CA Montpellier, ch. soc., 2 avril 1997, n° 95-00412
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aubert (SARL)
Défendeur :
Flenet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Delmas
Conseillers :
M. Gaillard, Mme Bergouniou
Avocats :
Mes Fischer, Seguier.
Faits, procédure, prétentions des parties :
Serge Flenet a été engagé par la SARL Aubert par contrat à durée indéterminée en qualité de VRP statutaire.
Par avenant du 1er septembre 1991, les parties ont convenu que Monsieur Flenet exercerait son emploi en qualité de VRP monocartes à compter de cette date.
Monsieur Flenet s'est vu notifier son licenciement économique selon lettre recommandée avec accusé de réception du 5 octobre 1993, le motif invoqué étant le suivant : "la conjoncture ainsi que l'état actuel de notre marché ne nous permettent plus de maintenir votre poste dans notre société".
Par jugement du 10 janvier 1995, le Conseil de prud'hommes de Béziers, statuant en formation de départage, a condamné l'employeur à payer au salarié :
- à titre d'indemnité de clientèle 240.000 F,
- en contrepartie de l'obligation de non-concurrence et à compter du 5 octobre 1993, une indemnité mensuelle brute de 7.962 F,
- à titre de solde de commissions (affaire Eram) 5.555 F,
les dites sommes devant être compensées avec celle de 10.231,05 F due par Serge Flenet à son employeur au titre de l'indemnité de préavis.
La SARL Aubert a régulièrement relevé appel de ce jugement. Elle fait valoir que Monsieur Flenet ayant adhéré à la convention de conversion et n'ayant pas ultérieurement contesté le caractère économique du licenciement, le contrat a été rompu d'un commun accord entre les parties ; que l'indemnité de clientèle n'est donc pas due.
Sur l'indemnité de non-concurrence, elle en conteste également le bien fondé, l'intimé ayant commis à son détriment des actes de concurrence déloyale en essayant de détourner la clientèle de la société Aubert à son profit.
Reconventionnellement, elle demande la condamnation du salarié à lui payer la somme de 122.772,60 F au titre de la clause pénale prévue à l'article 9 du contrat de travail initial, pour violation de l'obligation de non-concurrence, ainsi que celle de 10.231,05 F au titre du préavis indûment perçu.
Elle sollicite enfin la condamnation de l'intimé à lui payer la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Serge Flenet soutient que l'indemnité de clientèle lui est due dans la mesure où la rupture de son contrat de travail est imputable à l'employeur ; que l'indemnité de non-concurrence lui est également due, le marché Eram traité par lui et que lui reproche l'employeur l'ayant été antérieurement au licenciement et à la demande de la société Aubert.
Il conclut en conséquence à la confirmation du jugement dont appel, sauf sur le remboursement de la somme perçue au titre du préavis, dont il estime que l'employeur reste redevable.
Il demande enfin la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motivation :
Sur l'indemnité de clientèle :
Par courrier du 18 octobre 1993, Monsieur Flenet a expressément accepté la convention de conversion qui lui était proposée. Il a bénéficié, suite à cette acceptation, d'une indemnité de rupture calculée comme l'indemnité de licenciement.
Aux termes de l'article L. 321-6 du Code du travail, le contrat de travail d'un salarié ayant accepté de bénéficier d'une convention de conversion, est rompu "du fait du commun accord des parties".
Il y a lieu d'en déduire qu'en l'absence de contestation ultérieure du motif économique du licenciement et de remise en cause de la convention de conversion, la rupture du contrat de travail ne résulte pas du seul fait de l'employeur et que l'indemnité de clientèle prévue à l'article L. 751-9 du Code du travail n'est pas due en l'espèce, son cumul avec l'indemnité spéciale de rupture n'étant pas possible. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur l'indemnité de non-concurrence :
L'article 9 du contrat de travail de Monsieur Flenet prévoyait expressément une clause de non-concurrence pendant un délai de deux ans à compter de la rupture du contrat.
En l'espèce, l'employeur a délié Monsieur Flenet de sa clause de non-concurrence par courrier du 16 novembre 1993. Cette renonciation, notifiée plus de quinze jours après la rupture du contrat de travail, n'est pas valable au regard des dispositions de l'article 17 de la convention collective applicable ; la contrepartie pécuniaire reste en conséquence due au salarié.
La SARL Aubert invoque en l'espèce, pour se libérer de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, la violation de cette clause par son ancien salarié. Or, comme l'ont très justement souligné les premiers juges, la poursuite par l'intimé d'une relation contractuelle avec la SARL Eram courant octobre 1993 est intervenue au nom et pour le compte de l'appelante, et avec l'accord de cette dernière.
La société Aubert ne conteste d'ailleurs pas devoir à Monsieur Flenet les sommes correspondant à la commission Eram, démarchée avant le licenciement, ainsi qu'en témoigne son courrier du 18 mars 1994.
La décision dont appel sera donc confirmée sur ce point.
Sur l'indemnité de préavis :
Aux termes de l'article L. 751-5 du Code du travail, Serge Flenet, employé par la SARL Aubert depuis plus de deux ans, a droit à une indemnité de préavis d'au moins trois mois de salaire.
En application de l'article L. 321-6, l'employeur reste tenu de payer au salarié, le solde de ce qu'aurait été l'indemnité de préavis si elle avait correspondu à une durée supérieure à deux mois. C'est donc à tort que les premiers juges ont condamné l'intimé à rembourser à l'appelante la somme de 10.231,05 F au titre du troisième mois de préavis, qui reste dû. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
L'équité ne commande pas, en l'espèce, qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de quiconque.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare l'appel formé par la SARL Aubert recevable, Au fond, réformant le jugement déféré, Dit que Serge Flenet n'est pas fondé à percevoir l'indemnité de clientèle, qui ne peut se cumuler avec l'indemnité spéciale de rupture ; Dit que la somme de 10.231,05 F correspondant au troisième mois de préavis reste acquise au salarié ; Confirme la décision entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de quiconque ; Condamne l'appelante aux dépens.