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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 14 mai 1993, n° 92-25875

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Mouselli

Défendeur :

Hauteville Diffusion (SARL), Soclaine (SARL), Lacorne, Penet-Weiller (ès qual.), Bouychou (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Feuillard

Conseillers :

Mme Besançon, M. Jeannin

Avoués :

Me Huyghe, SCP Varin-Petit, SCP Miran Bettan, SCP Bernabé Ricard

Avocats :

Mes Farthouat, Deviterne, Marchi, Lyonnet, Personne, SCP Lafarge-Flécheux-Revuz, Mes Laskier, Toulouse.

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 18 nov…

18 novembre 1992

LA COUR statue sur les appels, plaidés à jour fixe, formés par M. Pierre Mouselli et Me Brigitte Penet-Weiller, ès-qualités de représentant des créanciers de la Société Hauteville Diffusion en redressement judiciaire, contre le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris (1re Chambre, 1re Section, RP 60 465, RG 60 664/92), rendu le 18 novembre 1992, qui a :

Donné acte à Mme Nicole Blondelle et à M. Patrick Deschamps de leur intervention volontaire,

Donné acte à l'étude de feu André Roux, notaire à Paris, placée sous la suppléance de la SCP Thibierge et autres, de ce qu'elle s'en rapportait à justice sur le sort devant être donné au séquestre confié en vertu de l'ordonnance de référé du 3 avril 1992,

Rejeté les exceptions soulevées,

Condamné solidairement Hauteville Diffusion et M. Mouselli à payer à la Société Soclaine 3.926.883 F, avec intérêts à compter du 26 août 1992,

Ordonné la restitution des effets détenus par l'administrateur de l'étude de Me Roux au profit de Soclaine dans les trois jours de la signification du jugement,

Prononcé la résolution de la promesse de vente du fonds de commerce du 12 mars 1992 aux torts et griefs de Hauteville Diffusion,

Dit que, faute par Hauteville Diffusion de rendre libres les lieux dont s'agit (202 rue Saint-Honoré et 2 rue de Valois à Paris 1er) dans la huitaine de la signification, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef et à la séquestration du mobilier aux frais et risques de Hauteville Diffusion,

Rejeté la demande de fixation d'une astreinte,

Condamné Hauteville Diffusion au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 200.000 F à compter du 1er avril 1992,

Condamné Hauteville Diffusion à payer 20.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC et l'a condamnée aux dépens,

Ordonné l'exécution provisoire.

Il est expressément fait référence aux énonciations du jugement pour un exposé complet des faits de la cause et des moyens et demandes des parties en première instance.

Seuls les principaux éléments du litige seront rappelés ci-après.

Soclaine (commerce de jeux et jouets) a acquis le fonds de commerce de la Société Lola Ascore (vêtements de fourrure et cuir) dans le cadre du plan de cession de cette société (jugement du 16 juin 1988, confirmé par arrêt définitif du 14 octobre 1988). Ce fonds a été donné, le 17 septembre 1991, en location-gérance à Hauteville Diffusion (gérant : M. Mouselli) pour six mois (1er janvier 1991 au 31 mars 1992) moyennant neuf effets de commerce, avalisés par le gérant (échéance du 31 novembre 1991 au 31 mars 1992). Quatre effets ont été payés (total de 2.196.307 francs) et cinq, représentant une valeur de 3.926.883 francs, sont demeurés impayés.

Le 21 février 1992, Soclaine a consenti à M. Mouselli une promesse de vente du fonds pour un prix de 4 MF payable par un billet à ordre avalisé de 3 MF à échéance du 31 mars 1992, le solde comptant à la signature de l'acte définitif, au plus tard le 1er avril 1992.

L'étude de Me Roux a reçu en dépôt le billet de 3 MF et les cinq effets impayés.

M. Mouselli a invoqué la nullité de la location-gérance au motif d'une mauvaise appréciation du chiffre d'affaires et prétendu qu'il ne restait dû aurait dû sur la vente du fonds qur 1.130.680,93 F.

