CA Grenoble, ch. com., 8 janvier 1997, n° 95-1832
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Hyvon
Défendeur :
Pacini frères (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beraudo
Conseillers :
M. Baumet, Mme Comte
Avoués :
SCP Calas, Balayn, SCP Perret, Pougnand
Avocats :
Mes Benhamou, Welzer
Attendu que, pour les faits de la cause, la Cour se reporte au jugement déféré ;
Que, les résumant, elle indique que le contrat d'agent commercial liant M. Raymond Hyvon à la société Pacini depuis 1984 a été rompu par cette dernière, pour cause de concurrence déloyale, le 16 mars 1993, au motif que M. Hyvon avait créé une société commerciale, dont il représentait les produits concurrents d'une de ses autres enseignes, au cours des tournées de vente ;
Que le tribunal a débouté M. Hyvon de ses demandes en paiement des indemnités statutaires et l'a condamné à payer 50 000 F à titre de dommages et intérêts à la société Pacini ;
Attendu que devant la Cour, M. Hyvon conclut ainsi qu'il suit :
" Déclarer M. Hyvon recevable et bien fondé en son appel.
Réformant le jugement entrepris,
Dire que la rupture du contrat d'agent commercial de M. Hyvon est intervenue de manière abusive.
Condamner la société Pacini frères à lui verser à titre d'indemnité compensatrice la somme de 193 983 F HT,
La condamner à lui verser une indemnité de cessation de contrat représentant les deux dernières années de commissions soit la somme de 1 482 975,40 F HT,
L'entendre condamner à lui verser la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires et brutales de la résiliation.
Débouter la société Pacini frères de toutes les demandes formées contre le concluant.
La condamner à verser à la société Pacini frères [M. Hyvon] une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ".
Qu'il fait valoir ceci :
" 1- Sur les obligation respectives des parties résultant du contrat :
Le tribunal a manifestement omis dans sa décision, de tenir compte des dispositions liant les parties, et cet oubli d'une étape de son raisonnement est manifestement à l'origine d'une erreur de décision.
Le contrat litigieux stipulait en effet :
Article 1 (alinéas 2, 3 et 4) :
" M. Hyvon Raymond offrira à la vente les produits fabriqués apportés [importés] ou diffusés par la SA Pacini frères.
Au cas où la société Pacini frères commercialiserait une nouvelle gamme de produits n'entrant pas de façon notoire dans ce qui est déjà commercialisé par elle, elle se réserve le droit d'un confier ou non la vente à M. Hyvon Raymond, qui de son côté sera libre de l'accepter ou non.
La présente convention comporte pour le secteur défini et article énuméré, une exclusivité au profit de M. Hyvon Raymond ".
Article 3 (alinéa 5) :
" M. Hyvon s'interdit toute activité se rapportant à la fabrication ou à la commercialisation de tous articles susceptibles de concurrencer ceux dont la représentation lui est ici concédée ".
Ces dispositions sont claires et décisives pour trancher le litige qui oppose les parties.
Elles signifient en effet que :
1/ le contrat ne portait que sur les produits fabriqués, importés ou diffusés par la société Pacini frères au moment où il est intervenu,
2/ que dans le cas où cette société commercialisait une nouvelle gamme de produits, elle pouvait décider d'en confier la représentation ou non à M. Hyvon,
3/ que M. Hyvon était libre ou non de l'accepter,
4/ qu'il n'avait une obligation de non concurrence que s'agissant des produits dont la représentation lui était concédée,
5/ en revanche, pour les autres produits, chacune des parties était libre.
Ceci posé, la Cour a immédiatement compris où se trouve l'erreur commise par le tribunal.
En effet, de l'énoncé qui précède et des circonstances de la cause, la Cour aura retenu que le litige est né à propos d'une nouvelle gamme de produits diffusés d'ailleurs non pas par la société Pacini frères mais par une de ses filiales, la société Création 2 000.
Il s'agissait en l'occurrence de salons (fauteuils et canapés en cuir ou en tissu) que jamais la société Pacini frères n'avait vendus.
Par hypothèse, ces produits ne faisaient pas partie de ceux pour lesquels le mandat de commercialisation avait été convenu.
