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Décisions

CA Grenoble, 1re et 2e ch. civ., 28 janvier 1997, n° 95-4225

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ferrand (Consorts)

Défendeur :

Rival (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Berger, Beraudo, Doreysset

Conseiller :

Mme Manier

Avoués :

SCP Grimaud, SCP Calas, Balayn

Avocats :

Mes Legal, Giacomel.

TGI Montbrison, du 31 oct. 1990

31 octobre 1990

LES FAITS

Par un acte signé le 28 février 1986 à Saint-Etienne, Pierre Ferrand s'est engagé à vendre à Yves et Hervé Rival, co-gérants de la société Transports Rival une partie de son fonds de commerce de transports routiers (à savoir les 2/3 du trafic international effectué pour le compte de Rhône Poulenc avec la société espagnole Inacsa) et deux ensembles routiers (à savoir deux tracteurs et deux semi-remorques) au prix global de 67 000 F.

Le même jour un contrat de location-gérance a été signé entre les mêmes parties.

Le 21 décembre 1989 les consorts Rival ont levé l'option prévue au contrat (à échéance au 31 décembre 1989) et proposé en paiement du prix que la somme de 50 000 F soit compensée par le dépôt de garantie du même montant versé au titre du contrat de location-gérance.

M. Ferrand a refusé de répondre à sa promesse de vente.

LA PROCEDURE

Le 14 juin 1990, les consorts Rival ont assigné M. Ferrand devant le Tribunal de grande instance de Montbrison principalement en remboursement de la somme de 50 000 F et en paiement de la somme de 283 000 F à titre de dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 31 octobre 1990 le tribunal a constaté la résolution de la vente conclue le 28 février 1986 et a condamné M. Ferrand à payer au consorts Rival la somme de 144 304 F à titre de dommages-intérêts et à restituer la somme de 50 000 F.

Sur l'appel de M. Ferrand, la Cour d'appel de Lyon par arrêt rendu le 29 janvier 1993, a confirmé le jugement y ajoutant le paiement des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 1991.

Sur pourvoi la Cour de cassation (Chambre commerciale, financière et économique) a constaté qu'un magistrat de la Cour d'appel de Lyon avait selon les énonciations de l'arrêt seulement participé au prononcé de la décision et était donc sans qualité pour en signer la minute et a annulé l'arrêt rendu le 29 janvier 1993.

LES PRETENTIONS DES PARTIES ET LA MOTIVATION DE LA COUR

Pierre Ferrand est décédé en cours de procédure.

Les huit héritiers dont l'état civil figure en titre du présent arrêt ont repris l'instance.

Les consorts Ferrand soutiennent que,

- les deux contrats signés le 29 février 1986 sont indissociables,

- la promesse de vente est nulle,

- en tout cas, la vente n'a pas été formée valablement,

- et le prix étant dérisoire, la vente est nulle,

- enfin, ils sont fondés à garder le dépôt de garantie de 50 000 F.

SUR LA DEPENDANCE RECIPROQUE DES DEUX CONTRATS

Les consorts Ferrand affirment que le contrat de location-gérance avait pour but d'organiser la gestion de l'entreprise durant la période de validation de l'option d'achat.

Si juridiquement, la dépendance des deux contrats n'est pas établie intrinsèquement l'un ne faisant aucune référence à l'autre pour sa validité et son exécution, économiquement il est certain que la location-gérance constituait durant la période pendant laquelle les consorts Rival pouvaient lever l'option d'achat, une garantie matérielle évidente dont était bénéficiaire aussi bien M. Ferrand que ces derniers.

D'ailleurs, cette commune intention des parties est corroborée par le dépôt de garantie prévu par l'acte de location-gérance, qui devait être remboursé en fin de contrat et que les consorts Rival en levant l'option ont proposé en paiement partiel du prix de vente par compensation démontrant ainsi la dépendance juridique des deux contrats ou du moins la conviction qu'ils avaient sur cette dépendance.

Les consorts Rival n'ont pas réglé les échéances de la location-gérance des mois de mars, avril et mai 1989, M. Ferrand a donc pu valablement, le 24 mai 1988, eu égard aux propositions du contrat, arguer en sa faveur de la résiliation de celui-ci et opposer aux consorts Rival, la caducité de la promesse de vente.

La Cour constate donc cette caducité et déboute les consorts Rival de leur action.

- Sur l'application (selon les consorts Rival) de la règle " Nemo auditur " :

Les consorts Rival reprochent aux consorts Ferrand de reprendre l'argumentation de leur auteur relative à la qualité d'agir, le contrat du 22 février 1986 étant nul.

Ils estiment que la Cour de cassation " en ne fixant son intérêt que sur la question de forme a, a contrario, confirmé les dispositions de l'arrêt prononcé par la Cour d'appel de Lyon " (lequel a reçu au fond l'action des consorts Rival).

Cependant, outre l'impossibilité pour la Cour de comprendre en quoi la règle dite " nemo auditur " a pu être violée par les consorts Ferrand voire par leur auteur, la Cour de cassation n'a en aucune manière confirmé une disposition quelconque de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Lyon.

L'affaire est soumise dans son intégralité à la Cour : les parties sont libres de développer tout moyen utile à la défense de leurs intérêts.

- Sur la constitution du dépôt de garantie :

Les consorts Ferrand, sans être contredits, font valoir que les consorts Rival n'ont satisfait à aucune des obligations concernant l'entretien du matériel et la taxe professionnelle et qu'il a dû assurer le paiement de réparation sur le matériel pour un montant de 46 744,15 F pendant la durée de la location et pour un montant de 23 740 F à l'issue de la location.

En conséquence, il entend conserver le dépôt de garantie.

La Cour fait droit à sa prétention, les consorts Rival ne présentant aucune demande quant au dépôt de garantie au titre du contrat de location-gérance.

- Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Les consorts Ferrand sollicitent 25 000 F,

La Cour leur accorde 12 000 F,

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement sur renvoi de cassation, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit au fond l'appel des consorts Ferrand, Réformant le jugement du Tribunal de grande instance de Montbrison, Déboute les consorts Rival de leur action. Condamne les consorts Rival à payer aux consorts Ferrand la somme de douze mille francs (12 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne les consorts Rival aux dépens. Dit que la SCP d'avoués Grimaud pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.