CA Versailles, 13e ch., 4 mai 1993, n° 8151-91
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Janiker (SA)
Défendeur :
Duquesnoy (ès qual.), La Sweaterie (SA), Nouvelle d'Exploitation La Sweaterie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Monteils
Conseillers :
MM. Doze, Monin-Hersant
Avoués :
Me Bommart, SCP Fievet-Rochette-Lafon, SCP Julien-Lecharny
Avocats :
Mes Feder, Boidoux, Missika.
La société La Sweaterie, entreprise de prêt-à-porter, a passé trois contrats intégrant la société Janiker dans son réseau de franchisés pour ses boutiques de Lorient, Vannes et Quimper en 1985 et 1986.
La société La Sweaterie a été placée en redressement judiciaire par le Tribunal de Commerce de Roubaix Tourcoing par jugement du 20 juillet 1988 suivi d'un jugement arrêtant le plan de cession du 19 octobre 1988 à la société Nouvelle d'Exploitation La Sweaterie ci-après SNES.
La société Nouvelle a repris ce contrat avec l'accord de la société Janiker.
La société Janiker a assigné en juillet 1989 pour faire reconnaître la nullité des trois contrats, la société La Sweaterie et son administrateur judiciaire Maître Duquesnoy et la SNES.
Par jugement du Tribunal de Commerce de Nanterre du 6 août 1991, la société Janiker a été déboutée.
La société Janiker, appelante conclut ainsi qu'il suit :
La société La Sweaterie, qui avait déjà connu des difficultés fin 1987 est passée à la suite d'une modification de capital, entièrement entre les mains de FC Diffusion, qui a redonné confiance au réseau jusqu'à la crise finale qui a commencé en mai 1988.
La société Nouvelle a été d'abord locataire gérant. Elle a demandé et obtenu accord verbal de son dirigeant M. Grumberger pour que soit levée la clause d'approvisionnement exclusif.
Au cours de l'hiver 1988, la SNE a mis en place une politique qui dénaturait les relations, qui a entraîné dégradation progressive des résultats des franchisés.
Elle a manifesté son désaccord avec les méthodes de la SNE, et a exprimé sa volonté d'arrêter toute relation au cours d'un entretien avec M. Grumberger le 29 décembre 1988.
Elle avait accepté de continuer, mais au cours du printemps la SNE a fait constater par huissier dans les trois magasins la présence d'un approvisionnement extérieur.
Elle a été contrainte par les manœuvres de la SNE de demander nullité.
Les contrats étaient tels que la société La Sweaterie restait maîtresse des approvisionnements, se livrait à des envois d'office dans son seul intérêt pour faire face à un surstockage, le réassortiment de divers articles devenait impossible, alors que la clientèle y était habituée.
La fixation des prix en fonction du marché était contraire aux prescriptions de l'article 1591 du Code Civil. Elle a dépendu en fait de l'état de santé de la société La Sweaterie, qui a en particulier déstocké massivement en novembre 1988 en imposant un prix inférieur au prix d'achat des mêmes articles.
Le franchisé se trouve soumis à l'arbitraire du franchiseur en matière de prix, par dénaturation de la clause de fixation des prix " en fonction du marché ".
La nullité des contrats a été acquise, selon deux jugements rendus contre la SNE dès le lendemain du prononcé du jugement d'ouverture.
A cette nullité tirée du Code Civil il faut ajouter celle qui peut être tirée du Traité de Rome.
Il n'est pas démontré qu'en l'espèce, la clause d'approvisionnement exclusif soit d'une absolue nécessité. D'autres franchisés ont d'ailleurs bénéficié d'une tolérance d'approvisionnement pouvant atteindre 10 %.
La SNE lui applique une discrimination en la matière d'autant plus fautive qu'elle avait été autorisée en 1987 à s'approvisionner chez le propre fournisseur du franchiseur, pour pallier les problèmes de trésorerie de la société La Sweaterie qui ne lui permettaient plus d'être régulièrement livrée.
Il y a là une restriction à la liberté d'approvisionnement, des atteintes à la liberté du franchisé de faire valoir ses droits quant au contenu de la franchise, qui justifient nullité au regard de l'article 85/3 du Traité de Rome et 5/a du règlement 4087/88.
A titre subsidiaire, le contrat doit être résilié du chef de violation des obligations du franchiseur, à partir du début 1988 et surtout à partir du dépôt de bilan où ont été suivies des politiques différentes.
