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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 27 janvier 1993, n° 879-91

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Poublanc

Défendeur :

Labat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouscharain

Conseillers :

M. Martin, Mlle Courbin

Avoués :

Mes Fournier, Rivel

Avocats :

Mes Duluc, Jais, Guignard.

TI Bordeaux, du 7 déc. 1990

7 décembre 1990

Vu le jugement rendu le 7 décembre 1990 par le Tribunal d'instance de Bordeaux et dont M. Poublanc a relevé appel le 26 février 1991,

Vu les conclusions déposées pour l'appelant le 26 juin 1991 et pour M. Jean-Louis Labat, intimé, le 4 septembre 1991 ;

Attendu que M. Poublanc est propriétaire de locaux situés 4 avenue du Château à Labrède donnés à bail à usage commercial à M. Jean-Louis Labat selon contrat du 1er juin 1984 moyennant un loyer annuel de 12 000 F;

Attendu que par jugement déféré, le tribunal déboutait M. Poublanc de sa demande en résiliation du bail aux torts de M. Labat pour non-respect de la clause du bail lui interdisant de sous-louer ou de prêter les lieux loués, le contrat de location-gérance conclu entre M. Jean-Louis Labat et la SARL Coiffure Jean-Louis s'analysant en une mise à disposition de la SARL du fonds de commerce et location d'un immeuble incorporel, et ne constituant pas une sous-location interdite, M . Jean-Louis Labat restant personnellement responsable envers le bailleur des obligations incombant au preneur, faute de preuve en outre que le contrat de location-gérance est une sous-location déguisée ;

Que le tribunal condamnait M. Poublanc à payer à M. Labat 3 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens ;

Attendu que M. Poublanc demande la réformation de cette décision soutenant que par suite de la conclusion d'un contrat de location-gérance passé entre Jean-Louis Labat et son père Marc Labat n'exploite plus personnellement le fonds de commerce, que le contrat de location-gérance constitue en fait une location déguisée ;

Que M. Poublanc demande la remise des lieux loués à sa disposition dans la quinzaine de jours de l'arrêt à intervenir, la condamnation de M. Jean-Louis Labat à lui payer 10 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que M. Jean-Louis Labat conclut au débouté des demandes de M. Poublanc, soutenant que l'opération juridique réalisée entre la SARL Coiffure Jean-Louis et M. Labat est bien une opération de location-gérance qui reçoit exécution, qu'il demeure donc titulaire du bail commercial et paye les loyers à M. Poublanc, qu'en outre le contrat de bail ne fait aucune obligation d'exploitation personnelle que M. Poublanc ne peut donc se prévaloir d'aucune violation des dispositions contractuelles ; qu'il demande 10 000 F à titre de dommages-intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes du bail du 7 mai 1984 M. Poublanc " le bailleur " donnait à bail à loyer à titre commercial à M. Jean-Louis Labat un local commercial situé 4 avenue du Château à Labrède, consacré à l'activité de " salon de coiffure et divers " moyennant un loyer annuel de 12 000 F ; que le 12e alinéa des " charges et conditions générales " de ce bail interdit formellement au preneur " de sous-louer ou prêter les lieux en tout ou partie, même pour un court délai et à titre gracieux ";

Attendu que par acte sous seing privé du 20 décembre 1989 les époux Jean-Louis Labat et les époux Marc Labat établissaient les statuts d'une société " Coiffure Jean-Louis " SARL ayant pour objet un salon de coiffure mixte, son siège social étant fixé 4 avenue de Château à Labrède, le premier gérant nommé par ces statuts, sans limitation de durée, étant Jean-Louis Labat ;

Que par acte sous seing privé du même jour, les époux Jean-Louis Labat concédaient à M. Marc Labat agissant en qualité de représentant de la SARL Coiffure Jean-Louis, conformément aux dispositions de la loi du 20 mars 1956, la location-gérance du fonds artisanal de coiffure, dont " le droit à l'occupation et à la jouissance des locaux dans lesquels est exploité le fonds ", moyennant une redevance annuelle de 54 000 F ;

Que le 1er janvier 1990 la SARL Coiffure Jean-Louis engageait Jean-Louis Labat en qualité de " gérant technique " ;

Attendu qu'à l'acte de " location-gérance " du 20 décembre 1989 est annexée " la déclaration de cessation d'exploitation d'un établissement " déposée le 11 janvier 1990 au nom de M. Marc Labat, artisan devenu " loueur de fonds " au profit de la SARL Coiffure Jean-Louis locataire-gérant ; qu'est produite également la publicité faite du contrat de location-gérance, l'avis ayant pour but de prévenir les tiers de ce que la SARL Coiffure Jean-Louis serait désormais seule responsable de l'exploitation du fonds de commerce dans les termes de la loi du 20 mars 1956, qu'en effet aux termes de l'acte le locataire-gérant exploite le fonds loué pour son compte personnel et à ses entiers risques et périls, que la SARL occupe donc les locaux appartenant à M. Poublanc, acquitte " toutes dettes et charges de toutes natures relatives à l'exploitation " du fonds, comprenant donc le local, qu'elle s'engage par ailleurs à entretenir en bon état ; que désormais elle assume toutes les responsabilités d'exploitation du fonds, y compris celles de locataire des murs abritant celui-ci ; que la redevance annuelle payée à son loueur Jean-Louis Labat comprend donc le prix du loyer ; qu'il y a dès lors violation de l'interdiction faute au locataire Jean-Louis Labat par le bailleur de sous-louer; qu'en toute hypothèse, en admettant qu'il s'agisse d'une simple mise à disposition du local, celle-ci est également expressément interdite par la convention liant les parties;

Attendu que M. Poublanc est fondé pour ce motif à demander l'application de la clause résolutoire insérée au bail, dont les termes sont énoncés dans la mise en demeure du 20 avril 1990 faite par huissier et enjoignant à M. Labat de mettre fin à l'infraction visée dans le délai d'un mois passé lequel délai, à défaut de rétablissement de la situation antérieure, il se prévaudrait de la clause résolutoire conformément au décret du 30 septembre 1953;

Attendu ainsi, que la décision déférée doit être réformée, la preuve d'une sous-location interdite par le bail étant rapportée; qu'il est fait droit à la demande de M. Poublanc en résiliation du bail avec restitution à son profit des lieux loués ;

Qu'en l'absence de justificatif du préjudice invoqué, sa demande de dommages-intérêts est rejetée ;

Attendu que les entiers dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par M. Jean-Louis Labat, partie perdante ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Poublanc la totalité des frais irrépétibles de procédure qu'il a dû engager ;

Par ces motifs : LA COUR, Déclare M. Poublanc recevable et fondé en son appel, Réforme la décision déférée et, statuant à nouveau, résilie le contrat de bail consenti par M. Poublanc le 7 mai 1984 aux torts de M. Jean-Louis Labat, Dit que les lieux loués situés à Labrède, 4 avenue du Château doivent être remis à la disposition de M. Poublanc dans le mois de la présente décision, Déboute M. Poublanc de sa demande de dommages-intérêts, Condamne M. Jean-Louis Labat à payer à M. Poublanc 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne en tous les dépens, application étant faite des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.