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Décisions

CA Metz, ch. civ., 6 février 1997, n° 2246-95

METZ

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Scur

Défendeur :

Adnot Gérard (SARL), Adnot (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dory

Conseillers :

M. Bockenmey, Mme Duroche

Avocats :

Mes Viglino, Rozenek, Monchamps.

TGI Sarreguemines, du 16 mai 1995

16 mai 1995

Selon acte introductif d'instance en date du 8 mars 1994, la SARL Adnot en liquidation anticipée et les époux Gérard Adnot ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Sarreguemines, Chambre commerciale, Monsieur Gérard Scur, propriétaire du fonds de commerce de café-restaurant à l'enseigne " Belle Vue " à Morhange qu'ils avaient pris en location-gérance suivant contrat conclu le 9 juillet 1990 jusqu'à résiliation avec effet au 29 juin 1993 aux fins de le voir condamner à restituer la caution de 100 000 F avec intérêts au taux de 4 % et à payer, outre un montant de 7 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts.

Pour conclure au rejet de la demande et réclamer reconventionnellement le règlement d'un montant de 203 973,65 F, Monsieur Scur a soutenu que les demandeurs restaient redevables de diverses charges locatives, du prix de remplacement des conduites et du système de tirage-pression, outre le coût de remplacement de divers matériels.

Que d'autre part, les demandeurs lui avaient causé un préjudice incontestable en refusant, malgré leurs engagements, de prendre en gérance la partie hôtel du fonds de commerce et en dissuadant la clientèle de se rendre dans cette partie qu'il continuait à gérer.

Suivant jugement du 16 mai 1995, le Tribunal de grande instance de Sarreguemines a :

- condamné Monsieur Gérard Scur à payer aux époux Adnot la somme de 106 630 F outre les intérêts de droit et un montant de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il a débouté les demandeurs du surplus de leurs prétentions et a rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur Scur ; ce dernier a été condamné aux dépens.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que Monsieur Scur était tenu de restituer la caution sous déduction des montants restant dus par les locataires (taxes et travaux divers).

S'agissant de la demande reconventionnelle, ils ont estimé que Monsieur Scur ne pouvait reprocher aux époux Adnot, quatre ans après la signature du contrat, la non-exploitation de l'hôtel alors qu'il ne résultait d'aucune des pièces produites qu'il ait jamais mis en demeure les défendeurs d'avoir à respecter leurs obligations.

Qu'au contraire, les parties avaient tacitement renoncé à l'exécution du contrat relatif à la location de la partie " hôtel ".

Qu'il n'était pas établi que les époux Adnot avaient eu un comportement fautif à l'origine d'une perte de clientèle pour le fonds de commerce d'hôtel.

Monsieur Scur a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 21 juin 1995.

A l'appui de son recours, il fait valoir que les intimés doivent supporter le coût du bac séparateur de graisses et la fourniture et la pose d'un extracteur de fumées pour un montant global de 11 270,63 F.

Que malgré plusieurs mises en demeure, Monsieur et Madame Adnot ont refusé de prendre en gérance la partie hôtel à compter de juin 1990, tout en s'efforçant de détourner la clientèle au profit des concurrents.

Monsieur Scur demande à la cour de :

- faire droit à l'appel.

Sur la demande principale, dire et juger que la société Adnot est en droit d'exiger compensation faite d'une somme de 75 996,65 F.

- faire droit à sa demande reconventionnelle.

- fixer à la somme de 280 000 F les dommages et intérêts auxquels il peut prétendre pour non-respect des obligations des preneurs.

- compensation faite, dire que les époux Adnot devront lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 204 003,35 F augmentée des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir.

- condamner la SARL Adnot, à lui payer la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les dépens des deux instances.

La société Adnot et les époux Adnot forment appel incident ; ils soutiennent que Monsieur Scur ne justifie d'aucune contre-créance et qu'ils peuvent prétendre à la restitution intégrale de la caution.

Que l'attitude de l'appelant les a contraints à recourir au crédit ; que leur solvabilité s'est ainsi trouvée mise en doute.

Que la demande reconventionnelle est dénuée de tout fondement alors qu'un contrat daté du 9 juillet 1990 s'est substitué à celui du 4 juin 1990 et n'a plus prévu la location-gérance de l'hôtel.

Monsieur Scur réplique que le bail commercial concernant le fonds de commerce " hôtel " a été signé le 9 juillet 1990 par les parties étant précisé que la location-gérance était consentie pour une durée de deux années qui commencerait à courir le 1er septembre1991 pour finir le 31 août 1991 ; qu'une sommation d'exploiter l'hôtel leur a été délivrée en janvier 1992.

Les intimés contestent que l'appelant ait effectivement supporté le coût du remplacement des conduites de tirage-pression à hauteur de 7 500 F.

Ils font valoir que d'un commun accord les parties ont renoncé au transfert de l'hôtel en location-gérance, l'exploitation s'avérant impossible en raison du mauvais état des lieux.

Ils demandent à la cour de :

- dire et juger l'appel de Monsieur Gérard Scur à l'encontre du jugement du 16 mai 1995 mal fondé.

- l'en débouter :

- accueillant l'appel incident de la société Adnot et des époux Adnot.

- condamner Monsieur Gérard Scur à payer aux intimés la somme de 114 130 F avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande.

- condamner Monsieur Gérard Scur à payer aux intimés à titre de dommages et intérêts la somme de 20 000 F.

- condamner aux entiers frais et dépens de l'instance et de l'appel.

