CA Paris, 1re ch. A, 28 juin 1993, n° 93-007734
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sifisa (SA), DLC Industrie (SA), JPM Industrie (SA)
Défendeur :
Sogal France (SARL), D3 industrie (SA), Sofaco (SA), Laco Industrie (SA), TH Industrie (SARL), d'Anselme (ès qual.), Leray (ès qual.), Macc (SA), Lavrard-Meyer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Conseillers :
MM. Guérin, Albertini
Avoués :
SCP Duboscq Pellerin, SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Gaultier
Avocats :
Mes Dissez, Genin, Baudel.
La Cour est saisie de l'appel formé, selon la procédure à jour fixe, par les sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie, Laco Industrie, Sofaco et TH Industrie d'un jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Paris le 26 février 1993 qui, à titre principal, a :
1°) dit les sociétés Sifisa, JPM Industrie, DLC Industrie, mal fondées en leurs demandes et prétentions tendant
a) à faire annuler :
- les conventions conclues les 9, 10 janvier et 14 février 1992 entre la société Sifisa, d'une part et les sociétés Sofaco, Laco Industrie et D3 Industrie, d'autre part, réorganisant le réseau de franchise Sogal créé par la société Sifisa ;
- la convention de cession de contrats de franchise du 14 février 1992 conclue entre la société Sifisa et la société Sogal France ;
- les contrats de franchise conclu le 14 février 1992 entre la société Sogal France, d'une part, et les sociétés Sifisa, JPM Industrie et DLC Industrie, d'autre part ;
b) en paiement de dommages et intérêts ;
2°) dit la société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer mal fondés en leurs demandes en paiement de dommages et intérêts ;
3°) dit que, pour l'avoir fait sans motifs et sans préavis, la société Sifisa a rompu abusivement les conventions et contrats susvisés et condamné cette société à payer à titre de dommages et intérêts :
a) globalement, aux sociétés D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie une somme de 70 000 000 de F ;
b) la société Sogal France une somme de 12 500 000 F ;
4°) fixé une astreinte de 50 000 F par infraction à la clause de non concurrence contenue dans les contrats de franchise litigieux, éventuellement commises par les sociétés Sifisa, JPM Industrie et DLC Industrie.
Par ordonnance du premier président rendue le 29 mars 1993, à la requête des appelantes, par application des articles 517 et suivants du nouveau code de procédure civile, l'exécution provisoire du jugement entrepris a été arrêtée en ce qui concerne le paiement des indemnités jusqu'à la décision définitive de la Cour, à charge pour lesdites sociétés de fournir des garanties bancaires sous forme de caution solidaire à hauteur de 30 000 000 de F.
Les sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie ayant été déclarées en redressement puis en liquidation judiciaires par jugements du Tribunal de commerce d'Agen des 23 mars et 23 avril 1993, la procédure a été régularisée par des assignations successives en intervention forcée et en reprise d'instance à l'encontre de Maître Vincent d'Anselme, administrateur judiciaire de la société Sifisa et de Maître Marc Leray, représentant des créanciers puis mandataire liquidateur desdites sociétés, lesquels sont en outre volontairement intervenus à l'instance.
Les sociétés Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie ont formé un appel provoqué à l'encontre de la société Macc et de MM. Jean-François et Michel Lavrard Meyer.
Référence étant faite à la décision déférée pour l'exposé des faits, de la procédure initiale et des motifs retenus par les premiers juges seront rappelés les éléments suivants nécessaires à la solution du litige :
La société Sifisa (Sogal Industrie Franchise Industrielle SA) a été créée dans les années 1980 par M. Georges Guérin son président directeur général, pour la fabrication dans des usines situées à Estillac (47310) et la distribution en franchise, auprès d'installateurs professionnels, d'éléments de rangement et de façades de placards.
Son réseau de franchise était organisé en huit zones d'exclusivité confiées par contrats aux sociétés D3 Industrie (région Rhône-Alpes), Sofaco (Bretagne et Pays de Loire), Laco Industrie (Provence-Alpes-Côte-d'Azur), TH Industrie (Est), JPM Industrie (Normandie Nord), DLC Industrie (Région Parisienne), la société Sifisa assurant elle-même la distribution dans la région Sud Ouest.
Le franchiseur a ensuite pris des participations devenues majoritaires dans certaines de ses franchisées : JPM Industrie, DLC Industrie, TFP Industrie et TH Industrie, participations qu'elle a cédées en ce qui concerne la dernière d'entre elles.
Ayant conclu avec l'ensemble de son réseau, à compter du 1er avril 1990, des contrats de franchise modifiés portant notamment de un à cinq ans la durée de leurs engagements, la société Sifisa a été cédée par ses actionnaires, le 30 avril suivant, à la société de capitaux L'Esclavissat, filiale de la société Macc (Manufacture d'Armes et de Cycles de Châtelleraut) cotée sur le second marché de la Bourse de Nantes, qui détient désormais 99,6 % de son capital.
A la suite de cette cession, les relations commerciales entre MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, nouveaux responsables de la société Sifisa, et les sociétés franchisées indépendantes, D3 Industrie, Sofaco et Laco Industrie, se sont détériorées, de sorte que, pour éviter une rupture, des accords visant à permettre la participation de ces trois sociétés à la gestion du réseau ont été conclu les 9 et 10 janvier 1992 et complétés le 14 février 1992.
Il a ainsi été stipulé que Sifisa céderait ses marques (Sogal, Sogalissimo, Kendoors et Movigraf) ainsi que des contrats de franchise, pour la somme symbolique de un franc, à une société à créer à parts égales entre elle-même, D3 Industrie, Sofaco et Laco Industrie et M. Michel Cattoire conseil en communication de Sifisa, cette société à responsabilité limitée, dénommée Sogal France, assurant, sans réaliser de bénéfices, la gestion des contrats de franchise, des budgets de publicité et communication, d'informatique et de toutes autres prestations liées à l'activité du groupe.
Selon ces conventions Sifisa était fournisseur exclusif du réseau pour ses produits spécifiques (profilés, pièces d'angles, mécanismes, portes pliantes, miroirs sérigraphiés, panneaux spéciaux...), se réservait l'exportation de sa production et l'un de ses administrateurs, M. Michel Lavrard Meyer, était gérant unique de la société Sogal France.
