CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 4 février 1997, n° 93-5352
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hulne
Défendeur :
Fondis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hugues
Conseillers :
Mme Fossorier, M. Veyre
Avoués :
Me Ermeneux, SCP Aube-Martin-Bottai-Gereux
Avocats :
Mes Andrei, Paparone.
Faits et procédure :
Par déclaration du 25 février 1993, Monsieur Étienne Hulne a relevé appel du jugement rendu le 15 janvier 1993 par le Tribunal de Grande Instance de Grasse, dans le procès qui l'oppose à la société Fondis.
Il est renvoyé à la décision déférée, reproduite ci-après, pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties.
Exposé :
Suivant exploit du 6 septembre 1990 M. Hulne a assigné la SA Fondis devant ce Tribunal de Grande Instance. Il expose :
- que par acte en date du 10 mars 1989, il a souscrit auprès de la société Fondis un contrat d'agent commercial régi par le décret du 23 décembre 1958 ;
- que par courrier recommandé avec avis de réception en date du 30 novembre 1989, la SA Fondis lui a notifié son intention de mettre un terme à leurs relations contractuelles ;
- que par ordonnance de référé en date du 31 janvier 1990, au vu d'éléments erronés fournis par la SA Fondis, il a été condamné à restituer le véhicule, la carte de carburant et les documents et échantillons de la SA Fondis qu'il détenait ;
- qu'il a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance, devant la Cour d'Appel d'Aix en Provence ; que cette juridiction n'a toujours pas rendu son arrêt ;
- que par ordonnance de référé en date du 16 mai 1990, le Tribunal de Grande Instance de Grasse, statuant en référé a condamné la SA Fondis à lui payer la somme de 92 919 F, 86 au titre de l'arriéré de commissions qui lui est dû ;
- que compte tenu des circonstances de la rupture des relations contractuelles il peut prétendre au paiement d'indemnités de rupture ;
- que ladite indemnité résulte aussi bien du décret du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux que la directive du Conseil des Communautés Européenne du 28 décembre 1986 ;
- que les tribunaux évaluent l'indemnité à la valeur de deux ans de commissions brutes ;
- que l'indemnité de rupture doit donc être évaluée à 380 000 F ;
- que par ailleurs, la SA Fondis est redevable de la somme de 40 640,37 F au titre du préavis ;
M. Hulne demande en conséquence au Tribunal :
- de condamner la défenderesse à payer la somme de 380 000 F montant de l'indemnité compensatrice du préjudice subi et prévu par l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ; 40 640,37 F au titre du préavis et 5 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, avec bénéfice de l'exécution provisoire ;
La défenderesse fait valoir pour se peut que M. Hulne a commis différentes fautes :
- il n'a jamais rapporté la preuve de son immatriculation à l'URSSAF et à une caisse de retraite, en contravention avec l'article 2 du contrat ;
- qu'il a vendu un appareil à un client particulier avec une remise de 40 % nettement supérieure à celle accordée aux revendeurs ;
- qu'il a livré ledit client en utilisant un appareil disponible chez le revendeur de la société ; que la société a, de ce fait, été obligée de remplacer celui-ci en le livrant franco ;
- qu'il a tenté de récidiver peu à près ;
- que cette pratique a causé des problèmes relationnels entre la société et ses revendeurs ;
- que M. Hulne au surplus n'a nullement créé ou développé le secteur d'activités de la société ; qu'il s'est en fait contenté de noter les commandes chez les clients existants ;
- que l'article 4 du contrat exclut toute indemnité de rupture en cas de non respect par l'une des parties de ses obligations contractuelles ;
- que par ailleurs le contrat étant expressément résiliable à tout moment, aucune indemnité de préavis n'est due ;
- qu'au surplus M. Hulne a mis beaucoup de mauvaise volonté à restituer le véhicule de la société à la suite de la rupture, et a, par ailleurs désigné celle-ci auprès de ses clients ;
La défenderesse conclut au débouté et à la condamnation de M. Hulne au paiement de 5 000 F de frais irrépétibles ;
Motifs :
Attendu qu'il n'est pas contesté par M. Hulne que l'article 2 du contrat d'agent commercial du 10 mars 1989 qui le liait à la SA Fondis lui faisait obligations d'être personnellement immatriculé à l'URSSAF ainsi qu'à une caisse de retraite ;
Qu'il avait l'obligation de rapporter la preuve de ces formalités dans le délai de trois mois;
Que cette obligation doit être considérée comme substantielle dans la mesure où l'abstention de M. Hulne pouvait engendrer de lourdes pénalités de l'URSSAF à l'égard de la SA Fondis ;
Que lors des débats le demandeur n'est toujours pas en mesure de justifier de l'accomplissement de ces formalités ;
Que la " déclaration sur l'honneur " dont il fait part, et qu'il ne verse d'ailleurs pas aux débats, ne saurait être satisfactoire ; qu'il en est de même de l'apposition par M. Hulne d'un N° de Siret et d'un code APE sur les factures qu'il éditait ;
Que nul ne sait quand quelles mesure de telles indications sont sincères et véritables ;
Que seule une attestation des Assedic et les versements effectués à cet organisme pouvaient satisfaire la légitime demande de la société défenderesse ;
Qu'ainsi la faute de M. Hulne est établie ;
Que la rupture du lien contractuel s'en trouve justifié ;
Qu'il y a lieu de débouter le demandeur de ses demandes ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner M. Hulne à payer la somme de 3 000 F à la SA Fondis en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Déboute M. Hulne de ses demandes ; Le condamne à payer à la SA Fondis la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Le condamne aux dépens.
