CA Paris, 5e ch. B, 5 mars 1993, n° 91-5120
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Volvo Automobiles France (SA)
Défendeur :
Sevi Gualbert (SA), Banque nationale de Paris (SA), Caisse fédérale de Crédit Mutuel de Bretagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Serre
Conseillers :
Mme Garnier, M. Bouche
Avoués :
SCP Teytaud, SCP Roblin-Chaix de Lavarene, Mes Bourdais Virenque, Gibou Pignot
Avocats :
Mes de Richemont, Bourgeon, Moreau, Delauné.
Par contrat du 20 février 1986 à effet du 1er janvier précédent, la société Volvo France, dite (VF) déjà en rapport d'affaires avec la société anonyme Sévi Gualbert depuis 1970, lui concédait à nouveau pour une durée indéterminée le droit de vendre les voitures de tourisme de sa marque dans 29 cantons du Finistère ; à ce contrat de concession exclusive s'adjoignait chaque année, la dernière fois le 1er février 1988, un contrat de dépôt de voitures que passé un délai, le concessionnaire se devait d'acheter.
La concession était résiliable avec un préavis d'une année, Volvo se réservant cependant expressément la possibilité de résilier avec un préavis réduit à 3 mois " dans le cas où le concessionnaire ne réaliserait pas 80 % de ses objectifs de vente de véhicules sur une période quadrimestrielle (4 mois) " (article 6) ; en effet aux termes de l'article 1-5, " le concessionnaire s'engage à s'efforcer de vendre au cours de chaque année civile un nombre minimum de voitures particulières neuves ; ce nombre minimum contractuel est révisable et fixé annuellement par le plan opérationnel défini à l'article 1-7.
Pendant la durée du présent contrat, le concessionnaire s'engage à réaliser 80 % minimum des objectifs de vente tels que définis dans le plan opérationnel dans le cadre d'une période quadriennale ", ce plan étant " un des éléments essentiels du contrat ".
En 1987, cet objectif était de 250 véhicules ; en juillet 1987, la société Sévi cédait partie de son secteur d'activité, essentiellement le Sud du Département ; sa concession se réduisait ainsi à 12 cantons, et l'objectif en était limité à 156 voitures pour 1988 ; elle ne réalisait cependant au cours de cette année la vente que de 130 unités (ou de 115 véhicules, selon Volvo).
Suite à son refus en 1989 de se voir imposer et de signer le même objectif, Volvo lui notifiait le 8 juin 1989 sa décision de résilier la concession à compter du 8 septembre suivant, décision motivée par la réalisation de 35 % de l'objectif du premier quadrimestre et par son refus de rencontrer un Conseiller et d'accepter le plan.
Dès les 4 et 6 septembre 1989, la société Sévi assignait la société Volvo en paiement de 4 300 000 F de dommages-intérêts pour résiliation abusive et en décharge des obligations de la BNP et de la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel de Bretagne qui s'étaient portées cautions des engagements pris par le concessionnaire dans le cadre du contrat de dépôt de voitures.
En réplique, VF concluait au rejet et à la condamnation de la société Sévi à lui payer la somme de 1 950 488,27 F pour valeur des voitures en dépôt, à celle de la BNP à hauteur de 450 000 F, limite de leurs engagements.
