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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 13 janvier 1993, n° 91-011243

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société girondine d'exploitations commerciales (SA)

Défendeur :

Fiatgeotech France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarenne, Me Ribaut

Avocats :

Mes Bourgeon, Vitoux.

T. com. Paris, 16e ch., du 5 févr. 1991

5 février 1991

FAITS ET PROCEDURE

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits et de la procédure de première instance, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

Après que la société Fiatgeotech (à l'époque Fiatagri) ait pris le contrôle de la société Braud, fabricant de machines à vendanger elle a confié la distribution exclusive de ces machines à Sogec pour le département de la Gironde cette société distribuant déjà la totalité des matériels Fiatagri (Fiat, Hesston, Laverda).

C'est ainsi qu'après avoir défini leurs engagements réciproques dans une lettre du 25 septembre 1985, les parties signaient le 23 décembre 1985 trois contrats de concession exclusive portant sur toute la gamme de produits ou "full line" dans le territoire défini aux contrats.

Ils étaient conclus en référence au règlement CEE 123-85, pour une durée indéterminée et assortis d'un préavis de résiliation d'au moins un an par lettre recommandée avec avis de réception.

Les relations entre les parties se sont déroulées normalement jusqu'en 1988.

Fin 1988 après qu'un litige soit survenu entre les parties à propos du versement de la prime "full line" laquelle a été refusée à Sogec, des difficultés vont naître entre les parties qui ne vont cesser de s'amplifier.

Se préoccupant de la solidité financière de Sogec, Fiatgeotech exigeait par lettre du 15 juin 1989 une caution bancaire de 5 millions de francs à concurrence des 10 premières machines à vendanger qui lui seraient livrées et au delà un paiement par effets clients avalisés par une banque ou bien par traités "Fiatgeotech" acceptées et avalisées de la même façon.

En juillet 1985 Sogec fournissait :

- un cautionnement bancaire de Sovac Entreprise à concurrence de 3 millions de francs,

- un cautionnement du Crédit du Nord pour un montant de 2 millions de francs mais expirant le 31 décembre 1989, limité aux seules machines à vendanger et leurs accessoires, et excluant les intérêts et accessoires au delà de 2 millions de francs,

- un crédit campagne machines à vendanger de 2 millions de francs validité 31 décembre 1989 ainsi qu'un apport d'un million de francs de M. Dubois gérant de Sogec, soit au total trois millions de francs virés au crédit d'un compte machines à vendanger Sogec ouvert dans les livres du Crédit du Nord.

Par ailleurs M. Dubois proposait de consolider les fonds propres de la société en apportant une somme de deux millions de francs versée pour la première moitié avant le 31 décembre 1989 et pour la deuxième avant le 31 décembre 1990.

Ce premier apport était effectué en septembre 1989.

Fiatgeotech qui tout en estimant les garanties insuffisantes avait livré et facturé une première dizaine de machines en juillet 1989, adressait un nouveau rappel à Sogec par lettre recommandée avec avis de réception le 30 août 1989, lequel demeurait sans réponse.

Puis par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre 1989, Fiatgeotech informait Sogec de ce qu'elle entendait mettre fin aux trois contrats avec préavis d'un an en application de l'article 2 et l'avisait de ce que les délais et conditions de paiement au cours du préavis seraient révisés en raison notamment de l'insuffisance des garanties fournies.

Sogec protestait par lettre en date du 17 novembre 1989.

De nouvelles difficultés vont alors naître entre les parties, Sogec accusant Fiatgeotech de ne pas respecter ses obligations contractuelles et de ne pas exécuter de bonne foi le préavis, Fiatgeotech reprochant quant à elle à Sogec de ne pas avoir honoré à échéance 10 lettres de change d'un montant total de plus de 4 millions et d'avoir fait pratiquer une saisie arrêt entre ses propres mains pour une somme de 4.600.000 F.

Le 30 janvier 1990 Sogec informait Fiatgeotech par lettre recommandée avec avis de réception que faute de rétablissement des conditions de paiement contractuelles dans les 72 heures, elle considérerait les contrats comme résiliés.

Par ailleurs, elle la mettait en demeure de lui facturer certains matériels, de lui communiquer la date de livraison de diverses machines à vendanger et s'opposait à la restitution de tracteurs.