La nullité justifie restitution solidaire par les intimés de 213.480 F TTC avec intérêts de droit du versement de ces droits d'entrée, avec capitalisation des intérêts.
La résiliation justifie octroi d'un million de francs au titre de la perte de marge, et de 600.000 F correspondant aux investissements de reconversion.
Elle demande encore 40.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La société La Sweaterie et Maître Duquesnoy es-qualités concluent ainsi :
La demande en nullité est un prétexte.
L'article 1129 du Code Civil ne peut être invoqué que pour les conventions contenant essentiellement des obligations de donner et non pour celles relatives à des obligations de faire, ce qui est le cas de l'espèce.
Les contrats ont reçu application 4 ans sans critique du franchisé sur les prix.
A titre subsidiaire, les prix n'ont pas besoin d'être déterminés à l'avance, il faut seulement qu'ils soient déterminables, en fonction d'éléments objectifs, et ne dépendant pas de la seule volonté du franchiseur. La référence au prix du marché est valable.
La référence du franchisé au droit communautaire est inopérante.
Selon le règlement CEE une clause indispensable à la protection du savoir-faire, à l'identité et à la protection du réseau ne peut jamais être considérée comme portant atteinte à la concurrence.
Non seulement elle n'a été l'objet d'aucune critique pendant 4 ans, mais après un premier contrat, au bout de 10 mois la société Janiker en a signé deux autres.
En ce qui concerne la résiliation c'est l'affaire de la SNES. La société Janiker a accepté de poursuivre avec la SNES les contrats antérieurs et son action n'est en rien fondée sur une cause antérieure à l'ouverture de la procédure collective.
A titre plus subsidiaire, au cas d'annulation, pour des causes antérieures au dépôt de bilan, la société Janiker ne pourrait obtenir le remboursement de son droit d'entrée, faute de déclaration de créance au passif, et de demande de relevé de forclusion, aujourd'hui prescrite.
Ils concluent à confirmation sur la nullité, à leur mise hors de cause dans l'action en résiliation, à titre subsidiaire à irrecevabilité des demandes de la société Janiker, faute de déclaration de créance et à allocation de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La SNES conclut ainsi :
Elle a obtenu gérance libre le 11 août 1988 et homologation de cession le 19 octobre 1988.
La demande en nullité doit être rejetée.
La clause d'approvisionnement exclusif constituait la légitime contre partie de la clause de protection territoriale.
L'absence de liberté alléguée dans le choix de l'approvisionnement n'est pas une critique fondée. Le défaut de choix touchait 60 % de l'approvisionnement, mais relatif à 40 % de celui-ci aux réassorts, qui s'étendaient à l'ensemble des produits. Ces réassorts ont toujours été libres sur les produits de base. La sélection s'opérait par téléphone. Ceci permettait une bonne rotation des stocks, une trésorerie tournante et un risque commercial minoré.
Il y a toujours des produits identiques, à un prix identique dans l'ensemble du réseau. Il n'existe aucune preuve que certains franchisés aient bénéficié d'une tolérance d'approvisionnement allant jusqu'à 20 %.
Il est encore inexact qu'il y ait eu des problèmes sur la qualité des produits livrés, et sur les quantités, qui résultaient d'une libre discussion entre le franchiseur et le franchisé, chaque point de vente étant classé selon ses performances.
La société Janiker a passé deux contrats 10 mois après le premier.
Les réunions étaient semestrielles, les contacts téléphoniques fréquents, les volumes d'approvisionnement modulés en fonction du chiffre d'affaires réalisable. Il n'y a jamais eu de difficultés de réassort.
Il est faux de prétendre que son intervention ait entraîné des modifications substantielles dans le contrat. Il y a eu seulement mise en place d'une nouvelle méthode de gestion des approvisionnements à dater du 1er juillet 1988 nécessaire.
D'autre part à compter du 16 août 1988, elle a proposé aux franchisés les produits en stock, alors qu'elle était gérante libre. Ce stock a été cédé au 1/4 du prix de revient par la société La Sweaterie.
Les produits nouveaux ont fait leur apparition dès fin septembre 1988. La majorité des 90 franchisés a accepté de demeurer dans le réseau. La formule d'envois d'office s'est limitée aux produits nouveaux à caractère marqué de mode saisonnière.
Un degré d'initiative a toujours été laissé aux franchisés, même durant la période de transition difficile, durant la gérance libre.
L'organisation nouvelle indispensable a été acceptée par la société Janiker qui ne pouvait ignorer les difficultés liées au changement de direction.
