Cass. soc., 20 avril 1989, n° 85-46.059
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Cacao Barry (SA)
Défendeur :
Beron
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cochard
Rapporteur :
M. Guermann
Avocat général :
M. Gauthier
Avocats :
SCP Vier, Barthélemy
LA COUR : - Sur les deux premières branches du deuxième moyen : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 novembre 1985) que M. Beron, embauché le 1er janvier 1973 par la société Cacao Barry en qualité de représentant à carte unique, a été licencié le 9 mars 1983 pour avoir refusé la transformation de son contrat de travail en contrat d'attaché commercial le plaçant en situation d'étroite dépendance à l'égard des responsables du service commercial et entraînant notamment, outre la perte du statut de VRP, une modification de son secteur d'activité, ainsi que de son mode de rémunération aboutissant dans l'immédiat à une réduction de celle-ci ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Beron une indemnité de clientèle, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que l'article 14 de la convention collective interprofessionnelle du 3 octobre 1975 règle les conditions dans lesquelles les représentants peuvent revendiquer le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture ; qu'il précise que cette indemnité ne peut bénéficier au représentant qu'à la condition qu'il ait renoncé à l'indemnité de clientèle au plus tard dans les trente jours suivant l'expiration du contrat de travail ; qu'il ne règle donc en aucune façon la question de savoir si, lorsque l'employeur a spontanément versé les indemnités conventionnelle et spéciale de rupture et que le salarié a, comme en l'espèce, accepté ces versements, celui-ci peut être considéré comme ayant renoncé à l'indemnité légale de clientèle, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait et en condamnant la société à verser à M. Beron cette indemnité légale au motif qu'il n'avait pas expressément renoncé à celle-ci dans les conditions fixées par l'article 14 de la convention collective, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions dudit article ; alors, d'autre part, que dans ses écritures d'appel, la société Cacao Barry avait fait valoir - sans être contredite par M. Beron - que celui-ci, délié de la clause de non-concurrence avait pu, dans le cadre de l'emploi qu'il avait retrouvé après son licenciement, prospecter la même clientèle pour des produits similaires et conserver ainsi la clientèle qu'il avait prétendument apportée, de sorte qu'en se fondant sur le motif purement avoué et gratuit que M. Beron n'aurait retrouvé que partiellement sa clientèle sans préciser les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a encore entaché son arrêt d'un net défaut de base légale au regard des dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement décidé que seule une renonciation expresse à l'indemnité de clientèle dans les conditions fixées par l'article 14 de l'accord national interprofessionnel au profit de l'indemnité spéciale était de nature à affranchir l'employeur de son obligation à la première de ces indemnités ; Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a souverainement apprécié que M. Beron avait, après un temps, retrouvé partiellement sa clientèle pour des produits similaires à ceux de la société Cacao Barry ;
Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour décider que le licenciement de M. Beron était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à relever que la société n'avait donné à la modification du contrat de travail de l'intéressé, aucun autre motif que ceux économiques qui ont été soumis à l'inspecteur du travail ; qu'en statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé ;
Et sur la troisième branche du deuxième moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu qu'après avoir déclaré qu'il fallait déduire les sommes versées à M. Beron au titre d'indemnités conventionnelle et spéciale de rupture du montant de l'indemnité de clientèle qui lui était due, la cour d'appel a condamné la société Cacao Barry à payer le montant de l'indemnité de clientèle ; Qu'il existe dès lors une contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt qui, ainsi, a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen : - Vu les articles L. 151-9 du Code du travail et 1153 du Code civil ; - Attendu que l'arrêt a condamné la société Cacao Barry à payer à M. Beron les intérêts légaux de l'indemnité de clientèle allouée, à compter du jour de la demande ; Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de clientèle est destinée à réparer un préjudice et qu'une créance indemnitaire ne produit d'intérêts qu'à compter du jour où elle est fixée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement dans celles de ses dispositions relatives aux dommages-intérêts pour licenciement abusif et aux intérêts moratoires sur l'indemnité de clientèle, ainsi que dans la limite de la troisième branche du deuxième moyen, l'arrêt rendu le 14 novembre 1985, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Metz ;