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Décisions

CA Angers, ch. corr., 11 février 1997, n° 96-00616

ANGERS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvel (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Gauthier, Liberge

Avocat :

Me Cheyron.

TGI Angers, ch. corr., du 21 juin 1996

21 juin 1996

LA COUR,

Le prévenu Hervé L et le ministère public ont interjeté appel du jugement rendu le 21 juin 1996 par le Tribunal correctionnel d'Angers qui, pour complicité de tromperie sur la qualité d'une marchandise, l'a condamné à une amende de 30 000 F.

Régulièrement cité, le prévenu est présent, assisté par un conseil qui dépose des conclusions visant à :

" Confirmer le jugement rendu le 21 juin 1996 en ce qu'il a relaxé M. Hervé L du chef de complicité de délit de tromperie sur ces qualités substantielles des cuirs des salons " Détroit " et " Agatha " (faits commis à Angers le 7 janvier 1994)

Pour le surplus,

Infirmer le jugement rendu le 21 juin 1996 en ce qu'il a condamné M. Hervé L à 30 000 F d'amende pour complicité de tromperie sur les qualités substantielles des cuirs (faits commis à Angers les 30 juillet et 24 décembre 1993).

En conséquence,

Relaxer purement et simplement M. Hervé L des chefs des poursuites diligentées à son encontre.

Laisser au Trésor la charge des dépens. "

Le Ministère public requiert la confirmation du jugement sur la culpabilité et l'aggravation de la peine qui devra être portée à 40 000 F.

Hervé L est prévenu d'avoir, à Angers :

- le 24 décembre 1993, trompé les consommateurs sur les qualités substantielles du cuir du salon modèle Vidal en le prétendant " Pleine Fleur " alors qu'il s'agissait de cuir fleur corrigée, en fournissant, sans en vérifier la teneur, des étiquettes comportant de fausses indications ;

- le 30 juillet 1993, trompé les consommateurs sur les qualités substantielles du cuir des modèles de salons suivants, en leur attribuant la fausse qualité de pleine fleur alors que :

* le salon Colbert était constitué de cuir fleur corrigée ;

* le salon Détroit était constitué de cuir fleur très corrigée ;

* le salon Agatha était constitué de cuir fleur très corrigée ;

* le salon Rivoli était constitué de cuir fleur corrigée ;

en fournissant, sans en vérifier la teneur, des étiquettes comportant de fausses indications ;

- le 7 janvier 1994, et non le 7 janvier 1995 comme indiqué dans la citation, trompé les consommateurs sur les qualités substantielles du cuir des modèles de salons suivants, en leur attribuant qualité de fleur corrigée alors que les salons Détroit et Agatha étaient composés de cuir fleur très corrigée, en fournissant sans en vérifier la teneur, des étiquettes comportant de fausses indications ;

Sur ce,

Il résulte des éléments de la procédure, notamment du procès-verbal établi le 26 avril 1994 par M. Bouvier, chef de section à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en résidence à Angers, et des débats à l'audience, qu'un premier contrôle a été effectué le 30 juillet 1993 au magasin de vente au détail exploité à Angers, sous l'enseigne " A ", par la SARL X dont Maryvonne B était la gérante ; l'agent de l'Administration a constaté la concordance entre les informations portées sur les articles (canapés et fauteuils cuir) exposés à la vente, avec les fiches techniques correspondant aux références de ces articles.

Le 24 décembre 1993, lors d'un second contrôle, un prélèvement a été effectué en vue de vérifier la qualité du cuir d'un modèle " Vidal " étiqueté comme revêtu du cuir " pleine fleur ", l'analyse ayant établi qu'il s'agissait en réalité de cuir " fleur corrigée ".

Lors de son audition par l'agent de la DGCCRF le 7 janvier 1994, Maryvonne B lui faisait savoir qu'elle avait reçu de nouvelles fiches techniques relatives aux modèles exposés le 30 juillet 1993 et avait été amenée en conséquence à modifier son étiquetage en fonction des nouvelles fiches dont elle remettait copie le 12 janvier suivant, certaines faisant état de la qualité " fleur légèrement corrigée " ou " pleine fleur non sélectionnée ", type de finition non reconnues par la réglementation (décret du 18 février 1986 et annexe).

Il ressort de ces éléments que quatre modèles de salon présentés le 30 juillet 1993 sous la qualité vachette " pleine fleur " étaient en réalité revêtus de cuir " fleur corrigée ".

