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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 18 février 1993, n° 90-5493

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Girard Diffusion (SARL)

Défendeur :

Foir'Fouille (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gadel

Conseillers :

MM. Derdeyn, Thibault-Laurent

Avoués :

SCP Nègre, SCP Salvignol

Avocats :

Mes Fontaine, Denel.

T. com. Montpellier, du 2 oct. 1990

2 octobre 1990

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 25 juillet 1989 qui, sur l'action en violation d'une clause de non-concurrence introduite à la requête de la société Stock Sud, avait donné acte à cette dernière de son désistement d'instance à l'égard de Charles et Lucien Girard et avait écarté l'exception d'incompétence soulevée par la société Girard Diffusion,

Vu l'arrêt en date du 1er mars 1990 qui, sur contredit élevé par la société Girard Diffusion, avait confirmé le jugement du 25 juillet 1989,

Vu l'arrêt rendu le 20 octobre 1992 par la Cour de Cassation qui avait rejeté le pourvoi formé par la société Girard Diffusion, à l'encontre de l'arrêt précité,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 2 octobre 1990 qui, statuant au fond, avait :

- ordonné la fermeture du magasin exploité à Montélimar à l'enseigne " Magic Fouille " sous astreinte définitive de 10 000 F par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours suivant la signification de la décision,

- condamné la société Girard Diffusion et les consorts Girard à ne pas s'intéresser sous quelque forme que ce soit, fut-ce comme conseil, directement ou indirectement à une entreprise similaire à celle exploitée par la société Stock Sud, et ce pendant deux années à compter du jugement,

- condamné la société Girard Diffusion et les consorts Girard à payer à la société Stock Sud les sommes de :

50 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de la clause de non-concurrence,

100 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de franchise résilié aux torts du franchisé,

59 750,92 F au titre des marchandises restées impayées, avec les intérêts légaux à compter de l'assignation,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- alloué à la société Stock Sud la somme de 10 000 F sur le fondement des disposition de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamné la société Girard Diffusion et les consorts Girard à restituer, sous astreinte non comminatoire de 100 F par jour de retard courant à compter de la signification du jugement les documents, imprimés, produits et matériels portant le signe la " Foir'Fouille " ou créés par Stock Sud pour les besoins de ses magasins,

Vu l'arrêt en date du 10 septembre 1992 qui, sur appel interjeté par la société Girard Diffusion et les consorts Girard, a :

- constaté que par jugement du 25 juillet 1989, le Tribunal de commerce de Montpellier avait donné acte à la société Stock Sud de son désistement d'instance à l'égard des consorts Girard et mis, en tant que de besoin, les consorts Girard hors de cause,

- annulé toutes les condamnations prononcées le 2 octobre à l'encontre des consorts Girard,

- déclaré recevables les demandes de la société Girard tendant au sursis à statuer et à sa mise hors de cause,

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- avant dire droit pour le surplus, ordonné la réouverture des débats à l'audience du 26 janvier 1993,

Vu l'exposé des faits et des prétentions et moyens des parties tel que développé dans l'arrêt précité,

A la suite de l'arrêt, les parties n'ont pas conclu à nouveau.

Attendu qu'il y a lieu de statuer sur l'action de la société Stock Sud devenue société Foir'Fouille à l'encontre de la société Girard Diffusion ;

Attendu que la société Girard Diffusion conteste présentement s'être substituée aux consorts Girard ;

Mais attendu que dans son arrêt du 1er mars 1990, la Cour a déjà estimé que la société Girard Diffusion ne pouvait prétendre qu'elle n'était pas engagée par le protocole d'accord du 14 novembre 1987, après avoir relevé qu'en première instance il n'était contesté par aucune des parties que la société Girard Diffusion s'était substituée aux consorts Girard pour exploiter à Montélimar le fonds de commerce à l'enseigne " Foir'Fouille " ;

Attendu, en tant que de besoin, qu'avant leur mise hors de cause, les consorts Girard n'ont désigné aucune autre personne morale que la société Girard Diffusion, représentant la " future structure juridique " pour le compte de laquelle ils agissaient lors de la signature du protocole d'accord ;

Attendu que dans son arrêt du 10 septembre 1992, la Cour a demandé la production d'un extrait Kbis récent de la société appelante en vue de vérifier l'implantation de celle-ci à Montélimar ;

Attendu que l'extrait du registre du commerce délivré le 1er décembre 1992 par le greffe du Tribunal de commerce de Nîmes fait apparaître la société Girard Diffusion comme une SARL dont le siège social se tient à Pont-Saint-Esprit (Gard) et dont l'objet social et l'activité exercée sont la vente et l'importation de meubles, articles d'ameublement, cuisines, électroménager, décoration et tous accessoires et agencement de la maison ; que l'extrait révèle que le principal établissement se tient 6, rue des Capucins à Pont-Saint-Esprit, et qu'il existe un établissement secondaire 47, route de Nîmes à Bagnols-Sur-Cèze (Gard) ; que, par contre, aucun autre établissement secondaire n'apparaît à Montélimar ;