Pour être très exact, la société Pacini frères diffusait essentiellement des tables basses, des miroirs, des lampes, des lits laiton, et des fauteuils style Voltaire, ce qui peut être contrôlé à partir des catalogues.
Les parties restaient donc libres, conformément aux dispositions convenues entre elles, de contracter ou de ne pas contracter à partir des catalogues.
Elles restaient également libres d'une concurrence respective, c'est à dire que M. Hyvon pouvait parfaitement représenter et commercialiser des salons concurremment à la société Pacini frères ;
En conséquence, même si ladite société avait directement commercialisé les produits en question, elle ne pouvait pas reprocher à M. Hyvon d'en faire autant de son côté.
Seule la gamme de produits initialement concédée était soumise à l'obligation de non concurrence.
Ceci est tellement vrai que, dans un premier temps, la société Pacini frères n'a pas proposé à M. Hyvon que la société Création 2 000 lui confie la diffusion de ses salons.
Ce n'est que lorsqu'elle a appris que le concluant et d'autres agents commerciaux avaient de leur côté formé un projet distinct concernant les produits en question qu'elle a réagi, et tenté d'arriver à la conclusion d'un contrat ;
On a vu que les parties n'avaient pas pu s'accorder, ne trouvant notamment pas de point d'entente sur le montant des commissions.
Elles se sont donc situées parfaitement dans cette phase de discussion dans le cadre des dispositions contractuelles convenues entre elles, leur laissant toutes libertés hors les produits initialement diffusés.
Il est symptomatique qu'à ce moment là, la société Pacini frères n'ait nullement invoqué une prétendue violation par le concluant de ses obligations, alors qu'elle savait parfaitement qu'il avait participé à la constitution de la société ACR.
Ce n'est qu'a posteriori, et une fois l'échec des pourparlers transactionnels intervenus qu'elle a imaginé de le faire.
Pourtant, les dispositions du contrat la liant au concluant ne le lui permettait pas et c'est donc abusivement qu'elle en a pris prétexte pour le rompre.
De ce premier chef, le tribunal a donc rendu une décision erronée en suivant la société Pacini frères dans son argumentation et en méconnaissant les termes exprès et dépourvus d'ambiguïté de la convention des parties.
2- Sur l'effet relatif des contrats :
A ce deuxième point de vue, la décision rendue par le tribunal apparaît également critiquable.
On rappellera en effet que par application de l'article 1165 du code civil :
" Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu à l'article 1121 ".
Au cas particulier, il est constant que le mandat d'agent commercial n'est intervenu pour en étendre le champ d'application à d'autres sociétés ou personnes morales dépendant ou non de la société Pacini frères.
Les dispositions y figurant ne peuvent donc concerner, par application du texte ci-dessus rappelé, que la société Pacini frères et M. Hyvon.
Or, indépendamment de la discussion sur son contenu (voir ci-dessus), l'obligation de non-concurrence dont il est fait grief à M. Hyvon de l'avoir violée, ne concerne pas la société Pacini frères mais une autre société, juridiquement indépendante d'elle, la société Création 2 000.
Cette société n'a jamais eu de relations contractuelles avec M. Hyvon et on ne voit pas comment, vu les termes de l'article 1165 précité du code civil, elle pourrait revendiquer le bénéfice des dispositions figurant dans le contrat de la société Pacini frères.
Le fait qu'elle soit une filiale de cette société n'y change rien, sauf à nier contre les principes de droit les plus élémentaires, l'existence d'une personnalité morale distincte.
Par ailleurs, la société Pacini frères n'a jamais stipulé, selon les termes de l'article 1121 du code civil au profit de la société Création 2 000 et M. Hyvon n'a jamais accepté un engagement quelconque au bénéfice de cette société, qui n'existait pas lorsqu'il a contracté avec la société Pacini frères.
Pour en décider autrement, il faudrait admettre que tout ce qui valait dans les rapports de la société Pacini frères, s'étendait à la société Création 2 000, ce qui est non seulement contraire aux principes ci-dessus rappelés, mais encore à la réalité des choses.
