Cass. soc., 25 mai 1981, n° 79-41.618
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Peignon
Défendeur :
Tapis Nelca
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Laroque
Rapporteur :
M. Astraud
Avocat général :
M. Ecoutin
Avocats :
Mes Goutet, de Ségogne
LA COUR : - Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 455 du Code de procédure civile, défaut de motif, manque de base légale, dénaturation de témoignages : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 17 mai 1979) d'avoir décidé que Peignon, entré en novembre 1967 en qualité de représentant au service de la société anonyme Tapis Nelca et par elle licencié sans préavis ni indemnité le 19 avril 1977, s'était rendu coupable de la violation du contrat le liant à cette société et de concurrence déloyale envers elle, commettant ainsi une faute lourde privative de toute indemnité, au motif qu'au cours de l'année 1976 et des premiers mois de 1977, il avait déployé, au bénéfice de la société concurrente Kosset représentée par Linskens, auprès de la société Gagneux cliente de la société Tapis Nelca une activité préjudiciable aux intérêts de cette dernière, alors que, d'une part, il résulte de l'enquête que Gagneux a reconnu que la collection Kosset lui avait été envoyée sur l'initiative de Linskens et avec son accord en juillet 1976 et n'a plus soutenu que Peignon lui avait présenté cette collection, que d'autre part, l'activité attribuée à Peignon depuis octobre 1976 jusqu'à son licenciement se réduit à sa visite au magasin d'Alençon du 9 février 1977 provoquée par Gagneux, au cours de laquelle il n'a fait aucune présentation d'échantillons Kosset et n'a pris aucune commande au nom de Kosset de sorte que la société Tapis Nelca ne pouvait être considérée comme ayant fait la preuve des faits allégués, qu'enfin, à supposer établis les faits retenus par l'arrêt contre Peignon ils ne pouvaient sans dénaturation des témoignages de Gagneux, Mme Coupry et Linskens, être considérés comme prouvant que les interventions de Peignon aient eu un rôle décisif pour l'établissement de relations entre les sociétés Gagneux et Kosset ni qu'ils aient présenté les caractères que la cour retient pour caractériser la faute lourde;
Mais attendu que les juges du fond, analysant sans les dénaturer les documents qui leur étaient soumis et appréciant la valeur et la portée des témoignages recueillis, ont estimé que les initiatives prises par Peignon au profit de la société Kosset ne constituaient pas de simples actes épisodiques mais présentaient les caractères d'une action cohérente et concertée ayant eu pour effet d'introduire de façon décisive Linskens à la société Gagneux, de participer à la présentation de la totalité de la collection de Kosset, non seulement des modèles les plus différents, mais aussi de ceux les plus semblables aux produits Nelca, et de persister pendant plusieurs mois dans cette activité jusqu'à ce que la société Tapis Nelca s'en fut émue, ce qui constituait de la part de Peignon une violation de l'obligation de fidelité que lui imposait son contrat du 3 novembre 1967, lequel lui interdisait de vendre non seulement des produits analogues mais même des produits susceptibles de concurrencer ceux de la maison Tapis Nelca sans que soit exigée la similitude et sans distinguer entre le caractère direct et indirect de la concurrence; que Peignon ne saurait actuellement, par une discussion de fait reprenant un à un les divers témoignages recueillis au cours de l'enquête, remettre en cause cette appréciation devant la Cour de cassation; d'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 455, 458 et 700 du Code de procédure civile, défaut de motifs, manque de base légale : - Attendu qu'il est encore reproché au même arrêt d'avoir condamné Peignon à rembourser les frais de la procédure de défense à exécution provisoire engagée par la société Tapis Nelca contre le jugement prud'homal du 8 novembre 1977 alors que l'employeur ayant pris l'initiative de cette procédure et succombe dans sa prétention, le salarié ne pouvait être condamné sans motif à en rembourser les frais ;
Mais attendu que la procédure de défense à exécution provisoire ne constituait qu'un incident survenu au cours de l'instance opposant les parties en présence et avait été rendue nécessaire par le fait que Peignon avait poursuivi à ses risques et périls l'exécution du jugement du Conseil de prud'hommes frappé d'appel, celle-ci avait le pouvoir, comme elle l'a fait, de condamner le demandeur initial, qui avait succombé dans ses prétentions, aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'exécution provisoire dudit jugement et de la procédure de défense à cette exécution, sans être tenue d'assortir, de ce chef, sa décision d'une motivation particulière; d'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette les premiers et troisième moyens ;
Mais sur le deuxième moyen : -Vu l'article L. 751-8 du Code du travail; - Attendu qu'il résulte de ce texte, que quelle que soit la cause de la cessation des services de l'employé, celui-ci a toujours droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement, mais qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ;
Attendu que pour débouter Peignon de toutes ses demandes formées contre la société Tapis Nelca y compris sa demande en paiement de commissions de retour sur échantillonnages, l'arrêt attaqué a retenu que la violation des dispositions du contrat et la concurrence déloyale établies à l'encontre du salarié constituaient, eu égard aux circonstances et par leur nature, une faute lourde privative de toutes indemnités; qu'en statuant ainsi par ce seul motif,alors que la cause de la cessation des services d'un représentant ne saurait le priver de telles commissions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule dans la limite du deuxième moyen, l'arrêt rendu entre les parties le 17 mai 1979 par la Cour d'appel de Rouen ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.