Fiatgeotech accusait réception de ce courrier le 5 février 1990 en estimant que Sogec entendait résilier les contrats en cours de préavis.

Une procédure de référé va opposer les parties sur ce point.

Après que par arrêt du 13 juin 1990 la Cour d'Appel de Bordeaux infirmant une ordonnance du 18 février 1990 ait donné mainlevée de la saisie arrêt sur soi-même pratiquée par Sogec, cette dernière sera condamnée à payer à Fiatgeotech par provision la somme de 1.600.000 F.

C'est dans ces circonstances que Sogec a assigné le 7 décembre 1989 Fiatgeotech devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Elle demandait qu'il soit constaté qu'elle était en droit d'opposer à Fiatgeotech l'exception d'inexécution de ses obligations de vendeur et de refuser le paiement de la facture correspondant à une machine à vendanger Braud.

Elle sollicitait la condamnation de Fiatgeotech à lui payer la somme de 1.190.787 frs HT au titre de la prime Full Line 1988 avec intérêts au taux conventionnel depuis le 31 décembre 1988, la somme de 17 millions de francs à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive des contrats outre 40.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Fiatgeotech s'opposait à ces demandes et demandait au Tribunal de constater la résiliation unilatérale des contrats aux torts et griefs exclusifs de Sogec par lettre de celle-ci du 30 janvier 1990.

Par ailleurs elle réclamait paiement de la somme de 4.995.760,40 F en principal et les intérêts contractuels de celle-ci à compter du 27 décembre 1989 outre celles de 200.000 F à titre de dommages-intérêts et de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Tribunal par le jugement entrepris a déclaré Sogec irrecevable en son exception d'inexécution à l'encontre de Fiatgeotech, débouté Sogec de l'ensemble de ses demandes et sur la demande reconventionnelle de Fiatgeotech il a ordonné une expertise qu'il a confiée à Mme Henault.

En outre, il a condamné Sogec à payer à Fiatgeotech la somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelante selon déclaration du 10 mai 1991, Sogec demande à la Cour de

- lui donner acte de ses réserves dans le cadre d'une action en paiement de facture introduite devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Sogec de sa demande principale,

- de condamner Fiatgeotech à lui payer la somme de 1.190.787 F majorée des intérêts au taux conventionnel depuis le 31 décembre 1988 au titre de la prime "Full Line",

- de dire que la responsabilité de la résiliation des trois contrats incombe à Fiatgeotech compte tenu de la gravité des atteintes qu'elle a portées à leur exécution normale,

- de condamner Fiatgeotech à payer à Sogec la somme de 5.070.000 F à titre de dommages-intérêts provisionnel à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise, mesure par ailleurs requise.

Enfin, elle réclame paiement de la somme de 40.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Fiatgeotech poursuit la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et sollicite paiement de la somme de 59.300 F TTC sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce LA COUR, qui pour un plus ample exposé se réfère au jugement et aux écritures d'appel,

Considérant qu'il convient d'observer qu'aucune des parties ne critiquant le jugement entrepris en ce qu'il a sur la demande reconventionnelle de Fiatgeotech ordonné une expertise, le jugement sera purement et simplement confirmé de ce chef.

Considérant par ailleurs que s'agissant de la facture n° 099033, l'acquéreur de cette machine à vendanger, les Domaines de Luston, ayant assigné Sogec devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux et celle-ci ayant appelé en garantie Fiatgeotech, il y a lieu simplement de donner à Sogec l'acte requis dans ses écritures sur ce point.

Considérant en conséquence que la Cour doit examiner le bien fondé de la demande principale d'une part en ce qui concerne la prime "Full Line" d'autre part, en ce qui concerne le paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution et de la résiliation des contrats.

I - Sur la prime "Full Line"

Considérant que Sogec fait valoir qu'elle est en droit d'exiger le paiement de la prime dès lors qu'elle n'a eu aucune possibilité de discuter les objectifs, que le marché a enregistré une récession en 1988, que Fiatgeotech a procédé à une réduction de sa gamme de machines à vendanger cessant de fabriquer trois modèles d'automotrices.

Considérant que Fiatgeotech réplique que les objectifs définis d'un commun accord n'avaient pas été augmentés pour Sogec en 1988 et que si trois modèles ont été supprimés, une fabrication supplémentaire a été dûment proposée à Sogec.