Par jugement contradictoire du 10 décembre 1990, le Tribunal de Commerce de Paris, constatant que la concession et le contrat de dépôt sont résiliés :
- sur la demande reconventionnelle de la société Volvo, a condamné la société Sévi Gualbert à lui payer le solde de la valeur reconnue des véhicules restés chez elle en dépôt, soit 1 911 118,85 F, et, sous astreinte quotidienne de 500 F, à déposer tous panneaux et enseignes Volvo et à restituer tous documents publicitaires,
- sur la demande principale de la société Sévi Gualbert, tout en reconnaissant la validité de la clause de résiliation litigieuse servant de fondement à Volvo, au regard du Règlement CEE 123-85 du 12 décembre 1984, régissant les contrats de concession automobiles, a dit que Volvo lui a appliqué un traitement inéquitable et discriminatoire au sens du même Règlement et a à tort résilié la concession avec un préavis abrégé, et l'a en conséquence condamnée à payer à Sévi 2 235 000 F de dommages-intérêts ;
- ordonnant la compensation des sommes dues par les parties, a constaté que la société Sévi demeure créancière de 323 881,15 F,
- a en conséquence constaté que la BNP et le Crédit Mutuel sont déliés de leurs engagements, et a condamné Volvo d'une part à restituer à ce dernier la provision de 482 450 F qu'il lui avait versée le 20 juillet 1990 en exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de Rennes statuant le 11 juillet 1990 sur recours de référé, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement, d'autre part à régulariser avec la BNP la restitution des sommes exigibles à compter du présent jugement,
- a débouté la société Volvo France en sa demande d'indemnité pour la concurrence déloyale qu'elle impute à son ancien concessionnaire,
- a enfin condamné Volvo à payer à Sévi 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à supporter la charge des dépens.
C'est de ce jugement assorti de l'exécution provisoire moyennant caution bancaire à hauteur de 350 000 F, que la société Volvo a relevé appel ;
- La société Volvo Automobiles France, dans quatre jeux de conclusions dont le premier, du 13 novembre 1992, développe l'essentiel de son argumentation, fait d'abord un rappel contractuel et chronologique du comportement de son concessionnaire, tel que la Cour l'a résumé supra ;
Sur les moyens de nullité invoqués par la société Sévi au regard du Règlement Communautaire 123-85, l'appelante conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a admis d'une part la validité de la clause de résiliation avec préavis abrégé de 3 mois, qui ajoute-t-elle, ne fausse pas le jeu de la concurrence au regard du droit communautaire, d'autre part la validité de la clause d'objectif, mais à son infirmation en ce qu'il a qualifié d'abusive la résiliation ; elle souligne l'omission par le tribunal de prendre en considération le refus de M. Gualbert d'accepter les modalités du dépôt de véhicules, et son comportement excessivement critique ; elle conteste en outre l'imputation qui lui est faite de l'insuffisance des résultats de son concessionnaire, l'existence d'une discrimination, et le reproche d'avoir choisi un mauvais moment pour résilier.
Subsidiairement, Volvo estime les préjudices approximatifs et suggère une expertise.
Reconventionnellement le concédant demande la confirmation de l'enlèvement des panneaux et enseignes et le plein de sa demande de première instance, sans les légères réductions de factures de publicité opérées par le tribunal, soit 1 950 488,27 F, réduite seulement d'une note de crédit de 118,86 F, la charge de cette somme devant être répartie entre la BNP pour 550 000 F et le CMB pour 450 000 F et la société Sévi pour 950 369,41 F ; enfin, elle réclame 200 000 F de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale fin 1989, 80 000 F pour procédure abusive, et 80 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Ayant par ailleurs exécuté les condamnations prononcées par le jugement entrepris en restitution des sommes reçues des cautions en exécution de l'arrêt de Rennes du 11 juillet 1990, Volvo en demande en retour restitution aux banques, outre 137 644 F réglés le 11 juillet 1991 à la société Sévi par le jeu de la compensation, et les intérêts au taux légal depuis ces versements.
- La société Sévi Gualbert conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a admis le préavis écourté de résiliation, contrairement à une analyse rigoureuse de l'esprit de l'article 5-4 du Règlement communautaire, et sa confirmation en ce qu'il a déclaré abusive la résiliation, et inéquitables et discriminatoires les objectifs assignés par le concédant.
Elle ne forme appel incident que pour obtenir une indemnité de 732 232 F pour les investissements réalisés en conformité aux plans opérationnels Volvo de 1988 et 1989, et une somme de 41 543 F pour charges exceptionnelles de licenciement ; enfin, elle réclame reconventionnellement 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans d'autres écritures, elle suggère très subsidiairement la saisine de la Cour de Justice des Communautés Européennes en application de l'article 177 du Traité de Rome.
