Livv
Décisions

Cass. com., 12 octobre 1993, n° 91-19.025

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SAF des Montres Rolex (SA)

Défendeur :

Sofidi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Le Bret, Laugier, Me Parmentier.

T. com. Paris, du 30 janv. 1991

30 janvier 1991

LA COUR : - Sur le moyen unique pris en ses deux branches : - Attendu qu'il résulte des dispositions de l'arrêt attaqué (Paris, 8 juillet 1991), que la société Sofidi qui exploite à Paris un magasin d'horlogerie de luxe sous la dénomination Royal Quartz a été autorisée à partir de 1982, par la société des montres Rolex (société Rolex), à vendre ses produits sans toutefois faire partie de son réseau de distribution sélective ; qu'en 1990, la société Sofidi se plaignant des mesures de contingentement qui lui étaient opposées ainsi que des retards survenus dans l'exécution de ses commandes a demandé à être agréée en qualité de distributeur ; que la société Rolex lui a alors répondu, tout en rappelant les relations commerciales qui existaient entre les deux entreprises, qu'elle accepterait de l'intégrer dans son réseau à condition qu'elle modifiât son enseigne dont la " connotation quartz " lui semblait contraire à " l'ensemble de sa démarche technique et commerciale " et qu'en outre, elle fit le nécessaire pour répondre aux critères et exigences des " accords de distribution Rolex pour le commerce de détail spécialisé dans le marché commun " ; que la société Sofidi s'estimant victime d'un refus de vente a saisi le tribunal de commerce afin de faire condamner la société Rolex au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Rolex fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les conditions qui étaient mises par elle à l'entrée de la société Sofidi dans son réseau de distributeurs agréés et qui avaient motivé son refus de l'approvisionner à nouveau n'étaient pas fondées et justifiaient sa condamnation en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le créateur du réseau de distribution sélective a le choix des conditions objectives, spécialement des critères qualitatifs, que doivent remplir les candidats à l'agrément comme distributeurs agréés, sans que ceux-ci puissent prétendre à des aménagements qui aboutiraient à des discriminations dans le même réseau ; qu'en refusant à la société Rolex toute possibilité d'imposer à la société Sofidi, cherchant à passer du stade de revendeur simple, arraché en 1982, à celui de distributeur agréé, en 1990, tant la réserve préalable de la conformité de l'enseigne " Royal Quartz " au produit distribué que le respect de l'ensemble des critères objectifs de l'agrément, l'arrêt attaqué a privé, sans justification, la société Rolex du choix lui appartenant et a instauré, en accordant d'emblée à la société Sofidi, une dérogation préalable aux conditions de l'agrément, une discrimination entre elle et les distributeurs agréés en place, ayant accepté toutes les conditions des accords, qui s'en trouvent faussés ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé les articles 85-3 du traité de Rome, introduit en France par le décret du 28 janvier 1958, 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 1108 du Code civil, sur la formation des contrats ; alors, d'autre part, que l'enseigne est un élément déterminant de l'image de marque, comme le soulignaient les conclusions de la société Rolex en insistant sur ce qu'il entre dans les conditions objectives de la sélection des distributeurs agréés et sur ce que celle de " Royal Quartz ", qu'entendait maintenir la société Sofidi, traduisait une technique différente et opposée sur le plan commercial à celle des montres Rolex, symbole de l'horlogerie mécanique de précision ; qu'en se bornant à affirmer qu'une incompatibilité entre la marque Rolex et l'enseigne Royal Quartz resterait étrangère aux conditions prévues par les accords de distribution, visant pourtant la "promotion de vente" et la protection de la bonne réputation et de la marque Rolex, sans aucunement préciser en quoi l'enseigne, que n'entendait pas modifier la société Sofidi tout en réclamant son entrée dans le cercle des distributeurs agréés, n'aurait pas fait partie des conditions objectives de sélection, choisies légitimement par la société Rolex pour son réseau de distribution sélective, l'arrêt attaqué, insuffisamment motivé sur ce point dont dépendait la rencontre des volontés nécessaires à une agréation, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 1108 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que la société Rolex avait accepté depuis 1982 de vendre ses produits à la société Sofidi, l'arrêt retient que le contenu des contrats de distribution sélective de cette société, au demeurant licites et inchangés depuis cette date, ne comportait aucune clause particulière quant à la présentation des montres relativement à leur spécificité technique ; qu'en l'état de ces constatations, qui excluaient l'existence d'une dérogation en faveur de la société Sofidi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que la société Rolex avait accepté à partir de 1982 que la société Sofidi devienne son revendeur non agréé, à condition qu'elle modifiât l'enseigne de son point de vente ce que celle-ci avait fait "en remplaçant la dénomination Quartz Center par Royal Quartz" ; qu'elle a également relevé qu'il n'avait pas été allégué dans les écritures, qu'ait existé une incompatibilité entre l'enseigne de cette société et l'image de la marque Rolex ; qu'elle a pu déduire de ces constatations que la société Sofidi remplissait les conditions prévues par les clauses des accords de distribution sélective émanant de la société Rolex ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Sofidi sollicite sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.