CA Orléans, ch. civ. sect. 1, 21 juin 1989, n° 1390-87
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Établissements Beaudoin (SA), Machines agricoles du Centre, Guillou (ès qual.)
Défendeur :
John Deere (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sorlin
Conseillers :
MM. André, de Lamotte
Avoués :
Mes Duthoit, Bordier
Avocats :
Mes Bourgeon, Cocchiello
LA COUR :
Statuant sur l'appel interjeté par les Établissements Beaudoin d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Orléans le 1er avril 1987 dans un litige les opposant à la Sté John Deere,
Attendu que les Établissements Beaudoin ont été débouté par ledit jugement de leur demande tendant à voir juger que le contrat qu'ils avaient conclu avec la société John Deere le 5 décembre 1984 serait entré dans le champ d'application du règlement CEE n° 123-85 à compter du 1er juillet 1985 et que faute d'avoir mis ce contrat en conformité avec le règlement précité, la Société John Deere aurait provoqué sa nullité et qu'elle devrait être condamnée en conséquence à payer aux Établissements Beaudoin la somme de 3 millions de francs à titre provisionnel ; un expert devant être désigné pour déterminer l'intégralité du préjudice subi du fait du refus de John Deere de proroger le contrat en cours.
Attendu que les Établissements Beaudoin reprennent leurs prétentions en cause d'appel et concluent subsidiairement à la saisine de la Cour de Justice des Communautés sur des questions préjudicielles, cependant que la Sté John Deere sollicite principalement la confirmation du jugement déféré ;
Attendu qu'il sera rappelé que la Société John Deere, fabricant de matériels d'usage agricole a concédé aux Établissements Beaudoin à partie de l'année 1978 le droit de vente de ses produits dans certains cantons du département du Cher, sur la base d'un contrat de concession à durée déterminée d'une année sans faculté de reconduction tacite ;
Attendu que, dans le dernier état de leurs relations contractuelles, la Sté John Deere et les Établissements Beaudoin ont conclu en date du 5 décembre 1984 un contrat dont l'article 6 prévoit expressément qu'il " prend effet le 1er novembre 1984 pour se terminer de plein droit le 21 octobre 1985... " et dont le deuxième aliéna de cet article 6 précise que les " parties conviennent expressément que le présent contrat ne pourra en aucun cas être renouvelé par tacite reconduction " ;
Attendu que par correspondance en date du 17 juillet 1985, la Sté John Deere a fait connaître aux Établissements Beaudoin qu'elle ne serait pas en mesure de leur proposer la signature d'un nouveau contrat de concessionnaire agricole à l'expiration du contrat en cours c'est à dire au 31 octobre 1985 ;
Attendu que dans un premier temps les Établissements Beaudoin ont accepté qu'il soit mis un terme à leur relations contractuelles avec la Sté John Deere ;
Attendu que la Sté John Deere acceptait alors de proposer pour l'exercice 1986 aux Établissements Beaudoin et à la demande de ceux-ci un contrat pour la distribution des pièces de rechange ;
Attendu que néanmoins, le 7 août 1985, les Établissements Beaudoin invoquaient " les dispositions du règlement n° 123-85 de la Commission de la CEE relative à l'application de l'article 85 paragraphe 3 du Traité aux Accords de Distribution de Service de Vente et d'Après-vente de véhicules automobiles " en prétendant que ces dispositions régiraient désormais les rapports des parties ;
Attendu que la Sté John Deere s'est opposée, à ces prétentions et que c'est dans ces conditions que les Établissements Beaudoin ont engagé leur action devant le Tribunal de Commerce.
Attendu que la Cour se réfère au jugement entrepris pour plus ample exposé des faits et de la procédure et des prétentions émises.
Attendu qu'il est constant qu'à compter du 1er juillet 1985 est entré en application un règlement de la Commission n° 123-85 définissant les conditions auxquelles doivent satisfaire les accords de distribution relatif à la vente ou à l'après-vente des véhicules automobiles, pour être conforme au droit communautaire, que le domaine de ce règlement est limité aux accords intervenus dans le but de la revente de véhicules automobiles déterminés à trois roues ou plus destinés à être utilisés sur la voie publique.
Attendu qu'il apparaît, sans doute raisonnable, que les matériels agricoles John Deere ne sont pas destinés à être utilisés sur la voie publique, que telle n'est pas leur vocation, même s'ils doivent, parfois, emprunter la voie publique pour accéder au lieu d'utilisation auquel ils sont destinés, qu'il apparaît donc, dès l'abord, que les accords litigieux ne sont pas soumis aux dispositions du règlement 123-85 ; ce qui rend inopérantes les prétentions des Établissements Beaudoin au surplus.
Attendu, d'autre part, qu'il doit être observé que certes le règlement 128-85 a été pris en vertu du règlement 19-65 du Conseil des Communautés concernant l'application de l'article 85 du Traité CEE interdisant tous accords susceptibles d'affecter le commerce entre Etats Membres ou ayant pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun, mais que les Établissements Beaudoin ne démontrent en aucune façon en quoi le contrat litigieux et les dispositions prises en l'espèce entre parties affectent le commerce entre Etats Membres, ou sont de nature à altérer de façon sensible le jeu de la concurrence.
Attendu que les Établissements Beaudoin se limitent à des affirmations et à des généralités sans apporter la démonstration qui resterait à leur charge, à supposer que soit admis que les matériels en cause soient concernés.
Attendu que l'accord intervenu entre John Deere, Société française, dont le siège est à Orléans et les Établissements Beaudoin dont le siège social est dans l'Indre n'est pas de nature à affecter le commerce entre Etats Membres, que les Établissements Beaudoin ne justifient pas qu'il soit propre à influer sur les échanges intra communautaires.
Attendu qu'ils soutiennent qu'il existerait un grand nombre de contrats du même type établis par des constructeurs importateurs de matériels agricoles et que l'ensemble de ces contrats affecterait le commerce entre Etats.
Attendu qu'il s'agit là d'une affirmation et qu'à supposer même établie l'existence d'un nombre important en France de contrats du même type, cette situation ne saurait, à elle seule, être estimée déterminant d'une mise en cause effective de la liberté du commerce entre Etats Membres.
Attendu qu'il n'existe en la cause aucun faisceau concordant d'éléments objectifs ou de faits précis propres à établir une entrave à la concurrence intra communautaire ou à la liberté du commerce.
Attendu, enfin, et de surcroît, que la Cour ne peut manquer d'observer que les Établissements Beaudoin n'apportent aucun élément de preuve du préjudice qu'ils prétendent avoir subi, et, qu'ils portent aussi atteinte aux dispositions de l'article 15 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que s'ils sollicitent une expertise, ils ne fondent en rien cette demande dans leurs conclusions.
Attendu, en définitive, qu'il échet de débouter les Établissements Beaudoin de leurs prétentions non fondées et non justifiées, comme il vient d'être dit. Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu qu'il sera, enfin, donné acte à Maître Guillou de son intervention, es qualité d'administrateur au règlement judiciaire des Établissements Beaudoin.
Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges, Rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires, Donne acte à Maître Guillou de son intervention, es qualité d'administrateur au règlement judiciaire des Etablissements Beaudoin Machines Agricoles du Centre, Confirme le jugement entrepris, Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les Etablissements Beaudoin Machines Agricoles du Centre, Accorde à Maître Duthoit, avoué, le droit prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.