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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 30 avril 1997, n° 95-0005295

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Château

Défendeur :

Sabate (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

M. Derdeyn, Mme Ilhe-Delannoy

Avoués :

SCP Argellies, SCP Salvignol-Guilhem

Avocat :

Me Rognard.

T. com. Perpignan, du 14 mars 1995

14 mars 1995

Faits et procédure :

Par exploit en date du 27 juillet 1988, Monsieur Roland Château, agent commercial, a fait donner assignation à la SA Sabate, son mandant, d'avoir à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Dijon pour entendre prononcer la résiliation judiciaire du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Sabate pour non-respect des dispositions contractuelles et entendre condamner cette société à lui payer la somme de 100 000 F à titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la perte de certains clients et de la présence dans son contrat d'une clause de non-concurrence lui interdisant pendant un an de continuer à prospecter la clientèle créée et développée, outre les intérêts de droit sur lesdites sommes et 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 31 octobre 1989, le Tribunal de grande instance de Dijon se déclarait incompétent au profit du Tribunal de commerce de Perpignan.

Cette juridiction a ordonné le 20 novembre 1990 une mesure d'instruction en donnant mission à l'expert Lagedamont :

- de se faire communiquer tous documents liant les parties et notamment ceux déterminant le secteur de Monsieur Château,

- de rechercher les raisons qui ont entraîné la rupture du contrat, et dire laquelle des parties a mis fin de fait au contrat,

- de chiffrer le préjudice subi par l'une ou l'autre des parties,

- donner au tribunal tous éléments permettant de faire les comptes entre parties et tous autres utiles à la cause.

L'expert Toure, désigné en remplacement de l'expert Ligerot lui-même désigné en remplacement de l'expert Lagedamont a déposé son rapport le 17 mai 1994.

Par jugement en date du 14 mars 1995, le Tribunal de commerce de Perpignan :

- décidait que la rupture du contrat d'agent commercial était imputable à Monsieur Château,

- fixait la date de rupture du contrat au 27 juillet 1988, date de l'assignation de Monsieur Château devant le Tribunal de commerce de Dijon,

- jugeait qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 8 du contrat conformément aux dispositions de l'article 3 du Décret du 23 décembre 1958,

- déboutait Château de sa demande en paiement de la somme de 972 173,44 F au titre d'indemnité de rupture abusive du contrat ainsi que de sa demande au titre d'indemnités de retard dans le paiement desdites commissions,

- jugeait que c'est à juste titre que les établissements Sabate n'ont plus fourni les commandes à Monsieur Château à partir du 27 juillet 1988,

- jugeait que Château ne pouvait invoquer la clause de non-concurrence à l'encontre des établissements Sabate,

- déboutait Château de sa demande en paiement de la somme de 150 000 F concernant une prétendue garantie de Sabate envers le Domaine Bouchard comme infondée,

- déboutait Château de sa demande en paiement de la somme de 104 192,65 F comme injustifiée,

- déboutait Château de sa demande en paiement de commissions sur les commandes passées directement par les clients à la SA Sabate comme injustifiée,

- déboutait Château de sa demande en paiement de la somme de 486 086,72 F comme infondée,

- déboutait Château de sa demande relative à l'article 9 de son contrat, celle-ci n'obligeant pas la SA Sabate, et de sa demande de le relever de ladite clause,

- déboutait la SA Sabate de sa demande en réparation du préjudice commercial comme infondée,

- rejetait toute autre demande contraire à sa décision comme infondée,

- jugeait qu'il n'y avait pas lieu à ordonner l'exécution provisoire de cette décision.

Monsieur Roland Château a relevé appel de cette décision.

La SA Sabate a formé appel incident de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

Monsieur Roland Château demande à la cour de condamner la SA Sabate à lui payer la somme de :

- 104 192,65 F au titre de rappel de commissions non encore payées sur les commandes passées par Château,

- 50 000 F à titre d'indemnité de retard dans le paiement desdites commissions,

- 150 000 F correspondant à la garantie due par la SA Sabate dans le litige avec le Domaine Bouchard,

- 972 173,44 F à titre d'indemnité de rupture par référence à l'article 3 de l'ordonnance du 28 décembre 1958 portant statut des agents commerciaux,

- 486 086,72 F en contrepartie de la clause de non-concurrence qui lui est imposée,

- 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Roland Château soutient que la rupture des relations contractuelles est imputable à son mandant.

