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Décisions

CA Paris, 16e ch. A, 10 janvier 2001, n° 1998-17652

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bernède

Défendeur :

SAB diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Duclaud

Conseillers :

Mmes Imbaud-Content, Cobert

Avoués :

Me Kieffer-Joly, SCP Verdun-Seveno, Avocats : Mes Apelbaum, Roland, SCP Bartfeld-Destremau- Kuntz.

TGI Bobigny, du 28 avr. 1998

28 avril 1998

LA COUR statue sur l'appel formé par Monsieur Bernède d'un jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny du 28 avril 1998 qui a :

- condamné M. Bernède à payer à la société SAB diffusion la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts,

- débouté M. Bernède de ses demandes reconventionnelles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. Bernède à payer à la société SAB diffusion la somme de 6.000 F en application de l'article 700 du NCPC

- condamné M. Bernède aux dépens.

Les faits et la procédure peuvent être résumés ainsi qu'il suit.

La société SAB diffusion a confié à M. Bernède le 1er janvier 1994 un mandat de négocier la vente en son nom et pour son compte des produits fabriqués et diffusés par elle (profilés aluminium, cloisonnements) auprès des installateurs et négociants situés dans un secteur géographique déterminé et avec exclusivité. Un avenant a été régularisé le 11 janvier 1996.

Le 1er juillet 1996, M. Bernède a notifié à la société SAB diffusion sa décision de mettre fin à la collaboration.

Par courrier du 7 août 1996, la société SAB diffusion a demandé à M. Bernède de cesser toute activité pour son compte.

Puis, la société SAB diffusion a fait assigner M. Bernède le 10 janvier 1997 pour le voir condamner à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'agissements déloyaux et fautifs.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement attaqué.

Monsieur Bernède, appelant, demande à la cour de :

- l'accueillir en ses demandes et condamner la société SAB diffusion à lui payer au titre des commissions dues, les sommes de :

* affaire Ciam : 14.980 F

* affaire Cloiseurope : 18.149,96 F

* affaire ABCA Mollier : 1.106,72 F

* affaire Seage : 36.128,19 F

soit un total général des commissions dues : 70.364,87 F

augmentée des intérêts légaux à compter de l'acte introductif d'instance,

- condamner la société SAB diffusion à payer à M. Bernède la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société SAB diffusion à payer à M. Bernède la somme de 187.414,22 F HT, au titre de l'indemnité de résiliation,

- condamner la société SAB diffusion à payer à M. Bernède la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

La société SAB diffusion, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner M. Bernède à payer à la société SAB diffusion la somme de 40.000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- condamner M. Bernède aux dépens.

Ceci étant exposé, LA COUR,

Considérant que la cour adopte les motifs pertinents des premiers juges ;

1- Sur la demande de dommages-intérêts :

Considérant que M. Bernède soutient tout d'abord que la demande de la société SAB diffusion est mal fondée en droit, l'action en concurrence déloyale ayant pour fondement les principes régissant la responsabilité quasi-délictuelle alors que son action repose sur une stipulation contractuelle à savoir une obligation d'exclusivité ; qu'il soutient ensuite qu'en fait, le document produit par la société SAB diffusion, du 1er juillet 1996, qui semble provenir de la "Serrurerie Générale Compagnon" et indique avoir été orienté vers M. Bernède pour l'achat de profilés d'une société STMB, comporte des mentions rajoutées d'une autre écriture ; qu'une autre télécopie du 31 juillet 1996 émanant de STMB est une pure fabrication pour les besoins de la cause ; que dans l'ensemble, tous les documents produits par la société SAB diffusion révèlent des incohérences quant aux secteurs géographiques et aux dates de prises de contact ; qu'en tout état de cause, les produits diffusés par STMB ne sont pas identiques à ceux commercialisés par la société SAB diffusion ; qu'en outre, le 1er juillet 1996, il n'existait plus d'obligation d'exclusivité compte tenu des termes de l'avenant du 11 janvier 1996 et de la commune intention des parties ;

Considérant que M. Bernède soutient enfin que la société SAB diffusion, déboutée de cette demande, n'a pas subi d'atteinte à son image ; que pour preuve, son chiffre d'affaires a doublé entre 1993 et 1995 ce qui a permis à la société SAB diffusion de s'approprier partie de la clientèle de M. Bernède à la suite de l'avenant du 11 janvier 1996 ;