A l'appui de son appel, monsieur Hulne demande à la Cour de réformer le jugement déféré, de condamner la partie adverse à lui payer les sommes de 380 000 F et de 40 640,37 F avec intérêts au taux légal à compter du 15.1.1993, ainsi que de 11 860 F à titre de dommages-intérêts, de préavis et de frais et honoraires non compris dans les dépens, outre les entiers dépens.
Il fait valoir qu'en application de l'article 17 de la directive du Conseil des Communautés Européennes du 28.12.1986, aussi bien que du décret du 23.12.1958, d'ordre public, il a droit à la réparation du préjudice que lui a causé la cessation de son contrat d'agent commercial avec la société Fondis. Il impute cette rupture à la mise au point qu'il adressa à cette dernière en raison de l'impossibilité de vendre les produits Tailland faute de carte, de la concurrence déloyale qu'elle lui faisait par visite de sa clientèle et vente directe, de stratagèmes utilisés pour le décourager.
Il soutient avoir été immatriculé en qualité d'agent commercial, bien que la société Fondis ne lui ait pas envoyé les engagements contractuels des autres sociétés fonctionnant avec elle. Il conteste avoir commis des fautes en proposant des remises puisque l'autorisation lui en avait été donnée, ou en formulant des reproches à l'encontre de la SA Fondis, lesquels étaient motivés par son attitude préjudiciable. Il ajoute que l'article 4 du contrat, dérogatoire à une règle d'ordre public, est inapplicable, que l'indemnité est habituellement évaluée à deux ans de commissions brutes, qu'il a droit à une indemnité de préavis.
La SA Fondis sollicite la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de monsieur Hulne au paiement de la somme de 10 000 F à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens.
Elle objecte que monsieur Hulne, employé le 10 mars 1989 comme agent commercial, a été licencié le 30 novembre 1989 en raison des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat, en ne s'immatriculant pas dans les trois mois suivant sont embauché à une caisse de retraite et à l'URSSAF, en qualité de travailleur indépendant. Elle soutient qu'il a également enfreint les consignes et la politique commerciale en vendant un appareil avec une remise de 40 ,% supérieure à celle admise, ainsi qu'en livrant à un particulier l'appareil d'un revendeur, en tentant de recommencer, puis en lui adressant des courriers agressifs dénigrant systématiquement sa politique commerciale. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'évaluation d'une éventuelle indemnité ne peut se faire qu'en fonction de la part de monsieur Hulne dans l'apport, la création ou le développement de la clientèle, que celui-là s'est contenté de visiter les clients existants, et n'a donc droit à aucune indemnité. Elle souligne que le contrat était résiliable à tout moment par l'une ou l'autre partie.
Motifs :
Sur la procédure :
Les parties ne discutent pas de la recevabilité de l'appel et rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office. Il y a donc lieu de déclarer cet appel recevable en la forme.
Au fond :
La société Fondis a mis fin au contrat d'agent commercial à durée indéterminée, conclu le 10 mars 1989 avec monsieur Hulne, par lettre recommandée du 30 novembre 1989 lui reprochant de ne pas avoir rempli les conditions contractuelles d'exercice du mandat prévues par l'article 2 et de donner un ton à leur relation permettant de penser qu'il n'était plus en mesure de donner une bonne image et de défendre les intérêts de la société. Il est contractuellement prévu que si la rupture est le fait de la société Fondis, sans qu'il puisse être reproché à monsieur Hulne de n'en pas avoir respecté les clauses, ce dernier a droit à une indemnité. De même, en exécution du décret du 23.12.1958, l'agent commercial bénéficie d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de résiliation du contrat. Il incombe donc à la société Fondis de démontrer que monsieur Hulne a, ainsi qu'elle le soutient, commis une faute entraînant la perte de cette indemnité.
