CA Douai, 2e ch., 22 mai 1997, n° 94-00052
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Volvo Automobiles France (SA)
Défendeur :
Wiart (ès qual.), Maecker
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ludet
Conseillers :
Mmes Chaillet, Laplane
Avoués :
Mes Masurel-Thery, Le Marc'hadour Pouille-Groulez
Avocats :
Mes Gauclere, Bourgeon.
Exposé du litige
La société anonyme Volvo Automobiles France aux droits de la SA Volvo France a fait appel le 4 janvier 1994 du jugement en date du 22 novembre 1993 par lequel le Tribunal de Commerce de Terre et de Mer de Dunkerque, constatant l'entière responsabilité de la société Volvo dans la constitution du passif de Monsieur Yves Maecker, concessionnaire à Socx (59) de la marque Volvo en redressement judiciaire, a condamné cette société à payer par provision à Maître Wiart, es-qualité de représentant des créanciers aux opérations du redressement judiciaire de Monsieur Maecker, la somme de 2 millions de francs outre celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et, avant dire droit, a désigné Monsieur Michel Taccoen en qualité d'expert afin de ressembler des éléments d'information permettant la détermination précise du préjudice à réparer.
Elle a expliqué, au soutien de son appel, que la mission donnée à l'expert par le tribunal est allée au-delà des demandes formulées par Maître Wiart et par Monsieur Maecker, que la responsabilité de la déconfiture de la concession Maecker repose sur le concessionnaire, que celui-ci s'est acharné à maintenir artificiellement son activité, que les difficultés de la concession trouvent leur origine tant dans la gestion de Monsieur Maecker, lui-même que dans celle de son gendre, Monsieur Gond, de janvier 1989 à mars 1990 en l'absence de Monsieur Maecker, malade, que Monsieur Maecker est entièrement responsable de la gestion ruineuse de Monsieur Gond qu'il avait placé à la tête de son ent eprise, qu'elle n'a pas laissé se développer une situation irrémédiablement compromise, qu'elle ne s'immisçait pas dans la gestion de son distributeur, que les premières difficultés se sont réellement manifestées en janvier et février 1990, que la preuve n'est pas rapportée de ce que la situation du garage aurait été irrémédiablement compromise avant qu'elle-même ne retire son concours, qu'il est anormal que le Crédit du Nord, établissement dispensateur de crédit, ne se trouve pas mis en cause, qu'il n'y a pas eu de détermination d'objectifs irréalistes, que les objectifs proposés ont été contractuellement acceptés par Monsieur Maecker qui ne les a jamais refusés ni ne s'en est plaint, qu'elle ne s'est pas non plus livrée à des incitations à une croissance immaîtrisée, qu'elle n'a jamais eu à s'opposer à la représentation par le garage Maecker d'une seconde marque en l'absence d'une demande en ce sens, qu'elle n'a pas accordé à Monsieur Maecker de soutien artificiel, en particulier en "laissant filer l'encours", qu'aucune autre faute n'est établie à son encontre, que subsidiairement l'indemnisation devrait se limiter à l'aggravation du passif que sa conduite prétendument fautive aurait provoquée, de manière directe et certaine, et compte tenu de la responsabilité de Monsieur Maecker et de Monsieur Gond, que les éventuelles pertes sur réalisation d'éléments d'actifs sont indépendantes de la résiliation du contrat de concession et ne sauraient être mises à sa charge, que le rapport de l'expert comporte des inexactitudes et des ambiguïtés.
La société Volvo a conclu à ce que le jugement du 28 novembre 1993 soit infirmé en ce qu'il a retenu sa responsabilité, en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice et en ce qu'il a étendu la mission de l'expert à l'estimation du préjudice personnel de Monsieur Maecker, subsidiairement à ce que la réparation du préjudice soit limitée à l'aggravation du passif qui lui serait directement imputable, à ce que soit prononcée une compensation entre toute condamnation à sa charge au profit de Maître Wiart es-qualité et le montant figurant dans la notification de créance effectuée entre les mains de celui-ci, à ce qu'une somme de 50 000 F soit inscrite à son profit au passif du redressement judiciaire de Monsieur Maecker à raison de la procédure abusive, et une somme identique au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Wiart es-qualité et Monsieur Yves Maecker ont expliqué, pour leur part, que la société Volvo avait entraîné, par l'irréalisme des objectifs imposés au garage Maecker, ce dernier dans une activité déficitaire, que Monsieur Maecker n'avait pas matériellement la possibilité de refuser de signer les plans opérationnels comportant ces objectifs, que les objectifs en question ont conduit à une gestion génératrice d'une dégradation de la situation du garage, que la société Volvo a artificiellement soutenu cette exploitation ruineuse pour son concessionnaire dans son seul intérêt lié aux volumes commercialisés, que la société Volvo a fait obstruction à une solution de cession propre à couvrir le passif, sans aucun égard aux termes du protocole intervenu le 20 juillet 1990, que ces préjudices doivent être fixés aux montants retenus par l'expert, que la rupture de la concession avait nécessairement des conséquences défavorables sur la valeur de cession des éléments d'actifs, que la rétention par la société Volvo du paiement à la concession Maecker des remboursements de garantie pendant la période d'application du protocole prouve l'intérêt qu'elle avait à maintenir les relations contractuelles pour réduire le montant de sa créance en dépit de la situation compromise des concessionnaires.