Considérant ceci exposé qu'il résulte des documents mis aux débats et notamment d'une circulaire Fiatagri du 30 décembre 1987 que le versement de la prime "Full Line" est subordonné à la réalisation de tous les objectifs fixés par le Directeur Général pour chaque ligne de produit.

Qu'il est précisé que pour les tracteurs, l'objectif correspond à une pénétration de 20 % du marché total 1988, exprimé en taux de pénétration 5 catégories.

Que si pour les autres matériels aucun critère de détermination des objectifs n'est mentionné dans la circulaire il n'en demeure pas moins que celle-ci fait référence aux objectifs fixés par le Directeur Général lesquels se traduisent par des quantités minimales de vente de machines agricoles.

Que ces quantités pour 1988 ont été fixées d'un commun accord entre les parties et que Sogec n'a émis lors de leur établissement aucune protestation.

Qu'elle ne conteste pas d'ailleurs pas les affirmations de Fiatgeotech selon lesquelles les objectifs correspondent à ceux qu'elle avait réalisés en 1987.

Considérant que les seuls objectifs non réalisés par Sogec pour la saison 1987/1988 concernent des machines à vendanger automotrices, 37 ventes ayant été faites pour un objectif de 43 et ce alors que l'année précédente Sogec en avait vendues 44.

Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que Fiatgeotech a supprimé au cours de l'exercice 1988 trois modèles de machines à vendanger automatiques références 914, 1014, 1114 lesquelles avaient représenté 14 des 44 ventes réalisées par Sogec au cours de l'exercice précédent, soit sensiblement 30 % de celles-ci.

Que Fiatgeotech ne prétend ni ne démontre qu'à la date où les objectifs 1988 ont été arrêtés, Sogec ait été avisée de ces suppressions.

Considérant que s'il est exact que Fiatgeotech a proposé à Sogec de faire une fabrication supplémentaire du modèle 1114, en revanche elle n'établit pas que la commande d'un modèle 1114 passée le 14 janvier 1988 par Sogec ait été annulée par Sogec.

Considérant en conséquence qu'il apparaît que si on tient compte de la réduction de la gamme de machines à vendanger automotrices, Sogec aurait réalisé des ventes pour ce type de machines conformes à son objectif pour 1988.

Considérant dans ces conditions que Sogec est bien fondée à solliciter le paiement de la prime "Full Line" soit la somme de 1.190.787 F montant non contesté par Fiatgeotech.

Que s'agissant d'une prime contractuelle il y a lieu également de faire droit au paiement des intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 1989 date de l'assignation, à défaut de mise en demeure préalable et l'article 17 c des contrats ne visant que le paiement du solde exigible en cas de cessation des contrats.

II - Sur l'exécution et la résiliation des conventions

Considérant que Sogec soutient qu'au cours de l'exercice 1989 Fiatgeotech n'a pas exécuté de bonne foi les conventions qui la liaient à Sogec.

Qu'elle prétend que Fiatgeotech qui avait entrepris au cours du premier quadrimestre 1988 une politique de rapprochement entre concessionnaires souhaitait qu'elle vende sa société aux Etablissements Chambon et que c'est suite au refus de l'appelante d'accepter les conditions de rachat de Chambon que l'intimée a entrepris pour la faire céder de la déstabiliser financièrement en exigeant d'elle à la veille de la campagne de vente des machines à vendanger des garanties financières exorbitantes alors que sa situation ne l'exigeait nullement.

Qu'elle ajoute que par la suite Fiatgeotech a cherché à la déstabiliser commercialement en laissant Chambon s'implanter par l'intermédiaire de la société Motoculture Aquitaine sur le territoire concédé à Sogec et en modifiant les conditions de livraison des matériels neufs que lui commandait Sogec ainsi que les conditions de réglement.

Considérant que Fiatgeotech réplique que les affirmations de Sogec sont dénuées de tout caractère sérieux.

Que les garanties financières complémentaires sollicitées étaient parfaitement justifiées eu égard à la situation comptable de Sogec qui au surplus sollicitait couramment un crédit fournisseur de 7 à 8 millions.

