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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 12 juin 1997, n° 6907-94

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

EDA (SA)

Défendeur :

Avanti (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monteils

Conseillers :

M. Besse, Mme Bardy

Avoués :

Me Bommart, SCP Gas

Avocats :

Mes Bartfeld, Patrimonio.

T. com. Pontoise, du 12 juill. 1994

12 juillet 1994

LA COUR statue sur l'appel du jugement rendu le 12 juillet 1994 par le Tribunal de commerce de Pontoise dans le litige qui oppose d'une part la SA Eurodollar France, devenue par changement de dénomination sociale la SA EDA et la SA ADA, et d'autre part la SARL Avanti, à propos de la résiliation d'un contrat de franchise.

La Cour statue également sur le jugement rendu le 4 juillet 1995 par le Tribunal de commerce de Pontoise qui, statuant sur la demande de la SARL Avanti contre la SA Eurodollar France en paiement de " remises de volume ", a constaté la litispendance avec l'appel du jugement du 12 juillet 1994, et a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Versailles.

Par acte sous seing privé non daté, la SA Eurodollar France, et la SARL Avanti ont conclu un contrat de franchise à effet à compter du 1er janvier 1993.

Le 1er septembre 1993, la SA Eurodollar France a été reprise par le groupe ADA exerçant également une activité de location de véhicules sans chauffeur.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 octobre 1993, la SARL Avanti a interrogé la SA Eurodollar sur les modalités de coexistence des deux réseaux Eurodollar et ADA.

Par lettre circulaire en date du 12 novembre 1993, adressée à ses clients, la SA Eurodollar France leur a indiqué que la société ADA était désormais le correspondant exclusif sur le territoire français d'Eurodollar, que les billets de location et la carte accréditive Eurodollar ne pourraient plus être utilisés, mais qu'elle serait heureuse de continuer à les compter parmi ses clients, selon les meilleurs formules tarifaires ADA (moins élevées que les formules proposées par Eurodollar).

Le 10 janvier 1994 la SARL Avanti a fait assigner en référé la SA Eurodollar France pour la voir respecter ses obligations de franchiseur, tandis que la SA Eurodollar France a fait assigner au fonds la SARL Avanti en résiliation judiciaire du contrat de franchise et en paiement de dommages-intérêts.

L'instance en référé s'est terminée par arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 25 mars 1994.

L'assignation au fond a introduit la présente instance.

Par actes d'huissiers du 19 janvier 1994 et du 14 février 1994, la SARL Avanti a fait assigner en paiement de dommages-intérêts pour manquement aux obligations du contrat de franchise, et pour concurrence déloyale, la SA Eurodollar France puis les sociétés ADA (SPAN ADA, ADA loc'casion, ADA, LVO ADA).

Les instances ont été jointes.

Par jugement en date du 12 juillet 1994, le Tribunal de commerce de Pontoise a :

- mis hors de cause les sociétés ADA au motif qu'aucun grief ne leur était fait,

- débouté la SA Eurodollar France de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la SARL Avanti,

- sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la SA Eurodollar France à ses obligations contractuelles, et pour concurrence déloyale, ordonné une expertise, aux frais de la SA Eurodollar France.

La SA Eurodollar France n'a pas consigné la provision d'expertise, a interjeté appel du jugement et demande à la Cour :

- de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la SARL Avanti et de la condamner à lui payer la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts,

- de faire interdiction à la SARL Avanti, sous astreinte de 100 000 francs par infraction constatée, d'utiliser la marque " Eurodollar " ainsi que les manuels de procédure et de système et sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard, de lui ordonner de restituer l'ensemble des documents, enseigne, papiers commerciaux et autres fournis par la société Eurodollar,

- de débouter la SARL Avanti de toutes les demandes qu'elle forme contre la SA Eurodollar,

- de condamner la SARL Avanti à lui payer la somme de 50 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

La SA ADA, intimée sur appel provoqué, demande à la Cour de confirmer le jugement qui l'a mise hors de cause, de débouter la SARL Avanti, et de la condamner à lui payer la somme de 50 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SARL Avanti demande à la Cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SA Eurodollar France de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de franchise à ses torts,

- de dire que la SA Eurodollar France a manqué à ses obligations contractuelles et que la société ADA a commis envers elle des actes de concurrence déloyale,

