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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 19 mai 1993, n° 91-002837

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Diffusion automobile Melun (Sté)

Défendeur :

VAG France (Sté), VAG Financement (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

SCP Verdun Gastou, SCP Barrier Monin

Avocats :

Mes Gardas, Landon.

TGI Paris, 4e ch., 1re sect., du 9 janv.…

9 janvier 1991

La société Diam et la société VAG France ont conclu, le 3 janvier 1986, un contrat de concession à durée indéterminée prenant effet à compter du 1er janvier 1986. Selon l'article II le contrat peut à tout moment faire l'objet d'une résiliation " ordinaire " par l'une ou l'autre partie, par une notification par lettre recommandée avec avis de réception moyennant un préavis d'un an qui commence dès réception de la notification. Le contrat ajoute qu'en aucun cas la " partie résiliée " ne pourra revendiquer une indemnité en sus du préavis et précise que seul un accord écrit exprès peut impliquer la poursuite du contrat après sa date d'expiration.

Par lettre recommandée du 30 juin 1988, reçue le 8 juillet 1988 VAG a notifié à Diam la résiliation ordinaire du contrat.

D'autre part Diam et VAG Financement avaient conclu une convention d'ouverture de " plafonds de financement " qui a été renouvelée à compter du 1er janvier 1989.

Diam n'a pas accepté la résiliation " ordinaire " (lettre du 23 août 1988) et VAG a confirmé le 16 septembre 1988 son courrier du 30 juin 1988.

D'autre part au terme extinctif de la concession Diam restait débitrice à l'égard de VAG Financement de montants importants.

C'est dans ces conditions que deux instances distinctes ont été introduites l'une par Diam, l'autre par la société VAG devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et tendant, pour la première à ce que les défenderesses soient condamnées à lui payer une indemnité de 9.670.948 F pour résiliation abusive, outre une somme de 10.000 F pour frais non taxables, l'autre au paiement à VAG France de 5.251.944,90 F et de 1.811.351,58 F à VAG Financement, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 1989, outre une somme de 30.000 F pour frais non taxables.

Par deux jugement du 9 janvier 1991 la 4e Chambre 1re Section du Tribunal a débouté les parties demanderesses et les a condamnées aux dépens.

Deux appels séparés ont été remis au Greffe les 31 janvier et 6 mars 1991.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 19 décembre 1991.

Les parties ont échangé un nombre considérable d'écritures et provoqués trois révocations de clôture en raison de leur incapacité à respecter les délais de procédure.

Ces écritures tendent :

- En ce qui concerne Diam, au paiement d'une indemnité de 14.473.948 F, subsidiairement d'une provision de 4.000.000 F sur une indemnité à déterminer après expertise, d'une somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens d'instance et d'appel ;

- En ce qui concerne les sociétés VAG au paiement :

- à VAG France de 4.409.179,84 F,

- à VAG Financement de 1.222.295,26 F,

ces deux sommes devant être augmentées des intérêts au taux contractuel à compter du 7 juillet 1989 outre une somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens d'instance et d'appel et une indemnité de 30.000 F.

Sur ce,

1 - Sur la demande en paiement des sociétés VAG :

Considérant que les sociétés VAG allèguent qu'elles ont actualisé leurs demandes en tenant compte de l'imputation d'une caution bancaire de 1.500.000 F et du produit de la vente aux enchères de véhicules repris pour 448.600,66 F ; qu'elles ajoutent que Diam n'établit pas l'existence du versement de 52.500 F qui aurait été réglé par la Banque Rivaud, et de deux véhicules d'occasion détenus par VAG et qui devraient venir en déduction pour 29.929 F et 47.500 F ;

Considérant que Diam fait valoir qu'elle est d'accord sur les nouveaux montants avancés par les sociétés VAG, sous réserve des montants ci-dessus indiqués à déduire et de la compensation avec toute indemnité qui lui serait allouée ;