La cession du fonds n'ayant pas eu lieu, Soclaine a vainement demandé au notaire la restitution des cinq effets.

Le tribunal a été saisi par Soclaine pour, notamment, obtenir paiement du montant des cinq effets (3.926.883 F) et faire constater la caducité et/ou la nullité, subsidiairement, la résolution de la promesse de vente du fonds de commerce.

Par le jugement déféré, il a estimé pour l'essentiel qu'il n'y avait pas eu remplacement du contrat de gérance libre par la promesse de vente, la novation ne présumant pas, et que Soclaine était fondée à invoquer la résolution pour inexécution de la vente.

Hauteville Diffusion a été mise en redressement judiciaire, régime général, par jugement du 24 novembre 1992.

Appelant et intimé, M. Mouselli conclut à l'infirmation du jugement et demande à la Cour de prononcer la nullité du contrat de location-gérance conclu entre Soclaine et Hauteville Diffusion le 17 septembre 1991 et de constater, en conséquence, que toute caution qui a pu être donnée se trouve elle-même nulle. Il réclame contre Soclaine 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Il soutient pour l'essentiel que Soclaine n'a nullement exploité le fonds de commerce acquis de Lola Ascore, ayant d'ailleurs obtenu du propriétaire des locaux un accord de déspécialisation du bail pour pouvoir exploiter librement son propre fonds de jouets ; que la convention de location-gérance est donc nulle pour défaut d'objet, par suite pour défaut de cause.

Que le loyer mensuel est de 22.345 F ; que rien ne justifie l'octroi d'une indemnité d'occupation au profit de Soclaine, surtout de 200.000 F par mois.

Intimés et appelant incidemment, Me Bouychou et Me Chavaux, ès-qualités d'administrateurs judiciaires de Hauteville Diffusion, concluent à la nullité du contrat de location-gérance et à celle de la promesse de vente et demandent à la Cour d'ordonner la restitution par Soclaine de la somme de 2.196.307 F, montant des redevances perçues au titre de la location-gérance, avec intérêts à compter du 30 décembre 1991, et de celle de 525.000 F, montant des droits d'enregistrement de la promesse de vente, avec intérêts à compter du 17 mars 1992. Subsidiairement, ils demandent à la Cour de dire que le montant de l'indemnité d'occupation (du 1er mars 1992 à la libération des lieux) ne saurait être supérieur à celui des loyers, l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 interdisant qu'une condamnation soit prononcée contre Hauteville Diffusion. Ils réclament contre Soclaine 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Ils précisent que le contrat de location-gérance du 17 septembre 1991 prévoyait, pour six mois, une redevance de 5 MF HT, loyers et charges en sus.

Ils font valoir que l'objet social de Soclaine (fabrication et distribution de jeux et jouets) n'a jamais été étendu ; qu'il n'existait aucun fonds de commerce susceptible de constituer l'objet ou la cause du contrat, seul étant visé par Soclaine, au travers de l'acquisition du fonds de Lola Ascore, le droit au bail. Ils invoquent les articles 1126 et 1131 du Code civil et 4 de la loi du 20 mars 1956 et concluent à la nullité du contrat de location-gérance.

Ils soutiennent que la promesse de cession du 21 février 1992 est tout aussi fictive et doit être annulée, l'acte au surplus ne comportant pas les mentions obligatoires exigées par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 et ayant donné lieu à un droit d'enregistrement de 525.000 F le 17 mars 1992.

Subsidiairement, ils estiment que l'indemnité d'occupation ne saurait être supérieure au montant du loyer.

Appelante et intimée ès-qualités, Me Penet-Weiller, représentant des créanciers de Hauteville Diffusion, conclut dans le même sens que les administrateur judiciaires, soulignant que la société n'aurait jamais pris en gérance libre et acheté, pour un prix global de 9 MF, ce qu'elle croyait être un fonds de commerce si elle avait compris qu'il s'agissait d'un simple droit au bail. Elle présente les mêmes demandes que les administrateurs, outre les intérêts sur la somme de 2.196.307 F, à compter de chacun des paiements fractionnés, et réclame 15.000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Intimée, la Société Hauteville Diffusion déclare s'en rapporter aux écritures signifiées par ses administrateurs judiciaires et le représentant de ses créanciers.

