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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 4 avril 1997, n° 95-21679

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Totem Auto (SARL)

Défendeur :

Lada France (SA), Financière Poch (Sté), Crédit Mutuel de Villeurbanne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Jobin, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Guillin, Fauquet, SCP Coblence.

T. com. Paris, 10e ch., du 2 août 1995

2 août 1995

La SARL Totem Auto (STA) a signé, le 9 juillet 1991, trois contrats de concession exclusive pour la distribution des automobiles des marques Lada, Aleko et Tavria pour un secteur de Lyon avec la SA Poch aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SA Lada France.

Le même jour, cette même SARL a également signé avec la SA Safidat aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SA Financière Poch autre contrat de concession exclusive relatif aux véhicules de marques Skoda.

Pour garantir l'exécution de ces contrats, tous à durée indéterminée et résiliables avec respect d'un préavis d'un an, la SARL STA a fourni un cautionnement bancaire donné par le Crédit Mutuel de Villeurbanne (600 000 F) et celui personnel de son dirigeant (600 000 F).

Le 13 décembre 1991, la SA Safidat a informé chacun de ses concessionnaires que du fait du transfert des activités des usines Skoda à Volkswagen, celle-ci avait confié la distribution en France des produits de cette marque à son réseau (VAG France) et leur annonçait la résiliation, en conséquence et avec respect d'un préavis d'un an, du contrat qui les liait. Enfin le 2 juillet 1993, la SA Lada France a informé la SARL STA de son intention de résilier les contrats qui les liaient ce avec application du délai de préavis contractuel d'une année. La SARL STA a alors invoqué une rupture abusive de ces quatre contrats et sur le litige ainsi né entre les parties le Tribunal de Commerce de Paris a, par jugement du 2 août 1995, rejeté l'intégralité des demandes qu'elle a présentées à l'encontre des concédants.

La SARL STA a régulièrement interjeté appel de cette décision à laquelle le crédit mutuel avait aussi été partie.

Elle soutient que les informations précontractuelles obligatoires selon la loi du 31 décembre 1989 ont été fournies d'une façon délibérément trompeuse par la SA Safidat qui ne pouvait ignorer le sort qui attendait, à très court terme, son réseau et qui le lui a masqué, qu'en outre, les deux concédants lui ont laissé croire à des possibilités d'objectifs illusoires puisque, conscients de la baisse régulière, depuis quelques années, de leurs parts de marché, la fixation des conditions d'objectifs opérée était, ce qu'ils savaient, irréaliste et démesurée. Enfin, elle impute à faute aux concédants un défaut d'actions promotionnelles permettant aux marques en concession de progresser, des retards de livraison inexplicables entraînant une baisse d'activité par désintérêt crée chez les clients et demande condamnation des sociétés Lada France et Safidat au paiement des sommes de 300 000 F pour inexécution fautive de leurs obligations contractuelles, 800 000 F pour rupture abusive des contrats de concession ainsi que le remboursement des cautions fournies lors de la mise à disposition des enseignes lumineuses des marques (2400 F et 1600 F). La SARL STA réclame, en outre, que Le Crédit Mutuel soit déchargé de son engagement de caution et sollicite l'attribution d'une somme de 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

La SA Financière Poch venant aux droits de la SA Safidat objecte qu'elle n'a été liée à la SARL STA que par un seul contrat de concession qui a été signé après respect de l'obligation d'information précontractuelle imposée par la loi du 31 décembre 1989, information dont elle affirme qu'elle a été loyalement fournie puisqu'elle ignorait, à la signature du contrat, qu'elle ne pourrait plus assurer la fourniture des véhicules de la marque Skoda et que les objectifs de ventes ont été établis avec une SARL qui avait déjà été concessionnaire automobile et qui connaissait ce marché. Elle ajoute qu'elle n'a fait qu'utiliser la possibilité offerte par l'article 9.2-2 du contrat de concession pour le résilier, sans comportement abusif, face à l'impossibilité, pour elle, de rester l'importateur exclusif Skoda qu'elle avait été jusqu'alors.