Ils ont conclu à ce que le jugement du 22 novembre 1993 soit confirmé en ce qu'il a constaté l'entière responsabilité de la société Volvo dans la constitution du passif de monsieur Maecker, à ce que les conclusions du rapport de l'expert désigné par le Tribunal soient évoquées, à ce que la société Volvo soit condamnée à payer à Maître Wiart es-qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de Monsieur Maecker, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, les sommes de 3 278 424 F en réparation de l'aggravation du passif de Monsieur Maecker, et de 3 204 829 F en réparation des moins values occasionnées par les réalisations liquidatives de ses actifs, à ce que la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile soit confirmée et à ce que la société Volvo soit, à ce même titre, condamnée en appel au paiement d'une somme supplémentaire de 40 000 F.
Suivant une ordonnance du 14 décembre 1994, le Conseiller de la Mise en Etat a ordonné l'exécution provisoire du jugement du 22 novembre 1993 en ce qui concerne la désignation de l'expert et la mise en œuvre des opérations d'expertise.
Discussion
Le jugement du 22 novembre 1993, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé plus détaillé des faits et des éléments de procédure du litige, est approuvé par la Cour en ce qu'il a estimé la responsabilité de la société Volvo France engagée dans la constitution du passif de Monsieur Maecker et dans le préjudice personnellement subi par ce dernier du fait du comportement de son concédant, et elle adopte dans cette mesure comme les siens les motifs de ce jugement.
Par les considérations qui suivent, elle entend préciser certains aspects de la motivation conduisant à reconnaître cette responsabilité, apporter certains tempéraments à cette reconnaissance et statuer sur l'évaluation des sommes à mettre à la charge de la société Volvo.
A titre liminaire, la Cour constate que le tribunal qui a été saisi par Maître Wiart d'une demande tendant à la réparation du préjudice subi par les créanciers de Monsieur Maecker, créanciers dont il était le représentant, du fait du comportement de la société Volvo à l'égard de son concessionnaire Monsieur Maecker, pouvait déterminer la mission de l'expert qu'elle désignait afin de délimiter l'étendue du préjudice sous ses différents aspects, tant en ce qui concerne l'augmentation du passif de l'entreprise qu'en ce qui concerne les pertes d'actif subies personnellement par Monsieur Maecker, ces pertes préjudiciant aussi consécutivement aux créanciers de celui-ci dans le cadre de son redressement judiciaire. Les demandes de la société Volvo quant à l'infirmation du jugement du 22 novembre 1993 en ce qu'il a donné mission à l'expert de fournir des éléments d'appréciation du préjudice personnellement subi par Monsieur Maecker sont donc dépourvues de pertinence et sont rejetées.
La société Volvo ne peut prétendre qu'elle n'a pas agi de manière fautive à l'égard de son concessionnaire dans la détermination des objectifs qu'elle lui a assigné.
La baisse de la part de marché de la marque Volvo sur le territoire national, passant de 1,01 % en 1986 (19.260 véhicules vendus) à 0,73 % en 1989 (16.596 véhicules vendus) et les objectifs de vente parallèlement assignés à la concession Maecker, passant de 240 véhicules en 1986 à 310 véhicules en 1989, sont des données de faits difficilement contestables. Plus précisément, en plus en détail, la société Volvo assigne comme objectif de vente pour 1987 au début de cette année à Monsieur Maecker 275 véhicules, pour 1988 au début de 1988 265 véhicules, et pour 1989 au début de 1989 310 véhicules. Or, en 1987, la marque a vu ses ventes en France diminuer de 2,62 %, en 1988 de 7,94 %. Forte de ces résultats, elle impose à Monsieur Maecker pour 1989 un objectif en hausse de 17 % par rapport à l'année précédente.