Il invoque à l'appui de cette prétention la mauvaise qualité des produits de la SA Sabate due à des défauts multiples des bouchons fabriqués par cette maison.

Il précise avoir, à de nombreuses reprises, signalé à son mandant des difficultés rencontrées par des clients dues à une mauvaise qualité des bouchons fabriqués par la SA Sabate selon le procédé SBM, se manifestant selon les dires de l'agent par un goût de liège du vin bouché avec les produits du mandant.

Il invoque en outre l'absence totale de suivi commercial de la SA Sabate qui, contrairement à ses obligations contractuelles, ne lui faisait pas parvenir régulièrement de relevés de commissions, ne confirmait aucune commande et ne lui adressait aucun double de commande, de bon d'expédition ou de facture, de sorte qu'il soutient n'avoir jamais été en mesure de savoir si une commande était ou non enregistrée.

Il précise en outre que son mandant ne respectait pas les dates de livraison, ce qui provoquait un mécontentement de l'ensemble des clients de la société Sabate, et pratiquait des tarifs supérieurs à ceux de la concurrence, de sorte que 40 % de la clientèle aurait décidé de s'adresser à d'autres fournisseurs.

Il invoque en outre un retard par le mandant dans le paiement de ses commissions, l'absence de commissionnement sur certaines commandes, la suspension pendant une certaine période des commissions qui lui étaient dues, l'existence de menaces par le mandant sur une réduction du taux des commissions, et l'atteinte à l'exclusivité territoriale qui lui avait été consentie dans son contrat, la société prospectant directement ses clients dans le secteur qui avait été confié à l'agent ou demandant à certains de ses VRP d'effectuer des visites de clients situés dans des départements compris dans le secteur confié à Château.

La société SA Sabate demande à la cour :

- de dire non fondé l'appel principal de Château à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Perpignan du 14 mars 1995,

- de confirmer cette décision en ce qu'elle a imputé la rupture du contrat d'agent commercial à Château et a débouté ce dernier de toutes ses demandes,

et réformant cette décision,

- de dire recevable et fondé son appel incident,

- de juger que Château s'est rendu coupable de faits fautifs qui ont entraîné un préjudice à la SA Sabate,

- et en conséquence de condamner Château à lui payer la somme de 624 189 F, outre les intérêts au taux légal à dater de l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait du caractère particulièrement abusif de la procédure engagée par Château, outre la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient en effet que Roland Château reprend dans ses écritures d'appelant purement et simplement sa demande formulée auprès des premiers juges, sans répondre dans ses conclusions devant la cour ni aux conclusions de l'expert ni aux motifs du jugement entrepris, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile et demande en conséquence à la cour de rejeter ces conclusions et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Château de ses prétentions puisqu'il apparaît qu'il n'a pas été régulièrement critiqué devant la cour.

Subsidiairement au fond, la SA Sabate soutient qu'il n'est pas démontré une quelconque déficience de ses produits, ainsi que l'a relevé le rapport d'expertise qui note que soit ce grief n'est pas établi comme imputable aux produits fournis par la société Sabate, soit que même aucun grief n'est établi comme provenant d'un client, soit enfin que les griefs invoqués provenaient de proches de Château.

Concernant la prétendue absence de politique commerciale de la société Sabate, elle précise que Château se contente de réitérer des affirmations gratuites exposées en première instance sans faire référence aux conclusions de l'expert. Elle expose que l'expert a relevé qu'un justificatif des prétendues récriminations des sociétés Compagnie des Grands Vins Français et Sobemab n'était sérieusement établi, et qu'il en est de même non seulement pour la société Thorin dont le courrier, adressé directement à la société Sabate, ne peut en aucun cas être rattaché à une prétendue absence de suivi commercial du mandant mais encore pour la Compagnie des Vins d'Autrefois dont le courrier ne saurait à lui seul justifier la rupture du contrat d'agent commercial.

S'agissant du grief tiré de récriminations de clients dues à un non-respect des délais de livraison, la société Sabate expose que les clients désignés par Château ne lui ont jamais adressé la moindre plainte et que l'expert a relevé qu'il s'agissait de documents artificiellement établis par Château postérieurement aux faits invoqués.

Concernant la hausse de tarifs des produits représentés, la société Sabate expose que non seulement cette hausse est restée très inférieure à celles pratiquées par la concurrence et qu'il n'est pas démontré, contrairement à ce que soutient Château, que cette hausse aurait entraîné la perte de quasiment la moitié de la clientèle du mandant. Du reste, elle soutient que les tarifs communiqués à Château pour qu'ils soient transmis aux clients n'ont fait l'objet d'aucune communication à la clientèle, en totale méconnaissance par Château de ses obligations contractuelles.