- La Banque Nationale de Paris s'en rapporte à justice dans l'hypothèse où le jugement serait confirmé, elle demande que les intérêts dus par Volvo courent du 21 novembre 1990 au 14 mars 1991, date de la restitution à la banque ; dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé, elle demande à la société Sévi de la garantir des condamnations mises à sa charge ; elle réclame en toute hypothèse au succombant 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- La Caisse de Crédit Mutuel de Bretagne conclut principalement à la confirmation du jugement, et ajoute une demande d'intérêts sur la somme de 482 450 F payée en exécution de l'arrêt de Rennes, du 1er août 1990 au 14 mars 1991, date du remboursement par Volvo subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement, elle demande la garantie de Sévi, en toute hypothèse, elle réclame l'indemnisation par une somme de 10 000 F de ses frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA COUR
Sur la clause de résiliation avec préavis abrégé
Considérant que le Règlement n° 123-85 de la Commission européenne concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité de Rome aux accords de distribution de véhicules automobiles, tout en prévoyant en son article 5.2.2 que le délai de résiliation des contrats de distribution à durée indéterminée doit être d'une année au moins, précise en son dernier paragraphe 4 du même article 5 : " Les conditions d'exemption prévues par le présent article ne préjugent pas du droit d'une partie d'exercer la résiliation extraordinaire de l'accord " ; que la société Volvo entend fonder sur cette dernière disposition la validité de la clause contractuelle permettant en l'article 6 de résilier après un délai de 3 mois en cas de non-respect par le concessionnaire de certaines de ses obligations parmi lesquelles est expressément visée la résiliation d'au moins 80 % des objectifs de vente sur 4 mois.
Considérant que la société Sévi soutient que cette disposition contractuelle restrictive du droit commun de la résiliation est nulle comme étant fondée sur une obligation de rentabilité qui, pour n'être que de moyens, ne peut servir à résilier " hors normes " au risque d'être la porte ouverte à des pratiques de dépendance économique à l'égard du fournisseur contraires à l'article 85 du traité.
Mais considérant qu'il convient de raisonner en deux temps, à savoir vérifier si le principe d'une résiliation anticipée est légale, puis si son motif l'est aussi ;
Or considérant que les clauses résolutoires de plein droit dites " extraordinaires " sont valables, par application de l'article 5, paragraphe 4 du règlement ; que cependant, au risque de vider le paragraphe 2 de l'article 5 qui reste la norme de toute substance, de telles résolutions avec préavis abrégé ne sont possibles que par des dispositions contractuelles expresses telles que le manquement d'une partie à ses obligations, en particulier, comme c'est le cas en l'espèce, lorsque le concessionnaire n'exécute pas son obligation contractuelle de rentabilité définie comme une condition déterminante de la concession ; que cette hypothèse de résiliation anticipée avec préavis abrégé, sous réserve du bien fondé de sa mise en œuvre qui sera ultérieurement étudiée, n'est d'ailleurs pas limitative, comme le contrat litigieux le prévoit : non-paiement d'un titre défaut de livraison à la clientèle, dépôt de bilan, dénigrement de la marque etc... " sans que cette liste soit exhaustive, celle-ci ne donnant que des exemples " ;
Sur le motif de cette résiliation, considérant qu'il fait expressément référence au manquement de la société Sévi au plan opérationnel défini à l'article 1 du contrat et constituant un des éléments essentiels de la concession : 80 % de l'objectif de vente ; que, relevant à juste titre que sa formulation même, telle qu'elle est rappelée en début du présent arrêt, en fait une simple obligation de moyens " le concessionnaire s'engage à s'efforcer d'écouler ... ", et non de résultat, et que la Commission l'admet pour n'être pas incompatible avec l'exemption catégorielle qu'elle édicte, le concessionnaire soutient qu'un tel motif ne peut servir de fondement à une résiliation ; qu'il revient en effet à lui imposer l'achat correspondant d'un nombre déterminé de véhicule sur chaque quadrimestre, à porter atteinte à la liberté du commerce et à le mettre en complète dépendance économique.