Considérant qu'il n'est produit aucune pièce sur ce versement de la Banque Rivaud ; que si le relevé du compte courant de Diam au 31 mars 1992 fait apparaître une somme de 29.929 F qui correspondrait à une voiture Golf immatriculée 384 GPA 75, le certificat d'immatriculation mis aux débats concerne un fourgon n° 557 OYX 77 ; qu'aucune pièce n'est fournie sur la somme de 47.500 F ; que les sommes de 4.409.179,84 F et 1.222.295,26 F sont donc bien dues ;

Considérant que selon le contrat de concession (article VII 3.e) le taux d'intérêt est le taux de base bancaire majoré de trois points ; que cet intérêt court à compter de la date d'exigibilité ; que cette clause n'étant pas " formellement contraire " à celle du contrat de financement (article 1er du contrat de financement) elle doit recevoir application pour les sommes dues à VAG Financement ; que Diam ayant été mise en demeure, le 7 juillet 1989, c'est à compter de cette date que les intérêts courront ; qu'il sera s'il y a lieu statué sur la compensation avec l'éventuelle créance d'indemnité de Diam dans la mesure où celle-ci serait établie.

2 - Sur la demande pour résiliation abusive :

Considérant que sans qu'il y ait lieu de suivre Diam dans le détail de son argumentation, cette appelante fait valoir essentiellement qu'ayant acquis un fonds en liquidation elle a dû effectuer d'importants investissements mobiliers et humains et que ces structures étaient donc, à la résiliation, supérieures aux structures initiales ; que ces actions ont été entreprises en accord ou sur la demande de VAG et que la durée d'exploitation hors location-gérance, s'étant déroulée sur trois ans et demi a été insuffisante pour permettre la reconstitution des capitaux investis ; que la date de la rupture (30 juin) a empêché Diam de rechercher une autre concession, l'usage étant que les changements se font le 1er janvier ; qu'elle n'a pu céder son fonds à son successeur celui-ci étant censé s'installer ailleurs, dans de nouveaux locaux ; que dans " la dernière année précédant la résiliation " elle aurait emprunté :

- 700.000 F à Sofinco (décembre 1997),

- 500.000 F à Somica (octobre 1988) et 250.000 F,

- 1.000.000 F à la Banque Rivaud (30 septembre 1988),

le tout à la demande de VAG, qui l'engageait à une restructuration financière, ce qui n'aurait pas empêché VAG de résilier ;

Qu'il y aurait même eu une caution bancaire de la Banque Rivaud le 26 janvier 1989 ;

Qu'elle a parfaitement respecté les demandes de réorganisation de VAG y compris après la notification de la résiliation, pensant que celle-ci ne serait pas poursuivie ; que le chiffre d'affaires a augmenté de 1987 à 1988 ; que l'abus de droit serait donc établi ; qu'elle cite une abondante jurisprudence sur la résiliation des contrats de concession automobile ; que la Cour serait, selon ses écritures, saisie à la fois de " l'imputabilité " de la résiliation et de son caractère abusif ;

Considérant que VAG répond qu'on ne peut suivre le raisonnement de Diam et qu'un contrat de concession peut être résilié alors même que le concessionnaire aurait développé son affaire ; que Diam ne saurait se plaindre de ce que le contrat a duré moins de quatre ans, la réglementation européenne autorisant la libre résiliation avec préavis d'un an des contrats à durée indéterminée ; qu'il n'existe aucun usage selon lequel les résiliations devraient se faire au 31 décembre ;

Que rien n'oblige le concédant à maintenir une concession dans les locaux du concessionnaire résilié ; que Diam aurait pu trouver une autre marque ou céder son fonds à un concessionnaire d'une autre marque ;

Que Diam a acquis un fonds en liquidation dans des conditions très intéressantes ; qu'il était normal qu'elle reprenne les stocks ;

Que VAG est encore créancière du prédécesseur de Diam malgré l'achat du fonds ; qu'une partie des emprunts bancaires destinés au règlement des encours, à la trésorerie et pour obtenir des délais ne sont pas des investissements ; qu'après la notification de la résiliation Diam a emprunté à ses risques et périls ; que les emprunts et investissements sont " tout à fait normaux " ;