Intimée et appelant incidemment, la Société Soclaine conclut :

A titre principal, à l'irrecevabilité des prétentions nouvelles des administrateurs et du représentant des créanciers de Hauteville Diffusion en ce qu'elles tendent à la nullité des actes et au paiement des sommes ;

Subsidiairement, au débouté des mêmes et à la confirmation du jugement ;

Plus subsidiairement, à l'irrecevabilité des demandes tendant à la restitution des sommes qui n'ont pas été réglées par Hauteville Diffusion ;

Sur l'appel incident, à l'admission de sa créance au passif de Hauteville Diffusion, à la condamnation des administrateurs à lui payer 292.541,13 F, montant de l'indemnité d'occupation entre le prononcé du redressement judiciaire et le départ des lieux.

Elle réclame enfin 30.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.

Elle fait valoir que, du fait des contradictions qui existent entre elles, les prétentions présentées en première instance et en appel n'ont pas le même objet ni la même finalité ; que, spécialement, Hauteville Diffusion a soutenu en première instance que la vente était parfaite, alors que ses mandataires concluent aujourd'hui à la nullité du contrat de location-gérance et à celle de la promesse de vente ;

Que les redevances, dont le remboursement est demandé par les mandataires de justice, ont été payées non par Hauteville Diffusion, mais par la Compagnie Internationale des Fourrures et Cuirs " CIFC " ;

Qu'elle a exploité le fonds de commerce acquis de Lola Ascore pendant trois ans et trois mois, dès juin 1988; qu'elle a d'ailleurs payé pour cette acquisition plus de 2,5 MF et pas seulement 0,4 MF comme a tenté de le faire croire Hauteville Diffusion ;

Que c'est Hauteville Diffusion qui a demandé, en février 1992, une promesse de vente à son profit alors qu'elle exploitait le fonds depuis le 23 septembre 1991, sans avoir élevé, au cours de cette période, aucune protestation ; qu'elle a tenté, en première instance, de démontrer qu'il y avait eu novation, la promesse de vente s'étant substituée au contrat de location-gérance, pour obtenir en pratique l'imputation sur le prix d'achat du fonds des redevances versées au titre de la location ;

Que Hauteville Diffusion a quitté les lieux le 31 décembre 1992, Soclaine pouvant dès lors prétendre à la somme de 292.541,13 F TTC à la charge de l'administration judiciaire au titre de l'indemnité d'occupation depuis le jugement d'ouverture.

Me Bouychou, Me Chavaux et Me Penet-Weiller répondent qu'il n'y a pas de contradiction dans les demandes, les prétentions de Hauteville Diffusion, en première instance comme en appel, tendant à faire échec à la demande de paiement de Soclaine, soit par la reconnaissance de l'anéantissement conventionnel de la location-gérance, soit par sa nullité constatée judiciairement ; que les prétentions des mandataires de justice en cause d'appel se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'il s'agit en tout cas d'une demande reconventionnelle autorisée pour la première fois devant la Cour ; que, si les sommes, dont le remboursement est sollicité, ont bien été réglées par une Société CIFC, elles l'ont été pour le compte de Hauteville Diffusion et ont été acceptées comme telles par Soclaine ; que les documents versés par celle-ci confortent le défaut d'exploitation du fonds de commerce au cours des deux années précédant le contrat de location-gérance.

Intimé, Me Lacorne, ès-qualités de successeur de feu Me Roux, notaire, demande sa mise hors de cause, aucune demande n'étant présentée contre lui, et déclare s'en rapporter à justice sur le mérite de l'appel.

La Société Soclaine, dans ses dernières écritures, discute une consultation du professeur Chabas et les avis de MM. Borgeaud et Escande, l'avis de ce dernier étant produit par la concluante.

Me Bouychou et Me Chavaux contestent en dernier lieu l'avis de M. Escande.