En effet, si par la constitution de la société Création 2 000 en tant que filiale de la société Pacini frères, M. Hyvon avait été automatiquement agent commercial pour la diffusion des produits de cette société, les parties n'auraient pas eu besoin de négocier, comme elles l'ont fait, à la fin de l'année 1992 et au début de l'année 1993.
Or il est constant qu'à ce moment là, il a bien été proposé au concluant un mandat de représentation, mais que faute d'accord sur ces conditions, aucun contrat n'est intervenu.
Dès lors, comment admettre que M. Hyvon ait eu une obligation de non-concurrence vis à vis d'une personne morale qui n'était pas sa mandante, et sans avoir obtenu la contrepartie de cette obligation par le bénéfice d'une exclusivité et d'un commissionnement.
Comment surtout le décider, alors que même dans les rapports entre la société Pacini frères et M. Hyvon, il avait été expressément prévu que les relations contractuelles et les obligations respectives étaient limitées à un domaine précis, déterminé par une gamme de produits.
Ce serait procéder à un " forçage " du contrat d'une part quant à la qualité des parties contractantes et d'autre part, quant à son contenu.
Malheureusement, le tribunal y parvient dans sa décision au moyen, il est vrai d'une acrobatie juridique.
De ce deuxième chef, la décision du tribunal apparaît décidément critiquable et encourra la censure de la Cour.
3- Sur les autres agissements reprochés à M. Hyvon :
Dans sa lettre de rupture du 13 mars 1993, la société Pacini frères a pris prétexte, outre la [société] Création 2 000, d'une baisse de résultat de M. Hyvon pour les mois de janvier et février 1993, et d'un prétendu dénigrement auprès de la clientèle des produits Pacini.
Il est significatif en tous cas que la société Pacini frères n'ait eu aucune remarque à faire de l'année 1992, et on voit mal comment ladite société pourrait prétendre à résilier sans préavis et sans indemnité un contrat d'agent commercial ayant donné satisfaction depuis près de dix ans et porté le portefeuille de clientèle de 491 à 11 056 clients, sur les seuls résultats d'un mois de début d'année dans une conjoncture difficile.
4- Sur le prétendu dénigrement des produits Pacini :
Ce grief a été retenu par le tribunal à partir d'une attestation établie par la société Le Vieux Chêne, dont le premier juge a estimé que le contenu n'était pas sérieusement démenti par M. Hyvon, qui se contenait d'indiquer qu'il s'agissait d'une attestation de complaisance.
Il y a de ce chef malentendu.
En effet, le concluant atteste formellement avoir dans ses relations avec la société Le Vieux Chêne, dénigré les produits Pacini, ou même ceux de la société Création 2 000 puisqu'il s'agit en l'occurrence des fameux salons dont on sait (voir supra) qu'ils étaient produits et commercialisés par la société Création 2 000 et non par la société Pacini frères.
Indépendamment de cette contestation, le concluant réitère que le témoignage en question, émanant du principal dirigeant de la société Le Vieux Chêne, M. El Malek, est bien un document de complaisance émanant d'un personnage douteux.
La Cour verra en effet, au travers des différents articles de presse versés aux débats que le sieur El Malek a récemment été écroué à la suite de détournements et d'établissements de fausses factures dans le cadre de la gestion de la société Le Vieux Chêne.
Ainsi la Cour sera parfaitement renseignée sur la qualité des témoins auxquels la société Pacini frères a recours ".
Que, dans des conclusions en réponse du 30 juillet 1996, il fait valoir, sur la création de la société ACR, ceci :
" Contrairement à ce qui est affirmé, la société Pacini frères était parfaitement au courant de la création de la société ACR.
C'est pourquoi, ceux des associés de cette société qui étaient en même temps associés de la société Création 2 000 ont tenté de paralyser cette initiative.
Ils ont notamment proposé à M. Hyvon un contrat d'agent commercial et des pourparlers se sont engagés qui n'ont pas abouti.
Lors de ces discussions M. Hyvon a bien précisé dans un courrier du 30 décembre 1992 que s'il signait avec la société Création 2 000 ce serait sans clause de non-concurrence.
Les choses étaient donc parfaitement claires.
M. Hyvon s'était d'ailleurs renseigné sur le plan juridique et a agi en parfaite loyauté.
Cela dit, encore une fois, M. Hyvon n'est pas en procès avec la société Création 2 000 avec laquelle il n'a jamais contracté mais avec la société Pacini frères.