- le condamner à payer aux intimés une somme de 7 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

L'appelant réplique qu'il a répondu aux différents courriers de Monsieur Adnot et qu'il n'existait aucun obstacle à l'exploitation de l'hôtel ; qu'il était faux de soutenir que les parties avaient tacitement renoncé à la location-gérance de l'établissement classé en catégorie " Tourisme 2 étoiles ", et en catégorie " deux cheminées " par les Logis de France.

Sur ce,

a) Sur la caution

Attendu que les intimés ne contestent pas que doivent être déduits de la caution :

- la moitié de la redevance " enlèvement des déchets ", soit 1 400,30 F,

- la taxe sur gérance : 130 F

- la moitié de la facture d'eau soit 2 205,22 F et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, soit 1 467,50 F ;

Qu'en ce qui concerne le remplacement des conduites de tirage-pression, la cour ne peut que constater que Monsieur Scur ne verse aux débats qu'un devis en date du 12 octobre 1992 émanant de la SARL Frigo Services (pièce n° 24 de Monsieur Scur) ;

Que ce devis ne porte aucune mention d'acceptation par l'appelant qui par ailleurs ne produit pas de facture acquittée, seul document pouvant véritablement attester de l'exécution des travaux dont il est demandé paiement;

Quedans ces conditions, c'est à juste titre que les intimés ont formé appel incident ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a opéré une déduction de 7 500 F ;

Attendu que le même raisonnement s'applique aux travaux et fournitures relatifs à un bac séparateur de graisses et à un extracteur de fumées ; qu'en effet Monsieur Scur se borne également à ne produire qu'un " devis estimatif sommaire " établi le 20 octobre 1993 (date postérieure à l'expiration du bail) par l'architecte Guillermin;

Que ce document, comme le précédent, ne porte aucune mention d'acceptation et n'est corroboré par aucune facture consécutive à l'exécution de quelconques travaux ;

Qu'en conséquence, l'appel principal est mal fondé de ce chef ;

Qu'en définitive, il y a donc lieu de condamner Monsieur Scur à payer aux époux Adnot la somme de :

106 630 F + 7 500 F = 114 130 F

outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement entrepris, observation étant faite que la somme de 106 630 F intègre les intérêts sur 100 000 F jusqu'au prononcé du jugement entrepris ;

Attendu que le refus injustifié et fautif de Monsieur Scur de restituer la caution aux intimés a causé un préjudice financier certain à ceux-ci qui, ne disposant pas des liquidités attendues, ont dû avoir à recourir à l'emprunt bancaire pour poursuivre leurs affaires ;

Qu'eu égard aux pièces versées aux débats, il y a lieu de leur allouer une indemnité de 10 000 F, le jugement entrepris étant infirmé en ce sens ;

b) Sur la demande reconventionnelle

Attendu qu'il est constant que suivant acte sous seing privé en date du 9 juillet 1990, Monsieur Scur a donné à bail commercial aux époux Adnot le fonds de commerce d'hôtel exploité à Morhange 21, rue de la Gare ; qu'il était stipulé que le bail était consenti et accepté pour une durée de deux années qui commencerait à courir le 1er septembre 1991 pour finir le 31 août 1993 ; qu'il est tout aussi constant que ce bail n'a jamais reçu exécution ;

Attendu que qu'il est vrai que le 14 janvier 1992, Monsieur Scur a fait délivrer sommation aux époux Adnot " d'avoir à se soumettre au bail commercial " susindiqué, force est de constater que cet acte est resté sans suite, mis à part un courrier recommandé adressé le 3 mars 1992 aux époux Adnot par le conseil de Monsieur Scur répondant aux objections formulées antérieurement par les destinataires, et les invitant à procéder au règlement des loyers échus depuis le 1er septembre 1991 ;

Que le bailleur n'a fait délivrer aucun commandement aux preneurs afin de mettre en œuvre les sanctions légales et contractuelles ;

Que force est également de constater au vu des pièces produites que le bailleur a poursuivi l'exploitation de l'hôtel, s'abstenant de délivrer la chose louée ;

Qu'il apparaît également que les parties avaient entamé des discussions ayant pour objet de renégocier les baux du restaurant et de l'hôtel, ainsi que l'établit un courrier adressé par Monsieur Scur à Monsieur Adnot le 29 juillet 1992 (pièce n° 5 de Maître Viglino) ;

Que dans de telles conditions, il est avéré qu'aucune des parties n'a manifesté une volonté sérieuse et déterminée de mettre à exécution ledit bail ; que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les parties avaient tacitement renoncé à cette exécution ; qu'il ont tout aussi justement estimé que les trois attestations produites étaient insuffisantes pour établir que les époux Adnot avaient eu un comportement fautif à l'origine d'une perte de clientèle pour l'hôtel ;

Que le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef ;

Attendu que Monsieur Scur qui succombe en son appel, sera condamné aux entiers dépens d'appel outre le paiement aux époux Adnot et à la société Adnot de la somme globale de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Monsieur Scur ;

Par ces motifs, LA COUR, publiquement et par arrêt contradictoire, En la forme, Déclare recevables les appels régulièrement formés ; Au fond, Infirme partiellement le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau : Condamne Monsieur Scur à payer aux intimés la somme de 114 130 F avec les intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ; Condamne Monsieur Scur à payer aux intimés la somme de 10 000 F à titre de dommage et intérêts outre les intérêts de droit ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Condamne Monsieur Scur à payer aux intimés la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Scur aux dépens d'appel.