La société Volvo n'a pas établi que des données de caractère exceptionnellement favorable manifestent, sur le territoire de la concession de Monsieur Maecker, une inversion locale de la tendance, elle n'a pas de réponse convaincante à opposer à la remarque de ses adversaires selon lesquels son Directeur Régional avait indiqué à un candidat repreneur, en mai 1991, que le secteur représentait un potentiel de 150 à 160 véhicules par an. Par ailleurs, son argument suivant lequel les objectifs de vente assignés par elle étaient acceptés contractuellement par Monsieur Maecker au moyen de la signature des plans opérationnels ne peut pas être retenu.
En effet, les rapports contractuels dont se prévaut la société Volvo étaient caractérisés par l'impossibilité où ils plaçaient le concessionnaire de s'opposer aux objectifs du concédant lequel avait, en l'absence d'accord amiable, le pouvoir de les imposer unilatéralementà la seule condition de se fonder sur des estimations objectives qui n'étaient précisément définies ou encadrées, ni par le règlement communautaire d'exemption 123-85, ni par le contrat de concession. "Maître Wiart es-qualités et Monsieur Maecker sont parfaitement fondés à estimer qu'aucune marge de négociation contractuelle n'existait sur les objectifs, le concessionnaire n'ayant le choix qu'entre l'opposition entraînant la perte de la concession, la soumission ou l'imposition autoritaire des objectifs sur la base d'estimations relevant d'un contrôle indéterminé et improbable, étant d'ailleurs observé par eux, que la signature des plans opérationnels s'accompagnait d'avantages liés aux modalités d'obtention des primes et du crédit fournisseur, ce qui dissuadait d'autant plus à la refuser".
Le Tribunal de Commerce a donc à juste titre retenu que les objectifs assignés par la société Volvo étaient irréalistes, et qu'ils étaient en réalité imposés à Monsieur Maecker.
Les objectifs ainsi assignés ont entraîné de la part de la concession Maecker une politique de "fuite en avant"à laquelle celle-ci était d'autant plus contrainte que ses résultats jugés insuffisants avaient conduit la société Volvo à menacer, en mai et octobre 1987, de la nomination d'un deuxième concessionnaire sur le même territoire, ce qui ne renforçait certainement pas la capacité de résistance aux objectifs "proposés".
Pour réaliser les objectifs de vente assignés et les primes du concédant qui y étaient attachées et qui étaient devenus des éléments vitaux pour la survie des concessions, la concession s'est engagée dans une gestion privilégiant de façon essentielle le volume des ventes au détriment des marges qu'elles pouvaient dégager, et en engageant des dépenses coûteuses de nature à accroître les perspectives de vente par l'augmentation des effectifs du personnel commercial et des rémunérations de celui-ci et par la participation à des dépenses publicitaires devenant plus importantes.
Toutefois, la Cour, se séparant en cela de l'analyse développée par les premiers juges, considère que les impulsions données par les objectifs de vente imposés par la société Volvo se sont combinées dans une certaine mesure avec les options retenues par Monsieur Gond, auquel Monsieur Maecker avait confié durant sa maladie et son absence de l'entreprise, la gestion de celle-ci. Selon les observations figurant dans le rapport de Maître Wiart sur la situation de Monsieur Yves Maecker, le rôle de Monsieur Gond à cet égard s'est manifesté à titre principal sur le terrain d'une politique de hauts salaires pour le personnel commercial de l'entreprise. Le même rapport (page 27) indique que, "pour réaliser des quotas irréalistes, Monsieur Gond a pratiqué une politique de remises et de reprises dans une configuration financière très fragilisée par la faiblesse des résultats dégagés au cours des exercices antérieurs", mais relève auparavant (page 25) que Monsieur Gond prônait avant même la fixation d'objectifs de vente irréalistes une politique de développement des ventes au détriment de la marge brute. La détermination des objectifs irréalistes a conduit à privilégier cette politique, mais l'ampleur prise par certains de ses aspects, en ce qui concerne la politique salariale notamment, ne peut être dissociée de l'action du gérant mis en place par Monsieur Maecker. Cette action a aggravé les conséquences déjà néfastes de la détermination des objectifs de vente, et elle doit conduire à partager les responsabilités.
La société Volvo prétend imputer à Monsieur Maecker l'entière responsabilité de la dégradation de la situation de son entreprise constatée de 1986 à 1990, mais l'examen des compte du garage Maecker fait apparaître que cette dégradation est justement et objectivement synthétisée par Maître Wiart dans son rapport au juge commissaire (page 18) lorsqu'il met en évidence un double mouvement de crise de croissance caractérisée par une croissance importante du chiffre d'affaires entraînant corrélativement une croissance des besoins en fonds de roulement alors que le fonds n'a pu augmenter qu'imparfaitement de par une rentabilité nulle, un recours à l'endettement et un apport de fonds propres insuffisant, et une dégradation de la rentabilité.
