CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 27 février 1997, n° 95-12817
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Coutellier
Défendeur :
Augagneur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roudil
Conseillers :
Mme Jacques, M. Djiknavorian
Avoués :
SCP Blanc, SCP Aube-Martin-Bottai-Gereux
Avocats :
Mes Parracone, Cuny
Faits, procédure et moyens des parties :
Monsieur Jean Augagneur a travaillé de décembre 1991 à mai 1992, pour les Établissements Coutellier, négociants détaillants en viandes, dirigés par Madame Nicole Coutellier.
Monsieur Augagneur et Madame Coutellier ne parvenant pas à se mettre d'accord sur les termes d'un contrat d'agent commercial, les relations professionnelles entre les parties ont été rompues et Monsieur Augagneur a fait assigner Madame Coutelier par acte du 22 juin 1993 devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse, pour obtenir paiement :
- d'une somme de 4 400 F pour commissions restant dues,
- d'une somme de 17 600 F au titre d'une indemnité compensatrice du délai de préavis,
- d'une somme de 395 103, 25 F en réparation du préjudice résultant de la résiliation de son contrat d'agent commercial,
- d'une somme de 100 000 F pour rupture abusive et brutale de contrat,
- d'une somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Par jugement en date du 18 avril 1995, le Tribunal a condamné Madame Coutellier à payer à Monsieur Augagneur :
- la somme de 4 400 F au titre des commissions restant dues, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993,
- la somme de 17 600 F au titre de l'indemnité compensatrice du délai de préavis, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993,
- la somme de 200 000 F en réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993,
- la somme de 4 500 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Madame Coutellier a relevé appel de cette décision.
Elle sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a accordé à Monsieur Augagneur une indemnité de préavis et une indemnité de rupture de contrat.
Elle réclame paiement d'une somme de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Elle expose que le statut de Monsieur Augagneur au sein des Établissements Coutellier n'a pas été déterminé ; qu'il a refusé de signer le contrat d'agent commercial qu'elle lui a proposé le 21 mai 1992 ; qu'elle-même a refusé de signer le contrat type qu'il lui a soumis ; que les parties ont rompu leurs relations dans la phase de pourparlers ; qu'elle était en droit d'exiger la signature d'un contrat et que dans cette attente, Monsieur Augagneur ne pouvait se prévaloir du statut d'agent commercial.
Elle soutient que Monsieur Augagneur n'a apporté aucune clientèle aux Établissements Coutellier ; qu'il n'a pas fait augmenter le chiffre d'affaires ; qu'il n'était tenu à aucune clause de non concurrence ; qu'il ne peut donc prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de perte de clientèle.
Monsieur Augagneur, faisant appel incident sur le montant de l'indemnité de perte de clientèle qui lui a été allouée, réclame paiement de la somme de 395 103,25 F avec intérêts à compter du 22 juin 1993, de la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts en application des articles 1142 et 1146 du Code Civil, de la somme de 15 000 F en remboursement des frais irrépétibles engagés en première instance et de la somme de 20 000 F en remboursement des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu son statut d'agent commercial et en ce qu'il lui a alloué paiement de commissions dues et une indemnité de préavis.
Il expose qu'il a été mandaté par les Établissements Coutellier en décembre 1991 pour leur trouver de nouveaux producteurs de viandes et développer leur clientèle de détaillants ; qu'il a apporté des fournisseurs importants aux Établissements Coutellier dont le chiffre d'affaires a crû sur une période de sept mois de 2 878 361,37 F ; que le 1er juillet 1992 son contrat d'agent commercial a été résilié aux termes d'un simple entretien verbal, sans préavis ni indemnités.
Il soutient que le contrat proposé à sa signature par Madame Coutellier était illégal ; que travaillant déjà depuis des mois pour les Établissements Coutellier, il était lié par un contrat verbal.
Il fait valoir que, malgré sommation, Madame Coutellier ne verse pas aux débats les éléments permettant de déterminer l'augmentation de son chiffre d'affaires ; qu'elle reconnaît avoir perdu le " Charolais du Sud-Est " ce qui est la preuve d'une relation intuitu personae entre lui-même et ses clients ; qu'il n'a retrouvé du travail qu'en 1993 ; qu'il n'a pas été payé son employeur et qu'il se retrouve au chômage ; qu'outre son préjudice professionnel il subit donc un préjudice moral et financier qui doit être indemnisé ;
II - Motifs de la décision
Attendu que la clôture de la procédure a été prononcée le 30 janvier 1997 ; que toutes les conclusions sont donc recevables.
