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Décisions

CA Douai, 2e ch., 30 janvier 1997, n° 95-05145

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prodim (SNC)

Défendeur :

Decroix, Bart

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Courdent

Conseillers :

Mmes Chaillet, Laplane

Avoués :

Mes Carlier-Regnier, Quignon

Avocats :

Mes Bednarski, Tack.

T. com. Lille, du 20 avr. 1995

20 avril 1995

Attendu que le 23 mai 1995, la SNC Prodim a relevé appel du jugement rendu le 20 avril 1995 par le tribunal de commerce de Lille qui l'a déboutée de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à payer aux époux Decroix-Bart la somme de 76 652,24 F avec intérêts au taux légal du 18 mai 1993, et celle de 7 500 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Qu'elle sollicite la réformation de ce jugement et demande de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts des époux Decroix pour non-paiement des cotisations de franchise de mai, juin et juillet 1992, de condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 28 879,76 F au titre de ces cotisations, celle de 82 709,97 F à titre de clause pénale par application de l'article 6 du contrat, celle de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 15 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que par conclusions complétives, elle porte à 99 748,38 F TTC le montant de sa réclamation relative à l'application de la clause pénale ; qu'elle demande encore de condamner les époux Decroix, solidairement, à lui payer la somme de 569 689,20 F pour manque à gagner " au niveau " des cotisations de franchise par suite de la rupture anticipée du contrat, celle de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ;

Qu'enfin, par conclusions en réponse, elle demande de débouter les époux Decroix de l'intégralité de leurs prétentions ;

Que les époux Decroix demandent de confirmer le jugement par adoption de ses motifs et de condamner la SNC Prodim au remboursement des cotisations de franchise et frais prélevés, soit 81 603,37 F et 4 472,40 F outre intérêts au taux légal à titre compensatoire à compter du 1er janvier 1992, et au paiement de 50 000 F à titre de dommages-intérêts et de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Sur ce

Attendu que par des motifs que la Cour adopte, le tribunal a parfaitement exposé les faits ; qu'il suffit de rappeler que le 10 juillet 1991, un accord de franchise a été signé par Prodim et les époux Decroix sur un point de vente à l'enseigne " 8 à huit " ; que les époux Decroix ont dénoncé cet accord par anticipation le 27 juillet 1992 en formulant des réserves sur la façon dont Prodim a tenu ses engagements de franchiseur et a respecté la " loi Doubin " ; que le 7 août 1992 Prodim réclame 82 729,47 F pour indemnité de rupture et 28 879,76 F pour cotisations de franchise non payées ;

Attendu que Prodim soutient que la loi Doubin ne s'appliquerait pas en l'espèce, bien qu'elle ait été respectée, parce qu'il n'y a pas eu de clause d'approvisionnements exclusifs ou quasi exclusifs ; qu'elle soutient qu'elle a fourni certains éléments quatorze jours avant la signature du contrat et un mois avant sa prise d'effet, soit le 27 juin 1991 pour un contrat signé le 10 juillet suivant et une prise d'effet du 29 juillet 1991 : documents comptables et étude de marché ;

Que, contrairement à ce que soutient Prodim, le tribunal a retenu à juste raison que l'activité des époux Decroix consistait quasi exclusivement à distribuer des marchandises de Prodim (+ de 70 %) et des fournisseurs agréés par elle et qu'elle réglait elle-même, ayant reçu délégation de signature sur leur compte bancaire et pouvant contrôler les fournitures ;

Attendu que la loi Doubin et son décret d'application étaient donc applicables en l'espèce ;

Que Prodim tente de se justifier mais est obligée de reconnaître qu'elle n'a communiqué certains documents préalables à la signature que quatorze jours avant la date de celle-ci ;

Que les époux Decroix ont donc valablement fait valoir la nullité du contrat après l'avoir loyalement appliqué pendant dix mois ; qu'il importe peu qu'ils aient eu certaines connaissances du contrat de franchise en raison de leurs liens familiaux avec d'autres franchisés de Prodim ; que la loi Doubin et son décret d'application ont été pris en effet pour protéger les franchisés contre des contrats qui leur seraient imposés sans qu'ils aient disposé du temps nécessaire à la réflexion qui a été fixé à vingt jours ;que les franchisés doivent donc pouvoir exécuter le contrat nul pendant un certain temps pour se rendre compte exactement de ses avantages et de ses inconvénients ;

Qu'en l'espèce, il leur a fallu dix mois, ce qui constitue un délai d'expérimentation du contrat tout à fait raisonnable, leur consentement n'ayant pas été obtenu avec toutes les garanties nécessaires et précisées par le décret du 4 avril 1991 ;

Que les époux Decroix n'ont pas, pendant cette durée ni à l'issue de celle-ci, confirmé la nullité relative du contrat ;

Que le jugement doit être confirmé, sauf à dire que la nullité encourue est une nullité de protection, donc relative et susceptible de confirmation ;

Attendu que les sommes réclamées par les époux Decroix et allouées par le tribunal sont dues par Prodim, le contrat étant annulé ; que Prodim doit être déboutée de ses demandes et de ses prétentions et qu'il est équitable de la condamner en outre au paiement de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour frais irrépétibles d'appel ;

Qu'il n'y a lieu ni à dommages-intérêts complémentaires ni au paiement d'autres intérêts que ceux décidés par le tribunal.

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant, Déboute la société Prodim de ses prétentions ; La condamne à payer aux époux Decroix une indemnité de 10 000 F supplémentaire en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; La condamne en tous les dépens avec distraction au profit de Me Quignon, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.