- en conséquence de condamner solidairement la SA Eurodollar France et la SA ADA à lui payer les sommes suivantes :

- 1 116 929,08 francs au titre des investissements réalisés dans le cadre de son activité de franchisée,

- 136 691,31 francs au titre de remboursement des redevances versées au franchiseur,

- 6 204 195 francs au titre de la marge brute qui aurait dû être réalisée jusqu'au terme du contrat de franchise,

- 300 000 francs au titre du préjudice né de l'atteinte à l'image,

- 448 734,96 francs au titre des primes de volume et d'achat,

- d'ordonner la publication de l'arrêt aux frais solidaires de la SA Eurodollar France et de la SA ADA dans " les Echos ", " Franchise magasine ", et " Corse - Nice Matin ",

- de condamner solidairement la SA Eurodollar France et la SA ADA à lui payer la somme de 500 000 francs au titre de dommages-intérêts supplémentaires, et la somme de 300 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

DISCUSSION :

Sur la recevabilité des conclusions signifiées le 23 avril 1997 par la SA Eurodollar France :

Considérant que la SARL Avanti demande à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 23 avril 1997 par la SA Eurodollar France, au motif qu'elle n'a pas pu y répondre avant l'ordonnance de clôture rendue le 24 avril 1997 ;

Mais considérant que dans ses dernières conclusions la SA Eurodollar France ne soulève aucun moyen nouveau, ni même aucune argumentation nouvelle, mais ne fait que répondre aux conclusions signifiées le 20 mars 1997 par la SARL Avanti ; qu'il convient dans ces conditions de les déclarer recevables ;

Sur la demande de la SA Eurodollar France en résiliation judiciaire du contrat de franchise :

Considérant que la SA Eurodollar France demande que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la SARL Avanti au motif que celle-ci a exploité la marque Mattei, en concurrence avec la marque Eurodollar ;

Considérant que la SARL Avanti reconnaît que sur certains de ces centres d'exploitation elle a fait figurer, à côté d'une enseigne Eurodollar, une enseigne Mattei, mais considère qu'il ne s'agit pas d'une faute, et que, s'agirait-il d'une faute, la SA Eurodollar France aurait dû suivre la procédure d'indignation contractuelle avant de pouvoir prétendre à la résiliation du contrat ;

Considérant que la SA Eurodollar France a repris le réseau de location de voiture sans chauffeur Mattei au mois de mai 1990, et se trouve propriétaire de la marque ;

Considérant que la SA Eurodollar France soutient que la SARL Avanti a détourné une partie de la clientèle au profit de la marque Mattei, et donc au profit d'un fonds de commerce distinct ;

Mais considérant qu'il n'est nullement démontré que la SARL Avanti ait détourné la moindre somme au profit d'une société tierce parce qu'elle utilisait la marque Mattei ; que d'ailleurs elle n'aurait pu rémunérer que le propriétaire de cette marque, c'est-à-dire la SA Eurodollar France ;

Considérant qu'il est seulement démontré que la SA Avanti a fait figurer l'enseigne Mattei à côté de l'enseigne Eurodollar, sur certains de ses centres d'exploitation ; qu'il n'est pas prétendu qu'elle ait utilisé d'autres supports publicitaires, ni qu'elle ait consenti des contrats de location à des tarifs et sur des formules autres que Eurodollar ;

Considérant que si le contrat de franchise prévoit dans son article 7 que le franchiseur autorise le franchisé à exercer son activité sous la marque " Eurodollar ", il ne contient aucune stipulation interdisant formellement au franchisé d'y adjoindre une autre marque;

Considérant que cette initiative ne procède que du souci d'ajouter à l'attrait de la marque Eurodollar, celle de la marque Mattei, dans l'intérêt commun du franchisé et du franchiseur, et ne constitue en aucun cas un comportement " contraire à la probité ou à la loyauté commerciale " prévu par l'article 15 du contrat et autorisant la résiliation immédiate du contrat sans mise en demeure préalable ;

Considérant que la SA Eurodollar France ne craint pas elle-même d'accoler les deux marques, lorsqu'il s'agit de se présenter sous son jour le plus favorable au responsable de l'aéroport de Lyon ; qu'ainsi dans la lettre en date du 14 septembre 1993, sous la signature de son président du Conseil d'administration, la SA Eurodollar France souligne qu'elle fonde " de grands espoirs sur l'utilisation des synergies pouvant exister entre les marques et les réseaux Eurodollar, ADA et Mattei ; que cela démontre que, comme l'a pensé la SARL Avanti, le fait d'accoler les deux marques ne peut que renforcer le caractère attractif de la marque Eurodollar ;

