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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ., 8 juin 1993, n° 4075-91

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adidas Sarragan France (Sté)

Défendeur :

Établissements J. Fournier (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Samson

Conseillers :

M. Moureu, Mme Goyet

Avoués :

Mes Beckers, Nico

Avocats :

Mes Debré, Guillin.

TGI Saverne, du 25 juill. 1991

25 juillet 1991

Par jugement du 25 juillet 1991 le Tribunal de Grande Instance de Saverne a, sur la demande de la Sté Adidas, constaté que le contrat de franchise que celle-ci avait conclu le 1er janvier 1979 avec la société Fournier, avait été régulièrement rompu à compter du 31 décembre 1990, et, sur la demande reconventionnelle de la société Adidas entièrement responsable du préjudice causé à celle-ci par le non respect de la clause d'exclusivité.

Quant à l'évaluation du préjudice, le tribunal a prononcé la jonction d'une procédure de référé, a sursis à statuer et a étendu la mission de l'expert désigné par l'ordonnance du 9 novembre 1990, M. Levy qui était de vérifier pour les trois premiers trimestres 1990 les dates des commandes passées et des livraisons effectuées, afin de déterminer si l'indisponibilité matérielle des articles commandés par la société Fournier était réelle.

Le tribunal a étendu cette mission au quatrième trimestre de l'année 1990 et l'a complétée en priant l'expert :

- de rechercher le chiffre d'affaires et la marge brute réalisés par la société Fournier avec la société Adidas en 1988, en 1989, au quatrième trimestre 1989, en 1990 et au quatrième trimestre 1990,

- de rechercher la part d'activité de la SARL Fournier avec la SA Adidas proportionnellement à son activité globale en 1989 et 1990.

La société Adidas a régulièrement interjeté appel de ce jugement, et demande à la Cour de débouter la société Fournier de ses réclamations concernant les troubles qu'elle aurait ressentis dans l'exploitation de son secteur au cours du quatrième trimestre 1990,

Et de dire que la mission donnée à l'expert ne portera pas sur les investigations relativement aux prétendus dommages subis par la société Fournier en relation avec lesdits troubles.

Elle sollicite en outre la condamnation de la société Fournier à lui payer 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle n'avait pas permis à la société Fournier d'exécuter son contrat jusqu'à son terme en lui adressant tardivement les collections printemps été 1991, et en annonçant dès octobre 1990 par voie de circulaire aux clients de son secteur qu'ils pouvaient dès à présent s'adresser aux cartes de distribution Adidas, alors d'une part que la collection lui a été transmise, que la société Fournier ne pouvait donner suite aux ordres de la clientèle après le 1er janvier 1991, et qu'elle a refusé de communiquer son carnet de commandes, lui occasionnant un préjudice important,

Et alors d'autre part que la circulaire en cause, diffusée en octobre 1990, précisait que la restructuration du réseau ne prendrait effet qu'au 1er janvier 1991.

Elle précise qu'elle n'a conclu d'autre contrat de franchise dans le même secteur qu'à partir de cette date et que rien n'établit que son nouveau centre aurait reçu des commandes qui auraient dû normalement revenir à la société Fournier.

La société Fournier demande pour sa part la confirmation du jugement et la condamnation de la société Adidas à lui payer une provision de 1 870 000 F sur son dommage, ainsi que 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle rappelle que la société Adidas ne lui a adressé que le 8 octobre 1990 les collections de printemps été 1991 lui interdisant ainsi d'effectuer normalement sa prospection, qu'elle avait d'ailleurs manifesté l'intention de ne pas rémunérer.

Elle rappelle également qu'en octobre 1990 la société Adidas avait invité la clientèle, par circulaire à adresser " dès à présent " ses commandes à ses centres agréés.

Enfin elle souligne que la société Adidas ne remet pas en cause la mission de l'expert quant à l'inexécution ou l'exécution tardive des commandes de l'année 1990 et que dès lors elle peut prétendre dès à présent à la marge brute qu'elle aurait réalisée sur une de ces commandes.

Sur quoi, LA COUR,

Vu les pièces et les écrits des parties, auxquels il est référé pour l'exposé du détail de leur argumentation ;

Attendu que les conventions stipulées à durée déterminée doivent s'exécuter jusqu'à leur terme et le délai de préavis convenu en cas de tacite reconduction doit s'écouler sans altération de cette exécution ;

Que de même les parties sont obligées de se plier aux dispositions contractuelles concernant les modalités de la fin de leurs relations ;

Qu'en l'espèce le contrat de franchise contenait à cet égard la stipulation d'un délai de préavis de six mois en cas de non reconduction du contrat à l'échéance triennale par l'une des parties et précisant dans son article 6-d qu'en cas de rupture, le franchiseur avait la faculté de reprendre le stock restant en possession du franchisé, à qui était réservée la faculté d'écouler le stock non repris auprès de sa clientèle dans le délai d'un an ;

Attendu que la disposition du jugement constatant la résiliation au 31 décembre 1990 du contrat de franchise, conclu par les parties le 1er janvier 1979, n'est pas remise en cause devant la Cour ;

Attendu que la société Fournier fait état de retards et de défauts de livraisons depuis juin 1990, soit pendant le délai de préavis ;

Que la société Adidas a expliqué cette situation par l'indisponibilité des articles commandés, invoquant en outre le fait que les délais de livraisons n'étaient qu'indicatifs, selon les termes de ses conditions générales de vente, ainsi que des commandes exorbitantes de la société Fournier ;

Attendu que le retard n'étant pas contesté, c'est à juste titre que le premier juge a déclaré la société Adidas responsable du préjudice qu'il a pu causer, qui est en cours d'évaluation à dire d'expert ;

Attendu que la société Fournier invoque encore le retard apporté à la transmission du catalogue printemps été 1991, dont elle a accusé réception le 15 octobre 1990 en faisant observer qu'un seul exemplaire lui en avait été adressé ;

Que la société Adidas ne conteste pas que le catalogue de la saison printemps été était habituellement adressé à ses revendeurs au cours de l'été précédent ;

Qu'à une lettre du 31 août 1990 par laquelle la société Fournier se plaignait déjà de ce retard, la société Adidas a répondu le 19 septembre que cet envoi lui paraissait inutile dès lors qu'elle ne pourrait assurer la livraison ;

Qu'en dehors du fait que ce motif est inexact au regard des stipulations contractuelles rappelées plus haut, cette lettre confirme le retard par la société Fournier ;

Que ce retard est susceptible de lui avoir causé un préjudice en l'empêchant de se livrer à la prospection et de prendre des commandes, ce que rien ne l'empêchait de faire pendant la durée du préavis ;

Qu'elle avait également la possibilité de livrer les commandes jusqu'à la fin de l'année suivant la rupture ;

Qu'il convient de rappeler que le 30 novembre 1990 la société Adidas avait écrit à la société Fournier qu'elle reprendrait la totalité de la marchandise au 31 décembre 1990, sauf les commandes en cours non livrées, que le 21 décembre 1990 elle a déclaré reprendre l'ensemble du stock, et qu'elle a laissé sans réponse la demande ultérieure de la société Fournier quant à l'exécution des commandes en cours ;

Que c'est donc encore à juste titre que le tribunal a déclaré la société Adidas responsable de ce préjudice, dont l'expertise permettra l'évaluation ;

Attendu que la société Fournier invoque enfin un trouble commercial provoqué par la circulaire que la société Adidas a diffusée courant octobre 1990 auprès de la clientèle ;

Que s'il est de fait que cette circulaire annonçait la mise en place d'un nouveau réseau à compter du 1er janvier 1991 et donnait le nom et l'adresse de son nouveau revendeur, en précisant que celui-ci prendrait contact dès le début de l'année suivante, il n'en reste pas moins que ces clients étaient invités à prendre contact " dès à présent " pour plus d'information avec ce revendeur, qui avait déjà analysé et prévu vos différents besoins pour l'année 1991 ";

Que cette circulaire, qui rend probable la conclusion de nouveaux contrats portant atteinte à l'exclusivité reconnue à la société Fournier par le contrat de franchise, qui était toujours en vigueur, est également à raison de ces termes susceptible d'avoir causé à celle-ci un dommage imputable à la société Adidas;

Attendu que ce jugement mérite ainsi, sur l'appel principal de la société Adidas, entière confirmation ;

Attendu que la demande de provision de la société Fournier se fonde sur la livraison incomplète d'une commande Sportex, et la perte de marge qui en est résulté ;

Que cependant cette commande entrant dans les investigations confiées à l'expert, le préjudice invoqué ne peut être en l'état tenu pour acquis ;

Qu'il y a lieu en conséquence de rejeter cette demande incidente ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser l'intégralité des frais irrépétibles à la charge de la société Fournier.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré, Reçoit l'appel en la forme ; Au fond, le rejette ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Condamne la société Adidas en tous frais et dépens et à verser à la société Fournier la somme de 7 000 (sept mille) F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.