Qu'elle fait observer que la situation financière de Sogec était si peu saine, qu'elle n'a pu honorer les lettres de change émises en paiement des matériels livrés courant 1989.

Qu'elle dénie les accusations portées à son encontre en ce qui concerne la société Chambon et accuse Sogec de vouloir réaliser un véritable montage pour les besoins de la cause.

Qu'enfin elle fait observer qu'elle était fondée à ne plus accorder le moindre crédit à Sogec dès lors que celle-ci s'était soustraite au paiement de lettres de change acceptées en faisant pratiquer une saisie-arrêt entre ses propres mains.

Considérant ceci étant exposé que par lettre en date du 10 octobre 1989, Fiatgeotech a fait part à Sogec de son intention de mettre fin aux trois contrats de concession exclusive à l'expiration d'un délai d'un an.

Considérant que même si cette lettre ne formule aucun grief à l'encontre de Sogec, il résulte de la correspondance échangée entre les parties depuis juin 1989 que Fiatgeotech reprochait en réalité à Sogec de ne pas lui avoir fourni de garanties bancaires suffisantes compte tenu d'une situation financière qu'elle estimait peu satisfaisante.

Considérant que l'article 2 des contrats de concession exclusive est ainsi rédigé : "sans préjudice de ce qui est prévu à l'article 16, le présent contrat pourra être résilié à tout moment d'une façon ordinaire par une des deux parties, sans indemnité d'aucune sorte à quelque titre que ce soit, en notifiant à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un préavis d'au moins un an".

Considérant que si sans en indiquer expressément les motifs, le concédant est en droit de rompre le contrat à durée indéterminée, il doit le faire sans commettre d'abus et en respectant l'obligation générale de loyauté édictée par l'article 1134 alinéa 3 du Code civil.

Considérant par ailleurs que le concédant ne peut modifier sans l'accord du concessionnaire les conditions d'exécution du contrat au cours du préavis sauf à démontrer que le concessionnaire ne respecte pas ses propres obligations.

Considérant qu'en l'espèce Sogec ne peut valablement soutenir que Fiatgeotech a abusé de son droit en résiliant les contrats sans tenir compte des frais considérables engagés par Sogec au cours des deux exercices précédents et qu'elle aurait exigés d'elle.

Considérant en effet que Sogec ne démontre pas avoir réalisé comme elle le prétend 6.300.000 F d'investissements.

Considérant que si les mesures arrêtées en septembre 1985 d'un commun accord prévoyaient notamment l'abandon de l'implantation de Lesparre, une reconversion rapide de l'organisation commerciale et technique de l'activité machines à vendanger, le renforcement de la structure de direction de Libourne, la création d'une base de vente et d'après-vente à Blaye ou environ, elles n'imposaient nullement à Sogec de réaliser des investissements immobiliers à Libourne et à Teuillac.

Considérant au surplus qu'aucun document comptable certifié conforme n'est produit sur ce point et qu'il apparaît que partie de ces investissements aurait été réalisée par des sociétés distinctes la SARL Sogena et la SCI Bersol avec lesquelles Fiatgeotech n'entretient aucune relation contractuelle.

Considérant enfin qu'ainsi que le soulignent les premiers juges, ces mesures arrêtées en commun et acceptées par Sogec ont eu pour contrepartie une exclusivité sur 48 cantons à laquelle s'ajoutait une exclusivité sur 15 cantons dans la meilleure région viticole de France pour les produits Braud.

Considérant que Sogec ne démontre pas davantage que Fiatgeotech ait cherché de façon illégitime à intervenir auprès de M. Dubois pour qu'il cède Sogec à la société Chambon.

Considérant en effet que les pièces versées aux débats sur ce point Sogec ne sont pas pertinentes.

Qu'il ne peut être déduit du fait qu'une réunion s'est tenue le 18 mai 1989 à l'hôtel Mercure de Bordeaux à l'initiative de Fiatgeotech (la facturation lui ayant été adressée) en présence de Chambon, de son expert comptable et de M. Dubois, de son expert comptable et de son gendre que l'intimée ait cherché à faire pression sur M. Dubois pour qu'il vende Sogec à Chambon.

Considérant que Sogec ne produit aucun courrier de Fiatgeotech ou de Chambon faisant état d'une quelconque proposition chiffrée d'achat.