Considérant qu'il est d'usage que le franchiseur vérifie que les systèmes d'exploitation, les normes de présentation et les procédés d'identification sont respectés par chaque franchisé, lors de leur entrée en activité, et à l'occasion d'inspection périodique ; qu'il y a donc tout lieu de tenir pour exacte l'attestation de M. Lestrat qui déclare le 17 janvier 1994 que la SA Eurodollar connaissait l'usage par la SARL Avanti de la marque Mattei ;

Considérant qu'en tout cas la preuve de cette connaissance est rapportée par la lettre recommandée avec avis de réception datée du 29 octobre 1993, reçue le 3 novembre 1993 par la SA Eurodollar France, dans laquelle la SARL Avanti, évoque à quatre reprises le réseau " Eurodollar-Mattei " ;

Considérant qu'il appartenait donc à la SA Eurodollar France d'aviser la SARL Avanti de ce qu'elle estimait que l'utilisation de la marque Mattei était contraire à leur convention, et de la mettre en demeure d'y mettre fin ; que cette procédure prévue par l'article 15 de l'annexe au contrat de franchise, n'ayant pas été mise en œuvre, il en ressort qu'il n'est pas établi que la SARL Avanti ait commis un manquement à ses obligations contractuelles, ou à tout le moins que s'il y a eu manquement, celui-ci soit suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat, ou même l'allocation de dommages-intérêts, aucun préjudice n'ayant été causé;

Considérant qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SA Eurodollar France de ses demandes ;

Sur les demandes de dommages-intérêts de la SARL Avanti pour manquement aux obligations contractuelles et pour acte de concurrence déloyale ;

Considérant que la SARL Avanti prétend que le groupe ADA ayant absorbé la SA Eurodollar France le 1er septembre 1993, après des pourparlers qui ont débuté au mois de juillet 1993, il en est résulté la réunion dans la même société de deux réseaux concurrents, et qu'il a été décidé de les fusionner sous l'enseigne ADA, sans avoir égard aux droits des franchisés Eurodollar ;

Considérant que la SA Eurodollar France soutient qu'il s'agissait de deux réseaux distincts et complémentaires dont une des différences essentielles était que l'un était " one way " et que l'autre n'autorisait, pour un tarif acceptable, qu'un retour au lieu de location ; qu'il en déduit que ces deux réseaux devaient rester distincts et connaître un développement simultané ;

Considérant que pour faire cette preuve la SA Eurodollar France verse aux débats plusieurs attestations d'autres franchisés selon lesquelles le service centralisé de réservation continuait à fonctionner, que les clients se voyaient toujours proposés des contrats de location sous la marque Eurodollar, et que la SA Eurodollar France remplissait l'ensemble de ses obligations à leur égard ;

Considérant que ces attestations sont dactylographiées sur le même modèle, qu'elles sont datées pour la plupart du 10 janvier 1994, que le franchisé s'est contenté d'y apposer son cachet commercial et sa signature ; que la force probante de telles attestations est des plus réduites ; qu'elle se trouve encore dévaluée par les constats d'huissiers et les attestations que la SARL Avanti a pris le soin de verser aux débats et qui démontrent que ces attestations ont été délivrées par des franchisés Eurodollar qui étaient en même temps franchisés ADA ; qu'en outre elles ne concernent que la situation sur les territoires concédés aux différents témoins, et ne donnent aucun renseignement sur la Corse, territoire concédé à la SARL Avanti ;

Considérant que la SARL Avanti soutient que sur ce territoire à tout le moins, la SA Eurodollar France a agi de manière à la faire disparaître, ainsi que la marque Eurodollar, pour ne plus exploiter que la marque ADA ;

Considérant que la SARL Avanti verse aux débats le procès-verbal de constat en date du mardi 14 décembre 1993 à 12H45 qui démontre qu'à ce moment, le central téléphonique de réservation Eurodollar renvoyait les correspondants au 43 46 11 50, central de réservation ADA ; que les explications de la SA Eurodollar France selon lesquelles ce basculement n'avait lieu que lors de la pause du déjeuner sont plausibles ; qu'il n'est cependant pas prétendu qu'un basculement identique se faisait à d'autres moments de la journée au profit d'Eurodollar ;