S'agissant du paiement des commissions, elle indique que l'expert a constaté qu'elles avaient été réglées de manière régulière un mois après l'émission du relevé de ces commissions, le décalage s'expliquant par le traitement bancaire normal et que seules trois échéances avaient souffert d'un retard un peu plus important, ne dépassant pas deux mois. Elle précise en outre que toutes les commissions dues à Château lui ont été réglées, et que c'est donc avec la plus profonde mauvaise foi que ce dernier demande un commissionnement sur les commandes Reitz et Jadot qui lui a déjà été réglé ainsi qu'en atteste un relevé des commissions du 31 janvier 1987.

Elle indique en outre que la suspension momentanée du paiement des commissions a pour origine la mauvaise volonté de Château dont les manœuvres visaient à rompre le contrat d'agent commercial en faisant imputer la rupture à son mandant et qu'en ce qui concerne l'existence d'une menace d'une réduction du taux de commissionnement de son mandataire, le seul fait que Château invoque l'existence d'une menace exclut toute possibilité de s'en emparer comme motif de rupture du contrat imputée à la société Sabate.

S'agissant de l'exclusivité, la société Sabate soutient que l'expert a pu constater que certains clients visés par Château comme ayant été démarchés par la concluante étaient totalement inconnus de celle-ci, que d'autres faisaient partie expressément de l'exclusion du secteur d'activité de Château et que d'autres clients étaient démarchés directement par la concluante très antérieurement à la conclusion du contrat d'agent commercial de Château, ce qui explique que l'expert conclue dans son rapport qu'il n'y avait eu aucune atteinte à l'exclusivité de Château.

Elle soutient ainsi que vainement Château tente de lui imputer la rupture du contrat d'agent commercial, les griefs invoqués par ce dernier étant infondés.

La société Sabate demande en outre à la cour de condamner Château à lui payer la somme de 624 189 F au titre du préjudice subi par elle du fait de la rupture du contrat par l'agent.

A l'appui de cette demande, elle soutient qu'elle n'a pu mettre en place un nouveau représentant sur le secteur qui était anciennement concédé à Château que dix huit mois après la rupture qu'elle situe au mois de juillet 1988, date de l'assignation introductive d'instance de Château, et l'expert a retenu dans son rapport la somme de 624 189 F au titre de la perte de résultat net pour les exercices 1988, 1989 et 1990.

Elle précise en outre que Château l'a trompé à l'origine en se déclarant libre de tout engagement alors qu'il était lié par une clause de non-concurrence avec la société Obrecht, qu'il a créé pendant l'exécution de la relation contractuelle une société anonyme SA Roland Château dont l'objet social était directement concurrent de la société Sabate et qu'il était associé au sein d'une SARL Feb Protheau dont un des clients était la fabrique de bouchons de liège Abel du Boulou, société directement concurrente de la société Sabate.

Compte tenu de tous ces éléments, la société Sabate réclame la condamnation de Château à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions responsives du 6 novembre 1996, Roland Château soutient que les manquements de la société Sabate se sont déroulés sur dix huit mois à partir du 22 février 1987, date où il a constaté une atteinte à l'exclusivité prévue à son contrat d'agent commercial.

Il expose que les époux Drouillard, tous deux VRP de la société Sabate, ont visité des clients situés sur son secteur à partir du 22 février 1987 et qu'il en a été de même, début juillet 1988 de la part de Monsieur Sabate qui a pris des commandes directes sans l'en informer. Il soutient que contrairement a ce qu'à retenu l'expert dans son rapport, les clients visités par les époux Drouillard faisaient partie de la liste des clients dont il avait exclusivement la charge.

Roland Château soutient en outre que s'il a informé son mandant notamment à propos de problèmes rencontrés par certains clients avec les bouchons fabriqués par l'entreprise Sabate, il n'en est pas de même de cette dernière qui aurait visité des clients sans l'informer et se serait retranchée derrière le fait que le traitement des bouchons a fait l'objet d'un brevet, et derrière des expertises aléatoires.

Château précise ne pas être un salarié mais un professionnel indépendant qui souffre directement d'un préjudice si la perte de la clientèle est due à l'attitude du mandant. Cette indépendance explique d'après Château le fait que la société Sabate ne lui donnait que des " fourchettes de prix ", ce qu'a omis de préciser l'expert dans son rapport, disposant ainsi d'une marge de négociation.

