Cass. com., 28 janvier 1997, n° 95-12.590
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hall de l'auto (SA)
Défendeur :
France Motors (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Lesourd, Baudin, Me Choucroy.
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, et sur le second moyen, réunis : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 12 janvier 1995), que la société Hall de l'Auto était concessionnaire exclusif à Nancy de la société France Motors, importateur de véhicules étrangers ; que le dernier contrat liant les parties, conclu le 1er juillet 1985 pour une durée indéterminée, prévoyait, dans son article 5, qu'en cas d'insuffisance des résultats de vente pendant trois quadrimestres consécutifs, l'importateur pouvait, moyennant un préavis de six mois, désigner un second concessionnaire dans le territoire concédé et " également " résilier le contrat ; que, par lettre du 2 novembre 1987, la société France Motors, invoquant cette insuffisance, a informé la société Hall de l'Auto qu'elle nommerait un second concessionnaire ; que, par lettre du 23 février 1990, la même société, invoquant l'insuffisance des résultats de vente pendant les trois quadrimestres de 1989, a résilié le contrat ; qu'elle a, en outre, le 23 mars 1990, désigné un second concessionnaire ;
Attendu que la société Hall de l'Auto reproche à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la désignation d'un second concessionnaire sur le territoire concédé et, de plus, d'avoir rejeté sa demande tendant à faire dire abusive la résiliation du contrat de concession alors, selon le pourvoi, d'une part, que le concédant n'ayant pas mis à exécution sa lettre du 2 novembre 1987 qui annonçait la désignation d'un nouveau concessionnaire sur le territoire concédé à l'issue d'un préavis de six mois prévu par l'article 5-1 du contrat de concession et justifiait expressément cette décision par l'insuffisance des résultats de la société Hall de l'Auto pour trois quadrimestres successifs, ne pouvait ensuite se dispenser d'une autre notification avec préavis de six mois fondée sur un nouveau constat d'insuffisance de résultats, pour nommer comme il l'a fait un autre concessionnaire le 23 mars 1990, soit un mois seulement après avoir décidé de résilier le contrat de concession ; qu'ainsi l'a cour d'appel en décidant du contraire a méconnu la loi des parties et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que les juges d'appel ne pouvaient décider que " la société France Motors qui avait notifié le 2 novembre 1987 à son concessionnaire son intention de mettre en œuvre la faculté de nomination d'un second concessionnaire moyennant préavis de six mois, dans les conditions stipulées à l'article 5-1 du contrat, était fondée, ce délai expiré et sans qu'une nouvelle notification fût nécessaire, dès lors que les conditions de l'insuffisance des résultats de la société intimée n'avaient jamais cessé d'être remplies jusqu'au jour de la seconde désignation ", après avoir pourtant eux-mêmes constaté qu'au moins pour le premier quadrimestre de l'année 1988, les résultats de la société Hall de l'Auto avaient été supérieurs aux objectifs contractuels ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que dans ses écritures d'appel, la société Hall de l'Auto concluait à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le caractère fautif de la désignation anticipée d'un nouveau concessionnaire et était donc réputée s'être approprié les motifs des premiers juges relevant au soutien de leur décision que le contrat offrait au concédant, en cas d'insuffisance des résultats du concessionnaire, la faculté soit de nommer un autre concessionnaire dans le territoire concédé à l'expiration d'un délai de six mois, soit de résilier le contrat pour justes motifs et que, la société France Motors, en résiliant le contrat le 23 février 1990 pour insuffisance de résultats, a nécessairement renoncé à opter pour la première sanction ; que dès lors la cour d'appel en ne s'expliquant pas sur ce point a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, que le choix initial du concédant de sanctionner l'insuffisance des résultats du concessionnaire par la résiliation du contrat avec préavis imposait le respect du préavis expressément accordé et durant lequel le concédant ne devait rien faire qui entrave l'activité de son concessionnaire et notamment ne pas porter atteinte à son droit d'exclusivité ; qu'en l'espèce la désignation d'un second concessionnaire un mois seulement après la notification de la décision de résilier contrevenait à l'obligation de respect d'un préavis d'une durée contractuellement prévue ; de sorte qu'en estimant que le concédant pouvait, comme il l'a fait, sanctionner cumulativement l'insuffisance de résultats de la société Hall de l'Auto par la résiliation avec préavis et par la désignation avec effet immédiat durant cette période de préavis d'un second concessionnaire, la cour d'appel a méconnu la loi des parties, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la désignation avec effet immédiat d'un second concessionnaire pendant la période de préavis qui suivait le choix initial opéré par le concédant de sanctionner l'insuffisance des résultats par la résiliation du contrat, entraînait ipso facto la perte pour la société Hall de l'Auto de son droit d'exclusivité dont le respect s'imposait pourtant au concédant jusqu'à l'issue du préavis contractuel et rendait de ce fait la résiliation non conforme aux prévisions contractuelles et abusive ; qu'ainsi la cour d'appel en refusant néanmoins de sanctionner cet abus de droit et en validant la décision du concessionnaire de sanctionner deux fois la même situation de fait dans des conditions ne permettant plus la poursuite normale du contrat de concession exclusive par la société Hall de l'Auto durant la période de préavis, a méconnu la loi des parties, en violation des articles 1134 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, sur les suites de la lettre du 2 novembre 1987, qu'aucune disposition contractuelle n'imposait au concédant un délai quelconque pour nommer le second concessionnaire après l'expiration du délai de préavis de six mois et qu'il ne peut être admis que la société France Motors ait, comme l'alléguait la société Hall France, implicitement renoncé, en raison du seul écoulement du délai entre la date d'expiration du préavis et celle du 23 mars 1990, à son droit de désigner un autre concessionnaire;
Attendu, en second lieu, que, répondant en les écartant aux conclusions invoquées par la troisième branche, la cour d'appel a, sans méconnaître la loi des parties, retenu que le concédant avait le droit, par sa lettre du 23 février 1990, de résilier le contrat, non pas en raison de la même situation de fait comme le prétend le moyen, mais au vu de la nouvelle insuffisance des résultats portant, cette fois, sur l'année 1989; d'où il suit qu'abstraction faite des motifs critiqués par la deuxième branche qui sont surabondants, la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses cinq branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.