Un nouveau prélèvement effectué le 24 janvier 1994 sur cinq modèles de salon établissait, après analyse, que les modèles de salon " Agatha " et " Détroit " étaient réalisés en cuir vachette " fleur très corrigée ", à la limite de la croûte de cuir, l'Administration estimant que l'étiquetage faisant état de fleur corrigée le 7 janvier 1994 (et non le 7 janvier 1995 comme indiqué par erreur dans la citation qu'il y a lieu de rectifier en ce sens) était de nature à tromper le consommateur.

Sur ce dernier point, la réglementation n'établit pas de distinction dans les différents degrés de finition à l'intérieur d'une même catégorie (sauf en ce qui concerne les traitements additionnels) et ne reconnaît que la " fleur corrigée " ou " la croûte de cuir " ; ainsi, de même que l'étiquetage " fleur légèrement corrigée " doit être assimilé à la catégorie " fleur corrigée " prévue par le décret susvisé du 18 février 1986, un traitement défini par le laboratoire technique de la DGCCRF comme " fleur très corrigée " n'apparaît pas susceptible d'être générateur d'une tromperie dès lors que l'analyse ne révèle pas qu'il s'agissait véritablement d'une croûte de cuir et qu'il ne pouvait entrer dans la catégorie de finition " fleur corrigée " décrite sur les fiches techniques rectifiées.

En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a relaxé Maryvonne B qui n'est plus à la cause, de ce chef d'interdiction mais l'a déclarée coupable des autres délits suffisamment établis par les éléments du dossier.

Par ailleurs, Maryvonne B a indiqué lors de son audition par l'agent de la DGCCRF que les fiches techniques lui avaient été fournies par son franchiseur, la SA " Y ", dont le Président Directeur général était à l'époque Hervé L, les marchandises ayant quant à elles été directement importées par la SARL X auprès du fabricant italien.

Hervé L conclut à sa relaxe au motif que sa société, franchiseur, n'est à aucun moment intervenue dans le processus d'acquisition et d'étiquetage des salons litigieux, les fiches techniques ayant, selon lui, été établies par la société " Z " centrale de référence[ment], sans passer par l'intermédiaire de la SA " Y " France " Master franchisé ".

En admettant même que le processus décrit par Hervé L soit exact, alors que les fiches techniques ne portent pas d'autres indications de provenance que la marque " A ", il résulte du contrat de franchise conclu entre la SARL X, franchisé et la société Y, franchiseur dont le siège est à Paris, que le franchisé était tenu de se fournir exclusivement en mobilier sélectionné par le franchiseur auprès de fournisseurs agréés par lui et de vendre au tarif de référence fixé de même par lui, moyennant un droit d'entrée et un pourcentage sur le chiffre d'affaires annuel dûs au franchiseur.

Celui-ci, aux termes du contrat, était censé avoir acquis " une grande expérience " et " des connaissances spéciales " en matière de salons en cuir, notamment sur le plan technique ; qu'il s'engageait par ailleurs à apporter au franchisé une " assistance permanente " ;

En application de ce contrat, le franchiseur signataire de la convention était tenu d'apporter au franchisé, celui-ci dans un lien étroit de dépendance à l'égard du franchiseur, les moyens nécessaires, notamment techniques, dans l'exercice de son commerce.

Hervé L ne saurait, pour dégager sa responsabilité, se fonder sur la circonstance que sa société n'avait aucun rôle, selon lui, dans l'établissement des fiches techniques litigieuses et leur transmission au franchisé, alors que ces fiches constituaient le premier moyen pour le franchisé d'apprécier la qualité des cuirs des modèles imposés par le franchiseur, et que celui-ci avait en conséquence l'obligation, à l'égard du franchisé, de lui assurer un service technique fiable, et de veiller à ce que ledit franchisé ait à sa disposition des fiches techniques conformes à la qualité réelle des cuirs fournis par les fabricants agréés par lui, compte tenu de la réglementation en vigueur en France.

Il s'en suit que les fiches techniques, même fournies par le service d'une société étrangère membre du groupe auquel appartenait le franchiseur et dont il était solidaire, auraient dû, en vertu du principe même des contrats de franchise, pouvoir être vérifiées par Madame L grâce à " l'assistance permanente générale " que lui devait son franchiseur et qui, en l'espèce, a fait défaut.

Dès lors, Hervé L ayant concouru à la réalisation des infractions, sa culpabilité sera confirmée pour les seuls délits retenus par le premier juge, mais la Cour, considérant la gravité de la défaillance de l'intéressé, réformera sur la sanction en portant l'amende à 40 000 F.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Réformant sur la peine, Condamne Hervé L à une amende de Quarante Mille Francs (40 000 F) ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable Hervé L, conformément aux dispositions de l'article 1018 A du code général des impôts. Ainsi jugé et prononcé par application des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 121-7 du Code pénal, 473 du Code de procédure pénale.