S'agissant des problèmes de rémunération, Château soutient que la tentative de modification unilatérale du taux de commissions par la société Sabate constitue en soi une cause de rupture du contrat, peu important que la rémunération ait été effectivement réduite. En outre, il invoque le non-respect par Sabate de son obligation de lui payer ses commissions mensuellement, le paiement étant intervenu à de multiples reprises avec un retard allant de vingt-huit jours à un mois et vingt-deux jours, un blocage de toutes commissions ayant même été envisagé arbitrairement par le mandant, constituant d'après Château une cause de rupture du contrat. Ce blocage est du reste intervenu d'après Château le 25 mars 1988 au prétexte d'un litige avec la société Chenu dont Château se défend d'être à l'origine. Ce dernier affirme enfin que des règlements de commissions sur certaines commandes ne lui ont jamais été adressés.

S'agissant des retards de livraison, Château reconnaît qu'aucune disposition contractuelle n'a été prévue dans la convention mais que le respect des délais de livraison est néanmoins obligatoire dès lors que la commande est acceptée par les parties et que le prix est convenu.

S'agissant du refus de livrer de la société Sabate, Roland Château soutient que l'obligation de vendre et de livrer pendant la durée du contrat est de l'essence même du contrat et qu'un refus de livrer constitue une cause évidente de rupture, d'autant que Sabate n'a pas fourni pendant les vacances alors qu'elle avait écrit que la production se poursuivrait pendant cette période.

Sur l'appel incident formé par la société Sabate, Château soutient que non seulement son mandant était informé de l'instance prud'homale l'opposant à son ancien employeur, mais encore que la création de la SA Château a eu l'accord de la société Sabate et que si effectivement il a été porteur d'une part de la société SARL Proteau, l'activité de cette société n'était pas une activité concurrente de celle de la société Sabate puisqu'elle exerçait celle d'embouteilleur à façon et non celle de fabrication de bouchons. En conséquence, Château conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Sabate de sa demande reconventionnelle.

Par conclusions responsives du 10 décembre 1996, la société Sabate conteste l'existence d'une preuve, par les documents produits par Château et référencés n° 32 et n° 92, d'une atteinte à l'exclusivité du territoire confié à ce dernier.

S'agissant de sa prétendue inexécution de ses obligations contractuelles, la société Sabate conclut à l'absence de preuve par Château des griefs invoqués contre elle et considère en conséquence la rupture du contrat d'agent commercial imputable au mandataire.

S'agissant de son appel incident, la société Sabate conclut à l'absence de preuve par Château que les sociétés créées par lui où dans lesquelles il détenait des parts ne concurrençaient pas son mandant et rappelle que l'expert a conclu dans son rapport que cette situation engendrait une concurrence déloyale de la part du mandataire. Elle demande en conséquence à la cour de condamner Château à réparer ce chef de préjudice au montant retenu par l'expert et qui n'est pas contesté par Château.

Sur ce :

Attendu que les parties ont signé le 26 avril 1984 un contrat d'agent commercial d'une durée déterminée d'un an renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties trois mois avant l'arrivée du terme.

Attendu que ce contrat, qui a pris effet le 1er mai 1984, était soumis au Décret du 23 décembre 1958.

Que l'article 3 du Décret du 23 décembre 1958 dispose :

" Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.

Leur résiliation par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute du mandataire, ouvre droit au profit de ce dernier, nonobstant toute clause contraire, à une indemnité compensatrice du préjudice subi. "

Attendu que Château a introduit la présente instance pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société Sabate. Cette assignation a provoqué le refus de la SA Sabate de poursuivre le contrat. Ainsi Château a pris l'initiative de la rupture.

Attendu que Château ne démontre pas que la société Sabate ait manqué à ses obligations contractuelles, en effet il ne discute pas sérieusement le rapport de l'expert Toure qui a opéré d'une façon sérieuse et approfondie.

Attendu en effet que le défaut de qualité des produits de cette société n'a pas été établi par les expertises réalisées précédemment;

Attendu que Château ne démontre pas une absence de suivi commercial de son mandant, pas plus qu'il ne démontre qu'un non-respect des dates de livraison par son mandant aurait entraîné pour lui une perte de clientèle;

Attendu que le décalage d'un mois pouvant exister entre le relevé de commissions et le paiement desdites commissions s'explique par la tenue de formalités comptables et bancaires

Attendu que la société Sabate n'a jamais mis en application la réduction des taux de commissions envisagés.