M. Patrick Deschamps et Mme Nicole Blondelle, intimés, n'ont pas été assignés et n'ont pas constitué avoué.

Le Ministère Public a conclu oralement à la confirmation du jugement, le fonds de commerce existant du fait de la subsistance d'une clientèle potentielle.

Sur quoi, LA COUR,

Sur la procédure :

Considérant qu'il sera statué par un seul arrêt sur les appels qui concernent le même jugement ;

Considérant que Mme Blondelle et M. Deschamps, qui étaient intervenus volontairement en première instance, seront d'office mis hors de cause, puisqu'il n'est rien demandé contre eux en appel et qu'aucune disposition du jugement querellé ne les condamne ni ne porte condamnation à leur profit ;

Qu'il sera statué contradictoirement, aucune disposition du présent arrêt ne pouvant leur nuire ni leur profiter;

Considérant, il est vrai, qu'aucune demande ne vise en appel l'office notarial ; qu'il demeure que les premiers juges ont ordonné la restitution des effets de commerce détenus par l'étude ; que Me Lacorne sera donc maintenu dans la cause pour les besoins de l'exécution de l'arrêt en cas de confirmation du jugement sur ce point ;

Considérant que Soclaine, demanderesse en première instance, poursuivait contre Hauteville Diffusion l'exécution du contrat de location-gérance et la caducité et/ou la nullité de la promesse de vente, subsidiairement sa résolution ;

Qu'il en résulte que la prétention des mandataires de justice relative à la nullité du contrat de location-gérance n'est pas nouvelle en appel puisqu'elle tend à s'opposer à la demande, seul étant nouveau le moyen invoqué ;

Que leur prétention relative à la nullité de la promesse de vente ne l'est pas davantage, le tribunal ayant été saisi de ce moyen par la demanderesse, peu important dès lors que Hauteville Diffusion ait invoqué, au sujet de cette promesse, une novation qui n'a pas été retenue par les premiers juges ;

Que la demande des mandataires de justice en restitution des redevances perçues par Soclaine et en remboursement des droits d'enregistrement constitue une demande reconventionnelle en appel se rattachant directement au litige tel que soumis au tribunal et tel qu'il se présente devant la Cour ;

Que l'exception d'irrecevabilité de Soclaine sera donc rejetée ;

Sur la fin de non-recevoir :

Considérant que, s'il est exact qu'une somme de plus de 2,1 MF a été réglée par CIFC au moyen de chèques tirés sur son compte, il n'est pas sérieusement contesté que ces paiements ont eu lieu pour le compte de Hauteville Diffusion en règlement des effets venus à échéance et ont été reçus comme tels par Soclaine sans protestation ;

Que la fin de non-recevoir opposée par celle-ci sera donc rejetée ;

Sur le fond :

Considérant que M. Mouselli (ou : Mousseli), qui ne pouvait ignorer que Soclaine souhaitait antérieurement céder son droit au bail, a signé, le 17 septembre 1991, ès-qualités de gérant de Hauteville, le contrat de gérance libre du fonds de commerce que Soclaine avait précédemment acquis de Lola Ascore ; qu'il a aussitôt remis neuf lettres de change, qu'il a avalisées personnellement, représentant le montant total des redevances fixé, pour la durée non renouvelable de la location à 5 MF ; qu'il n'est pas contesté que l'exploitation du fonds de gérance libre a commencé au plus tard le 1er octobre 1991 ;

Que le montant de 5 MF de redevances a été librement fixé par les parties qui ne se sont référées à aucun élément comptable relatif à la valeur du fonds ou aux résultats antérieurs d'exploitation ;

Que, le 21 février 1992, M. Mouselli a signé, pour son compte avec faculté de substitution, une promesse synallagmatique de vente du fonds pour un prix net de 4 MF payable par une lettre de change, avalisée, de 3 MF, échéance au 31 mars 1992, remise immédiatement au vendeur, le solde à la signature de l'acte définitif, au plus tard le 1er avril 1992 ;

