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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 14 mai 1997, n° 4227-95

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

France Motors (SARL)

Défendeur :

Inter Autos (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vigneron

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

Me Olivier, SCP Roblin Chaix de la Varenne

Avocats :

Mes Lyonnet, Prawer.

T. com. Paris, 2e ch., du 8 nov. 1994

8 novembre 1994

Par déclaration remise au Secrétariat greffe le 28 décembre 1994, la SARL France Motors a interjeté appel du jugement du 8 novembre 1994 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'elle avait résilié abusivement le contrat de concession qui la liait à la SA Inter Autos.

- et en conséquence l'a condamnée à payer à celle-ci la somme de 140 000 F avec intérêts légaux à compter du 1er février 1993 et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

- mais a débouté la société Inter Autos de sa demande de reprise des pièces de rechange anciennes et de véhicules neufs ;

- enfin avant de statuer sur la demande de la société Inter Autos de reprise des autres pièces de rechange dans les conditions prévues au contrat, a ordonné une expertise confiée à Monsieur Bernard Amouroux.

La société France Motors fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle avait résilié abusivement le contrat de concession automobile la liant à la société Inter Autos alors qu'elle l'a fait, en respectant le préavis convenu d'un an, compte tenu que la société Inter Autos n'avait pas rempli son obligation de construire de nouvelles installations sur un terrain bien situé en bordure d'une voie rapide et d'ouvrir un magasin d'exposition au plein centre de la ville de Strasbourg qui était une condition déterminante du contrat de concession.

La société France Motors sollicite donc l'infirmation du jugement en déboutant la société Inter Autos de ses prétentions et en la condamnant à lui payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Inter Autos réplique que son engagement de mettre en place de nouvelles installations était seulement sanctionné par la perte de son exclusivité de fait et non par la résiliation du contrat qui est donc abusive ainsi que l'a justement décidé le tribunal.

La société Inter Autos ajoute que la société France Motors ne lui a pas donné les moyens nécessaires pour réaliser ses projets d'installations en raison des difficultés d'approvisionnement en véhicules neufs qui ont entraîné de nombreuses annulations de commandes et des retards de livraison de pièces détachées.

La société Inter Autos relève appel incident pour faire porter le montant des dommages et intérêts à la somme de 1 000 000 F en principal et condamner également la société France Motors à lui payer la somme de 264 624,07 F représentant la reprise des pièces détachées récentes mais aussi anciennes qui ont fait l'objet d'une vente forcée lors de la signature du contrat de concession ainsi que la somme de 60 0000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Inter Autos prie la cour de condamner la société France Motors à reprendre le stock de pièces détachées sous astreinte de 1 000 F par jour de retard et d'enjoindre à cette société de communiquer les tarifs de tous les panneaux publicitaires et des documentations techniques sous astreinte de 200 F par jour de retard.

Enfin la société Inter Autos sollicite un complément d'expertise aux fins de chiffrer le coût des documentations et panneaux publicitaires inventoriés dans le rapport d'expertise du 9 octobre 1995.

Sur le fond du litige :

Considérant qu'il résulte des documents produits qu'en vertu de deux contrats successifs et non datés, la société France Motors a concédé à la société Inter Autos le droit non exclusif de revendre des véhicules neufs de marque " Mazda " et " Innocenti " sur un territoire défini ;

Qu'aux termes du second contrat à durée indéterminée, l'une ou l'autre des parties peut le résilier à tout moment avec un préavis d'un an et sans avoir à justifier d'un motif quelconque ;

Considérant que par lettre recommandée du 26 mars 1991 avec avis de réception, la société France Motors a notifié à la société Inter Autos sa décision de résilier le contrat avec un préavis d'un an au motif qu'elle n'avait pas exécuté son engagement de construire de nouvelles installations et de créer un magasin d'exposition dans une ancienne station " Total " à la fin de l'année 1990 ;

Considérant que la société France Motors qui pouvait résilier le contrat avec un préavis d'un an sans devoir justifier sa décision, l'a néanmoins fait ;

Que la résiliation est abusive si le motif invoqué n'est pas réel et sérieux ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Qu'en effet par lettre du 31 juillet 1989, la société Inter Autos confirmait son intention de construire une nouvelle installation avant la fin de l'année 1990.

Qu'elle n'a pas respecté cet engagement et que contrairement à ses allégations, elle ne produit aucun élément pour établir que la société France Motors a entravé la réalisation de ce projet en réduisant volontairement ses approvisionnements en véhicules et en livrant avec retard les pièces détachées ;

Considérant que si par lettre du 15 juin 1989, la société France Motors a menacé la société Inter Autos de lui supprimer son exclusivité de fait si elle ne changeait pas de locaux, elle n'a pas, pour autant renoncé à son droit de résilier le contrat en observant un préavis d'un an;

Qu'il s'en suit que la société Inter Autos doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour résiliation abusive;

Considérant qu'en ce qui concerne la reprise des pièces détachées, l'article 12 de l'annexe du contrat de concession dispose que le concédant s'engage à reprendre au concessionnaire, sur la demande de celui-ci, son stock de pièces détachées d'origine à l'exclusion des pièces antérieures à deux ans avant la cessation effective du contrat mais à condition que les pièces soient à l'état neuf, à l'intérieur de leur emballage d'origine et de qualité marchande ;

Que le tribunal a fait une exacte application de cette clause en déboutant la société Inter Autos de sa demande de reprise des pièces détachées acquises plus de deux ans avant la résiliation du contrat et sans qu'il soit démontré qu'il s'agit d'acquisition forcée ;

Considérant qu'en raison du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, il y a lieu d'évoquer la demande de la société Inter Autos en reprise des autres pièces détachées ;

Considérant que l'expert judiciaire indique dans son rapport du 9 octobre 1995 que le stock de pièces détachées est tout à fait inutilisables compte tenu que les emballages sont ouverts et détériorés ce qui empêche d'identifier avec précision les pièces contenues dans ceux-ci ;

Qu'il s'en suit que le stock de pièces détachées n'est pas de qualité marchande au sens du contrat et que la société Inter Autos n'est donc pas fondée à en solliciter la reprise ;

Considérant que la société Inter Autos doit être déboutée de sa demande d'expertise aux fins de chiffrer le coût des documentations et des panneaux publicitaires compte tenu que le contrat de concession ne prévoit rien à ce titre au profit du concessionnaire ;

Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société France Motors ses frais non répétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirmant le jugement déféré et évoquant le point non jugé ; Déboute la SA Inter Auto de ses prétentions ; Déboute la SARL France Motors de sa demande en paiement de ses frais non répétibles ; Condamne la SA Inter Autos aux dépens de première instance et d'appel ; Et pour ceux d'appel accorde un droit de recouvrement direct au profit de Maître Olivier.