Qu'il peut toutefois être déduit des termes de la lettre adressée le 15 juin 1989 à Sogec par Fiatgeotech que cette dernière souhaitait restructurer son implantation en Gironde et dans ce but inciter Sogec à fusionner avec Chambon qu'elle avait visiblement déjà contacté.

Considérant sur le paiement des matériels que les conditions de vente des machines à vendanger pour la campagne 1989 (1/11/88 au 31/10/89) prévoyaient le règlement de la TVA à 30 jours fin de mois date de facturation par prélèvement bancaire et le règlement du solde par traite acceptée à échéance du 20 décembre 1989.

Or, considérant que par lettre en date du 15 juin 1989 Fiatgeotech a exigé de Sogec quelques jours avant que les premières machines à vendanger ne soient livrées, la constitution de garanties bancaires à hauteur de 5 millions.

Que par ailleurs elle demandait qu'au delà des 10 premières machines, le paiement par effets clients ou effets Sogec soient avalisés par un banque.

Considérant que les explications de Fiatgeotech selon lesquelles ces mesures procédaient de préoccupations financières légitimes de sa part liées d'une part au bilan de la Sogec au 31 décembre 1988 d'autre part à l'importance de l'encours des machines à vendanger prévisible sur le deuxième semestre 1989 ne peuvent être suivies.

Considérant en effet que si les parties se sont réunies au cours du 1er semestre 1989 pour étudier le bilan exercice 1988 de Sogec et si cette société a effectivement proposé en juillet 1989 de réduire ses frais généraux et de consolider ses fonds propres par un apport de deux millions de francs, il n'en demeure pas moins que l'analyse de ce bilan faite par le Banque de France souligne une bonne maîtrise des besoins en fonds de roulement, précise que l'entreprise dégage des liquidités suffisantes pour couvrir les prélèvements obligatoires et une partie des investissements nets.

Que les statistiques Fiatgeotech 1988 et l'analyse comparative et sélective par elle effectuée établissent au surplus que Sogec, qui a un taux de pénétration du marché supérieur à la moyenne, n'est pas plus endettée que la moyenne.

Que par ailleurs il est expressément mentionné que si sa capacité de remboursement est faible cela s'explique par les investissements récents qui devraient permettre d'atteindre un chiffre d'affaires supérieur et donc une amélioration sensible de la capacité de remboursement.

Que sur ce point Fiatgeotech aurait dû être pleinement apaisée au vu des prévisions 1989, établies en mai 1989, et examinées avec l'intimée courant juin 1989 et qui faisaient ressortir un résultat d'exploitation de 2.380.000 F.

Que d'ailleurs Fiatgeotech ne pouvait contester à cette date le sérieux de ces prévisions, Sogec lui ayant transmis au 9 janvier 1989, 49 commandes de machines à vendanger (contre 33 ventes sur toute l'année 1988).

Que l'accroissement du chiffre d'affaires de son concessionnaire ne pouvait donc que la sécuriser.

Considérant par ailleurs que Fiatgeotech a pris ces mesures drastiques en juin 1989 alors que Sogec n'avait à cette date aucun impayé et que l'encours sollicité était sensiblement équivalent à celui de 1988 année au cours de laquelle l'intimée s'est contentée à titre de garantie de la caution personnelle de M. Dubois à hauteur de deux millions de francs toujours en vigueur en 1989.

Considérant que Fiatgeotech ne peut valablement soutenir que Sogec a admis la légitimité de ces demandes de garanties.

Qu'en effet par lettre du 20 juillet 1989, l'appelante s'étonnait des motifs pour lesquels tout crédit fournisseur lui était supprimé.

Que dès lors qu'elle voulait exécuter auprès de ses clients les commandes qu'elle avait prises, elle ne pouvait que satisfaire aux exigences de Fiatgeotech.

Considérant que le fait que ses partenaires financiers lui aient accordé immédiatement pour l'un une caution de trois millions de francs (Sovac) et pour l'autre une caution de deux millions de francs ainsi qu'un crédit de campagne de deux millions (Crédit du Nord) témoigne de ce que sa situation financière ne suscitait pas d'inquiétudes particulières de la part de tiers particulièrement avisés.

