Cass. com., 29 juin 1993, n° 91-20.380
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Chanel (SA)
Défendeur :
Parfumerie Plus (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Léonnet
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Me Guinard.
LA COUR : - Sur le premier moyen pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 27 juin 1991), que la société Parfumerie Plus alléguant qu'elle bénéficiait d'un contrat de distribution sélective que lui avait consenti la société Chanel pour la vente de ses parfums et faisant valoir que ce contrat avait été rompu abusivement par cette société, l'a assignée devant le tribunal de commerce pour qu'elle soit condamnée à exécuter ses commandes et à lui verser des dommages-intérêts ;
Attendu que la société Chanel fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à cette demande alors selon le pourvoi, d'une part, que le contrat renvoyé par la société Parfumerie Plus ne comportait que la seule signature de cette dernière, ce dont il résultait nécessairement que la société Chanel se réservait de ratifier ou non le contrat de distributeur agréé pour l'année 1988 ; qu'en estimant que le contrat de distribution agréé avait été valablement conclu, sans rechercher si, en n'apposant pas sa signature sur les exemplaires de la convention, la société Chanel ne s'était pas réservé le droit de refuser la ratification du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et alors, d'autre part, que la lettre du 18 mai 1988 n'est qu'une lettre circulaire diffusée auprès des détaillants pour leur communiquer un modèle de contrat de distributeur agréé pour l'année 1988 et ne contient aucun engagement ferme de la part de la société Chanel envers la société Parfumerie Plus ; qu'en estimant que la lettre du 18 mai 1988 constituait une " offre précise, complète et ferme ", la cour d'appel a dénaturé les termes de ce document et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que par une appréciation souveraine, l'arrêt a décidé que la lettre de la société Chanel accompagnée du document contractuel adressée le 18 mai 1988 à la société Parfumerie Plus constituait une " offre précise complète et ferme " dont l'acceptation par cette dernière était établie par la signature qu'elle avait apposée sous ce contrat le 25 mai 1988 sans aucune réserve et avant toute rétractation de l'offre ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer d'autres recherches ;
Attendu, d'autre part, que l'appréciation de la portée d'un document contractuel, sans reproduction inexacte de ses termes, ne peut être critiquée par un grief de dénaturation ; - D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;
Et sur le second moyen pris en ses deux branches : - Attendu que la société Chanel reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors d'une part, selon le pourvoi que dans le contrat de distribution agréé, la considération des aptitudes, des capacités et la loyauté du détaillant joue un rôle prédominant, en sorte que ces contrats sont conclus en considération de la personne physique qui dirige et exploite le fonds et non en considération de structures juridiques abstraites ; qu'en estimant que la société Chanel n'était pas fondée, dans le cadre de ses relations avec la société Parfumerie Plus, gérée par M. Pisanti, à invoquer les fautes contractuelles commises par le même M. Pisanti, en sa qualité de gérant de la société Nouvelle Orléans, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si nonobstant l'autonomie juridique des deux sociétés, la mauvaise foi de leur gérant n'était pas de nature à remettre en cause tous les contrats de distribution agréés signés par ce dernier avec Chanel, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ; alors d'autre part, qu'en énonçant que la société Chanel n'établissait pas que le manquement dont elle faisait grief à la société Nouvelle Orléans était imputable personnellement à M. Pisanti, sans rechercher si ce seul manquement ne révélait pas en toute hypothèse que M. Pisanti n'était pas apte à assurer, dans les sociétés qu'il gérait, le respect des engagements pris envers la société Chanel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé à bon droit que la société Parfumerie Plus ayant une personnalité juridique distincte de la société Nouvelle Orléans, même si chacune de ces deux sociétés avait un même gérant en la personne de M. Pisanti, ne pouvait se voir reprocher une éventuelle faute de celui-ci en qualité de gérant de la société Nouvelle Orléans en l'absence de toute infraction prouvée et même alléguée de la part de la société Parfumerie Plus, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si les aptitudes de ce gérant lui permettaient d'assumer dans les sociétés qu'il dirigeait le respect des engagements pris envers la société Chanel ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.