Conformément à ces accords, ont été signés, entre Sifisa et Sogal France, le contrat de cession de marques, le 17 janvier 1992 puis, le 14 février 1992, la convention de cession des contrats de franchise ainsi que, le même jour, les nouveaux contrats de franchise multi-enseignes entre Sogal France, désormais franchiseur et chacune des huit franchisées, en ce comprise Sifisa pour la région Sud-Ouest.
Comme les précédents conclu avec Sifisa, ces contrats comprenaient notamment, à la charge du franchisé, une clause de non concurrence d'une durée de deux ans en cas de rupture des relations contractuelles.
Les difficultés ayant persisté entre Sifisa et D3 Industrie, Sofaco et Laco Industrie, M. Michel Lavrard Meyer a démissionné de ses fonctions de gérant de Sogal France au mois d'avril 1992, puis, au mois de juin 1992, Sifisa a dénoncé tout à la fois les accords des 9, 10 janvier et 14 février précédents, les conventions de cession de marques à Sogal France du 17 janvier et de cession des contrats de franchise à la même société du 14 février, son propre contrat de franchise, en même temps que ses filiales DLC Industrie, TFP et JPM Industrie dénonçaient le leur, toutes prétendant, dans les mêmes termes, que ces accords étaient nuls pour de multiples raisons.
En cet état Sogal France, D3 Industrie et Laco Industrie ont introduit une instance devant le Tribunal de commerce de Paris, à laquelle s'est jointe TH Industrie, visant, à titre principal, à demander à Sifisa, DLC Industrie, TFP et JPM Industrie, réparation du préjudice résultant de la révocation abusive des conventions litigieuses et à les contraindre à respecter la clause de non concurrence prévue par le contrat ou, subsidiairement, en cas d'annulation de ces accords, à faire condamner la société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, ses principaux actionnaires, à les garantir du préjudice résultant de la destruction du réseau.
Pour accueillir leur demande principale, le premier juge a rejeté les moyens de défense invoqués par Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie visant à soutenir qu'étaient nulles ou résiliées aux torts de leurs adversaires toutes les conventions conclues les 9, 10 janvier et 14 février 1992.
Il a en conséquence jugé que les dénonciations des contrats litigieux par Sifisa et ses filiales étaient brutales et abusives, que ces sociétés étaient tenues à l'obligation de non concurrence à l'égard de Sogal France stipulée en cas de rupture du contrat de franchise et que les préjudices allégués par cette dernière et D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie étaient justifiés pour les montant susindiqués.
Au soutien de leur appel, la société Sifisa et ses filiales relèvent d'abord que le jugement dont appel :
- d'une part n'a pas été délibéré dans les conditions prévues par l'article 447 du nouveau Code de procédure civile ;
- d'autre part qu'il statue au-delà de la demande en ce qui concerne le montant de l'astreinte dont il a assorti l'interdiction prononcée.
Sur le fond les appelantes reprennent pour l'essentiel les moyens soulevés en première instance, à savoir que :
1°) les accords cadre conclu entre Sifisa, d'une part, et D3 Industrie, Sofaco et Laco Industrie, d'autre part, les 9, 10 janvier et 14 février 1992 sont nuls en ce que :
- ils ont été établis sous la pression et par des manœuvres dolosives de D3 Industrie, Laco Industrie et Sofaco ;
- ils prévoient au bénéfice de Sifisa une clause d'exclusivité de fourniture des profils et de la quincaillerie nécessaire à la réalisation des façades de placards à un prix indéterminable dès lors qu'il s'apprécie en référence à un " prix du marché ", selon elles inexistant pour cette catégorie de produits, cette clause étant contraire aux articles 1591 et 1129 du Code civil ;
- l'accord du 9 janvier 1992 comprend à la charge de Sifisa une interdiction de réimportation constituant une violation de l'article 3 du règlement d'exemption CEE n° 1983-83 de la Commission du 22 juin 1983, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3 du traité instituant la Communauté Economique Européenne à des catégories d'accords de distribution exclusive ;
2°) la convention de cession de contrats de franchise conclue entre Sifisa et Sogal France le 14 février 1992 est nulle en ce que :
- elle n'est que l'application des accords cadres des 9 et 10 janvier 1992 eux-mêmes nuls ;
- elle a été conclue pour le vil prix de un franc et sans contrepartie ;
3°) les contrat de franchise conclu entre Sogal France et Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie sont nuls en ce qu'ils contiennent :
- des clauses d'interdiction de réimportation à la charge du fabricant (article 5-2) et de non concurrence à la charge du franchisé pendant une durée de deux années en cas de rupture du contrat (article 23) qui sont contraires au règlement d'exemption CEE n° 4087-88 de la Commission du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de franchise, de tels accords étant susceptibles d'affecter de manière sensible le marché entre les Etats membres sur le marché qu'elles définissent comme celui de la porte de placard coulissante ;
- des clauses d'exclusivité de fourniture de certains produits à un prix indéterminé (article 5-2), contraires aux articles 1591 et 1129 du Code civil ;
- une clause d'uniformité de prix à la clientèle, contraire aux prescriptions de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- et en ce que, contrairement aux prescriptions de la loi du 31 décembre 1989 et de son décret d'application du 4 avril 1991, la signature de ces nouveaux contrats de franchise n'a pas été précédée de la remise par Sogal France, nouveau franchiseur, d'un document d'information sur le réseau ;
4°) les contrats de franchise conclu par Sogal avec son réseau ayant résilié ceux précédemment souscrits par les mêmes distributeurs auprès de Sifisa, cette dernière ne saurait être tenue à l'égard de Sogal France à une quelconque garantie résultant de l'acte de cession du 14 février 1992 ;
5°) les dits accords doivent être résiliés aux torts de Sogal France, D3 Industrie, Sofaco et Laco Industrie pour violation ou inexécution par celles-ci de leurs obligations, de multiples manquements aux clauses de ces conventions étant à cet égard invoqués ;
6°) Sifisa n'a pas rompu lesdites conventions sans motifs ni préavis, puisqu'en dépit de leur dénonciation, elle a continué à exécuter ses engagements ;
7°) les préjudices allégués par les intimées et retenus par le tribunal sont dépourvus de fondement et de justification quant à leur lien de causalité avec la dénonciation des conventions litigieuses ou quant à leur montant.
