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Décisions

CA Paris, 15e ch. A, 18 mars 1981, n° 5667

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Delarbre (Epoux)

Défendeur :

Union française de Banques (SA), Potier (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magnan

Conseillers :

MM. Marette, Régnault

Avoués :

Mes Roblin, Juilliard, SCP Appert, Verdun

Avocats :

SCP Poudenx, Lucas, Grunstein, Navarre, Regnault, Foureau, Mes Repiquet, Navarro.

TGI Melun, 1re ch., du 20 févr. 1979

20 février 1979

LA COUR statue sur l'appel principal interjeté par M. Delarbre et son épouse, née Mauricette Besnier, et sur l'appel incident de l'Union Française de Banque formé à l'encontre du jugement, rendu le 20 février 1979 par le Tribunal de grande instance de Melun, qui a condamné les époux Delarbre à payer à l'Union Française de Banque la somme de 70.922 F (soixante-dix mille neuf cent vingt-deux francs), outre les intérêts de droit et accessoires à compter du jugement, qui a validé la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de Mes Neel et Diebolt, notaires à Ozoire la Férrière, par acte du 9 décembre 1977, qui a dit que les sommes dont le tiers saisi se reconnaîtra ou sera jugé débiteur envers ceux-ci seront par lui versées à l'Union Française de Banque en déduction ou jusqu'à concurrence de sa créance, en principal et accessoires, qui a donné acte de leur intervention aux époux Potier et les a déclarés recevables et fondés en leur demande visant à ne pas être déclarés responsables des dettes contractées par les époux Weiland ;

Les premiers juges ont exposé les faits de la cause et les prétentions des parties. Il convient de se référer à leur décision et de rappeler seulement les éléments suivants :

Le 16 juillet 1975, les époux Delarbre, propriétaires d'un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie à Vitry sur Seine, ont consenti aux époux Weiland, qui exerçaient le même commerce à Tours, un contrat de location-gérance de leur fonds, pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 1975.

Le 26 août 1975, l'Union Française de Banque accordait à M. Weiland un crédit de 73.000 F, remboursable sur cinq ans, pour l'achat d'un four Gondard Cervap, et prenait une inscription de privilège de nantissement au greffe du Tribunal de commerce de Tours, le 8 septembre 1975, puis à celui de Paris, le 12 février 1976.

Le 2 août 1976, il était mis fin à la location-gérance et les époux Delarbre reprenaient l'exploitation de leur fonds de commerce, qu'ils vendaient aux époux Potier le 29 juin 1977.

Le 15 décembre 1977, l'Union Française de Banque assignait M. Delarbre en paiement de la somme de 70.992 F, représentant 34 échéances mensuelles de sa créance restées impayées, et en validité de la saisie-arrêt pratiquée le 8 décembre entre les mains de Mes Neel et Diebolt, notaires à Ozoire la Ferrière, pour la somme de 73.000 F.

M. Delarbre concluait au débouté de l'Union Française de Banque de sa demande et à la mainlevée de la saisie-arrêt, et les époux Potier intervenaient volontairement à l'instance pour solliciter leur mise hors de cause.

Le 20 février 1979 est intervenu le jugement déféré.

L'Union Française de Banque, intimée, en demande la confirmation, par application des dispositions de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956. Elle forme, en outre, appel incident aux fins de paiement des intérêts de droit, non pas à compter du prononcé du jugement, mais à compter de l'assignation. Elle sollicite également la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil.

Les époux Delarbre, appelants, ont conclu le 22 décembre 1980, au sursis à statuer jusqu'à la communication de leur dossier par leur avocat de première instance, moyen auquel ils ont renoncé à l'audience de la Cour. Par conclusions signifiées le 23 janvier 1981, ils demandent à la Cour de réformer le jugement du 20 février 1979 et de débouter l'Union Française de Banque de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Les époux Potier, par conclusions des 9 et 16 septembre 1980, renouvellent pour leur part leur demande primitive de mise hors de cause.