Si le contrat susvisé ne fait état que des produits commercialisés sous les marques Fondis et Selva, il résulte des courriers échangés entre les parties les 12.10.1988 et 23.1.1989, que monsieur Hulne devait également placer les produits Interfire, Vermont Castings et Cheminées Philippe Tailland (figurant sur leur relevé des conditions de vente et sur une note de réflexion du 18.12.1988), un contrat devant lui être soumis par la SA Fondis en date des 16 mai 1989, 8 juin 1989 et 11 septembre 1989, précisaient que les régularisations de contrat pour Philippe Tailland seraient faites séparément, puisqu'elle avait pris contact avec monsieur Tailland pour qu'il propose un contrat, enfin qu'en ce qui concerne le contrat Interfire, les précisions lui seraient communiquées par cette société. Il est alors justifié que monsieur Hulne craignant que la seule carte de la SA Fondis ne soit pas rentable, ait attendu qu'elle remplisse tous ses engagements pour s'inscrire en qualité d'agent commercial et ne l'ait fait qu'après de nouvelles assurances et à réception du contrat de Interfire suivant courrier du 28.9.1989.
Il justifie en effet de sa déclaration d'activité en cette qualité dès le 2.10.1989, ainsi que de l'obtention d'une aide, laquelle ne pouvait être octroyée que sur justification d'une situation sociale régulière, et de l'exonération de cotisations dont il bénéficiait auprès de l'URSSAF. Ceci répond aux obligations prévues par le contrat, a été confirmé par l'attestation envoyée à la société Fondis, et le retard n'a, au surplus, causé à cette dernière aucun préjudice.
Par ailleurs, la vente d'un appareil avec une remise de 40 % supérieure à celle prévue, puis une proposition de remise de 35 % à deux autres personnes, ne constituent pas une faute caractérisée dans la mesure où monsieur Hulne avait légitimement pu le croire possible. En effet, la société Fondis consentait elle-même des remises de cet ordre ainsi que cela résulte de relevés des 18.9.1989, 3.10.1989 notamment, et il n'est pas démontré qu'il ait connu, avant la lettre du 23.8.1989 envoyée par monsieur Trotzier, l'obligation de soumettre ces ventes à l'agrément du PDG de la société. Des faits postérieurs à la résiliation du contrat ne sauraient constituer une faute susceptible de la justifier.
Enfin, le courrier adressé par monsieur Hulne à la société Fondis le 18.11.1989 ne caractérise pas davantage une faute susceptible de justifier la rupture du contrat. Ses termes qui témoignent d'un désir de clarification des relations contractuelles, s'expliquent également par certains griefs de concurrence et de réajustement de commissions qu'il avait antérieurement invoqués, au demeurant reconnus fondés pour partie par le courrier de cette dernière en date du 6.11.1989. Les trois derniers paragraphes dénotent quoi qu'il en soit la ferme volonté de monsieur Hulne de travailler activement et positivement pour la société Fondis.
En conséquence, il n'est pas démontré de faute qui justifie la rupture du contrat, la privation de tout dédommagement, et il y a lieu d'accorder à monsieur Hulne une indemnité de rupture, le jugement étant en conséquence infirmé.
En revanche, il n'est pas dû d'indemnité de préavis, non prévue par le contrat, ni par le décret du 23.12.1958. La première qui doit compenser la totalité du préjudice causé par la cessation du contrat, tient d'ailleurs compte des circonstances de la rupture, ainsi que montant des commissions acquises, mesure de l'efficacité de l'action de monsieur Hulne comme de la valeur de sa carte, de la clause contractuelle de non-concurrence pendant une année. L'article 4 du contrat qui fait une distinction selon l'origine de la clientèle, est contraire au caractère d'ordre public de l'article 3 du décret du 21.12.1958 et rien ne justifie de faire abstraction de la clientèle préexistante donc monsieur Hulne a en tout état de cause entretenu la fidélité. Toutefois, la très brève durée d'exercice de son activité ne permet pas de suivre l'usage qui fixe à deux années de commissions le montant de cette indemnité. La Cour dispose en l'état des éléments d'appréciation suffisants pour fixer cette indemnité à la somme de cent cinquante mille francs. Elle portera intérêts à compter de cette décision, en application de l'article 1153-1 alinéa 2 du code civil.
La société Fondis doit supporter les dépens par application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. Il est équitable d'allouer à monsieur Hulne la somme de 8 000 F, au titre des divers frais et des honoraires d'avocat non compris dans les dépens qu'il a du avancer pour soutenir sa demande, en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, tout en déboutant la partie adverse de la demande qu'elle a elle-même présentée à ce titre.
Par ces motifs, La Cour, Statuant publiquement, en dernier ressort et par décision contradictoire, Reçoit l'appel en la forme ; Au fond, infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ; Condamne la société Fondis à payer à Monsieur Étienne Hulne la somme de Cent Cinquante Mille Francs à titre d'indemnité réparatrice de son dommage, toutes causes confondues, ainsi que la somme de Huit mille francs à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ; Condamne la SA Fondis aux entiers dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés par Maître Ermeneux, Avoué, en application de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.