Les sociétés appelantes prient en conséquence la Cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- à titre principal, de dire nulles et de nul effet les conventions des 9 et 10 janvier 1992 et leur complément du 14 février 1992, la convention de cession de contrats de franchise du 14 février 1992 ainsi que les contrats de franchise conclu le même jour par Sifisa, JPM Industrie et DLC Industrie avec Sogal France ;
- à titre subsidiaire, de résilier les conventions des 9, 10 janvier 1992 et les contrats du 14 février 1992 aux torts de Sogal France, DLC Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie, débouter celles-ci de leur demande de garantie du vendeur et constater qu'elles ne justifient d'aucun préjudice ;
- rejeter toutes leurs demandes ;
- les condamner à la somme de 5 000 000 de F à titre de dommages et intérêts et à la somme de 500 000 F pour procédure abusive.
Par des conclusions complémentaires lesdites sociétés concluent à l'irrecevabilité des demandes en paiement de dommages et intérêts formées contre elles, par application de l'article 48 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, en raison des procédures de liquidation judiciaire dont elles font l'objet par jugement susvisé du 23 avril 1993 prononcé par le Tribunal de commerce d'Agen.
Sur leur appel provoqué à l'encontre de la société Macc et de MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie soutiennent qu'en raison de l'évolution du litige résultant de la suspension partielle de l'exécution provisoire du jugement entrepris et la liquidation judiciaire des sociétés intimées, elles sont recevables et fondées à former, en cause d'appel, des demandes nouvelles à l'encontre des susnommés à qui elles imputent une part de responsabilité dans la rupture des conventions litigieuses par Sifisa qu'ils contrôlent entièrement et qu'ils doivent en conséquence être condamnés, solidairement avec celle-ci, à les indemniser de leur préjudice par le paiement d'une somme de 400 000 F, demandant en outre à la Cour de fixer à ce montant la créance de Sogal France sur Sifisa.
Sur l'appel principal de la société Sifisa et de ses filiales, les sociétés Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie font valoir que :
- le tribunal a effectivement assorti l'application de la clause de non-concurrence d'une astreinte supérieure à celle qu'elles avaient demandée mais qu'elles portent devant la Cour leur demande sur ce point à la somme de 100 000 F par infraction ;
- contrairement à ce qui est soutenu, le jugement dont appel a été délibéré conformément aux dispositions de l'article 447 du nouveau code de procédure civile ;
- les moyens visant à faire annuler pour dol les conventions cadres des 9, 10 janvier et 14 février 1992 sont sans fondement, alors qu'au surplus ces conventions s'inscrivent dans une stratégie mise en œuvre par Sifisa et sa société mère, Macc, pour détourner le réseau de distribution Sogal à leur profit ;
- sont également sans fondement les moyens visant à soutenir qu'elles n'ont pas exécuté ces contrats, aucun des manquements allégués n'étant prouvé ni en ce qui concerne la violation de la clause d'exclusivité d'approvisionnement ni en ce qui concerne les autres griefs, alors que, selon elles, Sifisa et Macc ont, notamment par le pillage des fichiers informatiques, procédé à des manœuvres préparatoires de la rupture délibérée des contrats de franchise ;
- les moyens de nullité tirés du prix symbolique de la cession des contrats de franchise sont inopérants dès lors que cette convention prévoit des contreparties réciproques qui caractérisent un contrat innomé à titre onéreux ;
- les moyens de nullité des contrats de franchise tirés de la violation du droit interne ne sont pas fondés, tant en ce qui concerne l'application à l'espèce de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989, que l'allégation de pratiques de prix imposés et celle de l'indétermination du prix de cession des produits concernés ;
- les moyens de nullité desdits contrats sont inopérants, les accords d'exclusivité et de franchise dont s'agit n'entrant pas dans le champs d'application du droit communautaire de la concurrence alors qu'au surplus, les clauses litigieuses ne sont pas contraires aux règlements d'exemptions susvisés, dès lors que, subsidiairement, elles proposent de réduire à une année la durée de l'obligation de non concurrence imposée au franchisé en cas de rupture du contrat ;
- dans l'hypothèse où le contrat de franchise serait nul, elles seraient fondées à poursuivre la condamnation de la société Sifisa au titre de sa garantie de cédant desdits contrats de franchise ;
- depuis le 18 juin 1992, date de la dénonciation des contrats de franchise, Sifisa et Macc se sont livrées à leur égard à une concurrence déloyale, notamment par la prospection systématique de leur clientèle, des actes de dénigrement, le débauchage de leur personnel et la pratique de prix d'appel ;
Macc est l'initiateur de la restructuration du réseau, de la rupture des accords de franchise ainsi que du soutien financier des actes de concurrence déloyale commis à leur encontre, qu'elle a décidé le dépôt de bilan des sociétés Sifisa et de sa sous holding la société L'Esclavissat afin de priver d'effet les décisions de justice rendues sur leur action.
Les sociétés Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie prient en conséquence la Cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé valides les contrats litigieux, dit Sifisa, JPM Industrie et DLC Industrie tenues à l'obligation de non-concurrence prévue aux contrats de franchise, chacune des violations de cette interdiction étant sanctionnée d'une astreinte définitive d'un montant de 100 000 F, juger fautive la rupture par les appelantes des conventions du 14 février 1992, mais par voie de réformation, de dire solidairement tenue avec Sifisa de réparer le préjudice résultant, tant de la rupture des contrats que de la violation de la clause de non concurrence qu'ils contiennent et des actes de concurrence déloyale qui ont suivi, par le paiement d'une somme de 350 000 F à titre de dommages et intérêts ;
- à titre subsidiaire :
- dans l'hypothèse où les contrats de franchise seraient soumis au droit communautaire, leur donner acte de ce qu'elles limitent à un an la durée de la clause de non concurrence, ce délai courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- en cas d'annulation des contrats de franchise, juger valide la convention de cession des contrats de franchise conclue selon elle à titre transactionnel, la société Sifisa tenue à leur égard de la garantie de délivrance et de jouissance paisible et en conséquence à une obligation de non-concurrence dont la violation serait à sanctionner par l'astreinte susvisée ;
- désigner un expert pour donner un avis sur le montant total de leur préjudice et condamner d'ores et déjà les sociétés appelantes à payer à titre de provision à D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie une somme de 82,5 millions de F et les mêmes sociétés solidairement avec Macc à payer à la société Sogal France une somme de 12 500 000 F en réparation du préjudice causé par la rupture des conventions de franchise ;
- dans l'hypothèse où serait annulée la convention de cession des contrats de franchise et les contrats de franchise du 14 février 1992, constater que ces conventions ont été signées par MM. Michel, Jean-François Lavrard Meyer et la société Macc ; en conséquence, les condamner solidairement à leur payer les sommes sus indiquées à titre d'indemnité ou de provision, juger nuls les contrats de franchise antérieurs conclu depuis la création du réseau Sogal et dire Sifisa et Macc solidairement tenues à les indemniser du préjudice qui en résulterait, à évaluer après expertise.