Elle souligne qu'elle a déployé une activité promotionnelle normale et a même pris en charge, sans y être contractuellement tenue, partie du coût de celle entreprise par la SARL qui est mal venue à exciper de fautes non établies pour se soustraire à l'application des dispositions contractuelles. Enfin la SA Financière Poch soutient que la SARL STA ne justifie ni de la restitution de l'enseigne, ni de sa destruction de sorte que sa demande, à ce titre, nouvelle en cause d'appel, doit être écarte. Elle conclut à la confirmation de la décision déférée ce avec mise à la charge de la SARL STA d'une somme supplémentaire de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC.

LA SA Lada France reprend la même argumentation en soulignant que les résiliations des trois contrats de concession qui la liaient à la SARL sont intervenues conformément aux stipulations contractuelles qui en laissaient la possibilité avec respect d'un préavis, accordé, d'un an. Elle rappelle ses échanges d'informations avec le concessionnaire pour rejeter toute idée de faute commise avant la conclusion des contrats et souligne que, devant l'état présenté par le marché de l'automobile, elle a elle-même et avec bonne foi diminué les objectifs de ventes pour tenir compte de la diminution du taux de pénétration constatée des différentes marques concédées.

Elle ajoute que la SARL ne peut lui imputer à faute des retards de livraison restés minimes puisque, s'agissant de véhicules importés de Russie, les aléas pouvant affecter ces livraisons étaient connus et acceptés par celle-ci qui connaissait bien le marché de l'automobile.

La SA Lada France fait valoir que le cautionnement bancaire a pris fin par la survenance de son terme et que la demande présentée à ce titre est devenue sans objet tandis que celles présentées au titre des remboursements des cautions fournies pour les enseignes, nouvelles en cause d'appel, sont en outre injustifiées.

Elle conclut à la confirmation en toutes ses dispositions de la décision déférée avec mise à la charge de la SARL STA de 20 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Le Crédit Mutuel de Villeurbanne assigné à sa personne devant la Cour n'a pas constitué avoué.

Cela exposé

Sur les demandes présentées à l'encontre de la SA Financière Poch

Considérant qu'aux termes du contrat de concession exclusive pour la vente des véhicules Skoda conclu avec la SA Safidat les parties ont convenu (article 9.2-2) que si le contrat liant le concédant au constructeur se trouvait résilié ou ne pouvait plus être exécuté cette hypothèse serait pour elles un cas de " force majeure " déliant le concédant, celui-ci ne pouvant livrer des produits qu'il ne pouvait plus importer ;

Considérant qu'il ressort des pièces mises aux débats, notamment d'une lettre adressée au concédant, le 19 septembre 1991, par le constructeur des véhicules Skoda (Motorov) que ce n'est qu'à cette date que la SA Safidat a été informée de ce que les véhicules de cette marque seraient désormais distribués par le groupe Volkswagen, décision dont le concédant n'a eu confirmation que le 18 novembre 1991 ;

Considérant que la SARL STA ne démontre pas que le concédant a pu avoir connaissance de cette modification de ses rapports avec le constructeur lors de la signature, le 9 juillet 1991, du contrat de concession conclu entre eux ; que dans ces conditions, c'est sans faute ni abus de sa part que le concédant a, le 13 décembre 1991, en application des dispositions de l'article 9.2-2 du contrat de concession, résilié celui-ci dont l'exécution était devenue impossible ;

Considérant que, comme pertinemment relevé par les premiers juges, l'information précontractuelle exigée par les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 et le décret du 4 avril 1991 a été fournie par les deux concédants à la SARL STA le 19 juin 1991; que celle-ci a disposé aussi, dès le 22 mai 1991, d'une étude du seuil de rentabilité sur laquelle elle a largement eu le temps de se pencher avec la compétence d'un professionnel averti de la distribution automobile, secteur dans lequel elle exerçait déjà son activité;

Considérant que dans ces conditions la SARL STA ne démontre, dans ses rapports avec la SA Safidat, ni la fourniture de renseignements erronés qu'elle lui impute, ni le caractère fautif des prévisions d'objectifs arrêtées par celle-ci et qu'elle a signées;