Que Fiatgeotech ne peut tirer argument du fait que les garanties données par le Crédit du Nord étaient limitées au 31 décembre 1989 et aux machines à vendanger dès lors que dans sa lettre du 15 juin 1989 elle avait simplement sollicité une caution à concurrence de la facturation des 10 premières machines à vendanger.

Considérant enfin que Fiatgeotech ne peut valablement soutenir le fait que Sogec n'ait pu honorer à leur échéance 10 lettres de change d'un montant de 4 millions confirme que sa situation financière était des plus fragiles.

Considérant en effet qu'il résulte des pièces mises au débat que Sogec disposait des fonds nécessaires pour régler cette somme mais qu'en raison du différend l'opposant à Fiatgeotech elle s'est fait autoriser à pratiquer une saisie conservatoire entre ses mains pour la somme de 4.600.000 F.

Considérant qu'en ce qui concerne la violation par Fiatgeotech au cours du préavis de l'exclusivité consentie à Sogec qu'il est établi par les pièces mises au débat que dès octobre 1989 Fiatgeotech a laissé se propager l'annonce de la rupture de ses relations avec Sogec et a habilité d'autres concessionnaires pour démarcher sur le secteur de Sogec, alors que le préavis expirant normalement le 15 octobre 1990 l'appelante était en droit de prendre jusqu'à cette date des commandes(lettres Union des Coopératives Forestières d'Aquitaine, MM. Schieber et Darbonne).

Que de même Fiatgeotech ne peut sérieusement prétendre qu'elle ignorait que les Etablissements Chambon par l'intermédiaire de la Motoculture d'Aquitaine aient exposé les 11 et 12 novembre 1989 du Matériel Fiatagri et Braud à la foire de Libourne secteur concédé à Sogec.

Qu'il résulte du constat d'huissier dressé sur le stand de Motoculture d'Aquitaine que ces matériels étaient neufs et non immatriculés et portaient des étiquettes Chambon SA.

Considérant que M. Chambon concessionnaire Fiatgeotech à Bergerac et Mussidan et qui était devenu le 31 août 1989 Président Directeur Général de Motoculture d'Aquitaine, société implantée à Libourne et concessionnaire Massey Fergusson, marque concurrente de Fiatgeotech, n'a pu exposer sous l'enseigne Motoculture d'Aquitaine du matériel Fiat et Braud neuf qu'avec le concours de Fiatgeotech étant ici rappelé que l'intimée l'avait dès le deuxième trimestre 1989 pressenti pour représenter ses marques sur le secteur concédé à Sogec avec ou sans l'accord de cette dernière (lettre du 15 juin 1989).

Que dans ces conditions en favorisant de telles atteintes à l'exclusivité, Fiatgeotech, n'a pas respecté les termes des contrats en cours de préavis et a cherché à donner en fait un effet immédiat à sa décision de résiliation, privant ainsi Sogec de tout préavis effectif.

Considérant ne revanche que la lettre de l'expert comptable de Sogec en date du 19 novembre 1989 lequel ne fait que relater des faits dont il n'a pas été un témoin direct, n'établit pas, à défaut d'éléments objectifs complémentaires, que Fiatgeotech soit directement intervenue auprès de M. Ricard, salarié de Sogec pour qu'il démissionne et se mette au service de la Société Chambon.

Considérant de même que Sogec ne peut faire grief à Fiatgeotech d'avoir à compter de janvier 1990 subordonné toute nouvelle livraison à l'envoi préalable d'un chèque de banque et repris les matériels confiés en dépôt.

Considérant en effet que le 29 décembre 1989 Sogec informait Fiatgeotech de ce qu'elle ne procéderait à aucun règlement dans l'attente de l'issue de la procédure engagée.

Que quelques jours auparavant, après avoir refusé d'honorer à leur échéance dix lettres de change acceptées par elle représentant une somme de 4.076.232,05 F due pour des matériels livrés, elle se faisait autoriser à pratiquer une saisie conservatoire entre ses mains pour la somme de 4.600.000 F alors qu'elle était redevable à Fiatgeotech de la somme susvisée.

Qu'enfin Sogec faisait interdiction le 29 décembre 1989 à la Sovac et au Crédit du Nord d'honorer leurs engagements de caution.

Que dans ces conditions l'attitude adoptée par Sogec à compter de décembre 1989 autorisait également Fiatgeotech à ne pas poursuivre l'exécution du préavis.