Que la progression de Diam tient aussi au taux de pénétration de la marque Volkswagen ; que l'augmentation des objectifs a pour corollaire le versement de primes très importantes ; qu'il n'y a pas eu augmentation massive du personnel ; que l'organigramme du 9 septembre 1988 n'entraînait pas d'augmentation du nombre des salariés et est postérieur à la notification ; que l'autorisation d'occupation du domaine ferroviaire aboutit à une dépense minime de même que le changement d'une cabine de peinture ; qu'aucun motif illégitime, aucune intention de nuire ne sont prouvés ;

Considérant ceci exposé, que le contrat de concession exclusive passé entre VAG et Diam, qui est conforme aux exigences communautaires, étant un contrat à durée indéterminée résiliable sans autre condition que le respect d'un préavis d'une année, il s'agit d'un contrat présentant une précarité certaine ce que Diam ne pouvait ignorer lorsqu'elle a contracté après avoir été locataire-gérante du fonds de son prédécesseur qui avait fait l'objet d'une procédure collective; qu'il n'existe aucun droit pour le concessionnaire à une durée minimale de quatre années; qu'en contractant Diam a assumé un risque en toute connaissance de cause, ce risque étant de perdre une partie de ses investissements;

Considérant que c'est à tort qu'elle croit devoir inviter la Cour à statuer sur l'imputabilité de la rupture ; qu'il sera rappelé que VAG, pour rompre le contrat de manière " ordinaire " c'est-à-dire avec un préavis d'une année, n'avait aucun motif à donner et qu'il n'y a pas lieu non plus d'exiger d'elle qu'elle révèle ce motif a posteriori et qu'elle apporte la preuve du bien fondé de ce motif ;

Que le seul point à examiner est de savoir si, eu égard aux circonstances de fait, Diam, qui a la charge de la preuve, démontre que VAG, qui a agi conformément aux règles communautaires et à la loi des parties, a abusé du droit de résilier avec un préavis d'une année ;

Considérant que Diam ne prouve pas qu'une résiliation à une date autre que le 1er janvier serait contraire aux usages en matière de distribution automobile et que VAG, qui conteste l'usage allégué, aurait agi ainsi pour l'empêcher de retrouver une autre concession de marque ;

Considérant que l'emplacement géographique d'une concession relevant de la stratégie de pénétration de la marque, Diam ne peut reprocher à VAG, en choisissant un autre emplacement, de l'avoir empêché de céder son fonds au concessionnaire qui lui a succédé ;

Considérant que Diam ne fournit aucune preuve de démarches qu'elle aurait effectuées, soit pour trouver une concession d'autre autre marque, soit pour tenter de céder son fonds au concessionnaire d'une autre marque ;

Considérant sur les investissements effectués par Diam que l'acquisition du fonds Sadia était pour le prix de 2.600.000 F une opération avantageuse le chiffre d'affaires atteint en 1984 ayant été de 21.445.674 F ;

Qu'à juste titre VAG relève que la reprise des stocks pour 1.400.000 F, est une opération normale de financement qui est préalable à toute reprise ou création de concession ;

Que les emprunts de décembre 1987 et le crédit Somica de 250.000 F sont des actes usuels dont le caractère excessif n'est pas démontré ;

Que les emprunts de 500.000 F à Somica en octobre 1988 et 1.000.000 F à la Banque Rivaud en septembre 1988 alors que Diam savait que la concession était résiliée constituent des opérations à risque dont Diam, qui les a souscrites en connaissance de cause, doit assumer les conséquences dommageables ; qu'en outre VAG relève avec pertinence qu'il importe de ne pas confondre les investissements et les facilités de trésorerie que Diam recherchait en contractant pour une part ces emprunts ;

Qu'il n'est pas prouvé que VAG soit à l'origine de cet endettement tardif ;

Considérant que Diam ne saurait s'attribuer le mérite à titre exclusif du développement de la concession alors que celui-ci tient également à la progression du taux de pénétration de la marque sur le marché français ;

