CA Lyon, 3e ch., 26 février 1993, n° 91-05494
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Guy Foglino Wein Import (Sté)
Défendeur :
David et Foillard (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Durand
Conseillers :
M. Roux, Mme Robert
Avoués :
SCP Brondel-Tudela, Me Guilhem
Avocats :
Mes Delmas, Klima.
Faits procédure et moyens des parties
M. Guy Foglino et la société David et Foillard négociant en vins ont conclu un contrat en date du 28 décembre 1982 intitulé "contrat de représentant".
Aux termes de cette convention M. Foglino se voyait confier la représentation et la distribution de la gamme complète des vins de la société David et Foillard dans le land de Bavière et la zone de Berlin en Allemagne.
Il s'engageait à ne pas agir pour le compte d'aucune autre maison exportant des vins de la même gamme sans l'accord de la société David et Foillard.
Sa rémunération était constituée par des commissions sur les ventes réalisées.
Aux termes de l'article 3 de la convention le contrat prenait effet à compter du 1er janvier 1983 pour une période d'essai se terminant le 31 décembre 1983.
Aux termes de l'article 4 il était reconduit tacitement chaque année sauf volonté expresse de l'une des parties, à charge pour elle de notifier sa décision à l'autre partie par lettre recommandée avec un préavis de trois mois.
Aucune indemnité de rupture n'était prévue.
L'article 9 précisait que le droit français s'appliquait en cas de litige.
Par lettre recommandée en date du 13 mars 1989 adressée à M. Foglino, la société David et Foillard, se référant expressément à l'article 4 de la convention dénonçait le contrat en visant le préavis contractuel de trois mois.
M. Foglino sollicitait par lettre une indemnité de clientèle.
La société David et Foillard répondait qu'elle n'acceptait de régler aucune indemnité et faisait savoir à M. Foglino qu'elle lui reprochait d'avoir travaillé pour des maisons concurrentes.
Par acte en date du 3 mai 1990 M. Guy Foglino assignait la société David et Foillard devant le Tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir sa condamnation à lui payer 42 960 F à titre d'indemnité de rupture et 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il exposait qu'il avait contribué à étendre la clientèle de la société David et Foillard et que le contrat du 28 décembre 1982 était un mandat d'intérêt commun ouvrant droit à réparation du préjudice subi en cas de rupture due à la volonté de l'une des parties.
La société David et Foillard résistait à la demande en faisant valoir que la convention du 28 décembre 1982 était un mandat révocable "ad nutum" conformément à l'article 2004 du Code civil, et qu'à supposer qu'il s'agisse d'un mandat d'intérêt commun M. Foglino ne pourrait prétendre à une indemnité qu'en cas de faute de son cocontractant.
Elle exposait qu'elle avait mis fin au contrat en raison de la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé par M. Foglino et du fait qu'il avait travaillé pour un concurrent direct.
Elle concluait au débouté des demandes de M. Foglino et sollicitait sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 9 septembre 1991 le Tribunal de commerce de Lyon a estimé que la convention du 28 décembre 1982 était un mandat d'intérêt commun qui n'écartait pas le droit à indemnité en cas de résiliation.
Le tribunal examinait alors les griefs réciproques adressés par chacune des parties, et relevait que M. Foglino avait commercialisé d'autres produits que ceux de la société David et Foillard et ne démontrait pas qu'il ait obtenu, pour ce faire, l'autorisation de cette dernière.
Le tribunal estimait en conséquence que M. Foglino avait commis une faute et que la société David et Foillard avait à juste titre résilié le contrat tout en respectant les modalités prévues à l'article 4.
Chacune des parties était déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Par acte en date du 18 octobre 1991, M. Foglino a interjeté appel de cette décision.
Il soutient que le contrat du 28 décembre 1982 est un mandat d'intérêt commun régi par le décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 relatif aux agents commerciaux.
Il invoque en conséquence l'application du statut des agents commerciaux et notamment de l'article 3 du décret du précité qui prévoit une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de rupture résiliation par le mandat non justifiée par une faute du mandataire.
Il soutient que le tribunal a outrepassé ses pouvoirs en motivant sa décision sur une faute de sa part alors que société David et Foillard n'invoquait aucune faute dans sa lettre de licenciement du 13 mars 1989.
