CA Angers, 1re ch. A, 10 février 1997, n° 96-00305
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Boulanger
Défendeur :
Lochin Poisson (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Micaux
Conseillers :
MM. Chesneau, Lourmet
Avoués :
SCP Dufourburg-Guilot, Me Vicart
Avocats :
Mes Contant, Le Bras.
La SARL Lochin Poisson, exploitant un garage, a confié à Monsieur Boulanger le mandat de rechercher des véhicules à acheter.
La convention, conclue le 29 avril 1992, prévoyait une indemnité en cas de rupture anticipée.
Monsieur Boulanger a assigné la SARL Lochin Poisson le 10 février 1995, devant le tribunal de commerce de Laval afin d'obtenir sa condamnation au paiement de cette indemnité de rupture qu'il chiffrait à 502.535 Francs.
Le tribunal l'a débouté de sa demande par jugement du 18 octobre 1995 au motif que les clauses contractuelles dont Monsieur Boulanger demandait l'application étaient obscures.
Monsieur Boulanger a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 10 mai 1996 M. Boulanger demande à la Cour de condamner la SARL Lochin-Poisson à lui verser la somme de 502.535 francs à titre d'indemnité contractuelle de rupture, avec intérêts à compter de l'assignation et 5.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. Boulanger expose :
- que les parties ont précisé que, même pendant la période d'essai de 6 mois, la totalité des articles du contrat serait applicable et donc la clause indemnitaire prévue à l'article M ;
- que le contrat ne prévoit aucun lien entre la rupture par l'une des parties et l'éventuelle faute de l'autre partie ;
- que, quelle que soit la cause de la rupture, l'indemnité est due par la SARL Lochin-Poisson.
Par conclusions déposées le 24 octobre 1996 la SARL Lochin Poisson demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris; de condamner M. Boulanger à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de dommages intérêts pour appel abusif et celle de 6.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SARL Lochin Poisson soutient :
- que les parties ont convenu d'une période d'essai de 6 mois ;
- qu'en cas de rupture à l'issue de la période d'essai, il était seulement prévu la restitution des choses confiées ;
- que la commune intention des parties a été de tenter une collaboration pendant 6 mois pour ne donner son plein effet au contrat qu'après l'expiration de cette période d'essai ;
- que la rupture à l'issue de la période d'essai est imputable à M. Boulanger.
Par conclusions en réponse déposées le 2 décembre 1996, M. Boulanger demande subsidiairement, que le contrat qui le lie à la SARL Lochin-Poisson soit qualifié de contrat d'agent commercial et demande, en conséquence, la condamnation de la SARL Lochin-Poisson à lui payer la somme de 76.000 francs TTC en application de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 relative aux agents commerciaux.
Il prétend que les exceptions prévues à l'article 13 de ladite loi et notamment l'existence d'une faute grave ne sauraient lui être opposées puisque la lettre de rupture du 8 septembre 1992 ne mentionne en aucun cas l'existence d'une telle faute.
Par conclusions en réponse déposées le 5 décembre 1996 la SARL Lochin-Poisson expose
- que la demande de M. Boulanger au titre de la loi du 25 juin 1991 est nouvelle en cause d'appel et à ce titre irrecevable ;
- que subsidiairement, M. Boulanger ne rapporte pas la preuve que le contrat litigieux serait effectivement un contrat d'agent commercial ;
- que le contrat n'a pu prendre son plein effet du fait du comportement de M. Boulanger ;
- que ce sont les agissements de M. Boulanger qui ont été à l'origine de la rupture du contrat à l'issue de la période d'essai ;
- que la cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial, constitue une exception au principe d'indemnisation de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 ;
- qu'aux termes de l'article 12 al. 2 de ladite loi, l'agent commercial perd son droit à réparation s'il ne notifie pas au mandant dans l'année de la rupture du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits à indemnités de sorte que M. Boulanger est irrecevable en une telle demande puisque le contrat a pris fin le 30 septembre 1992 et M. Boulanger n'a pas, avant le 30 septembre 1993, sollicité une quelconque indemnité.
Par conclusions déposées le 5 décembre 1996 M. Boulanger soutient que sa demande formée à titre subsidiaire n'est pas nouvelle car elle tend aux mêmes fins que la demande initiale.
Motifs :
L'article 1157 du code civil dispose qu'une clause contractuelle doit être interprétée dans le sens qui peut avoir quelque effet et non dans celui qui ne peut en produire aucun.
La convention conclue le 29 avril 1992 comporte un article 14 dans lequel il est stipulé une période d'essai de 6 mois qualifiée d'essai de collaboration.
Cet article 14 dispose, dans son alinéa premier, " que le présent a effet d'un essai de collaboration de six mois et prend effet de plein droit à la fin de cette période en son ensemble ".
Cela veut dire que le contrat ne sera définitif qu'à compter de l'issue d'une période de collaboration de six mois.
L'alinéa 2 de l'article stipule : " toutefois la période de 6 mois a effet d'ensemble sans dérogation d'un seul des articles liés ".
Cela signifie que l'ensemble des clauses du contrat recevra application dès le début de la période d'essai mais cela ne signifie pas qu'une indemnité de rupture anticipée sera due pendant la période d'essai.
En effet, l'application de l'article 13 relatif à la " prise de fin anticipée " prévoit qu'une indemnité de 502.535 Francs sera due par le mandant s'il résilie le contrat dans les 6 mois.
Cela ne signifie nullement qu'une indemnité de résiliation est due en cas de résiliation pendant la période d'essai.
Une telle interprétation ne peut être soutenue car elle ôterait tout sens à la stipulation d'une période d'essai.
Monsieur Boulanger expose que la SARL Lochin Poisson a mis fin au contrat le 1er septembre 1992, après cinq mois de collaboration.
La rupture du contrat est donc intervenue pendant la période d'essai et ne peut donc donner lieu à paiement d'une indemnité de " fin anticipée ".
Le contrat ayant été rompu pendant la période d'essai, Monsieur Boulanger ne peut se prévaloir des dispositions de la loi sur les agents commerciaux qui n'interdit pas la stipulation d'une période d'essai et qui suppose, pour son application, que la convention soit définitivement conclue.
Le jugement sera, en conséquence, confirmé.
Il n'est pas justifié du caractère abusif de l'appel. La demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement sera en conséquence rejetée.
Il est équitable de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs, statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; déboute les parties de leurs autres demandes ; condamne Monsieur Boulanger aux dépens ; autorise maître Vicart à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.