Or, ces deux principaux termes de la dégradation ne sont pas dissociables de la fuite en avant sur les ventes par le sacrifice des marges commerciales qu'impliquaient les objectifs de vente assignés à Monsieur Maecker.
La société Volvo n'établit pas, en réalité, par quoi la gestion de Monsieur Maecker, indépendamment de cette politique d'objectifs et de ses conséquences, aurait entraîné l'essentiel de cette dégradation dont il a au contraire cherché à atténuer les effets par l'apport, en 1987, de fonds provenant de la vente de deux immeubles et d'un apport personnel pour reconstituer les capitaux propres, un immeuble étant également vendu en 1989.
Il n'y a donc pas matière à tenir compte, à ce stade, d'autres éléments d'atténuation de la responsabilité de la société Volvo que ceux résultant de la gestion de Monsieur Gond.
La Cour considère également que le Tribunal de Commerce a à juste titre analysé le comportement de la société Volvo France comme un soutien artificiel, et à son profit, de l'exploitation déficitaire provoquée par les objectifs de vente qu'elle avait assignés.
Les comptes de cette exploitation tels qu'ils sont présentés, en tant que données de fait, tant par le rapport de Maître Wiart que par celui de l'expert Taccoen, font apparaître une dégradation de la situation financière à travers un fonds de roulement très négatif dès 1988 et un écart entre l'actif disponible et réalisable et le passif exigible en croissance constante.
Or, alors que la société Volvo tenait de sa situation de concédant et du contrat de concession à la fois la prérogative et les instruments d'informations lui permettant de suivre, à travers les bilans et comptes de résultat de chaque exercice, l'évolution des résultats de l'exploitation et des postes comptables significatifs, et qu'elle avait le devoir d'exploiter ces informations ne serait-ce que pour la détermination éclairée des plans opérationnels annuels, elle a accru dans des proportions très sensibles son crédit fournisseur en acceptant au cours des exercices 1986, 1987 et 1988, des encours très supérieurs à ceux autorisés dans les conventions liant le garage au concédant.
Alors que l'année 1987 est la dernière où le fonds de roulement de l'entreprise est positif à hauteur modeste de 135 000 F et que les années 1988 et 1989 voient une augmentation sensible du chiffre d'affaires, mécaniquement génératrice de besoins croissants en fonds de roulement, un fonds de roulement négatif de - 1 294 448 F avant de ramener cet encours en 1989 à 3 600 000 F "au vu d'un certain dérapage de l'encours", suivant ses propres termes.
Cette pratique d'inflation des encours qui, seule, permettait la continuation de l'entreprise compte tenu de la dégradation financière témoignée par ses principaux postes comptables, était simultanée avec une croissance du chiffre d'affaires profitable, à travers celle des ventes, à la société Volvo.
Ces différents constats permettent bien de considérer que la société Volvo a connu la dégradation financière de l'entreprise dont elle a pourtant soutenu par le crédit la continuation à son profit.
L'argument sur l'absence d'une demande de report de la date de cessation des paiements par Maître Wiart est sans portée car il est erroné en fait, le représentant des créanciers ayant demandé et obtenu un tel report au 25 juillet 1989, soit dans le maximum légal de 18 mois.
Par ailleurs, la circonstance que la banque du garage Maecker n'aurait cessé ses concours qu'en 1990 n'apporte pas la preuve, au regard des éléments qui viennent d'être développés, d'une absence de dégradation antérieure de la situation de cette entreprise, étant observé que l'établissement bancaire s'est montré plus strict quant au respect des limites des découverts qu'il consentait, d'ailleurs pour des montants plus modestes.
Enfin, si le protocole d'accord signé le 20 juillet 1990 entre la société Volvo et Monsieur et Madame Maecker, alors que la première avait le 18 mai 1990 notifié au deuxième la rupture du contrat de concession "en considération d'un exigible non résorbé", répondait au moins en partie à une demande de Monsieur Maecker, il prévoyait, en contrepartie des engagements pris par ce dernier pour assurer un règlement des sommes dues à son concédant, que celui-ci acceptait "de revenir aux conditions de règlement ordinaires et contractuelles" pendant la prorogation de la période de préavis de résiliation organisée par le protocole. Or, bien que le protocole ait ménagé un délai jusqu'au 15 janvier 1991 à Monsieur Maecker pour réaliser les cessions destinées à l'apurement de ses dettes à l'égard de la société Volvo, celle-ci a retenu les primes ou avoirs acquis par le garage au cours du deuxième trimestre 1990 pour un montant total de 499.709,70 F. Il est donc manifeste que le protocole présentait, pour la société Volvo, en plus de l'intérêt de contractualiser la cession par Monsieur Maecker d'éléments d'actif permettant le règlement des créances qu'elle détenait à son égard, celui de lui permettre en pratique, durant la poursuite d'activité ainsi de facto organisée, de retenir à son profit des gains réalisés par le concessionnaire et dont elle lui devait le versement, ceci en méconnaissance de ce qu'avait formellement disposé le protocole.