Cela étant exposé,

Sur l'application de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 :

Considérant que l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 dispose que, jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à compter de cette publication, le loueur d'un fonds de commerce est solidairement responsable, avec le locataire-gérant, des dettes contractées par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du fonds;

Considérant qu'en l'espèce, et comme le relève à bon droit le Tribunal, il est constant que l'emprunt contracté par les époux Weiland auprès de l'Union Française de Banque a été souscrit avant l'expiration du délai susvisé, et pour l'acquisition d'un bien affecté à l'exploitation du fonds; qu'en effet, cette souscription se situe entre le 16 juillet 1975, date du contrat de location-gérance, et le 20 septembre de la même année, date de la publication de ce contrat ; que, d'autre part, il résulte des documents versés aux débats, que le four acquis par les époux Weiland a été installé le 26 août 1975 à Vitry sur Seine, dans le fonds de commerce appartenant aux époux Delarbre ; que ceux-ci ont expressément donné leur autorisation à cette installation dans la promesse de location-gérance et ont bénéficié de la plus value apportée au fonds par cette installation lorsqu'ils ont vendu ultérieurement leur fonds aux époux Potier ;

Considérant que les conditions de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 étant ainsi réunies, c'est en vain que les appelants tentent d'échapper à ses conséquences en soutenant que l'Union Française de Banque n'a pas de lien de droit avec eux, alors que ce lien est tiré de la loi elle-même ; qu'ils ne sauraient davantage se prévaloir de clauses contraires à un texte d'ordre public, insérées dans le contrat de gérance libre et dans l'acte de publicité de ce contrat; ni de ce que l'acquisition du four par les époux Weiland constituerait un acte patrimonial d'investissement.

Qu'enfin, le fait pour l'Union Française de Banque d'avoir consenti un prêt dont l'échéance de remboursement dépassait la durée du contrat de location-gérance ne peut lui être imputé à faute, les délais de remboursement d'un organisme de crédit étant sans rapport avec les dispositions de la loi du 20 mars 1956 ;

Considérant dès lors, que les époux Delarbre ont été à bon droit déclarés solidairement responsables avec les époux Weiland de la dette d'exploitation contractée par ces derniers envers l'Union Française de Banque pour la somme de 70.992 F avec intérêts de droit;

Qu'il convient de confirmer de ce chef le jugement déféré et de valider la procédure de saisie-arrêt diligentée pour en assurer le paiement ;

Sur l'appel incident de l'Union Française de Banque :

Considérant que c'est à tort que les premiers juges ont énoncé que les époux Delarbre devaient payer à l'Union Française de Banque les intérêts et accessoires de la somme lui revenant à compter du jugement ; qu'il convient de dire qu'ils le seront à compter du 15 décembre 1977, date de l'assignation en justice ;

Sur la demande additionnelle de l'Union Française de Banque :

Considérant que les conditions exigées par l'article 1154 du Code civil se trouvant réunies, il y a lieu de faire droit également aux conclusions de l'Union Française de Banque concernant l'anatocisme ;

Sur l'intervention des époux Potier :

Considérant que le jugement attaqué sera également approuvé en ce qu'il a donné acte de leur intervention aux époux Potier et les a déclarés bien fondés en leur demande de mise hors de cause dans le présent litige ; qu'il leur sera donné acte de ce qu'ils s'en rapportent à la Cour sur l'appel incident de l'Union Française de Banque ;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges : Donne aux époux Potier l'acte par eux requis ; Reçoit les époux Delarbre en leur appel, les y déclare mal fondés, les en déboute ; Reçoit l'Union Française de Banque en son appel incident et en sa demande additionnelle ; l'y déclare bien fondée ; En conséquence, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; L'émendant toutefois, et faisant droit à l'appel incident de l'Union Française de Banque : Dit que la somme de 70.992 F, que les époux Delarbre sont condamnés à payer à l'Union Française de Banque, portera intérêt au taux légal à compter du 15 décembre 1977, date de l'assignation en justice ; Y ajoutant : dit que les intérêts échus au 9 février 1981 produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter de ladite date ; Condamne les époux Delarbre aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement contre eux par la SCP Appert et Verdun, titulaire d'un office d'avoué, et par Me Juilliard, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.