La société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer soutiennent que :
- n'étant nullement justifiées par l'évolution du litige, les demandes nouvelles formées à leur encontre par Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie sont irrecevables ;
- la société Macc est une personne morale indépendante de sa sous filiale Sifisa, qu'elle ne s'est immiscée ni dans la conclusion des conventions litigieuses ni dans leur dénonciation et ne saurait pas conséquent être tenue solidairement aux dettes de sa filiale sur un fondement qui n'est en rien précisé par la société Sogal France et ses co-intimées ;
MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer ne sont intervenus dans les faits et aux conventions litigieuses qu'en qualité de mandataire social de Sifisa et ne sauraient par conséquent être tenus à titre personnel aux dettes de cette société, sauf à invoquer des fautes de gestion qui relèveraient alors de la seule compétence du Tribunal de commerce d'Agen saisi de sa liquidation judiciaire.
Ils prient en conséquence la Cour de déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie et de confirmer par substitution de motifs du jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre eux.
Sur leur appel incident, la société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer poursuivent la condamnations des sociétés susnommées à réparer le préjudice qu'elles leur ont causé du fait de leur comportement lors de l'instance, notamment par des atteintes fautives à leur crédit et leur réputation et sollicitent le paiement de dommages et intérêts d'un montant de 1 000 000 de F à la société Macc et de 100 000 F respectivement pour MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer.
Pour un exposé plus complet des moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures échangées en appel, étant précisé que chacune des parties revendique l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi, LA COUR,
I- SUR LA NULLITÉ DU JUGEMENT DONT APPEL :
Considérant qu'aux termes de l'article 447 du nouveau code de procédure civile, il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ;
Qu'il résulte des mentions finales du jugement dont appel que l'affaire a été retenue et plaidée à l'audience publique où siégeaient Mme Babeau, MM. De Quillac et Malafosse mais qu'il a été délibéré par Mme Babeau, MM. Chevallier et Monney ;
Que le jugement dont appel doit par conséquent être annulé en toutes ses dispositions, la Cour statuant à nouveau par application de l'article 561 du nouveau code de procédure civile ;
II- SUR L'APPEL DES SOCIÉTÉS SIFISA, DLC INDUSTRIE ET JPM INDUSTRIE :
A- Sur la nullité des conventions des 9, 10 janvier et 14 février 1992 et des contrats de franchise du 14 février 1992 :
1- Sur le moyen tiré de l'article 1116 du Code civil :
Considérant que Sifisa prétend que les conventions conclues les 9, 10 janvier et 14 février 1992 sont nulles en ce qu'elles ont été établies sous la pression de D3 Industrie, Laco Industrie et Sofaco et accompagnées de manœuvres destinées à obtenir le consentement de ses représentants ;
Qu'à cette fin, elle allègue, d'une part, le préambule de la convention manuscrite du 9 janvier 1992, dressée de la main de M. Michel Cattoire qui fait état de menaces de ruptures des contrats de franchise et de la désorganisation qui en résulterait, d'autre part, des " faits graves ayant permis le transfert de savoir-faire de la franchisée au bénéfice de la société Sogal France " ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;
Que ni l'opposition à Sifisa qu'auraient manifestée certains franchisés, ni l'intention de rupture des relations contractuelles exprimée par ceux-ci, ni le prétendu changement de l'ordre du jour de la réunion des membres du réseau du 9 janvier 1992, ne sont constitutifs de manœuvres au sens du texte susvisé, dès lors que ces faits ne caractérisent pas en eux-mêmes des agissements malhonnêtes et qu'ils n'étaient pas de nature à surprendre Sifisa pour lui faire prendre un engagement contre la volonté de ses dirigeants ;
Qu'il n'est en outre pas manifeste que, sans ces faits, MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, représentant de la société Sifisa, hommes d'affaires habitués aux négociations commerciales, n'auraient pas contracté ; qu'au surplus ceux-ci n'ont pas démentis dans des courriers ultérieurs avoir eux-mêmes proposé les solutions retenues par les conventions arguées de nullité et qu'enfin, ces accords ont été réitérés, complétés et mis en œuvre par des contrats signés le 14 février 1992, dans un délai permettant aux mandataires de Sifisa de s'assurer de la validité de leur consentement ;
Que les autres faits invoqués : ordre du jour de la réunion du 27 mars 1992, débauchage d'un informaticien de Sifisa, augmentation du budget informatique de Sogal France, contestation des prix fixés par les conventions, consultation de fournisseurs concurrents, violation des clauses d'exclusivité d'approvisionnement, sont postérieurs aux accords litigieux et n'ont par conséquent pu avoir aucun effet sur le consentement de leurs signataires ;
Qu'il n'est en conséquence pas prouvé que les accords argués de nullité aient été surpris par dol ;
2- Sur le moyen tiré de la violation des article 1591 et 1129 du Code civil :
Considérant que les conventions des 9 et 10 janvier 1992 comprennent des clauses stipulant au bénéfice de Sifisa une exclusivité de fourniture pour ses produits spécifiques, assorties de règles de détermination de prix prévoyant que le prix sera
" celui du marché dans des conditions comparables majoré d'un coefficient dit de privilège qui sera proposé par Sifisa compris dans une fourchette de 1,1 à 1,2 "
et que
" le prix du marché sera établi, soit entre les parties, soit si elles ne peuvent se mettre d'accord par deux experts, l'un désigné par Sifisa, l'autre par les autres associés ".