Que les parties ne se sont référées à aucun élément comptable pour la détermination du prix de cession, M. Mouselli dispensant Soclaine " de l'obligation des énonciations prévues par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 " et renonçant " dès maintenant à toute action en garantie " ; qu'il était encore prévu que, dans le cas où l'acheteur viendrait à refuser la cession, la totalité des sommes versées à Soclaine lui resterait acquise à titre d'indemnité ;

Considérant que les appelants soutiennent essentiellement que le contrat de location-gérance serait nul au motif que Soclaine n'aurait pas exploité le fonds de commerce acquis de Lola Ascore et que ce contrat n'aurait ni cause, ni objet, seul subsistant le droit au bail ; qu'ils invoquent les dispositions de l'article 4 de la loi du 20 mars 1956 ;

Mais considérant qu'il est constant que, à l'époque de la location-gérance, Soclaine exerçait le commerce depuis plus de sept ans ;

Que les documents versés aux débats établissent qu'elle a exploité le fonds mis en gérance pendant plus de deux ans; que l'existence d'un fonds de commerce n'est pas nécessairement affectée par une diminution de l'activité commerciale qui y est exercée ou une réorientation de cette activité;

Qu'il importe peu que, ainsi que l'a relevé M. Borgeaud à partir d'éléments fragmentaires, le chiffre d'affaires réalisé ait été en diminution de 1989 à 1991, pratiquement nul cette dernière année, et que la part de " l'activité fourrure " n'ait plus été que marginale in fine et ait consisté essentiellement en l'écoulement du stock;

Qu'en effet il a été dit que M. Mouselli ne pouvait ignorer que Soclaine avait cherché à céder son droit au bail avant septembre 1991 ; qu'il ne dément pas l'affirmation de Soclaine selon laquelle l'offre de location-gérance a émané de lui ; que le contrat a précisé qu'il n'existait aucune marchandise en stock et qu'aucun stock ne serait repris par Soclaine à l'expiration du bail ;

Que la circonstance que Soclaine n'ait pas pu ou voulu développer l'activité fourrure au sein du fonds en question ne peut suffire à prouver, en l'absence de tout autre élément probant, la disparition de la clientèle, le marché général de la fourrure ayant connu de graves difficultés à l'époque du contrat litigieux et la nature des marchandises vendues, fourrures et vêtements de cuir haut de gamme, excluant toute notion de clientèle stable et attachée au fonds, ayant des relations habituelles et suivies avec le vendeur ;

Que les faits de la cause établissent que M. Mouselli, ès-qualités, a entendu essentiellement disposer d'un emplacement commercial, présentant de grandes potentialités de développement, pour l'exploitation de sa propre activité ; que, pour se déterminer et accepter le prix convenu, il n'a nullement pris en considération la nature, l'importance ou l'évolution de l'activité de la bailleresse ; qu'il n'est pas sans intérêt de relever que, devant le tribunal, il n'a nullement contesté la réalité de la cause ou de l'objet du contrat de location-gérance ;

Que l'hypothèse émise par M. Escande selon laquelle " le but évident (de M. Mouselli) était de surseoir au paiement du prix du droit au bail et de s'informer sur place de la qualité de l'emplacement " est confirmée par la circonstance que Soclaine avait cherché à céder son droit au bail (évalué par M. Escande à 8 MF environ) pour un prix compris entre 12 et 17 MF et est confortée par le fait que M. Mouselli s'est fait par la suite concéder la promesse de vente, le prix total à payer pour l'acquisition du fonds étant de 9 MF environ ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants ne peuvent être admis à imputer à Soclaine une absence d'exploitation dans les termes de l'article 4 de la loi du 20 mars 1956, ni à prétendre que le fonds donné à bail avait disparu par suite du dépérissement de la clientèle ;

Que leur demande tendant à l'annulation du contrat de location-gérance sera donc rejetée ; qu'il en sera de même, par voie de conséquence, des demandes accessoires relatives à la nullité de la garantie de M. Mouselli et à la restitution des redevances perçues par Soclaine ;

Considérant que le jugement querellé a prononcé la résolution de la promesse de vente du fonds qui avait été signée le 21 février 1992, la date du 12 mars 1992 qui est mentionnée au dispositif résultant manifestement d'une erreur matérielle ;