Attendu qu'il n'est pas contesté que Monsieur Augagneur a travaillé pendant sept mois pour les Établissements Coutellier dans le but de trouver des producteurs de viandes et développer la clientèle de détaillants ; que Madame Coutellier qui lui dénie le statut d'agent commercial ne précise pas quelle serait la nature du contrat qui lierait Monsieur Augagneur aux Établissements Coutellier, et se borne à affirmer que leurs relations n'en seraient restées qu'au stade des pourparlers ce que dément précisément le fait précédent.
Attendu que le statut des agents commerciaux est régi par la loi n° 91-523 du 25 juin 1991 ; qu'en application de l'article 2 de cette loi, l'écrit n'est pas obligatoire.
Attendu que les parties sont toutefois en droit d'exiger la signature d'un contrat, mais que l'absence d'écrit pendant la période de pourparlers préliminaires à la signature du contrat ne fait pas obstacle à ce que soit appliqué le statut d'agent commercial à la personne qui a déjà pris ses fonctions et qui les exerce avant toute signature de contrat.
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le statut d'agent commercial applicable à Monsieur Augagneur qui exerçait ses fonctions depuis sept mois pour les Établissements Coutellier .
Attendu que Madame Coutellier ne conteste pas devoir la somme de 4 400 F représentant des commissions dues.
Attendu qu'elle concerne devoir l'indemnité de préavis ; que cependant en application de l'article 11 de la Loi l'agent commercial a droit à un préavis d'un mois la première année du contrat ; que la condamnation au paiement de la somme de 17 600 F doit en conséquence être confirmée.
Attendu qu'en cas de cessation des relations du fait du mandant, l'agent commercial a droit, en l'absence de faute, et s'il n'a pas cédé ses droits à un tiers, en application de l'article 12 de la loi à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Attendu que Monsieur Augagneur n'a pas commis de faute et n'a pas cédé ses droits à un tiers ; que dès lors, même s'il n'est pas tenu par une clause de non-concurrence, son droit à indemnisation qu'il tient des dispositions légales, est acquis.
Attendu que la loi ne chiffre pas cette indemnité qui est destinée à compenser la perte de clientèle liée à la rupture du contrat et le manque à gagner pendant le temps nécessaire à la reconstitution d'une clientèle équivalente.
Attendu queMonsieur Augagneur n'apporte aucun élément concret sur la nature et l'importance de la clientèle qu'il aurait apportée aux Établissements Coutellier en seulement sept mois d'activité; que sa demande de paiement d'une somme équivalente à deux années de commissions n'est pas justifiée par la durée et la qualité de ses interventions ; qu'il convient donc de limiter cette indemnité au montant des commissions que Monsieur Augagneur a perçues pendant ses sept mois d'activité, soit 115 238 F.
Attendu que Monsieur Augagneur sollicite des dommages et intérêts complémentaires au motif qu'il a subi un préjudice moral et financier.
Attendu toutefois que le fait qu'il ait connu des déboires avec l'employeur avec lequel il a conclu un contrat de travail en janvier 1993 n'est pas imputable à Madame Coutellier ; que sa demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée par un préjudice en relation de cause à effet avec une faute commise par Madame Coutellier.
Attend qu'il convient donc de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de perte de clientèle qui sera liquidée à la somme de 115 238 F.
Attendu que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
Attendu qu'il n'y a pas lieu à remboursement de frais irrépétibles en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement déféré : en ce qu'il a condamné Madame Coutellier à payer à Monsieur Augagneur : - la somme de 4 400 F au titre des commissions restant dues, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993, - la somme de 17 600 F au titre de l'indemnité compensatrice du délai de préavis, outre intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1993, - la somme de 4 500 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Monsieur Augagneur de sa demande de dommages et intérêts, L'émendant pour le surplus : - condamne Madame Coutellier à payer à Monsieur Augagneur la somme de 115 238 F en réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat, Dit n'y avoir lieu à condamnation du chef de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, Partage les dépens d'appel par moitié entre Monsieur Augagneur et Madame Coutellier, Ordonne la distraction des dépens d'appel dont ils auront fait l'avance sans provision, au profit des avoués de la cause, en application des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.