Que cette disposition a été complétée le 14 février 1992 d'un clause selon laquelle :
" En cas de désaccord entre les deux experts sur le prix du marché, ils seront départagés par un troisième expert nommé par le président du Tribunal de commerce de Paris à la requête de la partie la plus diligente " ;
Qu'en référence à ces actes préparatoires, les contrats de franchise prévoient que la fixation du prix des articles spécialement produits par Sifisa se fera,
" sur la base du prix du marché concurrentiel dans des conditions comparables, majoré :
- au plus de 10 % (dix pour cent), soit un prix qui ne pourra être supérieur de plus de 10 % (dix pour cent) au prix que pourraient obtenir les franchisés d'un autre fournisseur, pour les produits suivants : profilés en acier fabriqués par la société Sifisa, portes pliantes et bâtis d'huisserie, miroirs sérigraphiques et panneaux spéciaux.
- au plus de 15 % (quinze pour cent), soit un prix qui ne pourra être supérieur de plus de 15 % (quinze pour cent) au prix que pourraient obtenir les franchisés, pour les produits sous traités dont la société Sifisa a la propriété des outillages, tels que pièces d'angles métalliques et mécanismes ".
Considérant que pour soutenir que ces clauses ne permettent pas de déterminer le prix de cession des matériels de quincaillerie dont la fourniture lui était exclusivement réservée, Sifisa et ses filiales soutiennent qu'il n'existe pour ces produits spécifiques aucun marché auquel les experts puissent se référer et se prévalent de lettres qu'elles ont sollicitées d'entreprises du secteur, selon lesquelles la fixation des prix dépend de divers facteurs tenant aux quantités par campagne, à la spécificité des articles, au cahier des charges de l'entreprise, aux outillages nécessaires etc... ;
Mais considérant qu'il est par ailleurs démontré, notamment par des correspondances et autres documents émanant d'une autre entreprise et du Syndicat National des Produits Plats en Aciers, qu'il existe un marché des produits métalliques profilés entrant dans la fabrication des vantaux de placards coulissants permettant, par référence à des matériaux standards et à des mesures constantes, la détermination d'un prix concurrentiel ; que si, bien évidemment, chacune des entreprise établit ses coûts de fabrication en fonction des spécificités techniques, des quantités des produits commandés et de ses propres structures de production, il n'en est pas moins certain qu'il existe pour de tels matériels un marché auquel puissent utilement se reporter les parties et, éventuellement les experts par elles désignés ;
Qu'en outre, les mécanismes prévus par les clauses litigieuses, prévoyant d'abord la recherche de l'accord des parties ensuite le recours à un collège d'experts, enfin la référence expresse à des offres concurrentes, font échapper la détermination du prix à la volonté potestative de l'une d'entre elles ; qu'il s'ensuit que les clauses litigieuses sont conformes aux dispositions des articles 1591 et 1129 alinéa 2 du Code civil ;
3- Sur le moyen tiré :
- d'une part de la non-conformité de la convention du 9 janvier 1992 aux règlements d'exemption de la Commission CEE n° 1983-83 et 1983-1984 du 22 juin 1983 concernant les accords de distribution exclusive,
- d'autre part de la non-conformité de ces accords avec le règlement d'exemption CEE n° 4087-88 de la Commission du 30 novembre 1988 concernant certaines catégories d'accords de franchise :
Considérant que la convention conclue le 9 janvier 1992 entre Sifisa et Sofaco, D3 Industrie et Laco Industrie prévoit que :
" La société Sifisa conserve l'exploitation des produits actuels sous deux réserves :
1) qu'il ne s'agisse pour la CEE et la Suisse que d'une vente sous forme de franchise gérée par Sifisa et donc à des prix qui ne pourront qu'être égaux ou supérieurs à ceux pratiqués en France,
2) que Sifisa prenne toutes dispositions pour que les produits finis ou semi-finis vendus par ses soins hors de France ne puissent venir concurrencer les franchisés en France " ;
Que cette obligation a été reprise dans les contrats de franchise conclus le 14 février 1992 par Sogal France sous la forme d'une possibilité de résiliation de la clause d'exclusivité d'approvisionnement dont bénéficie Sifisa en cas de (article 5-2) :
" non respect [par elle] de son obligation d'imposer à ses distributeurs étrangers une interdiction de s'organiser pour revendre en dehors de leur territoire "
Que les contrats de franchise comprennent également une clause de non-concurrence dans le secteur concédé d'une durée de deux années à la charge du franchisé en cas de rupture des relations contractuelles pour quelque cause que ce soit(article 23) ;
Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que les contrats d'exclusivités réciproques et de franchise sont nuls de plein droit par application de l'article 85 paragraphe 2 du traité CEE en ce qu'ils contiennent des clauses d'interdiction de réimportation (article 5-2) et de non concurrence d'une durée de deux années (article 23) exclues par les règlements d'exemption :
- CEE 1983-83 de la Commission du 22 juin 1983 concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de distribution exclusive ;
- CEE n° 4087-88 de la Commission du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de franchise ;
Considérant que par application de l'article 85 paragraphe 1 et 2 du traité CEE, sont nuls de plein droit tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ;
Considérant que les engagements réciproques d'exclusivité liant Sifisa, d'une part, et les sociétés franchisées, d'autre part, par l'intermédiaire de Sogal France, stipulés dans les conventions des 9 et 10 janvier 1992 et les contrats de franchise du 14 février 1992 auxquels elles ont donné lieu, concernant les " profilés, pièces, pièces d'angles et mécanismes, portes pliantes, miroirs sérigraphiés et panneaux spéciaux " nécessaires à la fabrication des façades de placards ;
Considérant que les contrats de franchise du 14 février 1992 ont pour objet, d'une part, l'assemblage, le parachèvement et la commercialisation de façades de placards coulissantes, de séparations coulissantes et de porte ouvrant à la française, d'autre part, la commercialisation de meubles de rangement et accessoires, de portes escamotables et de portes pliantes de placards, l'ensemble de ces produits étant destinés aux professionnels qui en assurent la pose ;
Considérant que la confrontation de l'offre de Sifisa, fabricant de tels matériels, ou des entreprises par elle sélectionnées et de la demande des sociétés franchisées, spécialisées dans la confection de façades de placards sur mesure et la fourniture de meubles et accessoires de rangement destinés aux professionnels installateurs, détermine des marchés spécifiques pour chacune de ces catégories de composants : articles de quincaillerie, panneaux, meubles et accessoires, dès lors que respectivement, ils sont absolument insubstituables dans la fabrication ou la fourniture des produits commercialisés ;