Mais considérant qu'une telle obligation autorisée par le droit communautaire, implique de la part du concessionnaire de faire ce qui est en son pouvoir et d'employer les moyens pour atteindre les objectifs fixés, sans être tenu à un résultat déterminé ; que la clause libellée au contrat est très semblable aux dispositions de l'article 4.3.4.5. du règlement de la Commission et doit recevoir application.
Qu'il convient en conséquence de rechercher si l'obligation de moyen à laquelle la société Sévi était assujettie a été exécutée, et si le recours de Volvo aux clauses de résiliation a ou non revêtu un caractère abusif ;
Sur le bien-fondé de la résiliation anticipée
Considérant que Volvo reproche au tribunal de n'avoir pas considéré deux motifs complémentaires de celui relatif au respect des objectifs de vente, motifs qui figuraient précisément dans sa lettre de résiliation du 16 juin 1989 ... " Vous avez très expressément reconnu les modalités d'un mécanisme (la mise à la disposition de nos concessionnaires d'un certain nombre de véhicules en dépôt) qui est appliqué à l'ensemble de notre réseau et que vous avez vous même accepté lors des années antérieures ... Enfin, vous avez exprimé un certain nombre de points de vue qui sont en évidente contradiction avec votre obligation contractuelle de fidélité à la marque Volvo " ;
Mais considérant que l'étude de ces deux premiers griefs, l'un relatif au processus de dépôt-achat dont Volvo rappelle qu'il fait partie intégrante du contrat de concession malgré sa formulation dans une convention séparée, l'autre relatif au " mauvais esprit " du distributeur, ne peut se faire, qu'en fonction du grief principal d'insuffisance des résultats ;
Considérant que l'avenant du 2 juillet 1987 convenait, par la scission de la concession du Finistère Ouest et Sud en deux, que la SNA cessionnaire de l'ex-branche de fonds de commerce de voitures particulières de Sévi à Quimper bénéficierait de la concession exclusive sur 17 cantons, et que la société Sévi, conservant à partir de Brest 12 cantons, venait réduire son objectif annuel pour 1987 de 250 à 199 véhicules ; qu'il s'agissait là d'un partage par moitié entre les deux concessions qui, pour le troisième quadrimestre de 1987, s'expliquait par une sensible égalité des immatriculations de véhicules neufs comptabilisés dans les cantons respectivement attribués à Sévi et à SNA ;
Considérant cependant que pour 1988 Volvo a proposé à la signature de la Sévi un plan opérationnel portant sur 156 voitures, contre 105 à la SNA, soit pour l'ensemble des deux secteurs un nombre de 261 véhicules égal à celui de l'année précédente ; qu'en cette période de sensible retrait de Volvo sur l'ensemble du marché français (7,94 %) et en particulier sur celui de la Bretagne (6,15 %) et la légère supériorité des activités véhicules dans le territoire de la nouvelle SNA (14022) sur celles du territoire de la Sévi (13 348), l'objectif de vente fixé à cette dernière s'avérait difficile à atteindre, et discriminatoire par rapport à la SNA;
Qu'au cours de l'année 1988, la Sévi a vendu 130 voitures, même si le concédant entend n'en retenir que 115, au motif que 15 d'entre elles étaient déjà en stock chez sa partenaire au 31 décembre 1987 et que leur vente devait être imputée sur l'exercice 1987, qu'en toute hypothèse, Volvo, non satisfaite des résultats qui n'atteignaient selon lui que 74 % du plan (ou 83,3 % selon la Sévi) a voulu reconduire le même objectif pour 1989, au motif que les concessionnaires limitrophes de Morlaix, de Quimper et de Lorient voyaient accroître le leur ;
Or, considérant que le taux de pénétration de Volvo sur le marché français a continué à baisser en 1989, au point de provoquer de la part du Groupement des concessionnaires, dont M. Gualbert était un membre actif, une vague de protestations ; que dans ces circonstances, on ne peut à priori imputer la faute à la société Sévi d'avoir refusé de ratifier l'objectif imposé par son concédant, la conséquence en résultant ne pouvant être cependant que la rupture, dont l'attribution des torts fait l'objet du litige ;