Mais attendu que la Cour ne saurait se limiter dans ses investigations à un simple extrait du registre du commerce, alors que toute société est susceptible de dissimuler un établissement secondaire qu'elle ne désire pas reconnaître d'une manière officielle ;

Attendu que la société Foir'Fouille produit un télex adressé le 25 janvier 1989 à Louis Navarro, Président-Directeur Général de cette société, et ainsi libellé :

" Ici Girard Diffusion 26200 Montélimar ... Monsieur, pour faire suite à notre télex d'hier 24 janvier, nous constatons aujourd'hui encore n'avoir reçu aucun courrier de votre part relatif aux opérations publicitaires en préparations " ; que, d'autre part, tous les contrats préparés par la société Foir'Fouille et proposés à la signature de la société appelante portent l'intitulé suivant : " Conventions La Foir'Fouille entre Stock Sud SA et Girard Diffusion SARL pour l'exploitation d'un magasin La Foir'Fouille à Montélimar " ; que, de surcroît, il figure dans le dossier versé aux débats par la société appelante de nombreux imprimés aux lettres vertes et marron et à l'entête : " Girard Diffusion Route de Marseille 26200 Montélimar ", notamment un courrier adressé le 17 décembre 1990 par celle-ci à son avocat Me Fontaine ;

Attendu, ainsi, que c'est bien la société Girard Diffusion que les consorts Girard se sont substitués pour l'exploitation d'un magasin " Foir'Fouille " à Montélimar et qu'elle est tenue par le protocole d'accord du 1er novembre 1987 ;

Attendu que le protocole d'accord stipule : " Messieurs Girard ont en main le projet définitif de contrat " et " dans l'attente, le contrat joue dans l'intégralité de ses termes " ; que s'il est constant que par la suite aucun des contrats proposés par la société Stock Sud n'a été signé par la société appelante, il n'en demeure pas moins, d'une part, que contrairement à ses allégations, la société Girard Diffusion était devenue le franchisé de la société Stock Sud du fait que le protocole énonçait : " Stock Sud a accepté la candidature de Messieurs Girard qui deviennent donc le partenaire de la Foir'Fouille de Montélimar ", d'autre part que la société Girard Diffusion était tenue aux obligations stipulées à la charge du franchisé par le contrat de franchise-type en date du 14 novembre 1987 remis par la société Stock Sud aux consorts Girard ; qu'il importe peu que les consorts Girard n'aient pas signé ce contrat dans la mesure où ils ont signé le protocole d'accord, stipulant que " dans l'attente, le contrat joue dans l'intégralité de ses termes " ; qu'il est d'évidence qu'un autre contrat, mieux adapté à la situation de la société Girard Diffusion, devait être ultérieurement signé par les parties et se substituer au premier, ce qui explique que la société Stock Sud en ait fait parvenir plusieurs à la société appelante, étant rappelé qu'elle n'en a finalement signé aucun ;

Attendu, sur la rupture des relations contractuelles, qu'il y a, en premier lieu, le refus de la société Girard Diffusion de signer l'un des contrats de franchise, en dépit d'une mise en demeure de signer le contrat sous quinzaine adressée le 22 décembre 1988 par lettre recommandée avec avis de réception par la société Stock Sud ; que le 19 décembre 1988, le conseil des consorts Girard avait écrit à cette dernière que ceux-ci envisageaient " de ne pas donner suite aux pourparlers envisagés ", ce qui traduit la rupture ; qu'en second lieu, dans la mesure où dans l'immédiat, le contrat jouait dans son intégralité, les consorts Girard s'étaient engagés ès-qualités pour une durée de trois années à compter du 1er avril 1988 ; que le contrat de franchise ne pouvait, aux termes de l'article 10, être résilié que par lettre recommandée avec avis de réception adressée au moins six mois à l'avance ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que le contrat de franchise devait être résilié aux torts du franchisé ; que la décision attaquée doit être confirmée de ce chef ;

Attendu que cette rupture abusive mérite réparationet que le tribunal a alloué de ce chef la somme de 100 000 F ; que la société Foir'Fouille réclame paiement de 300 000 F ; que les relations contractuelles se sont échelonnées du 1er avril 1988 à janvier 1989, donc pendant dix mois; que la durée du contrat état prévue pour trois ans, la société Foir'Fouille a été privée du versement des redevances pendant vingt-six mois, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de 200 000 F;