Considérant que la société Sifisa ne communique à la Cour aucun renseignement sur le chiffre d'affaires qu'elle réalise pour chacun de ces produits et les parts qu'elle détient sur les marchés national et communautaires qu'ils déterminent ; qu'elle indique seulement que le chiffre d'affaire total du réseau Sogal était en 1991 de 243 400 000 F pour l'ensemble de ses activités et qu'elle revendique 15 % des parts du marché national de la porte de placard coulissante réparti entre quatre entreprises ; qu'elle ne donne aucun renseignement sur la provenance des divers matériaux entrant dans la composition des produits en cause ni sur l'organisation de leur production et de leur distribution en France et dans les différents pays de la communauté ;
Que les sociétés Sogal France, D3 Industrie, Laco Industrie, Sofaco et TH Industrie établissent que, rapportés au marché des meubles meublants, les chiffres d'affaires et parts de marché indiqués par les appelantes sont largement en dessous des seuils indiqués par la communication de la Commission CEE du 3 septembre 1986 concernant les accords d'importance mineure qui ne sont pas visés par l'article 85 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté ;
Considérant qu'il ne résulte pas des éléments objectifs de fait ou de droit soumis à l'appréciation de la Cour que les accords d'exclusivités réciproques et de franchises susvisés puissent éventuellement exercer une incidence directe ou indirecte sur les courants d'échange entre les Etats membres de la Communauté économique européenne, de contribuer au cloisonnement du marché et rendre plus difficile l'interpénétration économique voulue par le Traité de Rome; qu'il s'ensuit que les accords litigieux, n'étant pas susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre les Etats membres, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1 du Traité et ne peuvent par conséquent être annulés en raison de leur non-conformité aux règlements d'exemption par catégorie pris par l'application du paragraphe 3;
Considérant en outre que, telle qu'elle est appliquée dans les contrats de franchise litigieux, la clause visant les réimportations en France de produits finis ou semi finis comprise dans la convention du 9 janvier 1992 ne restreint pas la possibilité pour les intermédiaires ou utilisateurs d'acheter les produits visés au contrat auprès d'autres revendeurs à l'intérieur du marché commun puisqu'elle se borne à empêcher les distributeurs étrangers à s'organiser pour revendre en dehors de leur territoire ; qu'une telle clause est légitime dès lors qu'elle vise à rendre effective l'exclusivité de commercialisation, accordée par zone géographique à chacun des franchisés et dont la licéité n'est pas contestée ;
Considérant que selon les documents produits, outre l'activité des entreprises indépendantes, la fourniture aux professionnels des façades de placards sur mesure et des meubles de rangement modulables est répartie entre plusieurs grands groupes (KZ, Nirva, Neves, Gédimat, Pinault, Lapeyre, Tec Habitat, Novobat) ; que dans un tel contexte compétitif, la clause de non-concurrence d'une durée de deux années à la charge du franchisé n'a pas pour objet et ne peut avoir pour effet de restreindre la concurrence sur les marchés ci-dessus définis alors qu'au surplus, elle est limitée à l'activité strictement déterminée par le contrat et à la zone géographique franchisée;
4- Sur les moyens de nullité de la convention de cession des contrats de franchise conclue entre la société Sifisa et Sogal France :
Considérant que par la convention signée le 14 février 1992, Sifisa a cédé à Sogal France les contrats de franchise en date du 1er avril 1990 qui la liaient à D3 Industrie, Laco Industrie, Sofaco, TFP, JPM Industrie, DLC Industrie et TH Industrie moyennant le prix symbolique de un franc ;
Considérant que Sifisa prétend que cette convention est nulle en ce qu'elle est l'application des accords cadres des 9 et 10 janvier 1992 eux-mêmes nuls et qu'en outre, elle a été conclu pour un vil prix ;
Mais considérant qu'ainsi que l'admettent les appelantes, la cession des contrats de franchise n'est intervenue que par application des accords des 9 et 10 janvier 1992, par ailleurs déclarés valables ; que ces accords prévoyaient, entre Sifisa et Sogal France, un ensemble d'obligations réciproques selon lesquelles, en contrepartie de la cession litigieuse, la société Sifisa bénéficiait de l'exclusivité dans l'approvisionnement de ses produits spécifiques à un tarif supérieur à celui du marché, du retrait des contrats de franchise de la clientèle " bricolage " ainsi que les marques " Open Star " et " MB 14 " au profit de sa filiale à 50 % MB Concept, de l'exploitation de la marque Sogal à l'étranger ainsi que de l'exclusivité pour l'ensemble de ses produits et qu'enfin, l'un de ses administrateurs était nommé gérant unique de la société Sogal France ;
Qu'il s'ensuit que la cession des contrats de franchise par Sifisa à la Sogal France ne peut être annulée pour défaut de prix dès lors qu'ainsi qu'il résulte des éléments sus-énoncés, elle s'inscrit dans un contrat innomé à titre onéreux leur imposant des obligations réciproques ;
5- Sur le moyen de nullité des contrats de franchise tiré de la violation de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que le contrat de franchise de Sogal France contient une clause stipulant : Article 10 - Achats :
" Afin de veiller à l'uniformité des produits distribués tant en ce qui concerne la qualité que les prix proposés à la clientèle, et afin de permettre une comparaison constructive de l'exploitation et de la gestion de chaque société franchisée, le franchisé s'engage expressément à effectuer, auprès des fournisseurs agréés et référencés par le franchiseur, l'ensemble de ses achats, aux conditions déterminées par le franchiseur, en vertu du mandat qui lui est donné par le franchisé à l'article 4 des présentes " ;
Que les sociétés appelantes prétendent que cette clause constitue une infraction à l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant qu'il ne peut être soutenu que, telle qu'elle est rédigée, cette disposition impose directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente des produits objet du contrat ;
Qu'elle vise seulement, par une disposition qui n'est à cet égard critiquée ni quant à son objet ni quant à son effet, à imposer au franchisé les conditions de vente conclues par le franchiseur avec les fournisseurs agréés, sans pour autant lui interdire de négocier librement ses prix de revente avec les professionnels qui constituent sa clientèle ;
Considérant en outre, qu'à supposer qu'elle ait pour objet ou qu'elle puisse avoir pour effet de restreindre la concurrence par les prix, cette clause ne peut être considérée comme une condition impulsive et déterminante conduisant à annuler le contrat en toutes ses dispositions ;