Or, cette société est bien dans l'impossibilité d'établir un quelconque acte de concurrence déloyale à son endroit concernant les produits dont elle avait confié la commercialisation à M. Hyvon ".
Attendu que la société Pacini frères conclut à la confirmation, demande 500 000 F à titre de dommages et intérêts et que l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile soit élevée à 10 000 F.
Sur ce,
Attendu, sur les obligations contractuelles de M. Hyvon,
Que les articles 1er et 3 du contrat signé le 20 août 1994 sont ainsi rédigés :
Article 1 :
" La société Pacini frères SA confie à M. Hyvon Raymond le mandat de représenter auprès de la clientèle qu'il visite dans le secteur ainsi défini : départements 03 / 05 / 07 / 21 / 26 / 38 / 69 / 42 / 43 / 63 / 71 / 73 / 74 / 01.
M. Hyvon Raymond offrira à la vente les produits fabriqués, importés ou diffusés par la SA Pacini frères.
Au cas où la société Pacini frères commercialiserait une nouvelle gamme de produits n'entrant pas de façon notoire dans ce qui est déjà commercialisé par elle, elle se réserve le droit d'en confier ou non la vente à M. Hyvon Raymond, qui de son côté, sera libre de l'accepter ou non.
La présente concession comporte pour le secteur défini et articles énumérés une exclusivité au profit de M. Hyvon Raymond.
Article 3 :
M. Hyvon organisera sa propre prospection à sa convenance. Il s'engage à accorder ses meilleurs soins à la représentation commerciale de la société Pacini frères.
Il s'engage à faire tous les efforts nécessaires pour promouvoir le développement des ventes visées à l'article 1 et pour défendre les intérêts de la SA Pacini frères. Il tient cette dernière informée de l'état du marché, du comportement de la clientèle et des initiatives de la concurrence.
Il s'engage à être présent ou représenté aux salons expositions manifestations commerciales nationales intéressant son secteur d'activité.
M. Hyvon pourra se faire seconder par des sous agents de son choix dont il assurera la direction, le contrôle et la surveillance ainsi que la rémunération, sans que la société Pacini frères ait à en connaître et sans que se crée entre elle et ces sous agents un lien quelconque, en fait ou en droit.
M. Hyvon s'interdit toute activité se rapportant à la fabrication de tous articles susceptibles de concurrencer ceux dont la représentation lui est ici concédée ".
Que la Cour en déduit que la représentation des produits fabriqués, importés ou diffusés par la société Pacini frères est générale ;
Que M. Hyvon a notamment contracté l'obligation de " défendre les intérêts de la société Pacini frères " ;
Attendu, sur la commercialisation à partir de 1992 par la société Pacini frères d'une nouvelle gamme de produits, que les salons en cuir se rattachent aux produits d'ameublement accessoires, tels que " tables basses, miroirs, lampes, lits laiton et fauteuils de style Voltaire " cités par M. Hyvon comme objet de l'activité de la société Pacini frères dans ses conclusions ;
Qu'entout cas, il ne s'agit pas d'une " nouvelle gamme de produits, n'entrant pas de façon notoire " dans ce qui est déjà commercialisé par la société Pacini ;
Que ces produits nouveaux ont d'abord été présentés par la société Pacini sous l'enseigne " Création 2 000 " ;
Qu'une société anonyme " Création 2 000 " a été ensuite crée pour leur commercialisation ;
Attendu sur la connaissance par M. Hyvon, des liens entre la société Pacini et la société " Création 2 000 ", que la société Pacini a, le 4 décembre 1992, proposé à M. Pacini [M. Hyvon] d'intégrer dans son activité la nouvelle gamme de salons produite par la société " Création 2 000 " ; qu'une commission de 5 % lui a été proposée ; que ce montant était égal aux pourcentages acceptés par M. Hyvon, en octobre 1991, pour la commercialisation, dans l'intérêt de la société Pacini, d'articles de la carte Meroni ;
Qu'en 1986 et 1987, M. Hyvon avait accepté que ses commissions seraient réduites de 10 % à 5 % pour certains articles (quatre modèles de lit) et des produits portant la griffe Pierre Cardin ;
Que s'agissant de la nouvelle gamme de la société Création 2 000, M. Hyvon a refusé la proposition en alléguant un pourcentage insuffisant ; qu'il a fait connaître son refus dans les termes suivants :
" Monsieur le directeur général,
Suite à votre courrier recommandé avec AR du 4 courant et à la réunion qui a suivie le 12, en présence de M. Albert Pacini PDG je vous confirme :
- que je suis prêt à assurer , dès maintenant, la commercialisation de la gamme Créations 2 000 au taux de 8 % (au lieu de 10 %) sur le chiffre d'affaires HT.