Considérant qu'en tout cas la preuve que le fonctionnement du central téléphonique de réservation n'a plus répercuté avec la même efficacité les demandes des clients sur le réseau Eurodollar ressort du tableau versé aux débats, dont les chiffres ne sont pas contestés, et qui fait apparaître une diminution dès le mois d'août 1993, pour aboutir progressivement à un chiffre insignifiant au mois de novembre, et nul au mois de décembre ;

Considérant que par lettre circulaire en date du 12 novembre 1992, adressé à sesclients, la SA Eurodollar France leur a indiqué que la société ADA était désormais le correspondant exclusif sur le territoire français d'Eurodollar, que les billets de location et la carte accréditive Eurodollar ne pourraient plus être utilisés, mais qu'elle serait heureuse de continuer à les compter parmi ses clients, selon les meilleurs formules tarifaires ADA (moins élevées que les formule proposées par Eurodollar), mais en appliquant la procédure de fourniture d'une caution au départ et de paiement à la location à l'arrivée ;

Considérant que par cette lettre circulaire, d'une part la SA Eurodollar France informait la clientèle de la suppression de la carte accréditive Eurodollar, et d'autre part l'incitait à s'adresser désormais au réseau ADA ;

Considérant que si l'on peut s'interroger, comme l'invite la SA Eurodollar France, sur son droit à changer de politique commerciale à son gré, dès lors que l'existence de la carte accréditive n'est pas expressément prévue dans le contrat de franchise, il ne fait en revanche aucun doute que ce changement constitue un manquement aux obligations contractuelles du franchiseur lorsqu'il a pour but, comme en l'espèce, de supprimer un moyen de fidélisation de la clientèle pour la détourner sur un autre réseau ;

Considérant que le détournement de clientèle vers le réseau ADA est également démontré par le procès-verbal du constat dressé le jeudi 23 décembre 1993 à l'agence Eurodollar du Prado à Marseille et qui établit que cette agence dirigeait les clients désirant louer un véhicule à l'aéroport de Bastia, sur l'agence ADA présente sur cet aéroport ;

Considérant que ce détournement est encore confirmé par des lettres datées du mois de décembre 1993 émanant de clients de la SA Eurodollar France qui prenaient note de la résiliation de leur carte accréditive, et en tiraient les conséquences, soit pour manifester leur mécontentement, soit pour bénéficier désormais des avantages du réseau ADA qui leur était recommandé ;

Considérant qu'il est ainsi démontré que la SA Eurodollar a manqué à ses obligations de franchiseur dont le premier devoir est de diriger la clientèle vers les franchisés et a fortiori de ne pas la détourner vers des concurrents;

Considérant que la SA Eurodollar France doit donc être condamnée à réparer le préjudice causé à la SARL Avanti par cette violation de ses obligations contractuelles ;

Sur l'action de la SA ADA :

Considérant que la SARL Avanti soutient que le groupe ADA a acquis la SA Eurodollar France notamment pour prendre pied sur les aéroports, et que par l'intermédiaire de sa filiale dont elle a changé les dirigeants, elle a conduit une stratégie d'élimination du réseau Eurodollar au profit de son propre réseau ;

Mais considérant que la reprise de la SA Eurodollar France par le groupe ADA, à partir du 1er septembre 1993, rend plausible, mais ne suffit pas à démontrer la participation de cette dernière, au détournement de clientèle commis par la SA Eurodollar France ;

Considérant que l'on peut reprocher à la SA ADA d'avoir accepté les clients que lui envoyaient son concurrent qui désormais représentait les mêmes intérêts ;

Considérant que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer que la SA ADA a commis, personnellement, des actes de concurrence déloyale ; que notamment le constat du 14 décembre 1993 ne permet pas de savoir, si pendant la permanence assurée par le central de réservation ADA, il n'était pas possible d'obtenir la location d'un véhicule Eurodollar ;

Considérant que si l'on peut supposer que le détournement de clientèle commis sous l'identité de la SA Eurodollar France ont été inspirés par le groupe ADA qui contrôlait cette société, aucune preuve n'est proposée ; que force est de constater qu'il n'est pas démontré que la SA ADA a commis, personnellement des actes de concurrence déloyale ;