6- Sur les moyens de nullité des contrats de franchise tirés de la violation de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 et de son décret d'application n° 91-337 du 4 avril 1991 :
Considérant qu'il est prétendu que la signature des contrats de franchise du 14 février 1992 n'a pas été précédée de la remise par Sogal France, nouveau franchiseur, du document d'information prévu par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 et 1er du décret d'application du 4 avril 1991 ;
Mais considérant que Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie ne soutiennent pas que l'omission de cette formalité ait vicié le consentement qu'elles ont respectivement donné aux conventions litigieuses;
Que les contrats de franchise qu'elles ont conclu le 14 février 1992 avec Sogal France ne sont en effet que la reprise des contrats que l'ensemble des franchisés, dont DLC Industrie et JPM Industrie, avaient précédemment souscrits le 1er avril 1990 auprès de la société Sifisa, alors franchiseur, lesquels ont été cédés par celle-ci à Sogal France qu'elle a contribué à créer et dont l'un de ses administrateurs était gérant ; que cette cession n'a déterminé de changement, ni dans l'ancienneté et l'expérience du nouveau franchiseur lequel est l'émanation du précédent et de certaines de ses franchisées, ni dans la provenance des produits concernés, ni dans l'état et les perspectives de développement du marché, ni dans l'importance du réseau dont les exploitants restaient les mêmes, ni quant à la durée, aux conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi qu'au champ des exclusivités;
Qu'en outre les signataires du contrat litigieux du 14 février 1992 ont, en tant que de besoin, admis, par la clause de l'article 6-1 Communication et savoir-faire - Formation initiale que :
" A la signature du premier contrat de franchise, la société Sifisa a communiqué l'intégralité du savoir technique, commercial et d'organisation tel qu'il existait et résultait des modifications mises au point, améliorations constamment apportées par le franchiseur "
" le franchisé reconnaît que la formation initiale a été effectuée et que les documents nécessaires à l'exploitation lui ont été remis " ;
Qu'il s'ensuit que les appelantes ne sont pas fondées à se prévaloir de l'omission de la formalité susvisée, qui n'a en rien vicié leur consentement, pour prétendre nuls les contrats de franchise qui les lient à Sogal France;
B- Sur les moyens de résiliation des accords des 9, 10 janvier et 14 février 1992 :
Considérant que les sociétés appelantes prétendent que les sociétés intimées ont violés les accords des 9 et 10 janvier 1992 en " utilisant le fait majoritaire de l'assemblée générale de la société Sogal France pour détourner et vider lesdits accords de leur substance " :
- en refusant de signer l'accord d'approvisionnement exclusif prévu au bénéfice de Sifisa,
- en proposant lors de l'assemblée générale de Sogal France du 27 mars 1992 la création d'un bureau " marketing " à Paris dans la zone concédée à DLC Industrie,
- en organisant lors de l'assemblée générale du 27 mars 1992, le débauchage de M. Dominique Mussol, technicien du service informatique de Sifisa, au profit d'une société Easy Soft, chargée de l'informatique de Sogal France,
- en votant un budget informatique à la charge de Sifisa dans des conditions visant à compromettre l'équilibre de ses filiales franchisées ;
- en remettant en cause les prix convenus les 9 et 10 janvier 1992,
- en consultant des fournisseurs, pour les produits dits " non spécifiques ", sur la base d'un marché regroupant tous les franchisés, alors qu'aux termes des accords de telles consultations ne pouvaient qu'être individuelles ;
- en s'abstenant de consulter Sifisa pour la fourniture de tels produits ;
- en éludant par la création de produits nouveaux, en ce qui concerne les profils d'aluminium, l'obligation d'approvisionnement exclusif pour les produits dits " spécifiques ",
Que lors de leurs ultimes conclusions, elles ont ajouté à ces reproches ceux de déstabilisation commerciale par la propagation de fausses nouvelles et de désinformation ;
Mais considérant qu'aucun des griefs sus-énoncés n'est opérant, fondé ou prouvé ;
Qu'en effet, si les accords des 9 et 10 janvier prévoient que la société Sifisa sera fournisseur exclusif du groupe de franchise, elle n'impose pas que cet engagement fasse l'objet d'un accord distinct des contrats de franchise qui en déterminent précisément les modalités ;
Que l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale de Sogal France du 27 mars 1992 de la création d'un bureau de marketing de cette société à Paris, dont il n'est même pas avancé qu'il pouvait concurrencer DLC Industrie franchisée dans cette zone, n'est en rien contraire aux accords susvisés ;
Que le recrutement de M. Dominique Mussol par la société Easy Soft ne peut caractériser une faute contractuelle de nature à entraîner la résiliation des conventions liant Sifisa aux intimées, dès lors qu'il n'apparaît pas avoir été provoqué à des fins contraires à ces accords transférant à la société Sogal France la gestion de l'informatique du groupe et qu'il n'est en outre pas prouvé que cette proposition à l'assemblée générale ait été accompagnée de manœuvres fautives poussant ce salarié à quitter son emploi ;
Que le désaccord entre Sifisa et ses coassociés sur le transfert du système informatique à une entreprise sous-traitante ne constitue pas une cause de résiliation des engagements litigieux, alors que la position exprimée par les intimées à cette occasion n'était nullement incompatible avec ces conventions ;
Que la position des sociétés appelantes s'opposant à la répercussion par Sifisa de la hausse de ses coûts d'approvisionnement ne paraît pas davantage contraire aux conventions susvisées qui stipulent qu'à titre transitoire les prix de ses fournitures seront maintenus en l'état pour l'année 1992 ;
Qu'à elle seule la démarche de Sogal France auprès de la société Gintrac pour se faire communiquer des prix pouvant éventuellement servir de référence à l'établissement de tarifs Sifisa voire de comparaison avec les conditions faites par celle-ci au réseau ne constitue pas une violation de la convention ;
Que ni par leur ton ni par leur contenu les correspondances échangées entre Sogal France et Sifisa au sujet du tarif négocié de certains éléments d'emballage, de l'exécution par cette dernière de ses obligations de fournisseur ou la création de nouveaux profils en aluminium ne constituent des causes de résiliation des contrats, dès lors que n'est apportée aucune preuve d'un manquement effectif par Sogal France ou ses co intimées à la clause d'exclusivité d'approvisionnement prétendument violée ;