C'est à bon droit qu'elle a invoqué irrecevabilité en première instance aucune demande pécuniaire n'étant dirigée contre elle.
Elle est étrangère à la rédaction des contrats de franchise dont la nullité est demandée, et, en cas de succès, ses droits à se retourner contre les cédants doivent être réservés.
A partir du contrat de gérance libre, elle a été subrogée dans tous les droits et actions de la société La Sweaterie.
Elle a été victime d'une résiliation sans préavis de la société Janiker pour les trois contrats, comme en font foi les procès-verbaux de constat d'huissier du 19 mai 1989 à Lorient, du 5 juillet à Vannes et Quimper, où sont consignés les articles concurrents mis en vente en contravention au contrat.
De surcroît, la société Janiker a acquis directement d'une société BW animée par M. Bader, ancien gérant de la société La Sweaterie, objet d'une plainte pénale de Maître Duquesnoy.
La société Janiker a refusé une livraison de trois colis, un par magasin, du 26 juillet 1989 qui est un refus d'approvisionnement.
Le Tribunal paraît avoir retenu que l'exploit introductif d'instance du 7 juillet 1989, pouvait s'analyser en notification de résiliation.
Ceci n'est pas directement exprimé, et elle avait un droit acquis à poursuite des contrats jusqu'au 31 décembre 1990 et 31 décembre 1991, selon le cas.
La société Janiker est responsable de la résiliation, avec effet au 30 juillet 1989, et elle a subi un préjudice commercial, étant privée de la redevance annuelle de 3 % + T.V.A. sur les chiffres d'affaires T.T.C.
Elle conclut à confirmation du déboutement de la société Janiker, à irrecevabilité de la demande dirigée contre elle, à résiliation fautive et prématurée des trois contrats, à expertise pour établissement de son préjudice commercial, à octroi d'une provision de un million de francs et de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; subsidiairement, si nullité était retenue, à réserve de ses droits à action en responsabilité contre la société La Sweaterie et Maître Duquesnoy, ès-qualités.
La Société Janiker, réplique ainsi qu'il suit :
Il ne saurait être retenu d'irrecevabilité, parce qu'elle a fait état dans son assignation du préjudice causé par le bouleversement de l'économie des contrats, fait de la SNES.
Ces bouleversements ont entraîné pour elle les plus grandes difficultés. Elle a été victime de modifications unilatérales des relations contractuelles équivalant à une inexécution des obligations du franchiseur. La responsabilité de la société La Sweaterie, de son locataire gérant et du cessionnaire est également engagée.
Discussion
Considérant sur l'irrecevabilité de la demande de la société Janiker à l'égard de la SNE La Sweaterie, que l'assignation était dirigée contre " la société La Sweaterie " ; que toutefois la SNE La Sweaterie était assignée, et qu'il est manifeste que l'équivoque est née d'une lacune purement formelle de rédaction, la demanderesse ayant englobé les deux sociétés successives sous une appellation générique " Société La Sweaterie " ; que la SNE La Sweaterie n'est pas étrangère à cette équivoque, pour avoir conservé la dénomination de la société cédante ; que cette négligence a été utilement redressée par la demanderesse dans ses écritures suivantes et que l'exception, de ce chef, doit être rejetée ;
Considérant que la nullité invoquée des contrats, que c'est à tort que la société Janiker entend d'abord la fonder sur l'article 14 du contrat de franchise ; que ce texte ménage seulement une faculté de résiliation dans l'hypothèse de redressement judiciaire du franchiseur ; que la société Janiker n'a pas cherché à exploiter cette possibilité lors de la survenance du jugement d'ouverture, laquelle ne pouvait au surplus prévaloir contre la faculté d'ordre public de l'administrateur judiciaire de préserver les contrats en cours sous condition d'exécution des obligations à la charge du franchiseur ;
Considérant, sur le moyen de nullité tiré des dispositions de l'article 5 du contrat que les franchisés devaient s'approvisionner obligatoirement à concurrence de 100 % de leurs achats auprès du franchiseur qui leur vendait ses produits et que le prix de vente n'était pas fixé dans les conventions qui se bornaient à faire état du prix du marché ; que dans la mesure où dans les conventions litigieuses, les prestations sont l'accessoire de la vente, l'objet essentiel des contrats étant l'approvisionnement exclusif des commerçants en produits déterminés avec des prestations réciproques limitées et étroitement solidaires des ventes successives qu'elles annoncent, il y a lieu de dire que ces conventions relèvent de l'obligation de donner et de payer et se trouvent donc soumises aux exigences de l'article 1129 du Code Civil, selon lequel il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ; qu'il y a lieu dans ces conditions de prononcer l'annulation des contrats de franchise, le prix indéterminé d'acquisition des fournitures n'étant pas lui-même libéré de l'intervention arbitraire du franchiseur;