Il sollicite en conséquence la réformation de la décision et la condamnation de la société David et Foillard à lui verser 42 960 F au titre de l'indemnité prévue à l'article 3 alinéa 2 du décret du 23 décembre 1958, et subsidiairement au titre de la rupture du mandat d'intérêt commun.
Il sollicite en outre une somme de 15 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société David et Foillard répond que le contrat du 28 décembre 1982 n'est ni un mandat d'intérêt commun ni un mandat d'agent commercial.
Elle expose à cet égard que M. Foglino n'a pas été inscrit au registre spécial des agents commerciaux, et qu'il a accepté une réduction de la représentation par suppression de la zone de Berlin alors qu'il n'aurait pas manqué de protester s'il avait été agent commercial.
Elle demande à la Cour de réformer le jugement en ses motivations et de considérer que le mandat était un mandat de droit commun recevable "ad nutum" ; à titre subsidiaire elle sollicite la confirmation du jugement par adoption de motifs sauf à condamner M. Foglino à lui payer 10 000 F à titre de dommages-intérêts et 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Foglino expose qu'il ne pouvait ête immatriculé au registre spécial puisqu'il exerçait à l'étranger dans ses dernières écritures il invoque un arrêt de la Cour de cassation (Chambre Commerciale) du 9 octobre 1990 pour soutenir qu'un agent domicilié à l'étranger et travaillant pour une société française peut bénéficier du statut d'agent commercial même à défaut d'inscription au registre spécial des agents commerciaux, à la seule condition d'être titulaire d'un contrat écrit déterminant les devoirs de l'agent et du mandant, comme c'est le cas en l'espèce.
Discussion
Attendu qu'il résulte du contrat de représentant du 28 décembre 1982 que la rémunération de M. Foglino était constituée par des commissions sur les ventes après paiement des factures au taux de 5 % pour les vins sous verre et 3 % sur le vins en vrac ; que dès lors le mandant comme le mandataire avaient un intérêt commun à l'essor de l'entreprise et au développement de la clientèle ; que ce contrat s'analyse donc comme un mandat d'intérêt commun ;
Attendu que l'article 4 prévoyait une possibilité de résiliation par la volonté de l'une ou l'autre des parties sans indemnité ; que dans sa lettre de rupture du 13 mars 1989, la société David et Foillard a expressément fait référence à l'article 4 et a d'ailleurs observé les formes et conditions qu'il précisait : envoi d'une lettre recommandée et respect d'un préavis de trois mois ;
Attendu que dès lors M. Foglino ne peut prétendre à une indemnité que s'il bénéficie du statut d'agent commercial réglementé par le décret du 23 décembre 1958 dont l'article 3 dispose "que la résiliation du contrat par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute du mandataire, ouvre droit au profit de ce dernier nonobstant toute clause contraire à une indemnité compensatrice du préjudice subi" ;
Attendu qu'il est constant que M. Foglino ne s'est pas fait immatriculer au registre spécial prévu aux articles 4 et 5 du décret précité du 23 décembre 1958 ;
Attendu quel'arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 9 octobre 1990 invoqué par M. Foglino précise que l'agent exerçant à l'étranger peut bénéficier de l'indemnité compensatrice de rupture sans que puisse lui être opposé le défaut d'immatriculation, lorsque cette indemnité est prévue dans les stipulations contractuelles se référant expressément au décret du 23 décembre 1958 ;
Or attendu qu'en l'espèce l'indemnité compensatrice n'est pas prévue dans la convention, et que celle-ci ne fait aucune référence au statut des agents commerciaux ; que la double condition posée par la jurisprudence invoquée n'est donc pas réalisée;
Attendu qu'en définitive M. Foglino était investi d'un mandat d'intérêt commun comportant une clause de résiliation sans indemnité, et n'avait pas la qualité d'agent commercial statutaire ; que dès lors la résiliation réalisée suivant les clauses et les conditions du contrat n'ouvre droit à aucune indemnité compensatrice du préjudice subi ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. Foglino de sa demande en indemnité ;
Attendu qu'il sera également débouté de ses demandes accessoires ;
Attendu que la société David et Foillard ne démontre pas qu'elle ait subi un préjudice justifiant les dommages-intérêts qu'elle sollicite ;
Attendu par contre qu'il est équitable de lui allouer une indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs : LA COUR : Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant : Condamne M. Foglino à payer à la société David et Foillard la somme de cinq mille francs (5 000 F) par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne M. Foglino aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit du Maître Guilhem, Avoué.