Cass. com., 15 juin 1993, n° 91-17.123
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Garrigou
Défendeur :
Portal
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Lacan
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Lemaitre, Monod, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Donne acte à Mme Garrigou de son désistement envers MM. Frédéric, Jean-Pierre, Didier Andrieu, Mme Marie Grelat et Mlle Marie-Pierre Andrieu ; - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 mars 1991) que Mme Andrieu a donné en location-gérance aux époux Portal, un fonds de commerce de café-restaurant ; qu'au cours des 6 premiers mois d'exécution du contrat, l'Union de crédit pour le bâtiment (l'UCB) a consenti un prêt aux locataires-gérants pour financer l'achat de matériel destiné à l'aménagement du fonds ; que les époux Portal n'ayant pas remboursé le prêt, l'UCB les a assignés en paiement ainsi que Mme Andrieu, cette dernière en sa qualité de loueur du fonds sur le fondement de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 ;
Attendu que Mme Garrigou, héritière de Mme Andrieu, reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 8 de la loi du 20 mars 1956 est d'interprétation stricte ; que le loueur du fonds de commerce n'est solidairement responsable avec le locataire-gérant que des dettes contractées par celui-ci qui ont servi effectivement à l'exploitation du fonds ; qu'en se bornant à affirmer que la dette a été contractée à l'occasion de l'exploitation du fonds et pour répondre à ses nécessités, sans relever ni même rechercher, comme elle y était invitée, s'il était établi que le prêt accordé par l'UCB aux époux Portal ait servi à l'exploitation du fonds de commerce de café restaurant, puisqu'il n'était pas contesté que ceux-ci ont finalement décommandé le matériel et que leur fournisseur leur a établi un avoir pour la somme que l'UCB lui avait versée, et en décidant cependant que Mme Andrieu et ses héritiers étaient solidairement responsables avec les époux Portal de la dette contractée par ceux-ci à l'égard de l'UCB, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, et alors, d'autre part, que son devoir de prudence oblige un établissement de crédit à vérifier la situation bancaire personnelle du commerçant qui sollicite un prêt destiné à une nouvelle activité professionnelle ; qu'en retenant que l'UCB n'avait commis aucune faute en ne se renseignant pas sur la situation personnelle des époux Portal et notamment sur leur éventuelle interdiction bancaire, la cour d'appel a violé l'article 1383 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'UCB avait réglé directement le fournisseur sur présentation de la facture du matériel commandé, dont il n'est pas contesté qu'il devait servir à l'exploitation du fonds, la cour d'appel en retenant que l'organisme prêteur n'avait pas à surveiller l'utilisation effective ultérieure de ce crédit par les locataires-gérants pour se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la loi du 20 mars 1956, a légalement justifié sa décision;
Attendu, d'autre part, que l'interdiction bancaire ne privant pas celui qui en est frappé de la possibilité d'obtenir un prêt d'un organisme financier, la cour d'appel a retenu à juste titre que l'UCB n'avait pas l'obligation de se renseigner sur une éventuelle interdiction bancaire des époux Portal et qu'en s'abstenant de le faire, elle n'avait pas commis de négligence ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette.