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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 27 mai 1993, n° 92-3135

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Koumer

Défendeur :

Marshall (SARL), Athlete's Foot (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Serre

Conseillers :

Mme Garnier, M. Bouche

Avoués :

SCP Garrabos Alizard, SCP Fisselier Chiloux, Boulay

Avocats :

Mes Viala, Volnay.

T. com. Paris, 16e ch., du 4 févr. 1991

4 février 1991

M. Marc Koumer a interjeté appel d'un jugement rendu le 4 février 1991 par le Tribunal de commerce de Paris qui :

- a constaté la validité du contrat de franchise par lui conclu le 25 septembre 1985 avec la SNC Athelete's Foot (ci-après AF),

- a prononcé la résiliation du contrat à ces torts exclusifs,

- l'a condamnée à payer à la société à responsabilité limitée Marshall venant aux droits de la société AF les sommes suivantes : 45 468,20 F et 352,08 avec intérêts légaux à compter du 28 mai 1989, 30 000 F à titre de dommages intérêts, 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 25 septembre 1985, M. Koumer a conclu avec la société AF un contrat de franchise d'une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes de 2 ans, sauf dénonciation moyennant un préavis d'un an.

Aux termes de cette convention, la société AF concédait au franchisé l'usage exclusif sur la commune de Poitiers, de la marque et du logo " The Athlete's Foot ", et s'engageait à la faire bénéficier de son savoir-faire, de ses méthodes de vente, de ses campagnes de publicité et des conditions préférentielles auprès des fournisseurs.

En contrepartie, le franchisé s'obligeait à respecter une discipline de gestion et de bonne tenue de son magasin, à maintenir un stock minimum, à ne présenter que des produits référencés par AF, à fournir à celui-ci des informations concernant son chiffre d'affaires, à verser une redevance mensuelle sur ledit chiffre d'affaires et une contribution aux frais publicitaires.

Par avenant du 27 septembre 1987, la société Marshall s'est substituée dans les droits et obligations de la société AF ;

A compter du mois de novembre 1988, M. Koumer a cessé de régler les redevances, puis en décembre 1988 a informé la société Marshall de son intention de se dégager de ses obligations.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 1988 et du 9 mai 1989 la société Marshall a rappelé à M. Koumer les termes de la convention concernant sa durée et les conditions de résiliation, puis a réclamé paiement des arriérés.

Par acte du 28 mai 1989, M. Koumer a assigné les sociétés Marshall et AF à l'effet :

- de voir constater la nullité de la convention et subsidiairement son inexécution par AF ;

- d'obtenir la condamnation des deux sociétés au paiement de dommages intérêts.

La société Marshall et la société AF ont prié le tribunal :

- de débouter M. Koumer de ses demandes,

- de prononcer la résiliation du contrat à ses torts exclusifs,

- de le condamner à régler le montant des redevances, sa quote-part publicitaire, les marchandises et les dommages intérêts.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré à la Cour.

M. Koumer fait valoir au soutien de son appel

- que son consentement, lors de la signature du contrat a été vicié par suite des manœuvres de la société AF qui n'a pas hésité à lui transmettre un dossier d'exploitation concernant le chiffre d'affaires prévisionnel " particulièrement alléchant " lui faisant espérer la réalisation de profits importants,

- que le contrat est dépourvu de cause, faute de transmission d'un savoir-faire réel et remis à jour,

- que la société AF, nonobstant ses difficultés, ne lui a pas proposé d'aide financière, n'a prévu aucun séminaire pour 1988 et a toujours fait preuve de carence dans le choix des marques référencées.

Concluant à l'infirmation de la décision, il demande à la Cour :

A titre principal

- de constater la nullité du contrat,

- de condamner la société Marshall et la société AF solidairement à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'il a versées au titre de la redevance mensuelle et de la contribution aux frais publicitaires, et à verser une somme de 100 000 F à titre de dommages intérêts,

A titre subsidiaire

- de constater la résolution du contrat pour inexécution,

- de condamner la société Marshall et la société AF au paiement de 300 000 F de dommage intérêts,

En toute hypothèse, de condamner les deux sociétés à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Marshall et la société AF intimées et appelantes incidentes contestent les obligations de M. Koumer qui selon elle, sont " totalement fantaisistes " et ne sont corroborées par aucun élément de preuve.

En conséquence, elles prient la Cour de confirmer le jugement à l'exception de la disposition afférente aux dommages intérêts et de condamner M. Koumer à payer à la société Marshall, les sommes suivantes :

- 160 000 F avec intérêts au taux légal, à titre de manque à gagner du fait de la rupture unilatérale et abusive du contrat,

- 50 000 F à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,

- 40 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Considérant que par conclusions du 29 avril 1993, les intimées sollicitent le rejet des débats, du dossier d'exploitation communiqué le jour même par M. Koumer ;

Considérant que les sociétés intimées n'ont pas disposé du temps nécessaire pour examiner ce document communiqué le jour de l'audience des plaidoiries et présenter leurs observations.

Qu'il convient de rejeter des débats ledit document ;

I- SUR LA NULLITÉ DU CONTRAT :

A) Sur le dol :

Considérant dès lors que M. Koumer ne produit aux débats aucun document régulièrement communiqué établissant que la société AF, lui a, préalablement à la signature du contrat, remis des éléments qu'elle savait fallacieux, dans le but d'obtenir son consentement et sa signature, il y a lieu de la débouter de ce chef de demande ;

B- Sur le défaut de cause :

Considérant que le contrat stipule que la société AF communique son savoir-faire en remettant au franchisé d'une part " un ensemble de documents appelé Bible " regroupant sur des fiches descriptives, divers renseignements relatifs aux méthodes d'organisation et de gestion, d'autre part, un " ensemble appelé Panoplie ", constitué d'éléments signalétiques et de fournitures administratives ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats, que le savoir-faire de la société AF consiste en :

- l'aménagement de locaux décorés de manière uniforme et portant l'enseigne de la marque,

- l'installation d'une piste de courses permettant de tester les chaussures,

- une sélection rigoureuse des articles offerts à la vente, constituant un ensemble cohérent et varié,

- des méthodes de vente spécifiques ; (" fit-shoe, podigrade "),

- la fourniture de fiches techniques d'information concernant les produits, les méthodes d'achat et la gestion des stocks,

- des conseils et une aide en matière de publicité ;

Considérant que ce savoir-faire, transmissible par voie de documents, de recommandations et de réunions est le fruit d'une expérience acquise dès 1971 aux Etats-Unis, puis en France et dans d'autres Etats européens à partir de 1981,

Qu'il n'est pas, compte tenu de la notoriété de la marque, de la diversité et des exigences de la clientèle, de la concurrence intermarques et des méthodes de vente spécifiques à ce produit, directement accessible même à un professionnel de cette branche d'activité;

Considérant en conséquence, que M. Koumer, qui ne rapporte pas la preuve du non respect par la société AF de ses obligations en la matière, n'est pas fondé à solliciter la nullité du contrat pour défaut de cause;

Qu'il convient de le débouter de ce chef de prétention ;

II- SUR L'INEXÉCUTION PAR LE FRANCHISEUR DE SES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES :

Considérant que M. Koumer fait valoir que la société AF n'a pas remis à jour son savoir-faire ;

Mais considérant qu'il ne saurait à la fois, contester la réalité du savoir-faire et reprocher au franchiseur une absence de mise à jour ;

Qu'en tout état de cause, cette mise à jour ressort de la seule initiative du franchiseur, maître des méthodes à appliquer dans son réseau ;

Considérant que M. Koumer reproche à la société AF de ne pas avoir respecté les obligations lui incombant en matière de formation et d'information ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats

- que la société AF remet régulièrement aux franchisés diverses plaquettes et catalogues afférents aux collections,

- qu'elle édite un journal périodique intitulé " En piste " faisant état d'informations générales du marché, des performances du réseau et proposant des méthodes de présentation et d'animation commerciales,

- qu'elle procure aux franchisés une assistance technique lors de la convention annuelle, des journées de collection, et des réunions du club des franchisés permettant alors à ceux-ci et au franchiseur d'examiner les problèmes du réseau,

- qu'en outre, un responsable de la société AF a régulièrement rendu visite à M. Koumer afin de régler certains problèmes ponctuels ;

Considérant que M. Koumer ne saurait reprocher à la société AF de ne pas avoir référencé certaines marques, dès lors qu'il appartient au franchiseur de choisir les produits qui, compte tenu de leur qualité et de leur notoriété, sont susceptibles d'être commercialisés à côté de ses propres produits, sans porter atteinte à l'image de sa marque ;

Considérant en conséquence que M. Koumer qui ne rapporte pas la preuve du non respect de leurs obligations par les sociétés AF et Marshall, ne saurait solliciter la résolution du contrat, le remboursement des sommes versées et l'allocation de dommages-intérêts ;

III- SUR LES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ MARSHALL :

Considérant, compte tenu des motifs précédemment exposés que M. Koumer n'était pas fondé à suspendre le paiement des redevances mises à sa charge et à rompre le contrat le 14 décembre 1988, sans respecter les conditions prévues à cet effet;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a prononcé la résiliation de la convention à ses torts exclusifs;

Considérant que le franchisé, devait aux termes du contrat verser une redevance mensuelle de 5 000 F hors taxes augmentée de 1,5 % hors taxes sur le chiffre d'affaires toutes taxes comprises, d'une part, une contribution aux frais publicitaires fixée à 0,75 % du chiffre d'affaires toutes taxes comprises réalisé d'autre part,

Considérant que les sommes allouées à ce titre par le tribunal ainsi que celle afférente aux marchandises restées impayées sont justifiées par les pièces produits (factures, relevés de compte) et au demeurant non contestées dans leur montant par M. Koumer ;

Considérant que le tribunal en condamnant celui-ci à verser à la société Marshall la somme de 30 000 F à titre de dommages intérêts pour manque à gagner consécutif à la rupture du contrat, a fait une exacte appréciation des faits et documents de la cause ;

Qu'il convient de confirmer la décision entreprise ;

Considérant dès lors que les intimées ne produisent aucun document établissant que M. Koumer organise son insolvabilité ; il n'y a lieu d'ordonner à celui-ci la production sous astreinte des documents par elles sollicités, dans leurs écritures ;

IV- SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que M. Koumer qui succombe dans son appel n'est pas fondé à solliciter une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Considérant qu'il n'est pas établi que M. Koumer qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, a agi de mauvaise foi en s'opposant à la demande de la société Marshall ;

Qu'il convient de débouter celle-ci de sa demande en dommages-intérêts ;

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la société Marshall, les frais irrépétibles qu'elle a engagés et que la Cour fixe, compte tenu des éléments de la procédure à 8 000 F ;

Par ces motifs : Rejette des débats la pièce communiquée par M. Koumer suivant bordereau du 29 avril 1993 ; Confirme le jugement entrepris ; Y ajoutant, Condamne M. Koumer à payer à la société Marshall la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Déboute M. Koumer de ses demandes et la société Marshall du surplus des siennes ; Condamne M. Koumer aux dépens d'appel ; Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.