CA Lyon, 3e ch., 30 mai 1997, n° 94-08170
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Conseil Habitat Domestique (Sté)
Défendeur :
Mikit France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Karsenty
Conseillers :
M. Durand, Mme Martin
Avoués :
Me Morel, SCP Dutrievoz
Avocats :
Mes Chevalier, Mouchtouris.
Faits, procédure et prétention des parties :
En 1991, la société Mikit France a racheté le réseau de franchise " Maisons Jacques Lebel " dont la société Conseil en Habitat Domestique était l'un des franchisés et le 4 novembre 1991, elle a conclu avec cette société un contrat de franchise pour une durée de sept années.
La traite acceptée de 27 040,80 F à échéance du 30 septembre 1993 étant revenue impayée au motif " tirage contesté ", la société Mikit France a, le 25 octobre 1993, assigné la société Conseil Habitat Domestique devant le Tribunal de commerce de Lyon en paiement de cette somme outre intérêts à compter de l'échéance de l'effet, outre dommages et intérêts à compter de l'échéance de l'effet, outre dommages et intérêts et indemnité de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au cours de la procédure, la société Mikit France a en outre sollicité la condamnation de la défenderesse à lui payer une somme de 81 122,40 F correspondant à trois effets impayés à échéance de juillet, août et septembre 1993, et une somme de 81 122,40 F correspondant au règlement de redevances forfaitaires des mois d'octobre, novembre et décembre 1993, la somme de 200 000 F d'indemnité contractuelle de rupture.
La défenderesse a conclu à la nullité du contrat de franchise et à la répétition de la somme de 451 484,47 F versée à la société Mikit France.
Par jugement du 22 novembre 1994, le Tribunal a rejeté les demandes de la société Conseil Habitat Domestique, a fait droit aux demandes de la société Mikit France correspondant aux effets impayés, a fixé à 75 000 F l'indemnité de rupture du contrat et alloué à la demanderesse la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société CHD a relevé appel de cette décision.
Elle soutient qu'après la cessation du réseau de franchise " Jacques Lebel " Mikit France ne lui a laissé qu'une alternative : adhérer à son réseau et disposer de garanties ou se trouver dans l'impossibilité d'exercer ; que rapidement elle s'est rendue compte du caractère léonin et illusoire de ce contrat qui n'avait pour elle aucune contrepartie, ce qui l'a conduite à faire opposition aux traites à échéance des mois d'août, septembre et octobre 1993.
Elle fait valoir notamment que le contrat est nul pour absence de cause et d'objet ; qu'en effet Mikit France n'était pas propriétaire de la marque concédée ni des modèles concédés, propriété de la SARL Mi France, de sorte que le contrat de franchise sans concession valide d'une marque est frappé de nullité en application du droit interne et du droit communautaire ; que le contrat est nul pour absence, insuffisance ou inefficacité du savoir-faire spécifique ; qu'en effet, le savoir-faire doit être vérifié et concrétisé dans les résultats comptables et financiers des unités pilotes ; qu'en l'espèce les résultats de l'unité pilote MKSO créée après la résiliation du contrat démontrent une absence caractérisée du savoir-faire allégué ; que les sociétés MPH et Copami, que le franchiseur présente comme des centres pilotes, n'ont pas le caractère ; que le contrat est également nul pour absence d'assistance contractuelle.
L'appelante considère que le contrat est nul en application de la loi du 31 décembre 1989 et de l'article 1116 du code civil pour dol et vice du consentement ; qu'en effet, le franchiseur ne prouve pas lui avoir remis le document comprenant les renseignements prévus au titre de l'information pré-contractuelle ; que le contrat est encore nul pour vice du consentement, l'absence de remise du document susvisé, les présentations trompeuses de Mikit France et les pressions exercées constituant des manœuvres car elle ne se serait jamais engagée si elle avait connu la situation réelle du franchiseur, du produit et du réseau.
Elle souligne que la majorité des franchisés ont déposé leur bilan.
