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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 13 juin 1997, n° 93-00416

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Benouaich

Défendeur :

SIRM (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pinot

Conseillers :

M. Cailliau, Mme Maestracci

Avoués :

SCP Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau, Me Baufume

Avocats :

Mes Catoni, Marcaillou-Desagne.

T. com. Paris, 3e ch., du 14 oct. 1992

14 octobre 1992

La Cour se réfère à son arrêt avant dire droit du 25 novembre 1994 et aux énonciations du jugement frappé d'appel pour l'exposé des faits de la cause, des prétentions et des moyens des parties en première instance et en appel.

A la suite de la mesure d'expertise ordonnée par la Cour, tendant à déterminer :

- le chiffre d'affaires réalisé par M. Benouaich en qualité d'agent commercial de la société SIRM pendant les années 1987, 1988, 1989, 1990 et pendant les six premiers mois de l'année 1991, période du préavis contractuel,

- le montant des commissions dues et des commissions payées durant ces quatre années et demis et l'état du compte entre les parties,

- les conditions dans lesquelles le contrat a été exécuté par les parties et résilié, (en précisant) en particulier les circonstances de la rupture et notamment si M. Benouaich a perdu la représentation de la société Cubotal du fait de la société SIRM,

L'expert, M. Léon Ricord, a indiqué que :

- le montant total du chiffre d'affaires paraissant avoir été réalisé par M. Benouaich au cours de la période fixée par l'arrêt avant dire droit était de 1 320 053 351 Lires it., alors que, selon la société SIRM ce chiffre se montait à 1 005 216 540 Lires it.,

- le montant des commissions dues s'élevait selon les chiffres précédemment relevés à la contre-valeur de 364 493 F ou 277 560 F, le total des paiements pouvant être indiscutablement pris en compte s'élevant à la somme de 285 316 F,

- le solde des comptes entre les parties s'élevait à la somme de 180 508,65 F si les commissions de vente d'outils de jardinage étaient prises en considération, et à 78 285,65 F dans l'hypothèse inverse,

- bien que le contrat d'agence n'ait prévu de commissionnement que sur les scies à bûches, la SIRM a commissionné M. Benouaich sur d'autres produits, tels que des outils de jardinage, que l'appelant avait notamment à exposer au stand du salon Cogem,

- M. Benouaich n'apportait pas la preuve de sa collaboration effective pour le compte de son mandant du mois de janvier au mois de juin 1991, bien que le chiffre d'affaires réalisé au 30 juin 1991 eût atteint la somme de 123 177 618 Lires it.,

- il n'avait pu déterminer les circonstances de la rupture du contrat faute d'avoir pu mettre en évidence des griefs déterminants, aucun reproche n'étant adressé à M. Benouaich avant la fin de l'année 1990,

- M. Benouaich avait perdu le bénéfice de son contrat avec la société Cubotal pour faute grave résultant de l'exposition dans le stand unique du salon Cogem, qu'il tenait pour le compte de trois mandants, de produits concurrents,

- l'exploitation des pièces remises au cours des opérations d'expertise était difficile du fait de la présentation de documents incomplets, illisibles, contradictoires, non traduits et confus,

- l'absence de rigueur a caractérisé l'exécution du contrat dans les domaines de la correspondance, des écritures comptables et de l'échange d'informations,

- les relations entre les parties se sont dégradées au moment du salon du Cogem de 1990, qui a été, selon l'expert, vraisemblablement à l'origine de la rupture du contrat Cubotal et du contrat SIRM.

Appelant, M. Benouaich précise ses précédentes demandes et sollicite la condamnation de la société SIRM à lui payer les sommes de :

- 239 683,42 F au titre des commissions dues,

- 250 000 F au titre de l'indemnité de cessation de contrat,

- 150 000 F au titre de l'indemnité de préavis,

- 170 000 F au titre de dommages-intérêts complémentaires,

- 80 000 F au titre des frais de réemploi,

outre les intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter de la date de rupture effective du contrat, le 31 décembre 1990, et une indemnité de procédure de 30 000 F.

Il rappelle que la société SIRM lui a notifié le 19 décembre 1990 la rupture de son contrat au terme d'un préavis de six mois, sans invoquer, à son encontre, une faute grave quelconque. Il estimait en revanche que la société SIRM avait manqué gravement à ses obligations contractuelles, ce qui le conduisait à saisir le Tribunal de commerce de Paris.

Depuis le 1er janvier 1987, M. Benouaich s'était vu confier par la société intimée, pour une durée indéterminée, la représentation exclusive en France et en Israël de scies à bûches avec lames de rechange, destinées à une clientèle d'importateurs, négociants, grossistes, groupements d'achat, supermarchés et autres. Il a pu développer d'autres produits pour répondre aux besoins de la clientèle et a personnellement participé à leur mise au point.

Il a perçu une commission de 6 % sur l'ensemble des ventes réalisées, ainsi que l'a établi l'expertise et conformément à l'exclusivité consentie par la société mandante sur l'ensemble des produits commercialisés par elle.