Considérant que Volvo, pour justifier sa décision de résiliation, a invoqué les résultats particulièrement décevants des ventes de la société Sévi pendant le premier quadrimestre de 1989 : 33 véhicules seulement (à la même époque en 1988, elle n'avait cependant atteint que 30 ventes) ;
Or, considérant que l'expert-comptable qui a suivi l'évolution de la société Sévi a relevé qu'au 31 décembre 1988 sa trésorerie était légèrement positive et même que l'encours effectif de ladite société dans les livres de Volvo au 26 juin, puis au 24 juillet 1989, restait, nettement inférieur à celui du plafond autorisé dans une conjoncture où la trésorerie de la majorité du Réseau, de l'aveu même du Président Directeur Général de Volvo le 8 juin 1989, se révélait " délicate " ; qu'elle a obtenu d'ailleurs sans réticence le 26 janvier 1989 de la part de la BNP, le 2 mai 1989, de la part de Crédit Mutuel, le renouvellement de leurs engagements de caution exigés par l'article 4 du contrat de concession ; que par ailleurs Monsieur Gualbert a procédé pour son entreprise à des investissements non-négligeables en 1989, atteignant 580 000 F au 8 août, et s'ajoutant à l'extension de sa salle d'exposition (142 000 F) ; que tous ces éléments ne permettent pas au concédant de prétendre que son partenaire n'a pas pris les moyens à sa portée pour valoriser la marche de son garage et promouvoir les ventes, étant précisé que la publicité se faisait selon une procédure de collaboration et ne fait pas l'objet de contestation ; qu'enfin, le nombre de ventes réalisées au cours du premier quadrimestre 1989, supérieur à celui de 1988, n'est pas significatif en ce que traditionnellement les achats de voitures sont plus faibles, toutes marques confondues, en ce début d'année ;
Considérant au contraire que le traitement différent et inégalitaire susvisé appliqué en 1988 à la société Sévi par rapport à la SNA, a été déterminant dans le constat fait par Volvo d'une insuffisance de rentabilité de sa concession brestoise;
Qu'à supposer fixé un objectif égal pour les deux concessionnaires conforme à l'égalité des immatriculations dans les deux territoires soit 125 ventes, la société Sévi l'aurait atteint et n'aurait pu faire l'objet des critiques émises par Volvo, pour la première fois en 1989, lorsque Sévi s'est refusée à voir renouveler le plan de 1988 ;
Que l'argument invoqué par Volvo d'un traitement plus favorable à la concession Quimpéroise sur le fondement de sa nouveauté est inexact en ce que la société Sévi avait jusqu'en juillet 1987 l'exploitation de ce territoire, et que le concédant n'a jamais prétendu que sa cession à la nouvelle SNA s'expliquait par une perte considérable du chiffre d'affaires et une réduction trop sensible du taux de pénétration du marché ; que la SNA poursuivait donc l'exploitation d'une concession déjà existante dotée d'une clientèle et d'un parc automobiles ;
Qu'en revanche, l'" ajustement " opéré par le concédant en 1989 de l'objectif de la concession de Quimper pour le porter de 105 à 144 véhicules doit s'interpréter comme une preuve supplémentaire de son comportement discriminatoire à l'égard de la société Sévi et de ses torts dans la rupture précipitée du contrat; que dans ce même contexte s'expliquent l'attitude critique de Monsieur Gualbert, et l'abus des exigences signifiées unilatéralement par circulaire du 23 janvier 1989 par la société Volvo en matière de quota de dépôt de véhicules et de seuil insupportable de rachat par le concessionnaire au bout de 16 semaines de mévente, compte tenu d'une trésorerie insuffisante et d'une régression du marché malgré le lancement d'une nouvelle gamme de voitures ;
Qu'à raison le tribunal a qualifié d'abusive la résiliation par Volvo.