Il résulte de l'ensemble des considérations qui précédent que la société Volvo a bien, par l'imposition d'objectifs de vente irréalistes à son concessionnaire Maecker et par le soutien artificiel de l'exploitation déficitaire entraînée par cette imposition, engagé sa responsabilité à l'égard des créanciers du garage Maecker sur le terrain de l'article 1382 du Code civil, et qu'elle doit réparer le préjudice qu'elle leur a causé dans la limite de sa part de responsabilité qui, au regard des faits imputables aux actes du gérant de fait mis en place par Monsieur Maecker, qui ont concouru à la dégradation de l'exploitation devenue irrémédiable, doit être évaluée aux 7/10èmes, par réformation sur ce point du jugement du 22 novembre 1993.
La demande de Maître Wiart es-qualité et de Monsieur Maecker au titre de la réparation du préjudice se décompose en l'aggravation du passif du garage, et en la diminution de l'actif du garage, que le tribunal avait qualifié de façon un peu imprécise de préjudice subi personnellement par Monsieur Maecker.
En ce qui concerne l'aggravation du passif, la Cour retient pour base la dégradation de la situation financière évaluée à 3 278 424 F par l'expert Taccoen, dont la société Volvo n'a pas discuté le détail du mode de calcul, reposant sur des différences constatées entre des postes comptables incontestables.
La part à la charge de la société Volvo s'élève à 2 294 896 F.
S'agissant de la diminution de l'actif du garage, la société Volvo ne peut prétendre s'exonérer de la réparation du préjudice à ce titre en soutenant que la réalisation des éléments d'actifs et les pertes éventuellement constatées sont indépendantes de la résiliation du contrat de concession, car la rupture du contrat et la perte de la concession ont naturellement comme effet de dévaloriser les éléments d'actif susceptibles d'être cédés par rapport au prix qui pourrait être obtenu dans un contexte de reprise d'une concession non précédemment rompue.
L'expert a estimé à 2 202 400,00 F les pertes sur réalisation de l'actif immobilisé du fait du retrait du panonceau Volvo, et à 1 002 429 F le préjudice d'exploitation entraîné par la liquidation de l'affaire, dont 738 717 F au titre des pertes sur ventes et 263 712 F au titre du paiement de préavis et d'indemnités de licenciement.
La Cour décide de retenir pour base ces montants, dont la société Volvo les 7/10èmes de la somme totale de 3 204 829 F soit 2 243 380 F.
La société Volvo sera donc condamnée au paiement des sommes de 2 294 896,00 F et 2 243 380 F, la compensation étant toutefois ordonnée avec le montant de la déclaration de créance effectuée entre les mains du mandataire liquidateur.
Elle sera déboutée de ses demandes au titre d'une procédure abusive et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile prononcée par les premiers juges est confirmée, mais l'équité ne commande pas de faire droit à la demande supplémentaire formée en appel par les intimés à ce même titre.
Par ces motifs : Confirme le jugement du 27 novembre 1993 ne ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité de la société Volvo, Réforme ce jugement en ce qu'il a retenu cette responsabilité comme entière, Dit que la responsabilité encourue par la société Volvo est des 7/10ème de la totalité des préjudices à réparer, Condamne en conséquence la société Volvo à payer à Maître Wiart es-qualité les sommes de 2 294 896 F en réparation de l'aggravation du passif de Monsieur Maecker et de 2 243 380 F en réparation des moins values occasionnées par les réalisations liquidatives de ses actifs et des indemnités de licenciement et de préavis, Ordonne la compensation de ces condamnations avec le montant de la déclaration de créance effectuée par la société Volvo entre les mains du mandataire liquidateur et admise par celui-ci, Déboute la société Volvo de ses demandes au titre d'une procédure abusive et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Confirme le jugement du 22 novembre 1993 en ce qu'il a condamné la société Volvo au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute Maître Wiart es-qualité et Monsieur Maecker de leur demande en appel au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les met à la charge de la société Volvo pour les 7/10èmes, à celle de Maître Wiart et Monsieur Maecker pour 3/10e dont distraction au profit des avoués respectivement en la cause par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.