Qu'enfin les faits allégués et les pièces produites visant à démontrer des faits de déstabilisation commerciale ou de désinformation sont postérieurs à la dénonciation par la société Sifisa des accords des 9 et 10 janvier 1992 et qu'en outre, il ne peut être reproché à Sogal France, après cette rupture unilatérale du dispositif contractuel qui les liait, de rechercher de nouvelles sources d'approvisionnement même si elle avait sommé son partenaire de respecter ses engagements ;
C- Sur les conséquences de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Sifisa, DLC Industrie, JPM Industrie d'une part, et Sogal France, D3 Industrie, Laco Industrie, TH Industrie, d'autre part :
Considérant que par les actes des 18, 19, 22 et 25 juin 1992 ont été, unilatéralement et sans cause légitime, dénoncés :
- par la société Sifisa, les conventions des 9, 10 janvier et 14 février 1992 conclues avec les sociétés Sofaco, Laco Industrie et D3 Industrie ;
- par la même société la convention de cession des contrats de franchise conclue avec la société Sogal France le 14 février ;
- par les sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie, les contrats de franchise conclu avec la société Sogal France le 14 février 1992 ;
Que l'inexécution par lesdites sociétés de conventions valablement conclues est dommageable pour les sociétés Sogal France, Laco Industrie, Sofaco, D3 Industrie et TH Industrie qui en demandent réparation même si durant quelques mois la société Sifisa a continué à leur livrer certaines marchandises ;
Qu'en outre, par application de l'article 23 des contrats de franchise, il est interdit aux sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie, pendant deux ans à compter des actes de dénonciation susvisés, de s'affilier, de participer directement ou indirectement à un réseau concurrent semblable ou similaire à Sogal et ce, sur tout le territoire français et qu'elles doivent également s'abstenir d'utiliser les éléments du savoir-faire qui leur ont été communiqués par la société Sogal France, et de parachever, assembler et commercialiser des portes ou façades de placards ou tous produits identiques ou similaires à ceux qui leur étaient fournis par les fournisseurs référencés par la société Sogal France et ce, dans le secteur franchisé ;
Qu'il échet d'assortir cette interdiction d'une astreinte dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt ;
Considérant que Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie demandent à Sifisa solidairement avec Macc ainsi qu'à DLC Industrie et JPM Industrie réparation du préjudice par elle subi du fait de la rupture desdites conventions, de la violation de la clause de non-concurrence et d'actes de concurrence déloyale par le paiement de dommages et intérêts ;
Considérant que les sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie, déclarées en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce d'Agen du 23 avril 1993, soulèvent l'irrecevabilité de ces demandes par application de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Considérant que les intimées ne justifient pas de la déclaration des créances dont elles réclament paiement ; qu'il échet par conséquent de surseoir à statuer jusqu'à la justification de l'accomplissement de cette formalité ;
III- SUR L'APPEL PROVOQUÉ DES SOCIÉTÉS SOGAL FRANCE, D3 INDUSTRIE, SOFACO, LACO INDUSTRIE ET TH INDUSTRIE CONTRE LA SOCIÉTÉ MACC ET MM. MICHEL ET JEAN-FRANÇOIS LAVRARD MEYER :
Considérant que Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie qui n'avaient en première instance formé de demandes qu'à titre subsidiaire contre Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, en cas d'annulation des conventions litigieuses, forment un appel provoqué contre ceux-ci et poursuivent à titre principal leur condamnation en paiement de dommages et intérêts solidairement avec la société Sifisa ;
Qu'elles fondent leur action sur des actes d'immixtion de la société Macc dans la société Sifisa par l'intermédiaire de MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer, actionnaires majoritaires de la société civile immobilière d'Ozon qui contrôle l'ensemble du groupe et en outre administrateurs de Sifisa ; qu'elles en déduisent que ces personnes physiques et morale ont une part de responsabilité dans la rupture des contrats ;
Mais considérant que par application de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 l'instance est suspendue jusqu'à ce que les sociétés agissant en paiement de dommages et intérêts, notamment contre la société Sifisa en liquidation judiciaire, aient procédé à la déclaration de leur créance ; qu'il doit par conséquent être sursis à statuer jusqu'à l'accomplissement de cette formalité ;
Que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il doit également être sursis à statuer sur les demandes formées par la société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer contre les sociétés Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie ;
Par ces motifs : Annule le jugement entrepris ; Statuant à nouveau ; Dit qu'ont été unilatéralement et sans cause légitime révoqués : - par la société Sifisa, les conventions des 9, 10 janvier et 14 février 1992 conclues avec les sociétés Sofaco ; Laco Industrie et D3 Industrie ; - par la société Sifisa, la convention de cession des contrats de franchise conclue avec la société Sogal France le 14 février 1992 ; - par les sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie les contrats de franchise conclu avec la société Sogal France le 14 février 1992 ; Fait interdiction aux sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie pendant deux ans à compter des actes de dénonciation susvisés ; - sur tout le territoire français, de s'affilier, de participer directement ou indirectement à un réseau concurrent semblable ou similaire à Sogal ; - dans les secteurs qui leur étaient respectivement franchisés, d'utiliser les éléments du savoir-faire qui leur ont été communiqués par la société Sogal France et de parachever, assembler et commercialiser des portes ou façades de placards ou tous produits identiques ou similaires à ceux qui leur étaient fournis par les fournisseurs référencés par la société Sogal France ; Assortit ces interdictions d'une astreinte de 100 000 F par infraction constatée ; Sursoit à statuer : - sur toutes autres demandes, y compris sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - sur les dépens de l'appel provoqué des sociétés Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie contre la société Macc et MM. Michel et Jean-François Lavrard Meyer ; jusqu'à la justification par la société Sogal France, D3 Industrie, Sofaco, Laco Industrie et TH Industrie de la déclaration de leurs créances à la liquidation judiciaire de la société SIFIS conformément aux dispositions de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 ; Fait masse des autres dépens de première instance et d'appel jusqu'à ce jour exposés et dit qu'ils seront employés en frais de liquidation des sociétés Sifisa, DLC Industrie et JPM Industrie ; admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.