Sur les préjudices de la société Sévi
Considérant que la rupture du contrat a provoqué pour la victime une perte de marge brute diminuée des frais directs de commercialisation dite marge semi-brute équivalant aux 9 mois de préavis non-respectés : vente des pièces détachées, vente de voitures neuves, vente des voitures d'occasion et activité d'atelier ;
Que l'intimée, qui en première instance avait chiffré son préjudice à 4 300 000 F, admet en cause d'appel, comme Volvo à titre infiniment subsidiaire, que les 3/4 de la marque semi-brute lui soient versés pour indemnité : soit 3/4 de 2 980 000 F (2 235 000 F) ;
Qu'en revanche, elle forme appel incident pour obtenir paiement de ses frais de licenciement (41 543 F), et des investissements récents engagés sur incitation de Volvo (732 232 F), que le tribunal avait écarté par application du contrat excluant lors de la résiliation toute indemnisation de ce type ;
Mais considérant que, pendant neuf mois, la société Sévi n'a pu amortir ces investissements que l'on peut estimer faits pour cinq années ; qu'elle doit en être indemnisée dans la limite de 9 mois, soit 110 000 F ;
Qu'en revanche elle ne justifie pas que les frais de licenciement exposés aient été supérieurs à ceux non indemnisables ; qu'elle aurait dû supporter en cas de résiliation avec préavis d'un an ;
Considérant que, sur la somme de 1 950 488,87 F réclamée par Volvo, les parties s'accordent pour en exclure une note de crédit de 118,86 F, réduisant la réclamation à 1 950 370 F ; qu'elles restent contraires sur la contestation par Volvo de deux factures de frais de publicité dont seule la tardiveté de la production en délibéré par la société Sévi avait, en vain, motivé la résistance ;
Or, considérant que devant la cour, Volvo n'oppose pas de moyen nouveau sérieux à la réduction de sa demande à hauteur de ces deux sommes de 10 413,69 F et 21 158,62 F ; qu'en revanche Volvo justifie que les factures de 834,73 F et de 3 350,18 F présentées par la Sévi ont été prises en compte dans son relevé du 24 avril 1990 ;
Considérant en conséquence que la créance de Volvo doit être arrêtée à : 1 918 797 F ;
Considérant que, par le jeu de la compensation, les deux cautions se voient libérées de leurs engagements et Volvo débitrice de la somme de :
EMPLACEMENT TABLEAU
Considérant que les autres dispositions du jugement entrepris doivent être confirmées ;
Qu'en équité, l'intimée doit faire l'objet également en appel d'une indemnisation de ses frais irrépétibles, dans la limite d'une nouvelle somme de 20 000 F ;
Par ces motifs : Réformant le jugement du 10 décembre 1990 sur les sommes dues par chacune des parties ; Dit que la créance de la société Sévi sur la société Volvo s'élève à 2 345 000 F ; Dit que la créance de la société Volvo sur la société Sévi s'élève à 1 918 797 F ; Après compensation entre ces sommes, condamne la société Volvo à payer à la société Sévi : 426 203 F ; Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ; Condamne la société Volvo à payer en outre : - à la société Sévi 20 000 F, - à la BNP 3 000 F, - à la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel de Bretagne 3 000 F. Condamne la société Volvo aux dépens, Reconnaît à la SCP Roblin Chaix de Lavarene, à Maître Bourdais - Virenque et à Maître Gibou-Pignot, avoués, le droit de recouvrement direct contre la société Volvo dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.