Considérant que cette nullité a pour conséquence de justifier remboursement au franchisé de son droit d'entrée ; que toutefois en l'espèce cette demande est irrecevable, vis à vis de la Sweaterie et de son administrateur, faute par la société Janiker d'avoir déclaré cette créance au passif de la procédure collective, déclaration en toute hypothèse impossible à reprendre, le délai de relevé éventuel de forclusion étant expiré ; que la SNES ne peut à aucun égard avoir à prendre en charge un tel remboursement, n'étant ni bénéficiaire du droit d'entrée, ni responsable de la rédaction du contrat ; qu'elle se trouverait par surabondance impuissante à se retourner en cas de condamnation contre la société La Sweaterie, en l'absence de déclaration de créance ; que cette irrecevabilité s'étend d'autre part vis à vis de la Sweaterie, aux autres demandes de dommages-intérêts, qui n'ont pas davantage été l'objet de déclarations ;
Considérant que la nullité du contrat de franchise laisse subsister les relations contractuelles entretenues par les intéressés ; qu'il est nécessaire d'en analyser le déroulement pour déterminer si la SNES ou Janiker peuvent être redevables de dommages-intérêts l'une envers l'autre, du chef de fautes qui auraient été commises ;
Considérant que les difficultés financières du franchiseur ont conduit à des flottements dans l'exécution avant la procédure collective ; qu'une mauvaise année 1987 a entraîné constitution d'un stock excessif et des difficultés de paiement de la part des franchisés, qu'au cours d'une réunion du 30 mai 1988 ont été prises une série de mesures destinées à soulager les franchisés : abandon par le franchiseur de 3 % de royalties, délais de paiement passés de 60 à 90 jours, envoi en dépôt de marchandises ; que le redressement judiciaire du franchiseur a suivi le 20 Juillet, avec un délai très bref, location-gérance à partir du 11 août, puis adoption du plan de cession du 19 octobre ;
Considérant qu'il résulte de la correspondance versée aux débats que M. Kerjouan, gérant et maître des trois fonds de commerce sous contrat, a accepté de passer sur de les difficultés inhérentes à ces bouleversements, et de donner sa chance au nouveau franchiseur ; que fin septembre il s'est alarmé de la politique suivie ; qu'il a signalé sans être contredit que du 1er au 24 septembre 1988 son chiffre d'affaires avait chuté de 27,74 %, qu'il a reproché au franchiseur d'avoir déposé le quota d'envois d'office qui lui était permis, en se fondant sur les chiffres d'affaires de l'année précédente, qui avaient cessé de constituer des bases de calcul correctes ; qu'il s'est plaint de retards dommageables de livraison ; qu'il a fait part de ses appréhensions à propos d'un destockage massif prévu pour novembre ;
Considérant que cette opération intitulée " Le Sweat du Coeur " a consisté à contraindre les franchisés, à prix imposés, à écouler un stock considérable, racheté par la SN La Sweaterie au quart de sa valeur ; qu'il a été très mal ressenti par M. Kerjouan, le contraignant soit à retirer de la vente son propre stock, soit à l'offrir à des prix comparables à ceux des articles déstockés, c'est-à-dire à perte ; qu'il a encore reproché au franchiseur d'avoir poursuivi contre ses engagements l'opération " Sweat du Coeur " jusqu'au 3 décembre, alors qu'elle devait en principe prendre fin le 25 novembre ; que cette prolongation a été motivée par une autre défaillance du franchiseur, qui a tardé à envoyer les premiers éléments de la nouvelle collection, qui ne sont parvenus que par quantités insuffisantes, pour atteindre le 15 décembre le tiers de ce qui était prévu ;
Considérant que Monsieur Kerjouan s'est encore plaint de lacunes dans les tailles et de baisse de qualité, et plus généralement de la position difficile où il était mis à quelques jours des fêtes de Noël, très défavorable à l'image de marque du réseau ; qu'il demandait le 16 décembre arrêt des envois d'office qui tendaient à obérer gravement sa trésorerie, politique abusive dont la SN Sweaterie a convenu en annonçant le 2 janvier suspension de ces envois ;