Mais considérant, premièrement, que si l'action en concurrence déloyale de droit commun relève des principes de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle, régie par les articles 1382 et 1383 du Code civil, en revanche, l'action en concurrence déloyale dans les rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants trouve un fondement légal dans la loi n° 91.593 du 25 juin 1991; que de plus, en l'espèce, le contrat d'agent commercial conclu entre les parties le 1er janvier 1994 a expressément mis à la charge de l'agent commercial une obligation de non-concurrence (article 2 du contrat) ;

Considérant, deuxièmement, que l'avenant du 11 janvier 1996 a supprimé la clause d'exclusivité géographique, mais dispose expressément (article 5) que toutes les dispositions du contrat initial ne sont pas modifiées; qu'ainsi, contrairement aux affirmations de M. Bernède, la commune intention des parties a été de ne pas modifier la clause de non-concurrence; que d'ailleurs, la suppression de la clause d'exclusivité territoriale a été accompagnée d'une augmentation du montant des commissions;

Considérant, troisièmement, qu'il ressort des documents produits aux débats que les sociétés SAB diffusion et STMB diffusent toutes deux des profilés en aluminium; que compte tenu de leurs activités, de leur zone géographique de marchés, elles sont concurrentes; que M. Bernède, qui conteste l'authenticité des documents produits par la société SAB diffusion ne rapporte pas la preuve que ces documents constitueraient des faux en écritures; qu'au contraire, la Cour puise dans ces documents suffisamment d'éléments pour établir la preuve que M. Bernède a exercé son activité pour le compte de la société STMB; que, sur ce point, la cour se réfère à la motivation des premiers juges qui ont analysé justement les documents;

Considérant ainsi que la cour confirmera le jugement en ce qu'il a jugé que M. Bernède n'a pas respecté son obligation de non-concurrence et a commis une faute dans l'exécution de son contrat;

Considérant, enfin, que la société SAB diffusion n'ayant pas formé appel incident sur le quantum des dommages-intérêts du chef de la concurrence déloyale, de même que sur la faute qu'aurait commise M. Bernède quant au respect de l'image de la société, la Cour confirmera purement et simplement le jugement de ces chefs ;

2- Sur les demandes de M. Bernède au titre des commissions :

Considérant que M. Bernède soutient que la société SAB diffusion a utilisé des manœuvres dolosives dans l'intention de le déposséder de sa clientèle et surtout, de sa rémunération ; qu'ainsi, dès juin 1994, la société SAB diffusion a diffusé une liste de ses clients incluant ceux directement démarchés par M. Bernède ; que de même, il s'est vu refuser le droit de se rendre au salon "Batimat" en 1995, passage obligé pour tous les professionnels du bâtiment ; qu'encore, M. Bernède a, en 1994 et 1995 trouvé de nombreux clients commandant du mobilier "SAB diffusion", clients qui ont ensuite directement commandé des produits à la société alors que M. Bernède doit recevoir une commission (sociétés ABCA-Air Liberté, Cloiseurope-Galeries Lafayette, Seage-France Télécom, EDF) ; qu'ainsi, la société SAB diffusion a dissimulé ou réduit le taux des commissions dues qui se chiffrent à 70.364,87 F hors taxes ;

Mais considérant que M. Bernède a pris l'initiative de rompre le contrat d'agent commercial par courrier du 1er juillet 1996; qu'il vient d'être jugé qu'il avait violé son obligation légale et contractuelle de non-concurrence; qu'en tout état de cause, il ne peut prétendre au versement de commissions sur les ventes réalisées après le 11 janvier 1996 auprès de clients qu'il avait démarchés puisqu'il ne bénéficiait plus de l'exclusivité territoriale; que de même, le contrat ayant cessé de produire ses effets le 7 août 1996, il ne peut solliciter des commissions de janvier à mai 1997 ;

Considérant ainsi que faute de rapporter la preuve des commissions qui seraient dues, M. Bernède sera débouté de sa demande ;

3- Sur les autres demandes :

Considérant qu'eu égard aux agissements de M. Bernède, il ne saurait lui être accordé une indemnité de résiliation ;

Considérant de même que M. Bernède ne rapporte pas la preuve, bien au contraire, de la mauvaise foi de la société SAB diffusion dans ses relations contractuelles ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Considérant que M. Bernède qui succombe en son appel sera condamné à verser à la société SAB diffusion la somme de 7.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne M. Bernède à verser à la société SAB diffusion la somme de 7.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne M. Bernède aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Verdun-Seveno, avoué, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.