Que Soclaine, qui ne poursuit nullement l'exécution de cette promesse, conclut à la confirmation sur ce point ;

Qu'il convient de statuer sur la demande des appelants tendant à faire constater la nullité de cette promesse qui conditionne leur demande en remboursement des droits d'enregistrement ;

Considérant qu'il a été dit que M. Mouselli avait dispensé Soclaine des prescriptions de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ; que l'omission des énonciations prescrites par ce texte est sanctionnée par la nullité de l'acte à la demande de l'acquéreur, lequel ne peut renoncer à cette nullité dans l'acte lui-même ; que cette demande a été présentée moins d'un an depuis la signature ; que la nullité de l'acte sera donc constatée ;

Que, cette nullité étant imputable à Soclaine tenue à l'obligation d'information, celle-ci devra rembourser le montant, justifié pour 525.000 F, des droits d'enregistrement dont il n'est pas contesté qu'ils ont été réglés par Hauteville Diffusion ;

Que cette somme, qui présente un caractère indemnitaire, portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Considérant que les appelants ne peuvent prétendre à la fixation d'une indemnité d'occupation égale au loyer dû au propriétaire des murs, puisque Soclaine a été privée non seulement de l'usage des locaux, mais aussi de la disposition du fonds de commerce ; que l'annulation de la promesse de vente ne peut avoir pour effet de la priver du droit à indemnité ; que cependant une indemnité de 100.000 F par mois suffit à réparer le préjudice ;

Considérant que, sur cette base, Soclaine a droit à une somme de 146.270,56 F TTC pour la période du jugement d'ouverture à la libération des locaux, le 31 décembre 1992 ;

Que, s'agissant d'une créance de l'article 40 de la loi de 1985, elle se compensera avec la somme de 525.000 F dont il est question plus haut ;

Considérant qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 700 du NCPC en première instance ; qu'il n'y a pas lieu davantage de faire application de ce texte en cause d'appel ;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, Joint les instances inscrites au répertoire général de la Cour sous les numéros 92-24761 et 92-25875 ; Met hors de cause M. Patrick Deschamps et Mme Nicole Blondelle ; Maintient dans la cause Me Lacorne, ès-qualités ; Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a prononcé la résolution de la promesse de vente du 12 mars 1992 (en réalité : 21 février 1992) aux torts de la Société Hauteville Diffusion, fixé à 200.000 F l'indemnité d'occupation mensuelle devant être payée par cette société et statué sur l'application de l'article 700 du NCPC ; Statuant de ces chefs : Constate la nullité de la promesse de vente du 21 février 1992 ; Fixe à 100.000 F par mois l'indemnité d'occupation due à la Société Soclaine à compter du 1er avril 1992 ; Rejette la demande d'application de l'article 700 du NCPC ; Précisant le jugement : Fixe à 3.926.883 F la créance de la Société Soclaine sur le redressement judiciaire de la Société Hauteville Diffusion ; Dit en tant que de besoin que la restitution des effets ordonnée par le jugement aura lieu à la diligence de Me Lacorne, successeur de feu Me Roux, notaire ; Y ajoutant : Condamne la Société Soclaine à payer 525.000 F à Me Penet-Weiller, ès-qualités de représentant des créanciers de la Société Hauteville Diffusion ; Condamne Me Penet-Weiller, ès-qualités, à payer à la Société Soclaine 146.270,56 F au titre des indemnités d'occupation pour la période postérieure au jugement d'ouverture et jusqu'au 31 décembre 1992 ; Ordonne la compensation ; Rejette toute prétention ou demande autre, plus ample ou contraire à la motivation ; Condamne M. Pierre Mouselli (ou : Mousseli) d'une part, les mandataires de justice de la Société Hauteville Diffusion, ès-qualités, de deuxième part, et la Société Soclaine, de troisième part, aux dépens d'appel pour un tiers ; Dit que, en ce qui concerne la Société Hauteville Diffusion, les dépens seront employés en frais de redressement judiciaire ; Admet les avoués dans la cause qui en ont fait la demande au bénéfice de l'article 699 du NCPC.