- que je suis prêt à signer un contrat, soit avec la SA Création 2 000, soit un avenant au contrat qui me lie à la SA Pacini frères, sans l'article sept (7).
Dans l'attente d'une réponse, que je souhaite favorable, dans l'intérêt des deux parties,
Je vous prie de croire, Monsieur le directeur général, en mes sentiments les meilleurs ".
Que la société Pacini, par lettre du 21 décembre 1992, a fait connaître " une dernière proposition avec un pourcentage de 6 % ;
Que la Cour en déduit que, de façon certaine, M. Hyvon savait que la nouvelle gamme de produits Création 2 000 était commercialisée par la société Pacini, soit sous une enseigne distincte, soit par une filiale ayant cette enseigne pour dénomination sociale ;
Attendu, sur les liens entre la société Pacini frères et la société Création 2 000, que les deux sociétés ont le même président, M. Ferruccio Pacini, et le même siège social, la ZI des Torrières, 88302 Neufchâteau ; que la société Pacini détient la majorité du capital de la société Création 2 000 ;
Attendu sur la création par M. Hyvon d'autres agents commerciaux, d'une société ACR concurrente de la société Création 2 000, que la société ACR a été immatriculée le 18 février 1993 sous le n° AC 390 070 845 (93AC39) au greffe du Tribunal de commerce de Corbeil ; que M. Hyvon détenait 20 % des parts ;
Que la concurrence des activités est établie par la production d'un contrat d'agent commercial portant la date du 1er octobre 1992 projeté entre la société italienne Frema et la société ACR, en cours de constitution, ayant pour objet la commercialisation de salons de cuir ;
Attendu qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments extrinsèques que le refus de M. Hyvon de commercialiser les salons de cuir proposés par la société Pacini n'était pas véritablement fondé sur une rémunération trop faible mais était motivé par le désir de commercialiser les mêmes produits pour le compte de la société ACR dont il était un des associés;
Que M. Hyvon a manqué à ses obligations et à la loyauté en n'informant pas M. Ferruccio Pacini, président des sociétés Pacini et Création 2 000 , de la situation ainsi que l'y oblige l'article 3, alinéa 2, ci-dessus reproduit, de son contrat, en ne lui révélant pas ses intentions ;
Qu'au plan des réalités, M. Gustin atteste ce qui suit :
" Lors de la création de la société ACR M. Hyvon était remonté contre la SA Pacini. Il nous a dit à plusieurs reprises que son but était de créer une société concurrente à la SA Pacini et aussi importante qu'elle. M. Hyvon nous a aussi dit qu'il était important de ne pas démissionner, de garder contact avec la clientèle tout en laissant chuter le chiffre d'affaires afin de pouvoir détourner la clientèle vers ACR et qu'il ne fallait pas que la société Pacini soit mise au courant de tout cela. Devant de tels agissements, un tel état d'esprit anti commercial envers la société Pacini et étant en constant désaccord avec M. Hyvon j'ai été amené à donner ma démission de la société ACR le 6 février 1993 et fait procéder à la cession de mes parts le 8 mars 1993 par l'intermédiaire de mon avocat ".
Et que M. El Malek a écrit le 24 février 1993 à la société Pacini la lettre suivante :
" A l'intention personnelle de M. René Pacini
Monsieur,
Nous sommes très surpris des informations qui nous parviennent de plusieurs de nos points de vente.