Il souligne que les défaillances de la société SIRM à son égard ont été nombreuses et ont provoqué le mécontentement de la clientèle, répercuté à la société SIRM sans que cette dernière s'en émeuve, alors que, pour sa part, M. Benouaich a parfaitement exécuté son contrat, y compris durant la période de préavis, comme en témoigne le chiffre d'affaires qu'il a réalisé avec ses clients.

Les motifs invoqués par la société SIRM pour résilier le contrat de M. Benouaich, fallacieux et fantaisistes, ne sauraient constituer une faute grave qui, seule, pourrait justifier une rupture de contrat sans indemnité de rupture et sans préavis. En accordant son préavis de six mois à M. Benouaich, la société SIRM a reconnu l'absence de gravité des faits prétendument reprochés à celui-ci.

Il soutient que l'expert, qui a évalué à la somme de 180 508,65 F le montant des commissions restant dues, n'a pas tenu compte d'un certain nombre de factures des années 1987, 1989 et 1990 ; qu'ainsi le total du chiffre d'affaires à prendre en considération est de 1 410 927 953 Lires it., soit pour un taux de change de 0,4602 F, un solde de commissions de 389 585,42 F, outre une somme de 47 000 F au titre des surventes et 59 000 F au titre de la participation aux salons du Cogem de 1988 et 1990.

Ainsi, compte tenu des sommes déjà perçues de la société SIRM, soit 255 902 F, il réclame en définitive la somme de 239 683,42 F, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de rupture effective du contrat.

Du fait de la rupture du contrat par la société SIRM en l'absence de toute faute de la part de M. Benouaich, celui-ci sollicite la condamnation de sa mandante à lui payer l'indemnité de rupture devant réparer le préjudice subi, soit la somme de 250 000 F correspondant à 24 mois de commissions, ainsi qu'il l'a développé dans des conclusions complétives signifiées le 13 février 1997.

Il demande en outre la condamnation de la société SIRM à lui payer la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts, pour l'avoir placé dans l'impossibilité d'accomplir son mandat, en refusant de lui transmettre les documents commerciaux nécessaires à l'accomplissement de sa mission, en ne lui réglant pas les commissions dues et en rompant ainsi le contrat en période de préavis .

Au titre des frais qu'il devra exposer pour racheter la carte lui permettant de retrouver un emploi équivalent, soit environ 30 % du montant de celle-ci, il réclame une indemnité de 80 000 F.

Enfin, à la suite de la rupture de son contrat avec la société Cubotal, due au fait que M. Benouaich a exposé des produits concurrents de ses mandants, l'appelant estime que la société SIRM a agi de façon malveillante à son égard et lui a causé un grave préjudice dont elle estime la réparation à la somme de 170 000 F.

Intimée et appelante incidemment, la société SIRM reprend ses précédentes écritures, rappelées dans l'arrêt avant dire droit précité, soutient que l'expert s'est fondé sur un examen partiel des pièces pour évaluer les sommes restant sues à M. Benouaich au titre des commissions dues et maintient sa demande reconventionnelle reposant sur un trop perçu de 12 566 185 Lires it.

Elle estime l'expert n'établit pas que l'appelant ait accompli une quelconque activité pour le compte de son mandant au cours de la période de préavis. Elle soutient enfin que la baisse constante du chiffre d'affaires réalisé par M. Benouaich en 1989 et 1990 constitue une cause légitime de résiliation du seul fait de l'agent et qu'en conséquence il n'y a lieu indemnité de résiliation, alors au surplus que le préavis de six mois n'a pas été respecté.

Par d'ultimes conclusions signifiées le 14 mars 1997, M. Benouaich souligne que l'extension du droit à commission sur des produits de jardinage résulte des propres pièces de la société SIRM. En ce qui concerne les conditions du préavis, il observe que la société SIRM ne peut exiger de son agent une quelconque activité si elle n'accomplit pas elle-même ses obligations contractuelles en le privant de rémunération et en ne le mettant pas en mesure de remplir son mandat. Il rappelle que le chiffre d'affaires réalisé au cours du ^premier trimestre 1991 démontre l'activité de l'agent commercial pour cette période.

Il estime que la société SIRM a pris seule l'initiative de la rupture du contrat et ne peut invoquer la baisse du chiffre d'affaire, alors que celle-ci n'est due qu'à l'attitude de la société SIRM, qui a pratiqué une politique de prix favorisant la concurrence et omettait de communiquer à son agent les tarifs utiles et nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que les relations contractuelles ayant lié les parties s'inscrivent dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale obéissant aux règles du mandat d'intérêt commun ;

Considérant que la rupture du contrat est intervenue le 19 décembre 1990 à l'initiative de la société SIRM , qui a justifié sa décision par les insuffisances de son agent, M. Benouaich ;

Considérant que le contrat d'agence commerciale, en l'absence de clause contractuelle, ne peut être rompu sans indemnité que pour faute d'une des parties ou pour cause légitime ;