Que contrairement à ce que soutient Roland Château, le simple projet du mandant de modifier son taux de commissionnement ne constitue pas une cause de rupture imputable au mandant.

Qu'il en est de même d'une menace de blocage par le mandant du paiement des commissions le 25 mars 1988 qui ne saurait, si elle n'est pas appliquée effectivement, entraîner une rupture du contrat imputable au mandant.

Que l'examen de la comptabilité de la SA Sabate et des relevés de commissions n'a pas permis d'établir que cette menace a été mise en application par le mandant.

Que du reste, postérieurement à cette date, les parties ont poursuivi leurs relations contractuelles, Château continuant à prendre des commandes pour le compte de son mandant.

Attendu que Château ne démontre pas une atteinte à l'exclusivité de son secteur.

Qu'en effet, certains clients cités par l'appelant étaient déjà des clients soit de Monsieur Gauthier, soit de Madame Drouillard et ce antérieurement à la conclusion du contrat d'agent commercial de Château.

Attendu en outre que certains clients sont inconnus au fichier de la SA Sabate.

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de prononcer la rupture du contrat d'agent commercial liant la société Sabate et Château imputable au mandataire dont l'assignation introductive d'instance a traduit sa volonté de mettre un terme aux relations contractuelles et a provoqué de la part du mandant le refus de le poursuivre.

Attendu en conséquence que Château sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice du préjudice subi puisqu'il a pris l'initiative de la rupture des relations contractuelles sans que soit démontrée que la rupture a pour origine une attitude fautive du mandant ;

Attendu que Château ne fournit pas de preuve démontrant que la société Sabate lui serait redevable de la somme de 104 192,50 F à titre de rappel de commissions, faute de justifications suffisantes ;

Que Château sera en conséquence débouté de ce chef de demande, et, par voie de conséquence, de sa demande en paiement d'indemnités de retard dans le paiement des commissions ;

Attendu que concernant le litige avec le Domaine Bouchard, aucune expertise contradictoire ne permet d'engager la responsabilité de la SA Sabate et donc de faire droit à la demande ;

Qu'en conséquence, Château sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 150 000 F ;

Attendu que Château réclame le paiement d'une somme de 486 086,72 F au titre d'une interdiction de concurrence post-contractuelle, non rémunérée ;

Attendu que Château n'explique pas sur quel fondement il forme cette demande, et il en sera débouté alors de surcroît que la rupture lui est imputable ;

Attendu que les faits de concurrence durant le contrat ne sont pas davantage établis, d'autant que le mandant conservait la possibilité de prendre des commandes directes, en commissionnant Château ;

Attendu que la SA Sabate réclame le paiement de la somme de 624 189 F au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat par Robert Château ;

Attendu qu'elle soutient en effet que la rupture initiée par Château a désorganisé son activité, spécialement en Bourgogne, jusqu'en janvier 1990, mais sans expliquer pour quelles raisons, alors qu'elle refusait de livrer Château après juillet 1988, elle a attendu 1990 pour lui trouver un remplaçant.

Qu'ainsi il n'apparaît pas que la désorganisation soit imputable à Château, puisque la SA Sabate n'ayant pas lié, et à juste titre, la réorganisation de ses services en Bourgogne, à l'issue de la procédure judiciaire engagée, elle n'explique pas pourquoi elle n'était pas en mesure de les restructurer dès l'assignation.

Attendu que les manœuvres insidieuses de Château à l'égard de la SA Sabate ne sont pas plus démontrées que leurs conséquences sur le chiffre d'affaire de cette société ;

Attendu que la concurrence déloyale reprochée ne l'est pas d'avantage, puisque la SA Sabate a eu connaissance de la création de la SA Château, sans en tirer immédiatement les conséquences qu'auraient nécessitées des manœuvres jugées déloyales, sur la poursuite du contrat ;

Attendu que la procédure diligentée par Château ne caractérise pas parfaitement sa mauvaise foi et que la demande de dommages et intérêts de ce chef ne pourra prospérer ;

Attendu que, succombant en son vain recours, Roland Château en supportera les dépens et sera en outre condamné à payer 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'intimée.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, confirme le jugement déféré, y ajoutant, condamne Roland Château à payer 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la SA Sabate. Déboute les parties de leurs autres demandes. Condamne l'appelant aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.