III - Sur les conséquences juridiques

Considérant que les agissements de Fiatgeotech tels qu'analysés ci-dessus démontrent que cette société a exigé sans motifs légitimes des garanties supplémentaires de Sogec dans le but non avoué de la déstabiliser financièrement afin de l'inciter à se rapprocher d'un autre concessionnaire Chambon.

Qu'elle a usé de sa faculté de résiliation sans respecter l'obligation générale de loyauté édictée par l'article 1134 du Code civil.

Considérant en revanche que Fiatgeotech étant en droit de résilier le contrat avec un préavis d'un an sans avoir à justifier de motifs et Sogec ayant quant à elle contrevenu à compter de décembre 1989 à ses obligations contractuelles, l'appelante est mal fondée à demander à la Cour de prononcer la résiliation des contrats aux torts exclusifs de Fiatgeotech.

IV - Sur le préjudice

Considérant que doit donner lieu à indemnisation exclusivement le préjudice né des faits ci-dessus analysés.

Qu'il doit toutefois être tenu compte de ce que le préavis n'a pu se poursuivre jusqu'à son terme en raison du comportement adopté par Sogec à compter de décembre 1989.

Considérant en premier lieu que l'exigence de garanties bancaires injustifiées a généré des frais financiers supplémentaires pour Sogec.

Que la violation par Fiatgeotech de l'exclusivité territoriale dont bénéficiait Sogec et l'annonce dès le quatrième trimestre 1989 de ce que Fiatgeotech entendait rompre ses relations contractuelles avec Sogec n'ont pu que gêner cette dernière dans ses relations avec la clientèle et ont entraîné une perte de chiffre d'affaires, une augmentation des stocks et une baisse des commandes.

Qu'ainsi, il apparaît que la part du chiffre d'affaires qui aurait dû être d'après les prévisions remises en juin 1989 à Fiatgeotech pour le quatrième trimestre de 30 % pour les tracteurs et 20 % pour les machines à vendanger est tombée respectivement à 13 % et 6 %.

Que le nombre de commandes au cours de cette même période a très fortement diminué par rapport à 1988 alors que le début de l'année 1989 avait été des plus prometteurs pour Sogec.

Que même si l'évolution de ces chiffres n'était pas indépendante d'autres éléments en rapport avec la gestion ou la conjoncture économique il est indéniable que la gestion de déstabilisation financière mise en place par Fiatgeotech et l'élimination progressive de Sogec du marché sont essentiellement à l'origine de ces baisses.

Considérant par ailleurs qu'en mettant fin dans les conditions rappelées plus haut à une collaboration remontant à 1962 (date non contestée par Fiatgeotech), l'intimée a porté atteinte à la réputation commerciale de l'appelante.

Considérant en revanche que Sogec ayant adopté à compter de décembre 1989 une attitude très condamnable en refusant de payer une quelconque somme à Fiatgeotech et en faisant interdiction aux organismes bancaires d'honorer leurs engagements à l'égard de l'intimée, elle ne peut solliciter réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la rupture des conventions avant l'expiration du préavis.

Que dans ces conditions, la Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour, sans recourir à une mission d'expertise, fixer le préjudice subi par Sogec à la somme de 1 million de francs.

V - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que Fiatgeotech qui succombe sera déboutée de sa demande de ce chef.

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable que la Société Sogec supporte la charge intégrale des frais hors dépens par elle engagés en première instance et en appel.

Qu'il convient en conséquence de lui allouer la somme de 20.000 F.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a sur la demande reconventionnelle de la Société Fiatgeotech ordonné avant dire droit une expertise, Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, Donne acte à la Société Sogec de ce qu'elle se réserve de faire valoir, dans le cadre de l'instance en cours devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, tous moyens qu'elle jugera utiles d'opposer à Fiatgeotech au titre de la facture n° 099.033, Condamne la Société Fiatgeotech à payer à la Société Sogec : - la somme de 1.190.787 F au titre de la prime Full Line de l'exercice 1988 avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 1989, - la somme de 1 million de francs à titre de dommages-intérêts, - la somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande des parties, Condamne la Société Fiatgeotech aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Roblin Chaix de Lavarenne, Avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.