Considérant que la SA ADA ne peut être responsable des agissements de la SA Eurodollar France pour la seule raison que celle-ci est sa filiale ;

Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés SAPN ADA, Loc'casion ADA, et LVO ADA et d'y ajouter la mise hors de cause de la SA ADA ;

Sur le préjudice de la SARL Avanti :

Considérant que la SARL Avanti fixe son préjudice, pour l'essentiel, aux sommes suivantes :

- 700 000 francs au titre de l'emprunt souscrit auprès du Crédit Agricole,

- 366 929,87 francs au titre des intérêts ayant couru sur cet emprunt,

- 50 000 francs au titre de la perte du capital social,

- 22 534 francs au titre des frais de mise en place d'enseigne,

- 136 691,31 au titre des redevances versées,

- 1 000 710 francs au titre de la perte de marge brute pour l'exercice 1993,

- 2 126 700 francs au titre de la perte de marge brute pour l'exercice 1994,

- 2 367 495 francs au titre de la perte de marge brute pour l'exercice 1995,

- 300 000 francs au titre de l'atteinte à l'image de marque,

- 448 734,96 francs au titre des primes de volume.

Considérant que la SA Eurodollar France fait valoir que ces chiffres reposent sur des données prévisionnelles démenties par les résultats enregistrés et souligne la discordance entre l'appréciation fantaisiste du préjudice et le bénéfice de 4 189 francs constaté pour les 9 premiers mois d'exploitation ;

Considérant que la SARL Avanti a été immatriculée le 2 décembre 1992, au capital de 50 000 francs ;

Considérant que suivant compromis de vente du 10 novembre 1992, non versé aux débats, et acte de cession du 23 décembre 1992 elle a acquis pour le prix de 600 000 francs les éléments incorporels et le matériel du fonds de commerce de M. Luiggi, dont le chiffre d'affaires ni le bénéfice des trois dernières années ne sont indiqués dans l'acte de cession, qui avait une activité de location de véhicule sans chauffeur, sous l'enseigne Eurodollar et avec un contrat de franchise Eurodollar, à Ajaccio, Ajaccio aéroport, Bastia, Bastia aéroport, Calvi aéroport et, par l'intermédiaire d'un agent, à Propriano, et qui employait cinq salariés ; qu'elle a conclu pour son établissement un bail précaire d'une durée de 10 mois, expirant le 1er octobre 1993 ;

Considérant qu'il ressort de ces éléments que la SARL Avanti a pris la suite du Garage Luiggi dans la franchise Eurodollar pour la Corse et, en acquérant le fonds de commerce, a disposé des investissements nécessaires à l'exploitation de cette franchise ; que d'ailleurs elle ne justifie d'investissements supplémentaires que pour 22 534 francs, tandis que ses immobilisations sont reprises pour 86 892 francs ;

Considérant qu'il est exact que pour calculer son préjudice au titre de la perte de marge brute, la SARL Avanti se fonde sur les chiffres du compte prévisionnel qu'elle a établi elle-même pour obtenir la franchise Eurodollar ; que les éléments du dossier ne permettent pas de connaître quel rapport ces chiffres ont avec les chiffres résultant de l'exploitation du garage Luiggi pendant les années précédentes ; qu'il est en revanche établi qu'ils présentent une augmentation substantielle par rapport aux chiffres de l'exploitation pendant les neuf premiers mois de l'année ;

Considérant qu'en effet, pour les neufs premiers mois de l'année 1993 la SARL Avanti qui employait 7 personnes, a fait un chiffre d'affaires de 2,5 millions de francs, un excédent brut d'exploitation de 280 595 francs un résultat d'exploitation de 70 115 francs, et un bénéfice de 4 189 francs ; que les charges salariales se sont élevées à 666 924 francs et les charges externes à 1 505 148 francs ;

Considérant que les calculs présentés par la SARL Avanti ne peuvent donc être retenus ;

Considérant que le détournement de clientèle vers le réseau ADA a fait perdre toute rentabilité à l'exploitation de la SARL Avanti ; que celle-ci a dû arrêter son activité à la fin du mois de février 1994 ; que dès le mois d'août 1993, la SA Eurodollar France n'a rempli qu'imparfaitement ses obligations, entraînant une baisse anormale du chiffre d'affaires ;