Considérant que les doléances circonstanciées de Monsieur Kerjouan sur tous ces points n'ont suscité aucun démenti et doivent être tenues pour fondées ; que la même valeur doit être accordée à une mise en demeure du 18 mars 1989, où il retrace avec précision, toujours sans contradiction de la part de son interlocuteur, le processus qui a mené à la rupture ;
Considérant qu'il a constaté en décembre une baisse de chiffre d'affaires de 35 à 45 % par rapport à 1987, s'agissant du mois le plus profitable de l'année ; qu'il a alors fait part au gérant de la SN Sweaterie, Monsieur Grumberger, en présence du directeur général et du directeur commercial de sa volonté d'abandonner la franchise, soit en se substituant un autre franchisé, soit en vendant ses fonds de commerce à son franchisé ; que dans les jours suivants la SN Sweaterie s'orientait vers un rachat, mais adoptait ensuite une attitude dilatoire, qui suscitait l'irritation de Monsieur Kerjouan ; que celui-ci rappelait qu'il s'était mis " en marge ", ce qui est manifesté par le fait qu'il n'avait pas participé à la réunion du 16 janvier ; qu'il terminait ainsi cette mise en demeure : " Je confirme donc la conclusion des termes de ma lettre télécopie du 7 mars 1989 à savoir que sans accord au 22 mars 1989, je me considérai libre de tout engagement contractuel. Votre silence total durant les quelques jours complémentaires m'aura, croyez le, fortement déçu. On ne peut jouer impunément avec l'engagement moral d'un partenaire " ;
Considérant que la SN Sweaterie, confrontée à une annonce de " reprise de liberté " à la date du 22 mars 1989, par une voie officielle, n'a pas adopté une attitude claire ; qu'elle n'en a pas pris acte et n'a pas tenu la résiliation pour acquise ; qu'apparemment dans le but d'éviter des répercussions sur le réseau, elle a poursuivi l'exécution des contrats en envoyant à la société Janiker des marchandises qui ont été acceptées ; qu'elle s'est contentée de faire effectuer des constats d'huissier dans les trois magasins, les 19 avril et 5 juillet respectivement pour obtenir la preuve de la présence d'articles concurrents, en quantité appréciable ; que Monsieur Kerjouan n'a pas davantage pris un parti tranché ; qu'il a, conformément à ce qu'il avait indiqué, repris sa liberté en achetant auprès de la concurrence, et vient soutenir sans aucune preuve et sans vraisemblance qu'il avait obtenu autorisation verbale en ce sens ; qu'il a néanmoins continué à jouir, sans offrir désormais la contrepartie d'exclusivité, des livraisons du franchiseur ; qu'il a choisi, pour sortir de cette situation devenue intenable, d'assigner le 6 juillet en résiliation, dont il déclarait tirer toutes les conséquences le 30 juillet ;
Considérant que les livraisons à la société Janiker en provenance de concurrents, dont la SNE La Sweaterie rapporte la preuve à la date du 28 février 1989, s'insèrent aisément dans ce contexte de rapports exclusifs de bonne foi de part et d'autre, la société Janiker violant ses obligations de manière ouverte, le franchiseur continuant néanmoins à la servir en connaissance de cause, parce qu'il y trouvait un intérêt ;
Considérant que le fait que le contrat soit nul laisse licence à la Cour d'apprécier ces comportements, et de retenir que les fautes réciproques interdisent de retenir un préjudice au bénéfice de l'une des parties ;
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont tenu compte de ces fautes réciproques pour débouter la société Janiker et la SNE La Sweaterie de leurs demandes et leur refuser toute indemnité de l'article 700 du NCPC ; qu'il est par contre équitable d'allouer à la société La Sweaterie et à son administrateur, dont le rejet de toute condamnation est justifiée, indemnité de 20.000 F sur ce fondement, à la charge de la société Janiker ; que les entiers dépens seront partagés par moitié entre Janiker et SNES ;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Fait droit pour partie à l'appel de la société Janiker ; Réformant le jugement déféré, dit nul le contrat de franchise ; Dit irrecevables les demandes pécuniaires formulées entre la société La Sweaterie et Duquesnoy es-qualités ; Déboute les sociétés Janiker et Nouvelle d'exploitation La Sweaterie de leurs demandes ; Condamne en outre la société Janiker à verser à la société La Sweaterie et à Maître Duquesnoy es-qualités indemnité de vingt mille francs (20.000 F) ; Dit que les entiers dépens seront partagés par moitié entre les sociétés Janiker et SNES et autorise les avoués de la cause à recouvrer ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.