Considérant que l'expert désigné par la Cour a permis de mettre en évidence que l'attitude de l'agent commercial jusqu'à la fin de l'année 1990 n'avait pas donné lieu à des critiques particulières de la part de son mandant et qu'il apparaissait que les difficultés sérieuses se sont manifestées à la fin de l'exercice 1990, liées principalement au déroulement du salon Cogem ;

Considérant qu'il appartient au mandant, pour s'exonérer de son obligation de paiement de l'indemnité de rupture, d'apporter la preuve de la faute du mandataire ou d'établir le motif légitime susceptibles de justifier la rupture du contrat;

Qu'il n'est pas démontré par la société SIRM que la baisse incontestable du chiffre d'affaires réalisé par M. Benouaich au cours des exercices 1989 et 1990 soit imputable à cet agent ; qu'une telle diminution du chiffre d'affaires ne peut constituer, à la charge de celui-ci, une faute grave que dans la mesure où les circonstances économiques relatives au marché ainsi que le comportement du mandant ont été sans effet sur le marché et sur la clientèle qu'une telle diminution du chiffre d'affaires ne peut constituer, à la charge de celui-ci, un faute grave que dans la mesure où les circonstances économiques relatives au marché ainsi que le comportement du mandant ont été sans effet sur le marché et sur la clientèle;

Que, à défaut de toute réponse argumentée de la part de la société SIRM aux imputations précises et circonstanciées formulées contre elle par l'appelant, la Cour ne peut que relever les manquements de la société SIRM, dont celle-ci n'a pas débattu, lesquels n'ont pu que paralyser l'action commerciale de M. Benouaich ;

Considérant qu'en conséquence la société SIRM, ayant rompu le contrat d'agence commerciale de M. Benouaich sans motif légitime et sans établir de faute à la charge de ce dernier, sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 200 000 F au titre de l'indemnité de rupture ;

Considérant que les défaillances de M. Benouaich au cours de son préavis, alléguées par la société SIRM, contestées par l'appelant, ne résultent d'aucun élément objectif produit par la société SIRM, alors qu'il n'est pas contestable qu'un chiffre d'affaires a été réalisé par l'appelant au cours de cette période ;

Que le non paiement des indemnités afférentes à ce préavis ne peut être admis et qu'il convient de les évaluer à la somme de 50 000 F ;

Considérant que les commissions dues à l'appelant ont été chiffrées par l'expert à la somme de 180 508,65 F ; qu'elles incluent, à juste titre, les commissions dues au titre des produits de jardinage auxquels la société SIRM a accepté d'étendre, en fait, le champ d'application du contrat d'agence de M. Benouaich, dès lors qu'elle l'a approvisionnée en produits accessoires de jardinage et commissionné sur les ventes de ces produits, conformément aux termes du contrat du 1er janvier 1987 ;

Qu'ainsi la commune intention des parties était d'étendre l'exclusivité dont bénéficiait l'agent commercial à l'ensemble des produits de la société SIRM ;

Qu'il convient de se reporter à l'évaluation de l'expert pour ce qui concerne les commissions restant dues et de condamner en deniers ou quittances la société SIRM à s'en acquitter entre les mains de M. Benouaich ;

Considérant que l'appelant ne justifie par des autres chefs de préjudice, dont il réclame réparation, qui portent sur les " frais de réemploi " et sur la rupture brusque et abusive du contrat par la société SIRM ;

Qu'en ce qui concerne la rupture du contrat d'agence commerciale avec la société Cubotal, consécutive à l'exposition de produits concurrents dans le stand commun du salon Cogem tenu par M. Benouaich, ce dernier ne peut prétendre qu'il ne représentait pas les produits exposés à tort par la société SIRM, alors qu'il en était le mandataire et qu'en acceptant de tenir un stand commun pour trois mandants, il n'appartenait qu'à lui seul de veiller à ce qu'aucun des produits exposés pour le compte de trois fabricants différents ne se fassent pas concurrence ;

Qu'il sera donc débouté de ces dernières demandes ;

Considérant que la société SIRM ne justifie pas de sa demande de reversement d'un trop perçu de commissions au profit de M. Benouaich ; qu'elle sera en conséquence déboutée de cette prétention ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non recouvrables de procédure et qu'il convient de condamner la société SIRM à lui payer à ce titre la somme de 10 000 F ;

Par ces motifs : Réformant le jugement, Condamne la société de droit italien SIRM à payer à M. Benouaich les sommes de : - 200 000 F au titre de l'indemnité de rupture, majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1990, - 50 000 F au titre de l'indemnité de préavis, - 180 508,65F au titre des commissions dues, en deniers ou quittances, - 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC, Déboute la société SIRM de sa demande reconventionnelle, Dit inopérants, irrecevables ou mal fondés tous autres moyens fins ou conclusions des parties et les rejette comme contraires à la motivation qui précède, Condamne la société de droit italien SIRM aux dépens d'appel, en ce compris les frais de l'expertise, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Gibou Pignot Grapotte Benetreau, avoué, conformément à l'article 699 du NCPC.