Considérant que le contrat de franchise a été conclu pour une durée de trois ans expirant le 31 décembre 1995 ;

Considérant que la SARL Avanti a donc été privée du gain espéré pendant près de deux années en totalité, et pendant près de six mois pour partie ;

Considérant en outre que la perte de franchise a réduit à presque rien la valeur du fonds de commerce de la SARL Avanti ; que certes, la franchise devait se terminer un jour ; que cependant le contrat prévoyait qu'il se poursuivrait pour des périodes successives de deux ans, sauf dénonciation au moins un an avant une échéance ; que le respect de ces clauses devait permettre à la SARL Avanti de prolonger le contrat, ou en cas de dénonciation, de disposer d'un délai d'une année pour prendre les mesures nécessaires à la poursuite de son activité et au maintien de la valeur de son fonds de commerce ; que la violation du contrat est donc à l'origine de la perte de valeur de son fonds de commerce, comme de la perte de chance de voir cette valeur augmenter ;

Considérant que la SARL Avanti indique que son chiffre d'affaires dépendait à 95 % de la centrale de réservation; que les redevances qu'elle a versées à la SA Eurodollar France représentent un pourcentage de ce chiffre d'affaires et sont donc justifiées par les prestations fournies par le franchiseur ; qu'il n'y a pas lieu de condamner ce dernier à les rembourser ;

Considérant que la SARL Avanti démontre que Renault a versé à la SA Eurodollar France une prime de volume de 98 034,76 francs, et que Peugeot a également versé une prime de volume de 350 700,20 francs ;

Mais considérant que ces primes de volume font partie d'un accord tarifaire qui comporte des obligations à la charge du bénéficiaire, et notamment l'obligation de restituer les véhicules avant un certain délai, et avec un kilométrage limité à un chiffre déterminé ; que la SARL Avanti ne démontre pas qu'elle a respecté cette obligation ; qu'elle ne peut donc prétendre qu'à un reversement partiel des primes de volume ; que ce droit subsiste, même si de nouveaux véhicules ne sont pas achetés, car c'est la SA Eurodollar France qui est responsable de la cessation de son activité, et donc de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de remplir cette obligation ;

Considérant que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice de la SARL Avanti doit être fixé à la somme de 900 000 francs ;

Considérant que la SARL Avanti soutient qu'elle a dû cesser son activité au cours du mois de février 1994 ; qu'il convient en conséquence de réparer son préjudice pour perte d'image en ordonnant la publication de l'arrêt qui fait ressortir que son échec ne lui est pas imputable, mais réside dans l'abandon par le groupe ADA de l'enseigne Eurodollar sur le territoire de la Corse ;

Considérant qu'il convient en équité de condamner la SA Eurodollar France à payer à la SARL Avanti la somme de 30 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant qu'il convient de tirer les conséquences du changement de dénomination sociale de la SA Eurodollar France devenue la SA EDA ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare recevables les conclusions signifiées par la SA Eurodollar France, devenue la SA EDA, et la SA ADA, la veille de l'ordonnance de clôture ; Confirme le jugement rendu le 12 juillet 1994 par le Tribunal de commerce de Pontoise en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés SAPN ADA, Loc'casion ADA, et LVO ADA ; y ajoutant, Met hors de cause la SA ADA ; Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SA Eurodollar France de ses demandes en résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts de la SARL Avanti, et en paiement de dommages-intérêts ; Ajoutant au jugement, dit que la SA Eurodollar France devenue la SA EDA n'a pas respecté les obligations découlant du contrat de franchise, et qu'elle doit réparer la préjudice causé à la SARL Avanti par ces manquements ; Condamne en conséquence la SA Eurodollar France devenue la SA EDA, à payer à la SARL Avanti la somme de 900 000 francs à titre de dommages-intérêts, et la somme de 30 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Autorise la publication par extraits du présent arrêt, aux frais de la SA Eurodollar France, devenue la SA EDA, dans les Echos, Franchise magazine, et Corse - Nice Matin, sans que le coût total des trois insertions dépasse 45 000 francs HT ; Condamne la SA Eurodollar France devenue la SA EDA, aux dépens d'appel et accorde à la SCP Gas, titulaire d'un office d'avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.