La société CHD conclut au rejet des demandes de Mikit France à la nullité du contrat de franchise, à titre subsidiaire à la résolution du contrat, et dans tous les cas à la condamnation de Mikit France à lui payer les sommes de 451 484,47 F, 600 000 F à titre de dommages et intérêts, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Mikit France conclut à la confirmation du jugement sauf à porter à 200 000 F l'indemnité de rupture, au rejet des demandes de l'appelante et elle sollicite la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient encore avoir mis à la disposition de CHD l'utilisation de sa marque, de son équipement, la fourniture de kits et de matériels publicitaires, la communication d'un savoir-faire, de normes techniques, de séminaires de formation, d'interventions techniques, d'une publicité au niveau national.
Elle affirme rapporter la preuve de l'existence de centres pilotes tels qu'exigés par la loi ; que le consentement du franchisé a été donné en connaissance de cause après de nombreuses réunions d'information et une période de négociations de plusieurs mois ; que seule la société CHD n'a pas respecté ses obligations contractuelles en cessant de régler ses redevances sans avoir dénoncé le contrat.
L'intimée fait valoir qu'il appartient au franchisé de prouver qu'il n'a pas perçu les documents pré-contractuels et qu'il a subi de ce fait un préjudice.
Sur la nature de la clause de rupture, elle soutient qu'il ne s'agit pas d'une clause pénale mais d'une indemnité forfaitaire dont le montant a été décidé par les parties et calculé en fonction des redevances restant à verser.
Motifs et décision :
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que la marque " Maisons Mikit " a été déposée à l'INPI le 17 février 1983 sous le numéro susvisé par la société MI France SARL 13, rue Championnet Paris ; que la marque " Maisons Traditionnelles Mikit, Quand on veut, on peut " a été déposée à l'INPI le 23 mars 1993 par la société Mikit France Quai Conti Louveciennes ;
Attendu que la société Mikit France n'allègue ni ne justifie être cessionnaire ou licenciée de la marque " Maisons Mikit " et avoir accompli les formalités nécessaires pour rendre son droit opposable aux tiers;
Attendu qu'il n'y a pas de franchise sans mise à disposition d'une marque; que dès lors, l'appelante est fondée à invoquer la nullité du contrat pour défaut de cause de son obligation lors de la conclusion de la convention du 4 novembre 1991;
Attendu que surabondamment, la société Mikit France, qui affirme qu'elle " rapporte la preuve irréfutable de l'existence de tels centres pilotes " ne démontre nullement qu'elle disposait lors de la conclusion du contrat d'un savoir-faire spécifique mis en œuvre et vérifiable dans une unité-pilote; qu'en effet, le fait que la société Mikit France soit majoritaire dans une société Copar, elle-même majoritaire dans les sociétés MPH et Copami, ne démontre pas que ces deux sociétés sont des unités-pilotes de Mikit France, laquelle n'allègue ni n'établit avoir présenté à ses franchisés et à la société CHD ces sociétés comme étant des centres pilotes depuis 1991; qu'au demeurant il ressort des pièces versées aux débats que la société Copami présentait lors des exercices 1991 et 1992 des résultats comptables médiocres et a été mise en redressement judiciaire en octobre 1993 et que la société MPH a été mise en liquidation judiciaire en juillet 1995 ;
Attendu que le contrat de franchise étant nul faute de cause, la société CHD était fondée à ne pas régler les redevances qui lui sont réclamées et à obtenir la restitution des redevances qu'elle a versées et dont le montant n'est pas contesté ;
Attendu que dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'appelante demande la somme de 600 000 F à titre de dommages et intérêts sans soumettre à la Cour le moindre élément d'appréciation de sa demande ; que non-justifiée, celle-ci sera rejetée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'appelante la charge des frais non-compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Par ces motifs, LA COUR, Réformant le jugement entrepris : Prononce la nullité du contrat de franchise ; Rejette les demandes de la société Mikit France et la demande de dommages et intérêts de l'appelante ; Condamne la société Mikit France à payer à la société Conseil en Habitat Domestique la somme de 451 484,47 F, montant des redevances versées avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt et la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Morel, avoué.