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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 16 mai 1997, n° 96-17859

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Posez

Défendeur :

Montparnasse Multimédia (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

Me Huyghe, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Summa, Skog.

T. com. Paris, 7e ch., du 25 juin 1996

25 juin 1996

Par acte sous seing privé du 16 août 1994, la société Montparnasse Multi média (ci-après 3M) et Patrice Posez ont conclu une convention d'agent commercial par laquelle le second bénéficiait, sur l'Amérique du Nord, de l'exclusivité de la distribution des ouvrages (CD-ROM) édités par la première et intitulés :

- Ainsi vient la vie,

- Le jour J (2 livres),

- Léonard de Vinci.

Ce contrat a été résilié par 3 M selon lettre du 19 avril 1995 avec observance d'un préavis de deux mois.

Par acte d'huissier de justice des 21 et 23 avril 1995, Posez a fait assigner son mandant pour obtenir paiement d'une indemnité réparant son préjudice et des commissions restant dues.

Par jugement du 25 juin 1996, le Tribunal de commerce de Paris a considéré que Posez n'a pas apporté toute sa diligence à appliquer les termes du contrat ; n'a pas informé son mandant de tout produit concurrent qu'il représentait sur le même secteur et n'a pas constitué une clientèle ouvrant droit à indemnisation, pour le débouter.

Par déclaration déposée au greffe le 23 juillet 1996, Patrice Posez a régulièrement relevé appel de ce jugement dont il poursuit l'infirmation en relevant l'absence de faute grave et en retenant que le premier juge avait omis de statuer sur les commissions dues.

Il réclame en outre une indemnité de rupture de 120 000 F outre une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La société 3 M conclut à la confirmation du jugement et prétend que Posez, qui n'a pas constitué de clientèle et a commis une faute grave, ne peut prétendre à un indemnité.

Elle reconnaît devoir la somme de 990 F à titre de commission.

Appelante incidente, elle sollicite une indemnité de 20 000 F pour ses frais irrépétibles de procédure.

Ceci exposé, LA COUR,

Attendu qu'il résulte des pièces mises au débat que le contrat d'agence commerciale a été résilié unilatéralement par 3 M, avec observance d'un préavis de deux mois sans notification de grief, après 8 mois seulement d'exécution, 10 en comptant la période de préavis ;

Que, sur cette courte période, Posez a réalisé un chiffre d'affaires de 37 470 F pour la vente de 210 ouvrages ;

Qu'il n'est pas démontré, sinon par simple affirmation, que la faiblesse de ce chiffre résulte des négligences de l'agent plutôt que des difficultés à pénétrer rapidement le marché nord américain dont, par lettres, des clients québécois ont souligné la spécificité ;

Que ne pouvant plus constituer une faute grave qui justifierait la résiliation unilatérale sans indemnité du contrat, les récriminations écrites de l'agent portant sur la difficulté de se procurer des titres qu'il n'avait pas mission de représenter dès lors qu'ils étaient bien édités par 3 M et non pas par un concurrent et que Posez n'était contractuellement tenu d'aucune clause d'exclusivité ;

Que la 3 M ne produit pas le catalogue qui établirait que son agent a démarché pour le compte de concurrents sans en aviser son mandant comme il y était tenu par l'article 4 § J du contrat ; que ce grief n'est donc pas établi ;

Attendu quel'agent commercial évincé sans grief constitutif d'une faute grave a, selon les dispositions conjuguées des articles 12 et 13 de la loi 91-593 du 25 juin 1991, droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi;

Qu'en l'absence d'éléments fournis par Posez, la Cour évaluera pour la perte de l'investissement tant financier qu'humain déployé pour conquérir un nouveau marché, pour la privation de la chance de voir prospérer ses efforts, données corrigées par la faiblesse des résultats obtenus et la courte période d'activités, à la somme de 50 000 F l'intégralité du préjudice subi par le mandataire exclu ;

Attendu que le solde des commissions dues s'établit au chiffre non discuté de 990 F ;

Attendu que 3 M qui succombe ne saurait invoquer l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs : LA COUR, Par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau, Constate que la résiliation du contrat d'agent commercial liant la société Montparnasse Multimédia à Patrice Posez ouvre droit à indemnisation au profit de ce dernier ; Condamne Montparnasse Multimédia à lui payer la somme de 50 000 F en réparation du préjudice en résultant, avec intérêts au taux légal au jour de l'arrêt ; condamne Montparnasse Multimédia à payer à Posez la somme de 990 F au titre de commissions restant dues avec intérêts au jour de l'assignation du 23 août 1995 ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Montparnasse Multimédia aux dépens d'instance et d'appel et admet, pour ces derniers, Maître Huyghe, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.