Considérant que s'il est acquis aux débats que VAG a exigé de Diam une augmentation des objectifs c'est avec raison que VAG relève qu'une telle augmentation a pour corollaire le versement de primes importantes ;

Considérant que l'embauche du personnel a été des plus limitées alors qu'un directeur a été licencié, que le chef d'atelier, licencié pour faute grave, a dû être remplacé ; que VAG relève en particulier que l'organisme présenté lors du rapport de visite du 9 septembre 1988 n'impliquait pas une augmentation du nombre de salariés ;

Considérant que la location d'un terrain à la SNCF pour un prix TTC de 32.200 F par an pour y garer des voitures d'occasion n'est pas une dépense excessive ; qu'il en est de même pour le remplacement de la cabine de peinture défectueuse ;

Considérant qu'en réalité il apparaît que Diam (conclusions du 1er mars 1993 page 7) qui espérait, contre toute raison, après la notification de la résiliation, obtenir de VAG qu'elle renonce à résilier le contrat, ce que montre l'échange de correspondance déjà cité, a eu une attitude imprudente dont elle ne saurait être admise à imputer à VAG les conséquences fâcheuses ;

Considérant que Diam ne démontre pas en quoi VAG, qui a certes reçu avant terme une créance de 300.000 F mais qui reste créancière, avec VAG Financement de plusieurs millions de francs de son ex-concessionnaire a pu tirer un avantage illégitime de la résiliation ; qu'il n'est pas plus démontré que le successeur de Diam ait accepté de souscrire un contrat plus désavantageux que celui de Diam alors que ces contrats sont des contrats types ;

Considérant que c'est donc à juste titre que le Tribunal a écarté le grief tiré de l'abus du droit ou de la légèreté blâmable;

3 - Sur concurrence déloyale alléguée :

Considérant que Diam fait état à ce titre de ce que VAG aurait prévenu la clientèle et la profession dès la notification ainsi que des tentatives de débauchage de personnel et de détournement de clientèle émanant de Monsieur Gabreau ; que VAG répond qu'elle n'est pas responsable de " bruits " qui ne sont pas de son fait et des agissements de Monsieur Gabreau pendant la période du préavis ;

Considérant que les lettres de Messieurs Brunet, Girault et Meznarie montrent que des " bruits " couraient sur la résiliation de la concession ; que rien ne montre en revanche que VAG soit à l'origine de ces rumeurs ;

Considérant que les attestations de salariés et la lettre circulaire de " VAG Melun " du 25 septembre 1989 concernent des tentatives de débauchage et un démarchage de clientèle qui ne sont pas imputables à VAG mais le cas échéant à un nouveau concessionnaire qui n'est pas en cause ; que le grief n'est pas fondé ;

Considérant que Diam sera donc déboutée de toutes ses prétentions ;

Qu'il n'est pas inéquitable qu'elle conserve ses frais non taxables ;

Considérant que la demande d'indemnité présentée par VAG qui ne repose sur aucun fait allégué sera rejetée sans autre examen ;

Qu'en revanche, il est équitable que ses frais non taxables soient mis à la charge de Diam comme indiqué au dispositif ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du 9 janvier 1991 (procédure 1688-90) en tant qu'il a débouté la société Diam de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens, Réforme le jugement du 9 janvier 1991 (procédure 22.987-90) en tant qu'il a débouté les sociétés VAG France et VAG Financement de toutes leurs demandes et les a condamnées aux dépens, Statuant à nouveau et ajoutant aux jugements, Condamne la société Diam à payer : - à la société VAG France 4.409.179,84 F ; - à la société VAG Financement 1.222.295,26 F ; Dit que ces sommes portent intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 7 juillet 1989, La condamne en outre à payer à ces deux sociétés la somme globale de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les dépens de première instance liés à la procédure 22.987-90 et tous les dépens d'appel sur les deux procédures que la SCP Barrier Monin Avoué est autorisée à recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes comme mal fondées.