Attendu que la société Girard Diffusion réclame le remboursement des deux tiers de la redevance du premier trimestre 1989, soit la somme de 56 267,78 F, admettant ainsi que la rupture effective des relations contractuelles est intervenue le 1er février 1989, date qu'il convient de retenir à défaut de contestation de la part de la société intimée ; que la société appelante n'était donc plus redevable de la redevance pour les mois de février et mars 1989 ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de la société Girard Diffusion et de constater la compensation ;

Attendu, sur la violation de la clause de non-concurrence, que le contrat de franchise stipulait à l'article 7 intitulé " clause de non-concurrence " qu'en cas de rupture de la convention, le franchisé s'engageait " à ne pas s'intéresser sous quelque forme que ce soit, ... directement ou indirectement, à une entreprise similaire dans une zone territoriale désignée à l'article 1, et ce pendant une période de deux ans " ; qu'il n'est pas contesté par la société appelante qu'elle a ouvert, le 1er mars 1989, à Montélimar, un fonds de commerce à l'enseigne " Magic Fouille " exerçant la même activité ; qu'ultérieurement, l'enseigne a été modifiée pour devenir " Big Bidule " ainsi qu'il résulte d'un procès-verbal de constat dressé le 22 novembre 1990 par Me Ponseti, huissier de justice à Montélimar ; que l'infraction à la clause de non-concurrence est ainsi caractérisée ; que le tribunal a alloué à cet égard à la société Foir'Fouille une indemnité de 50 000 F ; que la société intimée réclame à ce titre devant la Cour la somme de 200 000 F ; qu'il convient d'observer que l'interdiction d'exercer, après la rupture des relations contractuelles, une activité similaire est limitée à deux ans ; que le préjudice subi par la société Foir'Fouille s'applique à une durée de deux ans ; qu'il est équitable d'allouer à ce titre à la société intimée une indemnité de 150 000 F ;

Attendu que le terme de la période d'interdiction étant atteint, il n'y a pas lieu d'ordonner la fermeture du magasin et d'enjoindre aux consorts Girard ne plus s'intéresser sous quelque forme que ce soit à une entreprise similaire, ainsi qu'en avait décidé le tribunal ;

Attendu, par ailleurs, qu'il résulte d'une attestation délivrée par Me Ponseti, huissier de justice à Montélimar, que Lucien Girard lui a restitué un paquet d'enveloppes à l'entête de la Foir'Fouille, du papier à entête de celle-ci, des cartes bristol à l'entête de celle-ci, un album photographique et la bible de la Foir'Fouille ; que la disposition du jugement tendant à la restitution de ces documents n'a plus lieu d'être maintenue ;

Attendu, d'autre part, que le tribunal a également condamné la société Girard Diffusion à payer à la société intimée la somme de 59 750,92 F au titre des marchandises restées impayées ; qu'aucune contestation n'étant, à cet égard, élevée par la société appelante, la décision attaquée doit être confirmée de ce chef ;

Attendu que les dépens d'appel doivent suivre le sort du principal ; que l'allocation de la somme de 10 000 F à la société intimée au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile par les premiers juges doit être confirmée, mais qu'il y a lieu de préciser qu'elle couvre tant les frais non compris dans les dépens exposés en première instance que ceux exposés en appel ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Vu l'arrêt en date du 10 septembre 1992 ; Dit que les consorts Girard se sont substitués à la société Girard Diffusion comme co-contractants de la société Foir'Fouille dans le protocole d'accord signé le 14 novembre 1987 ; Dit que la société Girard Diffusion et la société Foir'Fouille étaient liées par un contrat de franchise ; Prononce aux torts de la société Girard Diffusion la résiliation du contrat de franchise ; Dit que cette résiliation est intervenue le 1er février 1989 ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Girard Diffusion à payer à la société Foir'Fouille la somme de 59 750,92 F au titre des marchandises restées impayées, et ce avec les intérêts de droit à compter de l'assignation et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Réformant pour le surplus la décision entreprise et statuant à nouveau ; Condamne la société Girard Diffusion à payer à la société Foir'Fouille la somme de 200 000 F en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de franchise et celle de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence ; Condamne la société intimée à rembourser à la société Girard Diffusion la somme de 56 267,78 F au titre de la redevance payée pour les mois de février et mars 1989 ; Constate la compensation des créances réciproques ; Dit n'y avoir lieu à fermeture du magasin exploité à Montélimar sous l'enseigne " Magic Fouille " puis " Big Fouille " ; Dit n'y avoir plus lieu d'interdire aux consorts Girard de s'intéresser sous quelque forme que ce soit à une entreprise similaire à celle exploitée par la société Foir'Fouille ; Constate que les documents revendiqués par la société Foir'Fouille lui ont été restitués ; Condamne la société Girard Diffusion aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu à allocation d'une indemnité supplémentaire en appel au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Autorise la SCP Salvignol-Guilhem, Avoués associés, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle fait l'avance sans avoir reçu provision.