui le confirmait par courrier ;

Considérant qu'en définitive, M. Pitorre n'a commis aucune faute dans sa pratique professionnelle de nature à justifier une rupture brutale et sans indemnité de son contrat d'agent commercial étant précisé qu'après renvoi il est établi que le chiffre d'affaires sur son secteur devenait inférieur à celui de 1987 sur une période de 12 mois soit d'octobre 1988 à septembre 1989 ;

Considérant qu'il y a donc eu rupture sans motif légitime de la convention d'engagement d'un agent commercial, convention qui constitue en application de l'article 3 du Décret de décembre 1958 un mandat de représentation d'intérêt commun de telle sorte qu'en l'absence de faute de M. Pitorre le mandant soit Euro Fluide a l'obligation d'indemniser le préjudice qu'il a fait subir à son représentant mandataire;

Considérant qu'à cet égard que M. Pitorre réclame la somme de 800 000 F représentant environ l'équivalent de deux annuités de commissions sur la meilleure année; que la cour estime quant à elle le montant de cette indemnité à 600 000 F ;

Considérant que c'est pertinemment que les premiers juges ont attribué à M. Pitorre la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et que l'équité commande que lui soit attribuée la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR : Confirme partiellement le jugement déféré et substituant à son dispositif le dispositif suivant, Condamne Euro Fluide à payer à M. Pitorre Hubert la somme de 600 000 F, Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires, Condamne Euro Fluide à payer à M. Pitorre Hubert la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et 5 000 F au titre de ceux d'appel, Condamne Euro Fluide aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du NCPC.