En effet, les responsables des magasins suivants :
- Vieux Chêne / Izeure (03)
- Vieux Chêne / Clermont Ferrand (63)
- Vieux Chêne / Saint Bonnet De Mure (69)
nous ont dit que votre agent commercial, M. Hyvon, leur proposait des salons vendus pour le compte de la société " ACR " et, concurrents de ceux que vous commercialisez sous la marque Création 2 000.
Ces adhérents nous demande si " ACR " fait aussi partie du groupe Pacini car, M. Hyvon se sert du référencement Pacini pour placer ses produits et, sont ahuris par la méthode de vendre, employée par M. Hyvon.
En effet, celui-ci dénigre les salons que vous produisez (d'après lui, mal finis, mal placés en prix, esthétiquement ratés,...) tout en ventant les mérites de ceux vendus pour le compte de " ACR ".
Nous vous demandons de faire en sorte que cette situation soit clarifiée au plus vite, car cette situation déroutante porte gravement atteinte au sérieux et à la réputation de votre maison qui était, jusque là, irréprochable ".
Que les déboires ultérieurs de M. El Malek avec la justice ne remettent pas en question le contenu précis et circonstancié de cette lettre dont la date n'est pas critiquée par M. Hyvon ;
Que a société Pacini a ainsi fait la preuve que la dissimulation déloyale par M. Hyvon de la création de la société ACR a été assortie d'actes positifs de déloyauté au détriment des produits commercialisés par la société Création 2 000.
Que ce comportement nuisible délibéré est constitutif d'une faute lourde;
Qu'il est de nature à justifier une rupture sans indemnité du contrat d'agent commercial;
Attendu, sur le moyen que la société Création 2 000 étant une personne morale distincte de la société Pacini, M. Hyvon n'était tenu d'aucune obligation envers elle, que la partie au procès est incontestablement la société Pacini avec qui le contrat d'agent commercial a été signé ; que le devoir de loyauté de l'agent commercial concerne les produits commercialisés directement par le représenté mais également ceux que le représenté commercialise sous une autre enseigne ou par une filiale, selon les choix de stratégie commerciale adoptés par le représenté, dès lors que l'agent ne peut ignorer qu'en dénigrant les produits de la filiale il porte atteinte aux intérêts du représenté; que les motifs précédents établissent que M. Hyvon connaissait cette situation ;
Attendu en conséquence, que M. Hyvon doit être débouté de ses demandes ;
Attendu sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Pacini, que les fautes lourdes, cause de la rupture du contrat d'agent commercial, peuvent donner lieu à des dommages et intérêts si un préjudice est démontré ;
Que, sur l'activité de M. Hyvon pour le compte de la société ACR au détriment des sociétés Pacini et Création 2 000, celle-ci résulte incontestablement de la demande de commission adressée le 18 février 1993 par M. Hyvon, dans les termes suivants :
" Suite à notre entretien et à nos accords de Milly la Forêt en date du 27-09-1992, je vous ai transmis par l'intermédiaire de la société ACR, à partir du 14-11-1992, des commandes d'implantation et des contremarques.
Les clients ont été livrés et bon nombre ont réglé les factures. Or, à ce jour, je n'ai pas reçu la moindre commission sur ces affaires menées à bien.
Je pense que c'est un oubli de votre part que vous voudrez réparer le plus tôt possible ".
Que dans le secteur confié par la société Pacini à M. Hyvon, le chiffre d'affaires de la société ACR en salons de cuir s'est élevé au 31 décembre 1992 à 175 356,53 F hors taxes ;
Que le préjudice de la société Pacini ne couvre que sa marge bénéficiaire ; que le tribunal l'a exactement apprécié à 50 000 F ;
Que M. Hyvon ne conteste pas que la demande de dommages et intérêts puisse être présentée par la société Pacini ; que le défaut de qualité d'un créancier n'est pas d'ordre public ; que la Cour n'a pas à le soulever d'office ;
Qu'elle confirme donc le jugement en ce qu'il a condamné M. Hyvon à payer 50 000 F à titre de dommages et intérêts à la société Pacini ;
Attendu, sur la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, que la Cour l'élève à 10 000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Confirme le jugement déféré ; Elève à 10 000 F la somme due par M. Hyvon à la société Pacini au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne M. Hyvon aux dépens dont distraction au profit de la SCP Perret et Pougnaud.