Considérant que si la SARL STA soutient encore que la société Safidat n'a pas déployé, localement, une action promotionnelle de la marque suffisante, force est de constater que selon les dispositions de l'article 6 du contrat de concession, cette promotion lui incombait et qu'elle ne démontre pas que la promotion nationale réalisée par le concédant a été insuffisante compte tenu des difficultés générales ayant affecté le marché de l'automobile et auquel tous les opérateurs ont été confrontés ;

Considérant que la SARL STA ne justifie pas davantage des autres manquements contractuels qu'elle impute à la SA Safidat et qui restent, en l'absence de pièces probantes susceptibles de les établir, la simple expression de la déception commerciale qu'elle a pu ressentir ;

Considérant que la SARL STA ne justifie pas avoir restitué l'enseigne pour laquelle elle présente une demande de restitution de caution, demande qui s'analyse en une demande accessoire à ses demandes principales ;

Sur les demandes présentées à l'encontre de la SA Lada France

Considérant que les trois contrats de concession conclus pour une durée indéterminée avec la SA Poch ont prévu une possibilité de résiliation avec respect d'un préavis d'un an, possibilité dont la SA Lada France a entendu bénéficier, sans abus de droit, le 2 juillet 1993 ;

Considérant qu'il a déjà été retenu que l'information précontractuelle exigée par la loi du 31 décembre 1989 et le décret du 4 avril 1991 a été fournie par les deux concédants ; que pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus la SARL ne démontre, dans ses rapports avec la SA Lada France, ni la fourniture délibérée de renseignements erronés, ni le caractère fautif des prévisions d'objectifs arrêtées par celle-ci et qui ont même été limitées lors de la signature des contrats de concession et qu'elle a ensuite signées, en professionnelle avertie et en toute connaissance de l'évolution prévisible du marché de l'automobile ;

Considérant que comme dans ses rapports avec la SA Safidat, la SARL STA a, dans ses rapports avec la SA Lada France, été tenue du coût des opérations de promotion régionale à organiser ; qu'il est établi par les nombreuses factures mises aux débats qu'elle s'est soumise à cette charge que non contractuellement tenue de le faire, a participé financièrement à celles-ci, chaque fois que la SARL le lui a demandé, et pour une somme globale de 52 000 F environ en 1992 ; qu'il est par ailleurs justifié, par la SA Lada France, des opérations de promotion nationales diverses et à objectifs variés qu'elle a pu entreprendre au bénéfice de ces réseaux ;

Considérant que la SARL STA ne démontre donc ni l'existence de la faute qu'elle lui impute à ce titre, ni l'insuffisance de ces campagnes, intervenues alors que le marché de l'automobile connaissait des difficultés générales auxquelles toutes les marques ont tenté de faire face ;

Considérant que la SARL STA ne peut davantage invoquer le mauvais état des véhicules reçus dès lors qu'elle n'a jamais exprimé de réserves au transporteur ou au centre de préparation de ces véhicules ; que les retards dans les livraisons qu'elle impute à faute à la SA Lada France sont restés limités et explicables par l'origine même de ces véhicules fabriqués en Russie et dont la ponctualité absolue de la livraison ne peut pas être totalement assurée ce que les professionnels n'ignorent pas ;

Considérant que la SA STA ne justifie pas avoir restitué l'enseigne pour laquelle elle présente une demande de restitution de caution, demande qui s'analyse en une demande accessoire à ses demandes principales ;

Considérant que pour ces motifs l'intégralité des demandes présentées par la SARL STA est à rejeter étant précisé que sa demande tendant à voir le Crédit Mutuel déchargé de son engagement de caution est devenue, selon les pièces produites sans objet ;

Considérant qu'il n'est pas établi que la SARL STA a fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ; que l'équité commande l'attribution à chacune des sociétés Lada France et Financière Poch d'une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et pour eux d'appel ;

Par ces motifs : LA COUR Déclare recevable l'appel de la SARL Totem Auto, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs, Condamne la SARL Totem Auto au paiement des dépens de première instance et d'appel avec admission, pour ces derniers, des avoués concernés au bénéficié des dispositions de l'article 699 du NCPC.